1978.00.De Francis Ley - Banque Worms.Historique de la Banque Worms - version préparatoire
NB : Note de synthèse des renseignements collectés en préparation à la rédaction du livre intitulé Cent Ans, boulevard Haussmann.
La copie-image de ce document, établi sur traitement de texte, n'a pas été conservée.
Banque Worms
Cinquante ans d'activité
1928-1978
Sources et documentation
I - Sources
1) Archives de Monsieur Clive-Worms - Paris
Aubergenville :
2) Archives de MM. Worms & Cie
3) Archives de la Banque Worms
4) Témoignages : propos recueillis auprès de Madame Hypolite Worms, Messieurs Raymond Meynial, Guy Brocard, Robert Dubost, Philippe Simoni, William Mannings, Madame Simone Tournier, Messieurs Henri Nitot, Pierre Poulain, Cdt André Ragault.
II - Documentation (la mention BN indique la cote à la Bibliothèque nationale)
A - Concernant la Maison Worms directement :
1) "Un centenaire : 1848 - 1948 Worms & Cie" - Maurice Ponsot édit. - Paris, 1949 (BN 4°V.22774)
2) "Discours prononcés à l'occasion du centenaire de la Maison Worms" - Imprimerie Union - Paris, 1949
5) "Hypolite Worms" - édit. Draeger Frères - Montrouge, 1953 (BN 4°Ln27-87.887)
4) "Worms & Cie" - plaquette éditée en 1971
5) "MM. Worms & Cie" - plaquette éditée par Graphis - Paris, 1972
6) "MM. Worms & Cie" - plaquette éditée par Graphis - Paris, 1976 (à jour au 1er janvier 1977)
7) Banque Worms - rapport du conseil d'administration et bilan des exercices 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972, 1973, 1974, 1975, 1976, 1977
8) Banque Worms - service de documentation financière
Dossier "Banque Worms" - extraits de la presse financière de l'année en cours et des trois précédentes années
9) Vial et Capon - "Un juif patriote : Cerf Worms (1784)" - Éditions de Hugonis - Paris 1898 (BN Ln27-46.294)
10) "Les documents politiques, diplomatiques et financiers" (AIII) de Roger Mennevée - (BN 4°G1532)
Année 1947 n° de janvier
Année 1948 n° de janvier, février, mars, avril, mai, juin, août, décembre
Année 1949 n° de février, mars, mai, juin, juillet, novembre, décembre
Année 1950 n° de mars, octobre, décembre
Année 1951 n° de mars
Année 1952 n° de janvier, avril, juin, décembre
Année 1955 n° de février
Année 1957 n° d'octobre, novembre, décembre
Année 1958 n° de février
Année 1959 n° de mars
Année 1962 n° de février, avril, juin
Année 1963 n° de mars
Année 1964 n° de novembre
Année 1965 n° de février, mars, avril
Année 1966 n° de juin, octobre
Année 1967 n° de janvier, mars, avril, Mai, Septembre, octobre, novembre, décembre
Année 1968 n° de juillet
11) Brochure éditée par MM. Worms & Cie, en 1947, "Statement relating to the wartime activities of the firm of Worms & Cie, Paris, France", Paris le 20 septembre 1947, en réponse au livre du Professeur à Harvard, William L. Langer - "Our Vichy Gamble" (A. Knopf Inc. - New York, 1947 - en anglais)
12) Articles importants
a) "Carrefour" du 18.10.1961 : "Voici la Maison Worms" par Gilles Roche
b) "Entreprise" du 23.11.1968 : "Si Worms m'était conté..." par Pierre Linde
c) "Journal des Finances" du 14.05.1970 : "Monsieur Raymond Meynial, associé commandité - gérant de Worms & Cie"
B - Quelques ouvrages citant la Maison Worms et ses associés
1) Anatole de Monzie, "Ci-devant" - Flammarion, Paris, 1942 (BN 8°La42-6a)
2) Pierre Limagne, "Éphémérides des quatre années tragiques 1940-1944", Bonne Presse, Paris, 1945 (2 tomes) (BN 4°G2326 (1) et (2))
3) Dumoulin de La Barthète, "Au temps des Illusions", Le Cheval Ailé (Georg) Genève, 1946 (BN 16°Lb58-431)
4) Pierre Nicolle, "Cinquante mois d'armistice" (Vichy 2.7.1940-26.8.1944) - Éditions André Bonne, Paris, 1947 (2 tomes) (BN 16°Lb58-440)
5) William L. Langer, "Our Vichy Gamble", A. Knopf Inc. New York, 1947 (BN 8°G15071), édition française "Le jeu américain à Vichy", Plon, Paris, 1948 (BN 16°G783)
6) Paul Baudouin, "Neuf mois au gouvernement" (avril-décembre 1940), La Table Ronde, Paris, 1948 - (BN 16°La42-85)
7) "Commission parlementaire d'enquête sur les événements survenus en France, de 1933 à 1945" par Pierre Serre, Presses universitaires de France, Paris, 1951 - "Dépositions" - Tomme VIII - (BN 4°La42-107 (II-8))
8) Robert Aron, "Histoire de Vichy", Fayard, Paris, 1954 (BN 8°G 15.679 (1))
9) Robert Aron, "Histoire de l'Épuration", Fayard, Paris, 1967 - 1975 (3 volumes en 4 tomes) (BN 8°G 1679-33, I à IV)
10) Jules Moch, "Une si longue vie" - Robert Laffont, Paris, 1976, (BN 8°Ln27-91743)
C - Ouvrages sur les banques et l'économie (période 1928-1976)
1) Crédit lyonnais, "Un siècle d'économie française" (1863-1963), édité par le Crédit lyonnais pour son centenaire - Paris 1963 (BN 8°LO2-I)
2) Société Générale, "La Société Générale : 1864-1964", édité par la Société Générale pour son centenaire, Paris, 1964 (BN Fol.LO2-3)
3) Alfred Sauvy, "Histoire économique de la France entre les deux guerres (1918-1939)" - Tome III - Fayard, Paris, 1972 - Chapitre "Les banques" par Jean Bouvier (BN 8°LO1-35(3))
4) A. Pose, "Les banques françaises de 1939 à 1946" dans "Revue d'économie politique", n° de septembre 1947 (Sirey) (BN 8°R8471)
5) Jean Bouvier, "Un siècle de banque française", Hachette, Paris, 1973 (BN 8°LO2-67)
6) G. Petit-Dutaillis
a) "Le crédit et les banques", Sirey, Paris, 1964 (BN 8°R-64.160 (I6))
b) "La banque française" - Ediscience, Paris, 1974 (évolution de l'activité et des structures), (BN 8°LO2-70)
D - Divers
Edgar Faure, (préface d'Anatole de Monzie), "Le pétrole dans la paix et dans la guerre", Impressions contemporaines, Nouvelle Revue Critique, Paris, 1939 (BN 8°G-13 162 (31))
Sommaire
Date de création des Services bancaires
Avertissement
Antécédents familiaux
Worms & Cie de 1914 à 1927
Les Services bancaires de Worms & Cie : 1928-1939 (de la grande crise à la deuxième guerre mondiale)
Les Services bancaires : 1940-1944 (la guerre et la France occupée)
Les Services bancaires : 1945-1962 (reconstruction et nouvel essor)
Des Services bancaires à la Banque Worms : 1963-1978 (ouverture vers l'étranger et solide implantation en province)
Annexes
En guise de conclusion : le Groupe Worms en 1977-1978
Date de création des Services bancaires de Worms & Cie
Le premier exercice complet des Services bancaires fut l'année civile 1929. La date de 1929 a été jusqu'ici retenue comme celle de la création des services bancaires de Worms & Cie. C'est elle qui figure dans "Livre du Centenaire - 1848-1948" (page 105), dans la plaquette "MM. Worms & Cie" (pages 2 et 3) éditée en 1972 et dans la plaquette "MM. Worms & Cie " (pages 2 et 4) nouvelle version mise à jour au 1er janvier 1977.
Sur le plan purement historique, cette date est inexacte ; en effet :
1) Monsieur Ferdinand Vial, ex-inspecteur de la Société générale, a été engagé le 4 juillet 1928 avec le titre de "chef des Services bancaires de MM. Worms & Cie" ;
2) on relève, au registre du commerce de la Seine, une mention modificative datée du 11 juillet 1928 : « ajouter à l'objet social : opérations de banque et de change, omis sur la première déclaration » ;
3) dans l'acte du 10 décembre 1964 qui modifiait l'acte constitutif du 14 octobre 1964 de la Société financière Worms & Cie en raison d'apports supplémentaires que Worms & Cie faisait à la nouvelle société, l'un des biens énumérés sous le 1°) était : « le fonds de commerce de banque, créé par Worms & Cie en 1928, et exploité sous le n°200 de la liste des banques du ministère des Finances et des Affaires économiques... »
Ces documents de nature aussi diverse et émanant :
1) des archives de la direction du personnel de la Banque,
2) du registre du commerce de la Seine,
3) des actes sous seing privé signés par les associés de la Maison Worms portent tous une date absolument unique : 1928. Et on peut même préciser que la création des Services bancaires est du tout début du mois de juillet 1928.
Cette date se trouve de plus confirmée par le fait que Monsieur Jacques Barnaud (que Monsieur Hypolite Worms prit à ses côtés en juillet 1927) obtint sa mise en disponibilité du ministère des Finances en date du 12 juillet 1927 et qu'il effectua un "tour de Maison" d'environ 1 an qui le conduisit aux Chantiers du Trait, à l'agence du Havre, à celles d'Angleterre et enfin aux agences en Égypte. Il ne prit effectivement son poste de directeur général de Worms & Cie qu'au cours du 2ème trimestre de 1928 et s'occupa alors de la création des Services bancaires en plein accord avec le chef de la Maison. Pour plus de précision on note au registre du commerce de la Seine, par voie modificative en date du 11 juillet 1928, la nomination de Monsieur Jacques Barnaud comme directeur général de Worms & Cie.
Avertissement
L'historique de la Maison Worms & Cie a déjà été retracé par une plume experte et se trouve contenu dans le livre du "Centenaire - 1848-1948".
Il ne s'agit donc pas de le récrire - sur un ton qui serait probablement moins heureux - en lui ajoutant simplement le récit des trente années qui se sont écoulées depuis lors.
Notre propos est de centrer sur les Services bancaires de Worms & Cie, d'abord, et de la Banque Worms, ensuite, l'histoire de la naissance, de la croissance et du développement d'une entreprise qui est devenue l'une des grandes banques d'affaires de notre pays, et de percevoir au travers de celle-ci l'évolution de tout un groupe.
Le jubilé de la Banque Worms, en 1978, ne mérite-t-il pas aussi d'être célébré par une publication du souvenir ?
Le texte lui-même n'est qu'un premier jet hâtif devant constituer une trame sur laquelle un travail de mise au point pourra être effectué. Son but est de réunir sous une forme pratique un maximum de renseignements matériels utilisables pour édifier un meilleur ensemble.
[Signé :] Francis Ley
Antécédents familiaux
La famille Worms, originaire du Palatinat, vint s'installer en 1682 à Sarrelouis (généralité de Metz) lors de la fondation de cette ville par Louis XIV.
Une lettre du duc d'Antin du 12 décembre 1715 désignait Olry Worms comme pourvoyeur en viandes des troupes du Roi à Sarrelouis.
Les deux fils de ce dernier, Hayem (l722-1812) et Cerf Worms, eurent une attitude patriotique remarquable, lors des disettes des années 1770, 1771, 1777 et 1780, en distribuant du blé et des viandes au prix coûtant ou même à perte. Aussi bénéficièrent-ils, dès juillet 1787, de lettres patentes du Roi.
Hayem eut à son tour deux fils, Léon-Hayem (l772-1839), important négociant d'étoffes (rouenneries) à Metz, associé de Schwabe et Worms, et Olry-Hayem (1759-1849) qui vint s'établir à Paris en 1790 et y fonder sous le directoire une maison de banque qui dura jusqu'en 1826, date à laquelle elle fut liquidée à l'amiable par son fils Félix. Sa position de banquier lui permit d'être nommé par les Consuls, en 1801, adjoint au maire du 5e arrondissement, charge qu'il conserva jusqu'en 1814 et dont il se retira décoré de la Légion d'honneur.
Le deuxième fils de Léon-Hayem, Abraham-Adolphe Worms, (1799-1843) acquit à Paris, chez son oncle Olry-Hayem Worms de Romilly une solide formation bancaire. Il retourna à Metz sa ville d'origine pour y créer sa propre banque.
Le troisième fils de Léon-Hayem se nommait Hypolite Worms (18O1-1877) et fut le véritable fondateur, en 1848, de la Maison Worms. Ayant épousé en 1837 la fille du banquier Isaac Goudchaux, de Nancy, il vint à Paris en qualité d'associé de la banque des Frères G. et J. Goudchaux, proches parents de son beau-père. Il allait exercer dans la capitale, de 1837 à 1848, pendant onze ans, la profession de banquier. Mais quand Michel Goudchaux, le principal associé d'alors, devint ministre des Finances du gouvernement provisoire de la Deuxième République, en février 1848, Hypolite Worms se vit chargé par celui-ci de mettre fin à leur maison de banque.
Rendu ainsi disponible, Hypolite Worms créa l'importante maison qui porte toujours son nom et dont l'activité initiale d'importation de charbons anglais fut bientôt complétée par l'armement maritime. Dès le milieu du XIXe siècle, aux grandes dates de notre histoire : guerre de Crimée, percement du canal de Suez, guerre de 1870, les combustibles et la flotte Worms furent d'une utilité notoire.
Après la mort d'Hypolite Worms, les nouveaux statuts établis au début de 1881 qui consacraient l'entrée dans la société Worms & Cie d'Henri Goudchaux, neveu de l'ancien ministre des Finances, portaient en toutes lettres dans leur objet social "les opérations de banque et de change national et international".
Ainsi, tout au long du XIXe siècle, des membres de la famille Worms ou de la société Worms & Cie ont désiré bénéficier des dispositions de la loi du 14 septembre 1807 qui stipule : "La loi répute actes de commerce toute opération de change, banque et courtage.... toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers" étant entendu qu'à l'époque la pratique du commerce de banque se trouvait être entièrement libre. Il faudra en effet attendre 1941 et 1945 pour avoir un ensemble de lois qui régissent la profession bancaire.
- Worms & Cie : de 1914 à 1927 -
Le petit-fils du fondateur de la Maison portait non seulement le nom patronymique mais aussi le prénom de son grand-père. Hypolite Worms, né à Paris en 1889, entra dans la société Worms & Cie en 1908. Pour sa formation il effectua des stages à Cardiff, en plein bassin houiller du Pays de Galles, à Port-Saïd, important dépôt et escale maritime, enfin à l'agence du Havre sous la direction de Georges Majoux, futur associé.
En décembre 1910, il devenait associé en nom collectif de Worms & Cie. A cette date la Maison possédait 17 navires et 21 comptoirs tant en France qu'à l'étranger. Lucien Worms, père d'Hypolite, décédait juste avant la grande guerre, en juillet 1914. Un nouvel acte social devint nécessaire et fut établi en décembre 1915 qui donna à Hypolite Worms la signature sociale en tant qu'associé-gérant. C'était au moment où Henri Goudchaux, qui avait tant oeuvré pour la société, se retirait des affaires étant gravement malade ; il allait mourir peu après, en avril 1916. Hypolite Worms prit alors effectivement la tête de sa Maison.
Dès 1913, il avait déjà eu des contacts avec Anatole de Monzie, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande. En juillet 1917, en pleine guerre, Anatole de Monzie créait le Comité des transports maritimes de la Marine marchande", dit Comité des cinq, dans lequel un siège fut réservé à Worms & Cie : Messieurs Majoux et Worms y représentèrent successivement la Maison. Mais en octobre 1917 le besoin d'un Comité de contrôle de la flotte marchande se fit sentir ; il fut également composé de cinq membres, dont Hypolite Worms.
Inquiet des lourdes pertes que subissait la flotte marchande française sous les effets de la guerre sous-marine, Anatole de Monzie demanda à divers groupes de s'intéresser à la construction navale afin d'assurer à l'avenir le remplacement des unités coulées et de pourvoir à la reconstitution de la flotte de commerce après la guerre[1].
Pour répondre à cette pressante nécessité, Hypolite Worms et Georges Majoux décidèrent d'édifier au Trait, sur la Seine en aval de Rouen, un chantier de construction navale. Georges Majoux consacra ses forces à sa réalisation et les premiers ateliers furent achevés juste avant l'armistice.
Par arrêté du 30 avril 1918 un Commissariat des transports maritimes fut institué ; présidé par Fernand Bouisson, il comptait parmi ses membres Hypolite Worms. C'était l'époque où un débarquement en Syrie avait été décidé pour prendre les troupes turques à revers. La marine militaire fit appel au chef de la Maison Worms pour organiser très rapidement une base de débarquement, tâche qui fut menée à bien à partir des dépôts de Worms à Port-Saïd. Le ravitaillement continuel de la flotte de guerre en charbon anglais durant toutes les hostilités, la création d'un chantier de construction navale et l'organisation d'une base de débarquement en Syrie ont été les principaux titres à la Légion d'honneur que reçut, début 1923, Hypolite Worms.
Dès 1920 le chef de la Maison Worms avait été nommé membre du Comité central des armateurs de France.
Après la guerre de 1914-1918, la Maison eut une triple activité : le commerce du charbon, le transport maritime, la construction navale nouvellement créée.
Les Services charbonniers s'adonnaient toujours, qu'il s'agisse de charbon de soute ou industriel, à l'importation d'anthracites gallois, mais ceci d'une façon moins exclusive. Ils avaient été, en effet, chargés de recevoir en France le charbon de la Ruhr qui nous était dû au titre des réparations. Après la fin de ces dernières, ils continuèrent à se ravitailler auprès des bassins de la Ruhr et, en plus, ils firent venir de la houille de Pologne où même ils installèrent des agences.
Les Services maritimes eurent d'abord pour tâche, tout en recommençant leur activité, de reconstituer leur flotte dont la moitié avait été détruite pendant les hostilités. En plus du cabotage traditionnel repris normalement dans l'Atlantique, la Manche et la mer du Nord, de nouvelles lignes furent ouvertes vers l'Allemagne et la Baltique orientale. La présence en Méditerranée fut aussi renforcée.
En janvier 1921, Worms & Cie, dont le siège social se situait depuis 1878 au 45, boulevard Haussmann à Paris, possédait des comptoirs à Dunkerque, Boulogne, Dieppe, Le Havre, Rouen, Le Trait, Caen, Concarneau, Audierne, Douarnenez, Brest, Saint-Nazaire, Nantes, Rochefort, Angoulême, Lille, Strasbourg, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Bayonne, Marseille et Toulon, à Alger, Pasajes (Espagne), Cardiff, Newcastle, Great Grimsby, Gool et Hull (Angleterre), Port-Saïd, Suez, Le Caire et Alexandrie (Égypte), Beyrouth (Syrie), Anvers (Belgique), Rotterdam (Hollande), Duisbourg et Hambourg (Allemagne), Dantzig et Varsovie (Pologne), Prague (Tchécoslovaquie) et Arkhangelsk (Russie).
Cette énumération un peu longue permet pourtant de se faire une meilleure idée du réseau établi par la Maison dans notre hémisphère et de ses implantations dont la plus grande partie servait aussi bien à son activité maritime que charbonnière.
En décembre 1925, la flotte des Services maritimes, reconstituée et complétée, comprenait en toute propriété 23 steamers dont une bonne partie portait le nom de crus prestigieux : Barsac, Bidassoa, Cantenac, Caudebec, Cérons, Château-Lafite, Château-Latour, Château-Palmer, Château-Yquem, Fronsac, Haut-Brion, Jumièges, la Mailleraye, Léoville, Listrac, Margaux, Pessac, Pomerol, Pontet-Canet, Sauternes, Séphora-Worms, Suzanne-et-Marie, Yainville.
Les Chantiers de constructions maritimes du Trait menèrent à bien l'édification de leurs différents ateliers de 1918 à 1920. Huit cales furent progressivement construites et des équipements spécialisés permirent la fabrication des coques, des machines marines et des chaudières à vapeur. Le lancement du premier navire eut lieu le 29 novembre 1921 [en présence de M. Rio, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande]. C'était un charbonnier de 4.700 tonnes, le "Capitaine-Bonelli". Bien d'autres bateaux de tous types le suivirent, allant des navires de charge aux unités militaires de moyen tonnage et aux sous-marins.
A la fin de l'année 1925, Hypolite Worms était désigné comme trésorier titulaire du Comité central des armateurs de France.
Durant cette même année, Georges Majoux avait quitté Worms & Cie pour prendre sa retraite. Hypolite Worms et Michel Goudchaux demeuraient ainsi seuls associés gérants. Le chef de Maison pensa qu'il serait utile au développement de la société de s'adjoindre la collaboration d'un financier expert. Il s'en ouvrit, au début de 1926, à son ami, René Thion de La Chaume, président de la Banque de l'Indochine qui ressentait, lui aussi, la nécessité de structurer plus solidement la direction de son établissement. Des contacts eurent lieu avec de hauts fonctionnaires des Finances et il s'avéra que deux d'entre eux désiraient "pantoufler". Il s'agissait de Messieurs Paul Baudouin et Jacques Barnaud, amis de longue date, anciens élèves de l'École polytechnique, inspecteurs des Finances, ayant fait partie, en même temps, du cabinet du ministre des Finances Loucheur en novembre-décembre 1925.
Aussi dans le courant de 1926, René Thion de La Chaume prit-il à ses côtés comme inspecteur général d'abord, puis comme directeur général, Paul Baudouin. Parallèlement, Hypolite Worms engagea, au même titre, Jacques Barnaud chez Worms & Cie en 1927. Ce dernier[2], après un "tour de Maison" qui le conduisit, entre autres, aux Chantiers du Trait et dans les agences du Havre, d'Angleterre et d'Égypte, vint effectivement occuper, au cours du 1er semestre de 1928, son poste de directeur général à Paris.
- Les Services bancaires de Worms & Cie : 1928 - 1939
De la grande crise à la deuxième guerre mondiale -
Dans les remous de l'après-guerre, l'inflation continua de sévir et les crises se succédèrent jusqu'au retour de Poincaré en 1926. Celui-ci se décida, le 25 juin 1928, à "stabiliser" le franc. En consacrant la perte de substance de la monnaie il fixa la nouvelle valeur du franc à 1/5e de celle du franc "germinal" (65,5 milligrammes d'or). La réévaluation de l'encaisse or de la Banque de France permit d'effacer les avances faites à l'État et le cours forcé fut supprimé sous certaines conditions. Comme les deux précédentes années, 1928 paraissait devoir être encore euphorique pour l'ensemble des banques qui voyaient affluer les dépôts à leurs caisses.
Sur le plan économique, Hypolite Worms sentait monter la lente concurrence que le mazout commençait à faire au charbon. A l'époque, en effet, les usines et même les compagnies d'électricité s'équipaient de nouveaux groupes électrogènes mus par des moteurs "Diesel". Et ces mêmes moteurs trouvaient également leur emploi dans la marine. Aussi Hypolite Worms convint-il avec Jacques Barnaud d'entreprendre une activité nouvelle afin de renforcer la progression de sa Maison. Tourné vers l'Angleterre, uni lui-même à une anglaise, il connaissait parfaitement l'origine et l'évolution des "Merchant Banks" qui avaient toutes été, à leurs débuts, des maisons de commerce. Celles-ci, après avoir accru leurs ressources propres, avaient progressivement augmenté leur volume d'affaires et avaient été, de ce fait, amenées à utiliser le crédit en acceptant des traites tirées sur elles. Ces maisons anglaises rendirent des services identiques à d'autres maisons et en vinrent à accepter des traites étrangères en couverture de leurs propres transactions. Leurs acceptations pures et simples finirent par remplacer les opérations sur marchandises ; en suivant une telle évolution, ces commerçants britanniques devinrent des "Merchant Bankers".
Worms & Cie, premier importateur de charbons étrangers en France, armateur, constructeur naval, était une Maison suffisamment connue pour entreprendre un commerce de banque sur le modèle des "Merchant Bankers", du moins au commencement.
Mais en raison de ses relations et de sa clientèle, d'une part, et de l'esprit d'entreprise de ses associés, d'autre part, elle s'orienta bientôt vers une activité de banque d'affaires.
Avec l'accord d'Hypolite Worms, Jacques Barnaud demanda à ses amis et anciens collègues de l'inspection des Finances, Henri Ardant, secrétaire général, et Maurice Lorain, secrétaire général-adjoint de la Société générale, de lui céder un cadre de banque pour la mise en route des Services bancaires de Worms & Cie. C'est de cette manière que Ferdinand Vial, inspecteur à la Société générale et ancien directeur de son agence de Saint-Etienne, entra début juillet 1928 à la Maison Worms & Cie, avec le titre de chef des Services bancaires[3]. Dès le 1er janvier 1929, Jacques Barnaud faisait appel à Erwyn Marin, cadre au ministère des Finances, qu'il avait bien connu et apprécié, rue de Rivoli.
Au commencement du mois de juillet de la même année, il engageait Gabriel Le Roy Ladurie, jusque-là directeur à Katowice de la Banque franco-polonaise, filiale de la Banque de Paris et des Pays-Bas.
Dès l'origine, Worms & Cie mit une dotation de dix millions de francs à la disposition de son département de banque.
Les premières opérations bancaires traitées par les nouveaux services furent principalement des opérations par signature (acceptations de banque). Une partie de la clientèle habituelle du reste de la Maison devint petit à petit cliente des Services bancaires. Les liens de famille et les bonnes relations des associés et de la direction permirent aussi de s'attacher un certain nombre d'affaires dans diverses branches de l'industrie. Tel fut le cas dans le secteur du papier dont Emmanuel Fauchier-Delavigne, beau-frère d'un commanditaire de la Maison, propriétaire des papeteries Maunoury, était vice-président de la Chambre syndicale du commerce des papiers de France. De même dans l'activité de l'alimentation où Jacques Lebel, commanditaire de Worms & Cie, administrateur de la Banque des produits alimentaires et coloniaux, président du Syndicat des produits alimentaires en gros, vice-président du Groupement des industries alimentaires, fut fort utile aux débuts des Services bancaires. Enfin les relations d'affaires de Paul Leroy, également commanditaire, jouèrent favorablement puisqu'il était, entre autres, administrateur de la Société de transports et manutentions - Stemi, et des Chantiers et Ateliers de la Capelette.
Les opérations par signature, l'escompte commercial, créèrent des dépôts qui permirent de nouvelles opérations. L'activité de la banque commerciale se trouvait ainsi bien amorcée.
Mais bientôt, les Services bancaires s'intéressèrent aux opérations financières et de prise de participations.
Dès 1928, Hypolite Worms et Jacques Barnaud abordèrent les grandes affaires internationales. Un groupe de banques formé sous les auspices de Lazard Frères (Paris-Londres et New York) et complété par Worms et Cie, Vernes et Cie, Morgan et Cie, Samuel et Cie et Kreuzer and Toll, fondait la French and Foreign Investing Corporation [ou French and Foreign Investors, Montréal, 437 Saint James Street]. Il s'agissait d'une société holding canadienne, au capital de 12 millions de dollars canadiens, qui avait pour objet la gérance d'un portefeuille de participations prises dans des affaires industrielles françaises ou étrangères. Hypolite Worms et Jacques Barnaud siégeaient tous deux au conseil d'administration. Mais les méfaits de la grande crise amenèrent les fondateurs à dissoudre par anticipation la société et à rembourser son capital.
En 1929, la Compagnie havraise péninsulaire de navigation à vapeur se trouvait en difficulté. La société Worms et Cie qui avait cautionné le paiement des droits de passage du canal de Suez, dus par la Compagnie havraise, et qui avait été amenée à les régler, se trouvait parmi les créanciers importants de cette dernière[4]. Hypolite Worms s'intéressa en tant qu'armateur à l'affaire et estima qu'elle méritait d'être sauvée. Il constitua le 26 mai 1930, avec le concours du Crédit foncier d'Algérie et de Tunisie, le CNEP, Schneider et Cie, la Compagnie générale des colonies et d'autres, une société d'exploitation de la Compagnie havraise péninsulaire de navigation à vapeur au capital de 5 millions de francs.
La crise qui sévissait alors, en particulier dans le domaine maritime, empêcha l'affaire de se redresser et elle fut mise en liquidation amiable. Le liquidateur, par acte du 29 décembre 1933, fit apport à la société d'exploitation de tout l'actif de la compagnie, à charge pour elle d'en payer le passif. Après règlement de cette transaction, la société d'exploitation se transforma en Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire de navigation qui retrouva progressivement un bel équilibre et dont Hypolite Worms assura la présidence jusqu'à sa mort en 1962.
Ainsi, par le biais de ses opérations financières, Worms et Cie doublait ses Services maritimes par l'activité d'une nouvelle compagnie de navigation. Cette dernière exploitait des lignes de long courrier desservant l'Espagne, le Portugal, l'Algérie, l'océan Indien et Madagascar, et même, par l'océan Pacifique, la rive occidentale de l'Amérique du Sud.
A la création de l'Ordre du mérite maritime, Hypolite Worms figura dans les premières nominations au grade d'officier (décret du 14 août 1930) en sa qualité de "chef de la Maison Worms et Cie".
De 1925 à 1929, Hypolite Worms avait déjà siégé au conseil d'administration de la Société française d'entreprises de dragages et de travaux publics (SFEDTP) qui faisait partie du groupe Homberg. Après le krach de ce dernier durant la grande crise, Lazard Frères, Worms et Cie et la Banque de l'Indochine sauvèrent la SFEDTP, et en décembre 1931, Hypolite Worms reprenait sa place au conseil qu'il conservera jusqu'à son décès en 1962.
Au début de 1931, Lazard Frères et Worms et Cie reprirent au groupe Bauer-Marchal le contrôle de la Société immobilière du boulevard Haussmann qui existait depuis 1913 et avait pour objet l'achèvement des aménagements immobiliers à l'entrée du boulevard Haussmann dont le percement était terminé. Mais la crise atteignit également le secteur du bâtiment et des travaux publics et la Société immobilière du boulevard Haussmann connut des déboires jusqu'au moment où la guerre interrompit pratiquement son activité. En juillet 1946, Worms et Cie céda ses intérêts à des sociétés du groupe de la Banque de Paris et des Pays-Bas qui était elle-même déjà entrée dans l'affaire en mars 1940.
A la suite de la loi du 11 décembre 1932 qui fixait le statut de l'aviation marchande, un accord fut conclu entre les diverses compagnies aériennes et le gouvernement. Cet accord déboucha, à la fin du mois d'août 1933, sur la constitution définitive de la société Air-France, Jacques Barnaud fit partie du premier conseil d'administration comme représentant des intérêts que MM. Worms et Cie avaient, avant la fusion, dans le groupe d'Air-Union.
La crise diamantaire et boursière obligea les Établissements Marret, Bonnin, Lebel et Guieu qui exploitaient un fond de fondeur d'or et de métaux précieux ainsi qu'un département bancaire, de conclure un accord avec leurs banquiers le 22 novembre 1932. Parmi eux, MM. Worms et Cie détachèrent de leurs Services bancaires Erwyn Marin comme administrateur-délégué auprès des Établissements Marret, Bonnin, Lebel et Guieu et Jacques Barnaud, associé gérant, fut chargé tant de leur gestion que de leur réorganisation. En 1938 le redressement était réalisé et en 1942 Erwyn Marin prenait la présidence du conseil d'administration. Par acte du 28 juin 1948 enfin, les deux départements de la société firent l'objet d'une cession : les métaux précieux furent repris par le Comptoir Lyon-Alemand et le département de la banque continua son activité en devenant la Société de financement, participation et gestion. Worms et Cie avait présidé à la bonne fin de ces diverses opérations.
A la fin de 1934, un groupe de banques à la tête duquel se trouvaient la Banque de l'Indochine, Worms et Cie et le Crédit foncier d'Algérie et de Tunisie, procéda à la réorganisation financière de la Société d'entreprises de grands travaux hydrauliques - EGTH.
En novembre 1936, Paul Baudouin, directeur général de la Banque de l'Indochine, assuma la présidence du conseil et la société Worms et Cie fut représentée par MM. Rigal, Rialan et Lauret. Ce dernier devenait à son tour président en 1939. Pendant la guerre, la Banque de l'Indochine s'assura la majorité au conseil et présida dès lors aux destinées de la Société EGTH avec l'aide de Worms et Cie.
L'ensemble de ces prises de participation put être réalisé non seulement avec la dotation des Services bancaires, mais aussi grâce aux ressources dont disposaient MM. Worms et Cie. Les nouvelles affaires amenèrent aussi bien des dépôts que des possibilités de remplois et permirent l'accroissement progressif du département de la banque.
Mais elles firent, parmi les nouveaux membres de la direction, des ponctions en hommes, qu'il fallut colmater. Jacques Barnaud, devenu associé-gérant au commencement de janvier 1930, fut de plus en plus occupé par les responsabilités assumées dans des sociétés où MM. Worms et Cie avaient pris des intérêts. Erwyn Marin s'en alla, en février 1931[5], assurer exclusivement la réorganisation des Établissements Marret, Bonnin, Lebel et Guieu. Aussi, la Maison engagea-t-elle, dès octobre 1932, Raymond Meynial, jeune inspecteur de la Société générale qui était nommé, début 1933, fondé de pouvoir des Services bancaires. Puis ce fut Lucien Guérin qui y entra en juillet 1934. Il avait été jusque-là fondé de pouvoir de la Banque de Suède et de Paris et continua son activité de fondé de pouvoir chez MM. Worms et Cie en leur apportant une ouverture nouvelle vers les pays nordiques et scandinaves.
C'est à l'occasion de l'augmentation de capital de douze à quatorze millions des Entreprises Albert Cochery, décidée en son conseil d'administration du 25 octobre 1934, que Worms et Cie s'intéressa à cette affaire et eut un siège au conseil, occupé par la suite par Guy Brocard. Ce dernier, qui avait été inspecteur au Crédit foncier d'Algérie et de Tunisie, puis à la Société générale alsacienne de banque, était entré comme fondé de pouvoir, en janvier 1937, dans les Services bancaires de Worms et Cie.
Hypolite Worms, très attentif au problème du ravitaillement en produits pétroliers, créait en janvier 1936, avec le concours d'un groupe anglais ami, la Société de courtage et d'affrètement pétroliers. Celle-ci avait pour objet l'importation, le transit et le commerce des huiles minérales de pétrole et dérivés, l'affrètement de navires citernes et le transport en général de tout produit pétrolier. Raymond Meynial représentait la Maison au conseil d'administration. Malheureusement, la guerre et l'occupation allemande obligèrent la société à se dissoudre par anticipation, le 31 octobre 1940, en raison de la participation anglaise.
Fin juin 1936, Ferdinand Vial quittait le département de la Banque pour d'autres fonctions dans le Groupe Worms. A partir de cette date Gabriel Le Roy Ladurie prit la tête des Services bancaires en qualité de directeur et s'imposa définitivement par sa haute compétence et ses ressources étendues en contacts humains et de meneur d'hommes.
Mais la direction demandait d être à nouveau étoffée et Guy Brocard vint, au tout début de 1937, lui apporter son concours.
Aux assemblées de mai et d'octobre 1937, MM. Worms et Cie figuraient parmi les deux plus forts actionnaires de la Société française des distilleries de l'Indochine et en 1938 Hypolite Worms vint siéger au conseil aux cotés de son ami René Thion de La Chaume qui allait décéder prématurément le 3 janvier 1940, et fut alors remplacé par Paul Baudouin.
Dans le courant de 1938, la compagnie d'assurances contre les accidents La Préservatrice se trouva en mauvaise posture. Sur les instances du gouvernement, certaines compagnies d'assurances furent invitées à soutenir La Préservatrice dont la réorganisation incomba à Worms et Cie. En avril 1939, une nouvelle direction fut mise en place avec Jean Vinson comme secrétaire général. Dès le mois d'août de la même année le conseil désigna comme administrateur-délégué Robert Cousin qui peu après accéda à la présidence. Le rétablissement de la société s'effectua ainsi progressivement et Raymond Meynial vint en juin 1943 y contribuer en qualité d'administrateur.
Au printemps de 1948, Guy Taittinger, administrateur de la Société Taittinger, qui était entré chez Worms et Cie en novembre 1947, rejoignit Raymond Meynial au conseil de La Préservatrice et y renforça la présence de notre Maison.
C'est en mai de cette même année 1938 que Robert Labbé fit son entrée chez MM. Worms et Cie, comme fondé de pouvoir à signature unique. Il venait de quitter la rue de Rivoli où il avait été jusque-là inspecteur des Finances depuis sa promotion en 1931. Il allait devenir associé en 1940 et associé-gérant en 1944.
Devant le réarmement intensif de l'Allemagne et l'"Anschluss" de l'Autriche, le gouvernement français, anxieux d'une guerre éventuelle, s'inquiéta des moyens de ravitaillement en pétrole de la France. Par décret du 17 juin 1938, le gouvernement demanda à l'Office national des combustibles liquides (ONCL) d'apporter son concours, sous forme de participation au capital et de garantie des emprunts, à une société à créer dans le but d'augmenter le tonnage français en pétroliers.
Hypolite Worms, pressenti, accepta de constituer une telle société qui
vit le jour le 19 septembre 1938 sous la raison sociale Société française de transports pétroliers. Il s'agissait, en fait, d'une société d'économie mixte au capital initial de 30 millions de francs. L'État s'était réservé 30% de celui-ci par l'intermédiaire de l'ONCL et un groupe privé souscrivit les 70% restants. Ce groupe privé réunissait autour de Worms et Cie, MM. Louis Dreyfus et Cie, Desmarais Frères, la Compagnie navale des pétroles, la Compagnie auxiliaire de navigation et Saint-Gobain. Son objet immédiat était d'acquérir, d'armer et d'exploiter des navires-citernes pétroliers pour développer de 25 à 30% au moins le tonnage français en unités de ce type. Dans ce but, une lettre de mission avait été remise, fin juillet déjà, à Worms et Cie, signée par Édouard Daladier[6] - alors chef du gouvernement - en tant que ministre de la Défense nationale, afin de lui faciliter toutes démarches en raison même des circonstances.
Le financement de l'achat des pétroliers devait être assuré par l'émission d'un emprunt obligataire de 200 millions (assorti de la garantie de l'ON?L) qui fut effectivement mis sur le marché financier en janvier 1939. Mais, vu l'urgence des besoins en navires-citernes pétroliers, la direction des Services bancaires de Worms et Cie négocia auprès de la Caisse des dépôts et consignations une avance sur les 200 millions d'obligations à venir. Simultanément des membres de la direction se rendirent en Scandinavie, en Angleterre et en Hollande pour y acheter des navires pétroliers. A Rotterdam deux gros tankers se trouvaient justement mis aux enchères à ce moment-là, à la suite de la faillite de leur propriétaire, une compagnie allemande de Hambourg. Worms et Cie réussit à les acquérir sur l'heure pour compte de la SFTP. Fin septembre 1938, Hypolite Worms, président de la toute nouvelle Société française de transports pétroliers, en compagnie d'Anatole de Monzie, ministre des Transports, accueillait au Havre les deux pétroliers allemands et assistait à la cérémonie au cours de laquelle ils furent "francisés" et rebaptisés. L'achat de six autres tankers de plus faible contenance compléta le tonnage nécessaire à l'augmentation d'un bon tiers de la capacité française en transport pétrolier, soit à peu près de 115.000 tonnes. Le complément de leur financement fut négocié auprès de banquiers hollandais amis, sous forme d'emprunts à long terme. Pour le fonctionnement de la SFTP, l'État s'était engagé, en principe, à garantir l'affrètement de ces unités au cours mondial majoré d'un faible intérêt rémunérant le capital investi et permettant surtout de faire face aux charges des emprunts. De toute façon, au moment où la guerre éclata, l'ensemble de la flotte marchande fut réquisitionné.
Hypolite Worms, fondateur de la SFTP, assuma d'une façon continue et jusqu'à la fin de sa vie, la présidence de la société à laquelle il accorda toujours une attention particulière.
L'année suivante, en 1939, MM. Worms et Cie apportèrent leur concours financier aux Établissements Japy Frères. Ils assurèrent la réorganisation de l'affaire et souscrivirent à la nouvelle augmentation de capital. Au mois d'octobre de la même année, Jean Vinson, secrétaire général de La Préservatrice entrait au conseil en même temps que Roger Paringaux devenait secrétaire général de la société. Depuis lors, Worms et Cie présida à toutes les opérations financières qui eurent lieu pour permettre aux Établissements Japy de poursuivre leur marche en avant.
C'est également en 1939 qu'Hypolite Worms vint prendre place au conseil d'administration de la Compagnie nantaise des chargeurs de l'Ouest, société d'armement maritime, de construction et de location de navires. En 1946, après la guerre, à l'occasion d'une nouvelle augmentation de capital, il fut rejoint au conseil par Anatole Bucquet, directeur général de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire de navigation qui était devenue à l'époque l'un des fleurons du Groupe Worms.
Durant la période allant de 1928 à 1939, MM. Worms et Cie et leurs Services bancaires se sont intéressés à bien d'autres sociétés ; seules les plus significatives ont été évoquées ici, soit à cause de leur succès, soit même en raison des difficultés qu'elles ont eu à surmonter. N'existe-t-il pas toute une littérature expliquant que la Banque est un "métier du risque" ?
Juste avant la deuxième guerre mondiale, les principaux correspondants étrangers des Services bancaires étaient :
A Londres
- N. Samuel and C° Ltd.
- Westminster Bank
- Hambros Bank Ltd.
- Lazard Brothers and C° Ltd.
A New-York
- Brown Brothers Harrimann and C°
- Guaranty Trust Cy of New-York
- Additif au chapitre :
Les Services bancaires de Worms & Cie : 1928-1939 -
Le 1er octobre 1929, MM. Worms & Cie créaient avec Lazard Frères et la Société générale, l'Union immobilière pour la France et l'étranger (Unife), au capital d'un million de francs. L'objet de la société comportait "toutes opérations immobilières" et les opérations de banque. Le conseil était présidé par Hypolite Worms et se trouvait composé de Jacques Barnaud. David-Weill et Frédéric Bloch-Lainé (Lazard), Henri Ardant et Robert Couteaux (Société générale).
En Juin 1930. MM. Worms & Cie participaient à la constitution de la Société franco-persane de recherches aux côtés de la BUP, de la BNC, de l'Union des mines, de Pechelbronn, de la société Constructions des Batignolles, de l'Union européenne. Cette affaire de recherches pétrolières en Iran, au capital de 10 millions de francs, deviendra en 1935 la Société franco-iranienne de recherches.
Dans le courant du 2ème semestre de 1930, MM. Worms & Cie prirent une participation dans la Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage. A l'Assemblée générale du 24 juin 1931, Jacques Barnaud était désigné comme administrateur, poste qu'il occupera jusqu'à la fin de 1940.
Le 20 janvier 1932, Jacques Barnaud se voyait désigné comme administrateur de la société Le Portefeuille industriel dont l'objet était la souscription de tous titres français ou étrangers et qui avait été créée en 1924. Paul Baudouin représentera la Banque de l'Indochine au conseil depuis juillet 1933 et Jacques Barnaud cédera son poste d'administrateur à Gabriel Le Roy Ladurie en 1935.
Au cours de l'année 1933, le Groupe Worms est entré dans Estrellas Mining and Finance Corporation, société anonyme canadienne de recherches et d'exploitation minières. Aux côtés de Paul Baudouin vint siéger au conseil Jacques Barnaud qui allait même en prendre la présidence.
La Banque de l'Indochine créait le 1er août 1934, avec le concours de Worms & Cie entre autres, la Compagnie minière coloniale au conseil de laquelle vint siéger Jacques Barnaud.
En avril 1936, la société Worms & Cie participa à la réorganisation financière de la Société pour l'approvisionnement des consommateurs d'huiles combustibles ; en rémunération de ses créances, elle reçut 3.900 actions de la nouvelle société Huilcombus, société française des huiles combustibles, et elle fut représentée au conseil par Michel Goudchaux et par Hypolite Worms.
Début 1937. MM. Worms & Cie prirent des intérêts dans La Réunion française et Compagnie d'assurances universelles réunies et Hypolite Worms entra au conseil d'administration de cette société. A l'Assemblée du 10 octobre 1947, il était encore réélu.
- Les Services Bancaires : 1940-1944
La guerre et la France occupée -
Comme dans beaucoup d'entreprises, la guerre allait fortement perturber l'activité de la haute direction chez Worms & Cie. Certains responsables de la Maison furent mobilisés, d'autres chargés de missions spéciales par le gouvernement, d'autres enfin, appelés à exercer des responsabilités au sein d'un ministère.
Messieurs Meynial, Guérin et Brocard durent répondre, dès le début, à l'ordre de mobilisation. Les deux premiers furent par la suite affectés à une mission déterminée.
Hypolite Worms, quant à lui, se voyait appelé en novembre 1939, simultanément par Anatole de Monzie, ministre des Transports, et par Alphonse Rio, ministre de la Marine marchande, qui lui demandèrent de faire partie du nouveau Comité des transports maritimes alors en formation. Voici comment Anatole de Monzie relate, dans son livre "Ci-devant" (pages 178-179), les raisons et le déroulement de cette entrevue : « L'expérience des années 1914-1915 et 1916 nous rend attentifs à l'importance de ce Comité des transports maritimes dont nous sommes chargés, Rio, ministre de la Marine marchande, et moi, de désigner les représentants. C'est ainsi que nous sommes amenés à choisir comme chef de la délégation française (devant résider à Londres en liaison avec les autorités anglaises) M. Hypolite Worms, armateur, l'un des trois ou quatre armateurs expérimentés que possède encore le haut personnel de notre flotte marchande. Je connais Hypolite Worms depuis vingt-deux ans, pour avoir éprouvé ses mérites quand j'étais, en 1917, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande. Dans cet intervalle, il a perfectionné sa technique, accru son autorité, affermi son crédit en Angleterre où il a pris femme et gendre. Il hésite, discute ; Rio et moi insistons. Ce 29 novembre (1939), il part avec l'ordre de mission suivant :
"Monsieur Hypolite Worms est chargé d'une mission spéciale en Angleterre. Il est désigné comme chef de la délégation française à l'exécutif franco-anglais des Transports maritimes, et sera, dans ses fonctions, assisté de M. Cangardel, chef de la mission des Transports maritimes à Londres. En cette qualité, il sera plus particulièrement chargé des négociations avec les représentants anglais et des arrangements qui devront être étudiés par l'exécutif des Transports maritimes, conformément au programme qui lui sera transmis par MM. Daladier et Chamberlain.
M. Hypolite Worms, assisté de M. Cangardel, sera chargé de représenter la France dans toutes les négociations interalliées relatives à l'achat et à l'affrètement des bateaux neutres." »
En fait, Hypolite Worms venait d'être nommé président de la section française de la Commission interalliée pour la Marine marchande. Le siège de la mission française était situé au 2, Dean Stanley Street à Londres et le chef de la Maison Worms y arriva donc le dernier jour de novembre 1939, accompagné de son cousin Robert Labbé et du directeur adjoint de ses Services bancaires, Raymond Meynial. Pour plus de commodité et à l'invitation du ministre britannique, Hypolite Worms alla ensuite s'installer dans les bureaux qui lui étaient réservés au Ministry of Shipping, Berkeley-Square, juste au-dessus du ministre. Au moment de la débâcle et des premiers pourparlers en vue d'un armistice, Hypolite Worms, usant de ses pleins pouvoirs, transféra à l'Angleterre la libre disposition de notre flotte marchande réquisitionnée. Ce transfert s'effectua selon des accords signés à Londres qu'on nomma par la suite Accords Worms et qui furent conclus le 4 juillet 1940.
Sa mission terminée et malgré les risques qu'il courait en raison des lois raciales allemandes, Hypolite Worms jugea qu'il ne pouvait abandonner sa Maison pendant toute la durée des hostilités. Dès l'armistice franco-allemand, il s'embarqua pour revenir en France, via le Portugal et Vichy, où il rendit compte des Accords Worms à l'amiral Darlan. II regagna ensuite Paris en pleine occupation et subit alors une très violente campagne de presse spécialement dirigée contre sa personne par des journaux favorables aux Allemands, comme "l'Oeuvre" ou "Au Pilori". "Paris-Soir" crut même devoir surenchérir en consacrant au chef de la Maison Worms quatre importants articles dans ses numéros des 21, 22 et 23 octobre et 3 novembre 1940. L'une des éditions du premier article portait en titre : « Grâce à un Juif converti, les Anglais avaient accaparé notre flotte marchande », et une autre : « Il faut supprimer les trusts ». « Des Juifs ont renié leur origine... Ils n'ont pas pour cela changé de méthode. C'est un de ces convertis qui permit à l'Angleterre de s'emparer de notre flotte de commerce ». Et dans le texte de l'article, on y relevait les traits suivants : « Il est particulièrement intolérable de penser que certaines firmes, grâce à la conversion de leurs chefs, pourront continuer leur activité pernicieuse... Comment peut-on tolérer, par exemple, que M. Hypolite Worms, qui fut pendant la guerre de 1939-1940, chef de la délégation française à Londres, puisse encore exercer une activité quelconque ?... Hypolite Worms a, par son action raisonnée, centralisé toute l'oeuvre de la flotte de commerce française en Angleterre... La flotte de commerce française, dont les intérêts avaient été confiés à ce bizarre représentant, se trouvait ainsi entièrement placée entre les mains de l'Angleterre.
Cette mainmise préparait le coup le plus cruel qui ait atteint notre flotte de commerce et nos marins... »
Quant à Jacques Barnaud, principal associé à l'époque d'Hypolite Worms, il avait également été convoqué de son coté, en décembre 1939, par Paul Reynaud, ministre des Finances et par Yves Bouthillier, secrétaire général du même ministère, qui lui demandèrent, en raison de sa qualité d'ancien directeur-adjoint du Mouvement général des fonds, de prendre en main le département des finances extérieures, en particulier des disponibilités en devises, du contrôle des achats à l'étranger et de leur règlement en devises. Au moment de l'exode, en juin 1940, le ministre de la Marine marchande fixa à MM. Worms & Cie la ville de Nantes comme base de repli. Jacques Barnaud s'y rendit avec une partie de la Maison, ceci en l'absence d'Hypolite Worms qui se trouvait encore en mission à Londres. De là, Jacques Barnaud fut appelé à Bordeaux par Yves Bouthillier, devenu ministre des Finances, qui le nomma sur l'heure, aux questions économiques franco-allemandes, adjoint de Léon Noël, délégué général du gouvernement pour les régions occupées. Cette mission ne dura que jusqu'à la fin du mois de juillet 1940. Le 3, 4 juillet,- dans le nouveau ministère, René Belin était devenu ministre du Travail et de la Production industrielle à Vichy. Il rappela de Paris Jacques Barnaud pour lui confier le poste de directeur de cabinet. C'est ainsi que l'un des associés d'Hypolite Worms fut amené, à titre personnel, à accepter des fonctions officielles jusqu'à l'occupation totale de la France, en novembre 1942, époque où il démissionna après avoir mené pendant deux ans une lutte serrée pour retarder au maximum la mainmise de l'Allemagne sur l'industrie et la main d'oeuvre françaises. Robert Aron a fort bien décrit ce combat d'arrière-garde dans son Histoire de l'Épuration (T. III (l), pages 118 à 131 et 149 à 153).
L'ordonnance allemande du 20 mai 1940 prévoyait la nomination d'un commissaire aryen dans toutes les entreprises israélites des pays occupés. Hypolite Worms, bien que chrétien par le baptême, sentait peser sur sa Maison la menace de l'ordonnance allemande. Pour la prévenir, il demanda à Jacques Brunet, directeur du Trésor, de prendre les devants et de désigner un administrateur provisoire auprès de Worms & Cie. La personne choisie pour ce rôle fut Olivier de Sèze, inspecteur de la Banque de France. De leur côté, les autorités allemandes imposèrent à la Maison Worms, le 25 octobre 1940, la présence d'un de leurs commissaires. C'est ainsi que Wilhelm Beines von Ziegesar, précédemment directeur de la succursale de Cottbus de la Commerzial und Privat Bank A.G., Commerzial Bank à Berlin, vint s'installer au 45, boulevard Haussmann, le 30 octobre 1940, en y faisant afficher ses pleins pouvoirs. En raison de leurs attaches israélites et anglaises, MM. Worms & Cie et leurs Services bancaires furent la seule banque française, en dehors de la Banque de France et des banques étrangères établies en France, à subir chez elle l'autorité d'un commissaire allemand. Mais dès le 1er juillet 1941, Beines von Ziegesar, considéré par les autorités allemandes comme insuffisamment énergique, fut remplacé par le docteur en droit et juriste Freiherr von Falkenhausen, fonctionnaire qui dépendait de la Deutsche Bank. Aussi n'est-on pas surpris de trouver dans le témoignage rédigé au jour le jour, de Pierre Nicolle, contenu dans son livre Cinquante mois d'armistice (T. I page 292-293) le passage suivant à la date du 28 juillet 1941 :
« Le double jeu de la Banque Worms et de son équipe apparaît de plus en plus clairement. On veut bien faire des accords financiers au profit de certains intérêts particuliers, mais de collaboration réelle il n'en est pas question. L'impression est que l'équipe Worms est prête à appuyer le mouvement anglophile et gaulliste pour défendre mieux les intérêts des puissances financières françaises... »
Rien d'étonnant en effet, quand on se rappelle qu'Hypolite Worms avait épousé une Anglaise et que son gendre, Robert Clive était également de nationalité britannique et fils de l'ancien ambassadeur de Grande Bretagne au Japon. De plus, les relations d'affaires de la Maison Worms avec l'Angleterre remontaient à 1848 et ses importations de charbon comportaient encore en 1939 pour près de 60 % d'anthracites gallois.
Afin de soustraire, dans la mesure du possible, la Maison au contrôle exercé par l'autorité d'occupation et pour permettre également à la clientèle d'effectuer avec plus de liberté aussi bien des dépôts que des opérations de banque de toutes natures, Hypolite Worms et ses collaborateurs Le Roy Ladurie et Raymond Meynial décidèrent de créer une succursale des Services bancaires en zone libre. Dans cette perspective la place de Lyon parut d'abord convenir, mais finalement c'est la ville de Marseille qui offrit, dans les circonstances du moment, l'accueil le plus favorable à l'implantation projetée. La nouvelle agence y fut ouverte le 1er novembre 1940, hébergée par les Services maritimes et mise en route par Lucien Guérin qui se trouvait promu délégué de la direction générale en zone libre. Pour desserrer encore un peu plus l'étreinte de l'occupation en zone nord et la menace virtuelle qui pesait sur la zone sud, il fut décidé de fonder une deuxième agence des Services bancaires, cette fois, de l'autre côté de la Méditerranée, à Alger. La direction avait engagé, début 1941, Robert Dubost qui avait acquis une solide formation à la Banque franco-chinoise à Lyon. Le 1er juin, bénéficiant de nouveau de l'hospitalité des Services maritimes, la succursale d'Alger voyait le jour sous la direction de Lucien Guérin et de Robert Dubost. La nouvelle agence se développa rapidement mais se trouva coupée, lors du débarquement américain en novembre 1942, de tout contact avec la métropole. Réduite à ses propres forces, elle continua à grandir et à prospérer non sans vigueur.
Durant la guerre de 1939-1944, c'est-à-dire pendant une période particulièrement difficile, MM. Worms & Cie et leurs Services bancaires continuèrent à réaliser des opérations financières et de participation. Leur activité sur le marché financier s'opéra le plus souvent de concert avec un groupe de banques. Seules les opérations les plus importantes seront évoquées ici.
C'est à l'occasion de la transformation de SARL en société anonyme, par acte du 23 septembre 1940, de la Manufacture centrale des machines agricoles C. Puzenat et de la création par celle-ci de parts bénéficiaires que Worms et Cie entra au conseil de cette société.
Au début de 1941, la Maison créait la Société de courtage maritime et d'études (SARL) qui, en fait, reprenait la suite de la Société de courtage et d'affrètements pétroliers, dissoute obligatoirement à la fin de 1940, en raison de la présence d'intérêts anglais. En juin 1941, elle fut transformée en société anonyme et devint la Société de courtage maritime et d'études (Socomet) au conseil de laquelle siégea Raymond Meynial.
MM. Worms & Cie s'intéressèrent en septembre 1941, aux Mines de Charrier et à la fin d'octobre ils préparèrent la cotation en bourse des actions des Établissements Japy Frères, ainsi qu'une augmentation de capital des Entreprises Albert Cochery. Les Services bancaires servirent aussi comme établissement réservataire de l'émission d'actions nouvelles des Entreprises de grands travaux hydrauliques et assurèrent l'introduction à la bourse de Paris des titres de La Préservatrice, en décembre 1941.
Au commencement de l'année 1942, la société Worms & Cie assumait le service financier de l'augmentation de capital de dix millions de la Société générale des matières grasses et figurait parmi les membres du conseil d'administration représentée par MM. Foulonneau et Pitavino. Cette affaire détenait plus de 30.000 titres des Établissements Fournier-Ferrier qui furent ainsi indirectement contrôlés par Worms.
En juin 1942, les Services bancaires procédèrent aux opérations d'augmentation du capital de la Société des produits chimiques des terres rares et Raymond Meynial représenta Worms & Cie au conseil d'administration, alors qu'à la même époque, Gabriel Le Roy Ladurie, à l'occasion également d'une élévation de capital, siégea au conseil de la Société française de sablières.
Un nouvel emprunt obligataire de 200 millions fut décidé dans le courant juin 1942 par la Société française de transports pétroliers et émis par les soins des Services financiers de Worms & Cie. Une augmentation de capital de la Société des peintures Astral Celluco eut lieu en septembre de la même année, sous les auspices des Services bancaires de Worms.
Au commencement de l'année 1943, la Société Worms & Cie apporta son aide au doublement de capital de La Préservatrice-Vie. En février, la Maison patronna l'émission des actions nouvelles des Ateliers Moisant Laurent Savey, de même que l'introduction sur le marché financier, au mois de mars, d'un emprunt obligataire émis par les Établissements Japy Frères.
En compagnie de la Banque transatlantique, du Crédit algérien, du Crédit commercial de France, des Banques Bonnasse et Maurel Frères, MM. Worms & Cie assuraient, fin 1943, le placement d'un emprunt obligataire émis par les Établissements Fournier-Ferrier dont ils détenaient le contrôle.
Au début de 1944, les Services bancaires dirigèrent les opérations d'une augmentation de capital de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire de navigation, société qui faisait partie de leur groupe. A la même date, la Maison s'intéressa à la réorganisation financière et à l'accroissement des capitaux sociaux des Grands Magasins Au Bon Marché, opération à laquelle participèrent également Vernes & Cie et Odier-Bungener & Cie.
De juin à septembre 1944, la Nation retrouva enfin la disposition quasi totale de son territoire. Mais les passions partisanes se déchaînèrent en raison de longues suspicions dues à l'occupation et souvent mal fondées. C'est parce que Jacques Barnaud avait accepté des fonctions officielles à Vichy, de juillet 1940 à début décembre 1942, et que les responsabilités qu'avait assumées Pierre Pucheu dans le gouvernement du maréchal Pétain à titre personnel et après avoir démissionné de la présidence des Établissements Japy Frères pesaient lourdement sur l'image de marque du Groupe Worms à la libération, qu'Hypolite Worms fut inquiété. La presse du 9 septembre 1944 faisait état de son arrestation la veille, ainsi que de celle de Gabriel Le Roy Ladurie, directeur des Services bancaires. Hypolite Worms fut remis en liberté provisoire le 21 janvier 1945, mais dut encore rester pendant quelques mois en résidence surveillée, ceci jusqu'au moment où l'enquête menée en son endroit aboutit à un non lieu[7]. Le Roy Ladurie, dès sa sortie de détention, qui coïncida avec celle du chef de la Maison, alla combattre les troupes allemandes dans les rangs de l'armée de Lattre.
Jacques Barnaud, qui n'avait plus accepté d'émoluments de la Maison Worms durant ses fonctions officielles et avait même refusé tout traitement du gouvernement de Vichy, devant les mesures prises à l'encontre d'Hypolite Worms qu'il considérait comme injustifiées, adressa à MM. Worms et Cie une lettre de démission loyale et courageuse, en date du 14 septembre 1944 :
« Messieurs,
Un des nôtres, M. Hypolite Worms, a été arrêté pour des motifs que j'ignore, mais je crains que cette décision ait pu être influencée par les fonctions officielles que j'ai occupées depuis l'armistice de juin 1940 jusqu'au mois de novembre 1942.
Vous savez que ces fonctions que j'ai cru devoir accepter pour servir notre pays dans la période la plus douloureuse de son histoire, n'ont eu aucune influence sur la vie de notre maison dont j'ai cessé entièrement de m'occuper durant cette période.
Vous savez également que si je n'ai pas alors abandonné mes fonctions de gérant c'est qu'il eut été impossible à cette époque de reconstituer normalement la gérance de notre maison sans lui faire courir les plus grands périls.
Mais j'estimerais profondément injuste qu'aujourd'hui M. Hypolite Worms, ou notre maison, pût souffrir d'avoir comme associé-gérant un homme qui a cru devoir servir officiellement son pays sous l'occupation allemande.
C'est la raison pour laquelle je vous remets ma démission de gérant de la Maison Worms et Cie, en vous demandant qu'il me soit fait application des art. 11 et 15 des statuts.
Je vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de mon bien fidèle souvenir.
Barnaud »
L'internement d'Hypolite Worms paraissait d'autant plus absurde qu'il avait, de sa propre autorité, lors de l'armistice franco-allemand, confié à l'Angleterre le sort de la flotte de commerce française, qu'il avait de ce fait subi la hargne d'une presse soumise à l'occupant, que cet occupant lui avait imposé la présence et le contrôle d'un commissaire dans la Maison qu'il dirigeait, et que lié à une femme anglaise et à un gendre anglais, il avait vécu, la guerre durant, avec l'idée de la victoire finale des Anglo-Saxons.[8]
L'absence d'Hypolite Worms et la démission de Jacques Barnaud étaient deux événements si importants qu'ils risquaient de décapiter la Maison. Aussi, par acte du 18 septembre 1944, Robert Labbé, déjà associé, fut-il coopté comme associé-gérant et Raymond Meynial nommé gérant statutaire, Guy Brocard prenant alors la direction des Services bancaires.
Le 12 octobre, Jacques Barnaud se voyait, lui aussi, interné par mesure administrative et la presse du 14, s'en faisait l'écho. Sa mise en liberté fut proposée le 12 juillet 1945, mais la haute cour de justice s'y opposa et lança contre lui un mandat de dépôt le 5 décembre 1945. Ce fut seulement le 20 juin 1946 qu'il bénéficia d'une mise en liberté provisoire et finalement le 26 janvier 1949, un non lieu était prononcé à son égard. Jacques Barnaud payait ainsi chèrement les conséquences des fonctions qu'il avait acceptées à Vichy (1940-1942) et par contrecoup la Maison Worms, dont il était resté l'un des principaux associés-gérants, fut également suspectée. La crainte de ce fait avait d'ailleurs été textuellement exprimée par Jacques Barnaud lui-même, dans sa lettre de démission du 14 septembre 1944. Une commission d'enquête vint éplucher les livres des Services bancaires. On peut se faire une idée assez exacte de ce qui s'était réellement passé, en consultant les rapports des experts désignés par la cour de justice[9], pour examiner les opérations traitées pendant l'occupation, par le département bancaire de Worms & Cie et qui figurent en partie dans les dépositions publiées par la Commission parlementaire d'enquête sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 (Tome TIII, pages 2281 à 2328).
Dans ces dépositions on relève que le commissaire allemand se faisait communiquer tout le courrier et qu'il recommandait certains amis et certaines sociétés, que le montant des découverts consentis à des ressortissants ou entreprises allemands, sur injonction du commissaire allemand, fut de 1 million en janvier 1941, puis s'est élevé à un maximum de 7 millions en février 1941, enfin s'amenuisa jusqu'à disparaître totalement dès février 1942. Quant aux avances faites aux fournisseurs français qui travaillaient le plus souvent sous réquisition pour la Kriegsmarine, elles avaient lieu sur ordre du commissaire allemand et évoluèrent, d'après le rapport d'expertise, entre 8 millions à la fin de 1941, 6 millions à la fin de 1942, et 1,8 millions à la fin de 1943. Et le rapport de conclure que la quasi-totalité de ce dernier montant dut être passé en créances irrécouvrables d'abord, puis purement et simplement en pertes que les Services bancaires durent éponger.
Pour l'ensemble des quatre années 1941-1944, le montant cumulé des accréditifs simples et documentaires sur l'Allemagne fut chez Worms et Cie de 161 millions, payés pour 80% par la Commerz Bank et pour 12% par la Deutsche Bank. Se référant aux publications de la Banque de France, le rapport d'expertise indique que l'ensemble des transferts effectués par le clearing franco-allemand pendant l'occupation s'est élevé à l'exportation à 196.480 millions et que le chiffre correspondant pour les Services bancaires de Worms et Cie, ayant été que de 161 millions durant la même période, a donc été infime.
Le pourcentage de l'ensemble des opérations passées par le clearing franco-allemand, pour Worms et Cie, n'a atteint que 1,47% du total des opérations effectuées par la même voie, par toutes les banques de la place (pourcentage ressortant du compte de compensation de la Reichs Kredit Kasse de Paris), alors que l'activité de ses Services bancaires en chambre de compensation était plus du double, soit 3 environ à la même époque.
Enfin, les opérations effectuées par le département bancaire de la Maison avec l'Allemagne pendant la guerre ne représentaient que 9,8% de l'ensemble de leur activité ; mais les gains réalisés par eux dans le secteur allemand (pertes déduites) se révélèrent encore moindres puisque de 3,8% seulement du total de leurs bénéfices.
Les résultats de cette expertise amenèrent à conclure que les Services bancaires de Worms et Cie ont travaillé deux fois moins avec l'Allemagne que leur pourcentage normal en chambre de compensation des banquiers de Paris ne pouvait le laisser supposer et que les gains réalisés dans le secteur allemand avaient été en définitive deux fois et demie moins lucratifs que ceux des autres secteurs géographiques. Une telle enquête a fini par révéler l'attitude profonde qu'Hypolite Worms eut pendant la guerre envers l'Allemagne, c'est-à-dire son attitude réellement négative envers l'occupant.
- Les Services bancaires : 1945-1962
Reconstruction et nouvel essor -
La guerre terminée, il fallut réparer les dégâts subis et reconstruire ce qui avait été détruit durant le temps des hostilités.
Les Services maritimes de Worms et Cie eurent à se réorganiser ; pendant près de cinq ans ils n'avaient plus eu à administrer leur propre flotte du fait qu'elle se trouvait réquisitionnée. La reconstitution de celle-ci fut une oeuvre encore plus importante puisque quatorze unités sur vingt-quatre avaient été détruites, dont les plus belles. Après trois ans et demi d'efforts, l'armement Worms disposa d'un tonnage équivalent à celui de 1939 et qui fut dépassé par la suite. Le pavillon Worms réapparut bientôt en Méditerranée dans le cadre du cabotage national et reprit également les anciens sillages en mer du Nord, vers la Scandinavie en particulier, sur le plan du cabotage international. L'accélération des moyens de transport, le prix de plus en plus élevé des droits de quai et d'affrètement conduisirent les Services maritimes à industrialiser autant que possible leurs activités de consignation, de manutention et de transit afin de hâter au maximum les opérations de chargement et de déchargement. Parallèlement furent créés en 1946 des services de consignation aérienne tant à Paris qu'à Alger et Tunis.
Dans le Groupe, les deux sociétés maritimes dont Hypolite Worms assumait personnellement la présidence avaient subi, de leur côté, de très lourdes pertes qui s'élevaient à près de la moitié de leur tonnage total.
La Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire profita des circonstances pour mettre en oeuvre un important programme de reconstitution et de modernisation de sa flotte. En peu d'années, les lignes qu'elle desservait ont été assurées par une flottille d'unités homogènes de cargos rapides à moteur qui se situaient parmi les plus modernes de la marine marchande française.
Quant à la Société française de transports pétroliers, elle exploitait, dès le 1er janvier 1949, dix pétroliers d'une portée en lourd de 136.800 tonnes, soit 20% du tonnage de la flotte pétrolière française au long cours. En 1952, sa flotte fut portée à 180.000 tonnes, marquant ainsi une augmentation de 50% sur celle de 1939. Dès 1948, elle transportait cinq fois plus de combustibles liquides qu'avant la guerre, en provenance surtout du golfe Persique.
Mais le département le plus durement touché de Worms & Cie fut celui de la construction navale. Les Chantiers et Ateliers du Trait furent évacués le 10 juin 1940 sur des positions de repli assignées par la Marine. Les Allemands s'y installèrent et imposèrent la reprise du travail après l'armistice. Cependant, grâce aux dispositions prises par la direction, les prestations se trouvèrent réduites au strict minimum ; en particulier, aucun navire ne fut réparé pour le compte de l'Allemagne. Dès le deuxième semestre de 1941, le travail obligatoire se déroula sous les bombardements meurtriers de l'aviation alliée. Après le 15 août 1944, ils devinrent quotidiens et furent doublés par les duels d'artillerie déclenchés par la bataille de la Seine. La destruction des Ateliers fut complétée par les dispositions prises par les Allemands lors de leur retraite. Il ne subsistait à peu près plus rien des 36.000 mètres carrés de leurs surfaces couvertes. Leur capacité de production avait été réduite à néant.
Un plan de reconstitution à l'échelle européenne fut rapidement mis sur pied. Celui-ci tenait compte des techniques les plus récentes, entre autres de l'assemblage d'éléments préfabriqués. Ainsi furent reconstruits des postes rationnels de fabrication en circuit continu : parc de réception des matériaux, ateliers de tôlerie et d'assemblage, plates-formes de montage et cales de construction. De 1945 à fin 1948, la surface couverte des ateliers atteignit 56.000 mètres carrés et un sous-marin, un pétrolier, trois caboteurs, trois chalands citernes furent lancés, alors que trois cargos rapides et quatre pétroliers se trouvaient déjà sur cale.
Pour réaliser un tel programme, Hypolite Worms et ses associés s'étaient décidés, par acte du 26 juillet 1945, à ériger en société autonome leur département de constructions navales. C'est ainsi qu'à cette date, la société anonyme des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime - ACSM, fut créée, et ses statuts publiés au Journal spécial des sociétés par actions, le 28 août 1945. Il s'agissait d'une SA au capital initial de 10 millions, qui devait être porté à 50 millions en août 1949, puis à 100 millions. Robert Labbé en fut le président, Hypolite Worms et Raymond Meynial, les administrateurs.
L'activité des transports de pétrole par tankers fut également développée après la guerre parallèlement à celle déployée par la Société française de transports pétroliers. C'est ainsi que la Société des transports maritimes pétroliers (STMP), fondée, en fait, en 1936, sous forme de SA au capital de 700.000 F, et qui n'exploitait qu'un seul pétrolier (coulé durant les hostilités), fut réanimée dès 1945. Son capital fut porté successivement à 280 millions en 1949, puis à 560 millions en 1951. Pierre Poulain présida le conseil, et Raymond Meynial y représenta les intérêts de la Maison Worms. Dès 1949 elle avait acquis trois nouveaux pétroliers et à la fin de 1955, elle exploitait une flotte de sept tankers, totalisant quelques 136.000 tonnes[10].
De 1945 à 1949, les associés-gérants de Worms & Cie furent Hypolite Worms et Robert Labbé, assistés de Raymond Meynial en qualité de gérant statutaire. Par acte du 8 décembre 1949, ce dernier devenait également associé-gérant. Jacques Barnaud qui avait démissionné de ses fonctions de gérant en septembre 1944, mais qui demeurait associé, reprit alors son poste d'associé-gérant selon acte du 16 décembre 1949. Les deux premiers alinéas du nouvel article 12 des statuts portait : La société est gérée et administrée par MM. Worms, Barnaud, Robert Labbé et Meynial, cogérants solidairement responsables.
Le capital social de Worms & Cie était, au 31.12.1929, encore de 4 millions. Il fut porté le 1er octobre 1940, à 40 millions par incorporation de réserves, puis le 16 décembre 1949 à 400 millions par prélèvement sur la réserve spéciale de réévaluation des immobilisations.
En juillet 1945, les succursales de MM. Worms & Cie étaient situées :
- En France : à Dunkerque, Boulogne-sur-Mer, Dieppe, Rouen, Le Havre, Caen, Brest, Lorient, Nantes, Tours, Angoulême, Bordeaux, Bayonne, Marseille et Toulon.
- En Afrique du Nord : à Casablanca, Alger, Tunis et Sfax.
- A l'étranger : à Hambourg (Allemagne), Alexandrie, Le Caire, Port-Saïd et Suez (Égypte).
En dehors du chef de Maison, Jacques Barnaud et surtout Raymond Meynial s'occupèrent plus particulièrement des Services bancaires avec l'aide, à la tête de ce département, de Guy Brocard, directeur.
La réussite des Services Maritimes en Afrique du Nord et des opérations de banque à Alger, incita les associés de Worms & Cie à ouvrir une nouvelle agence bancaire à Casablanca, le 1er juillet 1946, placée sous la direction de Robert Dubost, promu lui-même directeur des agences d'Afrique du Nord. D'autre part, durant la période de juin 1945 à décembre 1948, Lucien Guérin[11], revenu au siège comme directeur des agences et du département étranger des Services bancaires, développa de plus en plus fortement les relations de la Maison avec la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark et la Hollande.
Pour donner une idée de l'activité intense que déployèrent dans l'après-guerre les services financiers de Worms et Cie, il suffit de prendre pour exemple les opérations traitées en 1951 :
1° - Affaires du Groupe, avec appel au public
Entreprises Albert Cochery
a) augmentation de capital par souscription en espèces 101.250.000 F
b) émission d'obligations à 6,75% 96.500.000 F
Compagnie franco-malgache d'entreprises
- augmentation de capital en espèces 33.800.000 F
Union marocaine d'outremer
- augmentation de capital en espèces 25.500.000 F
Société de financement, de participations et de gestion
(ex-Marret Bonnin Lebel & Guieu)
- augmentation de capital en espèces 140.250.000 F
Union métropolitaine de banque
- augmentation de capital en espèces 200.000.000 F
Ateliers Moisant Laurent Savey
- augmentation de capital en espèces 50.000.000 F
Société de produits chimiques des terres rares
- augmentation de capital en espèces 60.150.500 F
Progil
- augmentation de capital en espèces 200.000.000 F
Société nationale du Cameroun
- augmentation de capital en espèces 67.500.000 F
Société auxiliaire maritime de Madagascar
- augmentation de capital en espèces, par l'intermédiaire
de la Nouvelle Société havraise péninsulaire de navigation 49.676.000 F
Compagnie industrielle et minière du Nord et des Alpes
- augmentation de capital en espèces 117.000.000 F
Société des peintures Astral-Celluco
- augmentation de capital en espèces 198.720.000 F
Établissements Fournier-Ferrier
- augmentation de capital en espèces 375.000.000 F
Société Japy Frères
- augmentation de capital en espèces 475.000.000 F
Soit un appel au public en faveur de sociétés dans lesquelles
la Maison Worms avait d'importants intérêts, pour un total de : 2.190.346.500 F
de 1951 (soit : 73.595.425 F de 1976)
2° - Affaires dans lesquelles Worms participe en circuit fermé
Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime
- augmentation de capital par incorporation de réserves 50.000.000 F
Société privée d'études
- augmentation de capital en espèces (de 10 à 15 millions) 5.000.000 F
Société technique d'études industrielles et commerciales
- transformation de SARL en société en commandite par actions
et augmentation de capital en espèces 50.000.000 F
Union de crédit pour le bâtiment - UCB
créée par un groupe de banques le 13.02.1951 M. Robert Labbé
au capital de 200 millions de francs administrateur
Société d'études pour l'aménagement du Haut Sebou
créée fin 1950, au capital de 6 millions de francs M. Robert Dubost
administrateur
C'est en 1951 également[12] que MM. Worms & Cie ont acquis une participation majoritaire dans le Comptoir international d'achats et de ventes à l'étranger - Ciave, qui allait devenir, à la suite d'une fusion, en 1956, Ciave-Compensex. Il s'agissait d'une société d'engineering financier dont l'activité était consacrée à l'étude et à la mise en place de financements nécessaires à la réalisation de grands ensembles industriels à l'étranger. Des filiales à Londres et à New York lui permettaient d'être en relation également avec de grandes banques américaines et anglaises pour la mise sur pied de financements internationaux. Voici quelques exemples de financements réalisés par le Ciave auxquels MM. Worms & Cie ont été appelés à participer :
1951 |
en Équateur : |
chemin de fer 300 km Carchi-San Lorenzo montant de US $ 25.000.000 |
1952 |
au Chili : |
construction de quatre bateaux, montant de US $ 12.830.000 |
1953 |
au Brésil : |
construction usine de produits chimiques (Compania Nacional de Alcalis), montant de US $ 25.000.000 |
1953 |
en Espagne : |
construction usine sidérurgique (Empresa Nacional Sidenargica), montant de US $ 32.000.000 |
1955 |
en Colombie : |
construction centrales thermo et hydroélectriques (Institute Nacional de Aprovechamiento), montant de US $ 12.000.000 |
1958 |
en Argentine : |
Raffinerie de pétrole (Yacimientos Petroliferos Fiscales), montant de US $ 13.800.000 |
1962 |
en Espagne : |
Construction raffinerie de pétrole (Empresa Nacional Calvo Sotelo), montant de US $ 15.000.000 |
Durant les années 1954-1957 Worms & Cie intervint soit comme l'un des associés fondateurs, soit comme participant dans des sociétés de recherches pétrolières lancées à cette époque :
- Cofirep |
(Compagnie financière de recherches pétrolières)[13] |
- Safrep |
(Société anonyme française de recherches et d'exploitation de pétrole) |
- Spgefor |
(Société générale de forages pétroliers) |
- Francarep |
(Compagnie franco-africaine de recherches pétrolières) |
- Cofimer |
(Compagnie financière pour l'outre-mer) |
- Prepa |
(Société de prospection et d'exploitation pétrolières en Alsace) |
De même dans des sociétés de développement régional (SDR) de la Méditerranée, du Sud-Est, de Normandie, etc., et dans la Compagnie française du Sahara, la Compagnie financière pour le développement économique de l'Algérie (Cofidal), enfin dans des sociétés d'investissements comme l'Union internationale de placements et d'investissements, le Portefeuille-Investissements (ex-Le Portefeuille industriel).
MM. Worms et Cie s'intéressèrent aussi au secteur bancaire. A la fin de 1955, ils fondèrent, avec Vernes & Cie, la société en nom collectif Vernes-Worms & Cie, Société d'études et participations financières et économiques, au capital de 10 millions et dont deux des quatre gérants étaient Jacques Barnaud et Raymond Meynial. A la même époque ils prenaient une importante participation dans le capital de la Banque E. Hoskier et Cie et se faisaient représenter par Guy Brocard, directeur de leurs Services bancaires. Au cours de l'année 1957, ils s'assuraient le contrôle de la banque R. Meyer & Cie.
A cette époque les Services bancaires possédaient trois agences, situées à Marseille, Alger et Casablanca. Hypolite Worms et ses associés décidèrent d'augmenter le nombre de celles-ci. Dans ce but, la Maison racheta, fin septembre 1957, la majorité des actions de la Banque de l'union lyonnaise - Bul, à Lyon, dont la présidence fut alors assumée par M. Brocard et la vice-présidence par M. Dubost. Ce dernier était revenu de Casablanca au siège, à la fin de 1955, pour prendre, début 1956, le poste de directeur général adjoint des Services bancaires, alors que Guy Brocard en était le directeur général. En décembre 1958, la totalité des actions ayant été acquise, la Bul fut mise en liquidation amiable et son fonds de commerce repris par les Services bancaires. Ainsi vit le jour le 1er janvier 1959 l'agence de Lyon.
Dans la même perspective, en février 1962, MM. Worms et Cie achetèrent à Lille la banque locale Coppenolle qu'ils transformèrent en Banque Camille Coppenolle SA. L'ensemble des titres ayant finalement été acquis, la Banque Coppenolle devint, en juin 1965, la nouvelle agence de Lille des Services bancaires.
MM. Worms et Cie étaient déjà le deuxième plus fort actionnaire de l'Union de crédit pour le bâtiment - UCB, du groupe Jacques de Fouchier. En juillet 1959, ils participèrent à la création de la holding de ce groupe, la Compagnie bancaire, dont le Groupe Worms détint 7,23% du capital derrière Paribas qui en posséda 9,02%. Robert Labbé, associé-gérant de Worms & Cie, représenta les intérêts de la Maison au conseil d'administration.
A la fin de 1956, le capital de la Maison fut porté de 400 millions à 1.200 millions par prélèvement sur la réserve spéciale des immobilisations.
Simultanément les Services maritimes et charbonniers devenaient indépendants et formaient une société anonyme, Worms, Compagnie maritime et charbonnière, au capital de 750 millions (1.050 millions avec la prime d'émission). Robert Labbé en était le président directeur générale, et Jacques Barnaud, Raymond Meynial et la société Worms & Cie les administrateurs. Les Services charbons, depuis la Libération jusqu'à cette date eurent encore une activité soutenue ; les commandes pour Port-Saïd représentaient quelques 50 à 60.000 tonnes par mois, et celles passées par l'Électricité de France atteignaient 100.000 tonnes à la fois.
Avant l'indépendance de leurs Services maritimes et charbonniers Worms & Cie annonçait avoir des succursales exerçant l'armement maritime à Boulogne-sur-Mer, à Brest, à Dieppe, à Dunkerque, à Lorient, à Toulon, à Alger, à Tunis, à Sfax (Tunisie), à Hambourg (Allemagne), à Alexandrie (Égypte), au Caire (Égypte) ; d'autres s'occupant de commerce de combustibles à Angoulême, à Nantes, à La Riche (près de Tours) ; d'autres encore s'occupant de ces deux activités, à Bayonne, à Bordeaux, au Havre, à Marseille, à Rouen, à Port-Saïd (Égypte), à Suez (Égypte) ; ceci, sans compter les agences des Services bancaires à Marseille, Alger et Casablanca.
Quant à la Société des ateliers et chantiers de la Seine-Maritime, elle lança le 21 décembre 1953, le plus grand pétrolier mis à flot dans la Seine, baptisé "Languedoc", et le 23 mai 1955, elle effectua le lancement du chalutier ultramoderne "Joseph-Duhamel-II" dont la marraine présente était Madame Renée Coty, femme du président de la République. Enfin, Hypolite Worms, qui continuait à être toujours vigilant en matière de transports de combustibles liquides, fut l'un des premiers en France, à s'intéresser à la construction de méthaniers en vue d'assurer au pays le ravitaillement en gaz naturel liquéfié algérien. Dès 1959, des études très poussées dans ce sens, furent entreprises et les ingénieurs de Gaz-Transport, filiale de la Maison, finirent par mettre au point, avec la collaboration du Gaz de France, deux techniques pour la construction de navires méthaniers, l'une autoporteuse comportant des cuves cylindriques, l'autre "intégrée avec membrane en Invar". La solution autoporteuse fut adoptée pour la fabrication du premier méthanier français (l'un des tout premiers dans le monde) dont la commande fut passée aux Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime dans le courant de 1962. Baptisé "Jules-Vernes", ce méthanier de 25.300 m3 assura la liaison en gaz naturel, depuis mars 1965, entre Arzew et Le Havre.
D'autre part, MM. Worms et Cie ont été en 1956 l'un des fondateurs de la Société algérienne de documentation atomique et dans le même secteur, Raymond Meynial signait à la fin de novembre 1957, avec l'amiral Octacilio Cuhna, président de la Commission nationale de l'énergie nucléaire du Brésil, un contrat pour l'installation de deux usines de traitement d'uranium au Brésil.
Au cours des années 1959 à 1962, les opérations financières traitées par les Services bancaires de MM. Worms & Cie furent également fort nombreuses. Les exemples qui suivent illustrent suffisamment l'étendue de leurs activités.
En janvier 1959 Worms & Cie participa à la création du Groupement pour le financement de la construction - GFC (société conventionnée) et en mars, de la Sofrelec (Société d'études et de réalisations d'équipements électriques). A la même époque la Maison entrait au conseil d'administration de la Société minière et métallurgique de Penarroya représentée par Raymond Meynial et Pierre Édouard Coquelin.
Worms & Cie se trouva être également l'un des principaux actionnaires de la Nederlands Franse Bank NV Amsterdam dans laquelle Raymond Meynial figure au collège des commissaires.
Au mois de mai 1959, les Services bancaires ont participé au crédit de 50 millions de NF accordé par un groupe de banques françaises à la Société nationale des pétroles mexicains (Petróleos Mexicanos). En juillet, ils firent partie des banques qui créèrent l'open-end fonds allemand Agefra (Société de placement pour les valeurs françaises), et furent représentés par Robert Dubost.
En janvier 1960, s'opère la concentration de l'agence des Services bancaires à Casablanca avec le Crédit marocain, pour donner naissance à Worms & Cie (Maroc). A la même date, le capital des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime est porté à 6 millions de NF. Worms & Cie fonde alors Méthane-Transports au capital de 2.600.000 NF, avec le concours de la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Banque industrielle d'Afrique du Nord - Bian, Vernes et Cie et d'autres ; Robert Labbé en est le président.
Le Portefeuille Investissements, filiale de W0rms & Cie, dont le président était Jacques Barnaud, porte son capital de 20 à 25 millions de NF, en avril 1960, puis en août à 27.500.000 NF.
En avril également, Guy Brocard prend la présidence de la Banque Hoskier, devenue filiale de Worms & Cie, et opère quelques mois plus tard, la fusion entre la Banque Hoskier et la Société métropolitaine de financement et de banque - Sofibanque, ce qui donne la Sofibanque-Hoskier.
En avril 1960 encore, Worms & Cie se trouve parmi les fondateurs de la Société Pétrochimique de l'Atlantique, fondée par des Sociétés de son groupe, Socantar et Progil. Le groupe d'assurances La Préservatrice, La Foncière, elles-mêmes du Groupe Worms, intervient dans la Lloyd de France-Vie et Guy Taittinger entre au conseil d'administration de cette dernière.
En novembre 1960, création, avec le Groupe financier et commercial du Maghreb (filiale de Vernes et Cie), de l'Omnium marocain d'investissement - Omi, dont Robert Dubost assure la présidence.
En octobre et novembre de la même année, soit directement, soit par leur filiale. Le Portefeuille industriel, MM. Worms & Cie, participent aux augmentations de capital du Grand Hôtel de la Rive Gauche Lutetia et de la Société d'expansion hôtelière Louvre.
Par acte du 20 janvier 1960, les associés-gérants accueillirent comme associé-gérant Pierre Herrenschmidt qui, depuis 1947, jusqu'à cette date avait été directeur du Crédit national. Comme Jacques Barnaud et Robert Labbé, Pierre Herrenschmidt était passé par l'inspection des Finances où il avait même acquis le grade d'inspecteur général honoraire. En outre il avait été directeur à l'administration centrale du ministère des Finances. Le capital de Worms & Cie demeurait à 1.200 million d'AF soit 12 millions de NF.
Les Services bancaires continuèrent en 1961 et 1962 leur progression en s'intéressant à de nouvelles sociétés et en participant à d'autres.
Ainsi, en février 1961, Worms & Cie créa la Société d'études et de financement pour le commerce extérieur (Setfico), avec l'aide de ses filiales du Ciave-Compensex, Sofibanque-Hoskier, Transaco et d'autres. De même MM. Worms et Cie participèrent à la fondation de la Société française d'études et de réalisation de transports urbains - Sofre-Transports urbains, sous les auspices de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et avec un groupe de banques. Au milieu de 1961, la Maison participa à la constitution de la Société d'investissements immobiliers de France - Sinvim, du groupe de la Compagnie bancaire ; Robert Labbé en fut l'un des censeurs.
En janvier 1962, Worms & Cie et le Portefeuille Investissements ont fait apport à la Société routière Colas, de divers intérêts et titres de filiales africaines de cette société, contre attribution d'actions Routière Colas.
Au mois de juin 1962, Worms & Cie constitua la société Worms et Cie-Algérie, SA française qui reprenait l'activité des Services bancaires à Alger ; Robert Dubost en assura la présidence. En janvier 1963, allait s'opérer la fusion de Worms et Cie-Algérie avec l'activité algérienne de la Bian pour donner naissance à la Banque industrielle de l'Algérie et de la Méditerranée - Biam, dont Claude Tixier fut le président. Celui-ci présidait déjà le conseil d'administration de la Bian et avait été inspecteur des Finances, sous-directeur au ministère de l'Économie nationale, directeur général r des Finances d'Algérie, vice-président de la Banque européenne d'investissements.
MM. Worms & Cie ont participé en mai 1962, à l'augmentation de capital de 40 à 60 millions de NF de la Compagnie bancaire. De même, ils prirent 7,50% du capital d'origine de la société Gaz Marine dont le gaz de France détint 50%, et qui avait pour objet le transport d'Arzew au Havre de méthane liquéfié provenant d'Hassi R'Mel.
La Maison participa également en 1962, à la création d'Imminvest, société immobilière d'investissement, au capital de 10 millions de NF, en compagnie de sa filiale, la Banque R. Meyer et d'autres banques.
Worms & Cie s'est trouvé, au début de 1962 toujours, à la tête d'un syndicat de banques françaises dont le but était le financement de la construction d'une importante raffinerie de pétrole en Thaïlande, près de Bangkok. Le montant s'est élevé à 28.500.000 $ US.
Mais si l'année 1962 fut riche en opérations nouvelles pour Worms & Cie, elle fut principalement une année de deuils pour l'ensemble du groupe. En effet, Hypolite Worms décédait brusquement le 28 janvier 1962, suivi de près par son plus ancien associé cogérant Jacques Barnaud, qui mourait le 15 avril de la même année. La disparition de ces deux principales personnalités d'alors allait être le signe de la fin d'un type de société ; l'ensemble des départements de Worms & Cie n'allait plus être régi par une société de personnes, il allait de plus en plus, prendre le visage de la société anonyme. On peut dire sans exagération que jusqu'à la mort d'Hypolite Worms, le Groupe Worms porta réellement l'empreinte du chef de la Maison.
Malgré la tristesse de ces événements, il était indispensable que la société Worms & Cie continuât sa marche en avant et que sa raison sociale subsistât. C'est ainsi que par acte du 26 mars 1962, Madame veuve Hypolite Worms fut choisie comme associée commanditée, mais sans pouvoir de gérance, alors que Guy Brocard et Jean Barnaud, fils de Jacques Barnaud, étaient nommés gérants statutaires. Mais la disparition de Jacques Barnaud nécessita un nouvel acte social qui fut signé le 3 juillet 1962 avec effet au lendemain de la mort de Jacques Barnaud (16 avril) et qui faisait passer Jean Barnaud parmi les associés-gérants. A cette date donc, après ces divers remaniements, rendus nécessaires par les circonstances, la société Worms & Cie, avait à sa tête, comme associés-gérants : Robert Labbé, Raymond Meynial, Pierre Herrenschmidt et Jean Barnaud, comme associée-commanditée non gérante : Madame Hypolite Worms et comme gérant statutaire : Guy Brocard.
- Des Services bancaires à la Banque Worms : 1963-1978
Ouverture vers l'étranger et solide implantation en province -
La disparition d'Hypolite Worms entraîna certains changements à la tête des divers départements de la Maison et des sociétés du Groupe.
Dans les Services bancaires, toujours sous l'autorité de Raymond Meynial, associé gérant, c'est Robert Dubost qui assuma la direction générale, Guy Brocard ayant été nommé gérant Statutaire de Worms & Cie en mars 1962. Pierre Herrenschmidt prenait la présidence de la Société française de transports pétroliers et des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime ; il avait pour mission de conduire ces derniers vers une concentration avec d'autres chantiers de construction navale d'après un appel pressant du gouvernement. De son côté, Robert Labbé fut choisi comme président de Worms, Compagnie maritime et charbonnière et de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire de navigation ; il accédait, d'autre part, à la présidence du Comité central des armateurs de France début mars 1963.
En mai 1963 Worms Compagnie maritime et charbonnière créait la société Techni-Marine, ayant pour objet les recherches d'ordre technique dans le domaine des transports maritimes et la conception ainsi que l'exploitation de navires spécialisés, et en juillet elle fondait la Société d'exploitation, gestion et transports internationaux. Enfin, en octobre 1963 en association avec les groupes anglais James Burness and Sons et norvégien Thoresen Shipping Cy, elle inaugurait un service maritime par navires rapides entre Cherbourg et Southampton.
La Maison s'est alors également intéressée à la Saphymo, Société des applications de la physique moderne, pour permettre l'accroissement de l'activité de cette dernière auprès des laboratoires de recherches et d'équipements nucléaires et médicaux. D'autre part, Worms & Cie a participé et a prêté aussi son concours à l'augmentation de capital en espèces de la Société pour le développement régional de l'Ouest - Soderu à la fin de 1964. Enfin, les Services bancaires de Worms & Cie ont été chef de file des opérations d'augmentation de capital pour un certain nombre d'affaires, dont la Société française d'entreprises de dragages et de travaux publics, les Établissements Luchaire, la Société routière Colas, Foncina, Au Bon Marché, la Société du grand hôtel de la rive gauche : Hôtel Lutetia.
Mais l'événement le plus important de l'année 1964 fut la décision prise par les associés de Worms & Cie d'ériger en société distincte leur département bancaire. Le principal artisan de cette opération fut Raymond Meynial. Il avait en effet senti que l'expansion future de la banque dépendait des moyens qu'elle pouvait avoir. Il était donc nécessaire de sortir du giron de Worms & Cie, société de personnes, l'activité des Services bancaires pour leur permettre un nouvel essor et, à plus ou moins brève échéance, faire accéder au marché financier la société qui allait être créée.
Dans la presse financière du 22 octobre 1964 était annoncée la constitution, le 14 octobre, de la Société financière Worms & Cie. Il s'agissait d'une société en nom collectif entre MM. Worms & Cie, Madame veuve Hypolite Worms et Messieurs Barnaud, Brocard, Herrenschmidt, Labbé et Meynial, au capital de 25 millions de NF (en réalité 50 millions du fait d'une prime de réserve de 25 millions), ayant pour objet toutes opérations commerciales, financières, mobilières ou immobilières. Les apports en nature étaient composés de 50.000 actions de la Préservatrice AIRD, 10.000 actions de la Compagnie bancaire, 20.000 actions de Copica, 20.000 actions de S0cantar et 6.175 actions de La Foncière.
Par acte du 10 décembre 1964 la Société financière Worms & Cie, à la suite de l'apport que lui faisaient MM. Worms & Cie de leurs Services bancaires, avec jouissance au 31 décembre après fermeture des guichets, donnait naissance à la Banque Worms & Cie. Le fonds de commerce était celui qui avait été créé en 1928 par Worms & Cie et exploité sous le n°200 de la liste officielle des banques, mais dorénavant il va s'agir d'un établissement classé banque d'affaires. Le capital social était porté à 28 millions (en fait 56 millions en raison du versement en prime de réserve de 3 millions). Le premier jour ouvré de 1965 soit le 4 janvier, vit donc s'ouvrir les guichets de la nouvelle Banque Worms & Cie.
Après cette dernière modification, Worms & Cie se trouvait être purement et simplement une société holding puisque ses trois départements étaient devenus successivement des sociétés indépendantes :
- les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime en 1945, déjà,
- les Services maritimes et charbonniers en 1956,
- et les Services bancaires début janvier 1965.
Par contre, la presse du 29 janvier 1965 se faisait l'écho de la fusion de quatre chantiers navals français. La société des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime faisait publier le communiqué suivant : « ... Cette concentration répond à un appel pressant du gouvernement au cours des derniers mois, aussi bien qu'à une situation de concurrence qui n'a cessé de s'aggraver par suite notamment de la progression des chantiers japonais.
L'opération actuelle concerne quatre sociétés de construction navale : Forges et Chantiers de la Méditerranée, Chantiers navals de La Ciotat, Chantiers et Ateliers de Provence, Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime.
Finalement, le seul chantier qui subsista fut celui de La Ciotat dans le capital duquel Messieurs Worms & Cie conservèrent 11,10% à la suite de l'absorption par celui-ci des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime le 16 mai 1966.
En septembre 1965, la Banque Worms & Cie réalisait une implantation aux États-Unis sous le nom de Permal International Inc. à New York avec Jean R. Perrette comme directeur.
Par des communiqués simultanés parus dans la presse les 8, 9 et 10 juin 1966 les accords de coopération intervenus entre la Banque de Paris et des Pays-Bas et respectivement la Compagnie bancaire d'une part, le Crédit industriel et commercial d'autre part, et le Groupe Worms enfin, furent officiellement publiés.
Il s'agissait pour Worms et Paribas de resserrer leurs liens de banques d'affaires, d'apporter à un holding commun une partie de leur participation dans la Compagnie bancaire et, dans une prochaine étape, de procéder à une prise de participation réciproque avec échange d'administrateurs.
A la suite de ces accords, la Banque foncière du Maroc (filiale de Paribas au Maroc) et la Banque ottomane Maroc ont, début octobre 1966, concentré leurs activités bancaires au sein de Worms & Cie (Maroc) dont le capital a été porté de 3 à 4.200.000 DH.
Un nouvel accord bancaire intervint au cours de la première quinzaine de décembre 1966 entre le Crédit du Nord et la Banque Worms & Cie. Cette déclaration d'intention avait pour but de « promouvoir et de réaliser en commun les opérations pour lesquelles leur coopération apparaîtra possible et souhaitable ».
Enfin, le 9 décembre de la même année, la Maison Worms & Cie effectuait un nouvel apport à la Banque Worms & Cie, comprenant le droit de jouissance de divers locaux et des espèces pour un total de 14 millions. Le capital fut porté de 28 à 35 millions (7 millions furent passés en prime d'émission. En fait, le capital réel se situait ainsi à hauteur de 70 millions).
Le 31 décembre 1966, Pierre Herrenschmidt, associé gérant de la Maison Worms & Cie, président des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime et de la Société française de transports pétroliers se retirait du Groupe, ayant accompli les diverses missions qu'il devait mener à bien. Il allait être remplacé comme associé gérant de Worms & Cie par Guy Brocard.
Par acte du 30 mars 1967, la Banque Worms & Cie, société en nom collectif, se transformait en société anonyme dont Raymond Meynial fut le premier président-directeur général. Guy Brocard vice-président-directeur général et Robert Dubost directeur général. Cette transformation allait permettre à Raymond Meynial d'ouvrir le capital de la Banque à de puissants partenaires étrangers et de donner de cette façon à la nouvelle société les moyens nécessaires à son expansion.
C'est ainsi que la presse financière des 18 et 19 avril 1967 annonçait que deux grandes banques britanniques, la Bank of London & South America (Bolsa) et la Bank of Scotland avaient pris, le 17 avril, une participation de 10% chacune dans le capital de la Banque Worms, pour une somme de 6 millions de $ US (soit pour environ 30 millions de NF). Dans le communiqué publié à Londres, on soulignait que ces accords représentaient un moyen d'action particulièrement efficace en vue du progrès économique général et, bien entendu, des trois banques concernées. De son côté, le communiqué français concluait : « cette coopération de nature internationale pourrait être éventuellement étendue à des établissements d'autres pays ».
Cette internationalisation permettait, en outre, à la Banque Worms de compenser les conséquences de la perte de l'Algérie en accédant à de nouvelles sources d'activité de par le monde.
La volonté de se tourner vers l'étranger s'affirma également dans la souscription par la Banque Worms au capital de la société Ufinex, début mai 1967, ce qui lui permettait de siéger au conseil. Cette affaire, nouvellement créée par des banques et des compagnies d'assurances, avait pour objet le financement des investissements commerciaux que les entreprises françaises auraient à supporter pour s'implanter sur les marchés extérieurs et développer leurs exportations.
Début avril 1967, la Bolsa, la Bank of Scotland, la Banque Worms et la Svenska Handelsbanken fondaient à Luxembourg l'Alexander Hamilton Fund au capital initial de 10 millions de $ US. Cette société allait se spécialiser dans les investissements à long terme aux États-Unis où elle s'est assuré l'expertise de la Banque de New York.
Les 5 et 6 septembre de la même année, paraissait dans la presse financière l'avis de l'aboutissement des négociations de la Banque Worms avec la Hessische Landesbank Girozentrale de Francfort, aux termes desquelles cette dernière allait souscrire au capital de la Banque Worms pour un montant de 10 millions de NF. Le 8 septembre, le conseil de la Banque Worms approuvait les accords intervenus avec Sofibanque-Hoskier et la Banque industrielle de financement et de crédit (BIFC, ex-Bian) qui faisaient apport de l'intégralité des valeurs de leurs patrimoines, tant actives que passives. Pour arriver à cette concentration, le capital de la Banque Worms allait passer de 35.650.000 NF à 59.416.600 NF par incorporation de réserves, puis élevé à 81.638.800 F par émission d'actions nouvelles souscrites en espèces par la Bolsa, la Bank of Scotland et par la Hessische Landesbank Girozentrale.
A la fin de ces opérations, le capital social de la Banque Worms s'est trouvé porté à 114.095.400 F par les apports à titre de fusion de Sofibanque-Hoskier et de la BIFC. Les opérations de fusion elles-mêmes eurent lieu avec effet rétroactif au 1er janvier 1967.
En raison des apports de la BIFC, le nombre des agences de la Banque Worms s'est trouvé nettement renforcé. Aux agences de Marseille, Lyon et Lille vinrent en effet s'ajouter celles du Havre, de Montpellier, de Nice et de Toulouse, plus celles exploitées par une filiale, la Société méditerranéenne de banque à Ajaccio et Bastia.
De même, à notre filiale d'Afrique du Nord, Worms & Cie Maroc, vinrent s'adjoindre celles de la Banque industrielle de l'Algérie et de la Méditerranée (Biam) à Alger et de la Banque d'escompte et de crédit à l'industrie (Beci) à Tunis.
Dans le domaine du financement des exportations de biens d'équipement, la Banque Worms a signé, pour le compte des Chantiers de La Ciotat, le premier crédit-acheteur monté en France. Il s'agissait de la fourniture de sous-marins au gouvernement du Pakistan.
La Banque Worms a, d'autre part, participé au financement de plusieurs crédits-fournisseurs en 1967 dont celui destiné à la réalisation du doublement d'une raffinerie de pétrole en Thaïlande (Thaïs Oil Refinery Cy) d'un montant de $ US 55.000.000, de deux autres raffineries de pétrole en Costa-Rica et en Espagne et d'installations pétrochimiques au Mexique.
Elle a enfin apporté un concours très actif aux opérations en eurodevises en faveur des grandes sociétés étrangères et françaises. Elle a ainsi participé à 48 émissions internationales.
En novembre 1967, dans le cadre des accords conclus fin 1966 avec le Crédit du Nord, la Banque Worms entre au conseil d'administration d'Épargne Expansion (société gérant les fonds communs de placement et l'intéressement des salariés), ainsi que plusieurs sociétés de son groupe dont la Banque de l'union occidentale, la Banque Meyer, La Préservatrice et La Foncière.
En fin d'année, le nouveau conseil de la Banque Worms se trouve constitué de la façon suivante :
Raymond Meynial |
Président-directeur général |
Guy Brocard |
Vice-président-directeur général |
Guy Erwyn Marin |
Vice-président (ex-président de Sofibanque-Hoskier) |
Claude Tixier |
Vice-président (ex-président de la Bian) |
Jean Barnaud |
Administrateur |
Wilhelm Conrad |
Administrateur (président de la Hessische Landesbank) |
Robert Labbé |
Administrateur |
Roger V. Low |
Administrateur (directeur de la Bolsa) |
Lord Polwarth |
Administrateur (gouverneur de la Bank of Scotland) |
Guy Taittinger |
Administrateur |
Jean Thierry |
Administrateur (ex-président de Sofibanque-Hoskier) |
Monsieur Robert Dubost étant directeur général.
Début juin 1968 (la presse des 12 et 13 juin), un accord est intervenu entre la Banque Worms et la Philadelphia National Bank (l'une des grandes banques américaines), aux termes duquel cette dernière va acquérir un peu plus de 7% du capital de notre Banque. L'assemblée ordinaire du 27 juin 1968 a entériné cet accord et a nommé comme nouvel administrateur G. Morris Dorrance Junior, président de la Philadelphia National Bank.
En juin 1968 également, une convention passée avec le Crédit industriel et commercial et l'ensemble de son groupe, le Crédit commercial de France, le Crédit du Nord, la Banque de l'union parisienne, permet, avec effets de réciprocité, à la clientèle particulière de la Banque Worms d'effectuer des prélèvements hebdomadaires aux guichets de cette chaîne de banques dont les implantations recouvrent toute la France.
C'est également en 1968 que la Banque Worms créa de nouvelles sociétés telles que :
- l'Union du crédit-bail immobilier, Unibail, en association avec le Groupement foncier français, le Crédit du Nord, M. de Neuflize, Schlumberger, Mallet & Cie et des compagnies d'assurances ;
- la Compagnie pour le financement d'investissements immobiliers - Cofidim avec le concours de la Compagnie bancaire, du Crédit lyonnais et de sociétés du Groupe Worms.
Elle s'est aussi intéressée à des sociétés nouvellement créées par d'autres groupes, notamment à la Sicav Sélection-Rendement (investissements en obligations), à Setilex (investissements à l'étranger de techniques et matériels français), à Auxepi (placements immobiliers).
Toujours au cours de l'exercice 1968, la Banque Worms a pris la majorité absolue de la société holding Ateliers Moisant-Laurent-Savey, qui, elle-même, a d'importants intérêts dans Pechelbronn, Jaeger et La Foncière-Vie. De même pour la Compagnie Saupiquet (par apport d'actions Cinal), elle devient l'un des principaux actionnaires de cette affaire de conserverie qui est l'une des premières en Europe.
Sous l'égide de Worms & Cie, l'assemblée générale extraordinaire du 1er juillet 1968 de Pechelbronn a ratifié la fusion par absorption de la Société des transports maritimes pétroliers - STMP, qui lui a fait apport de son fonds de commerce, d'une flotte de haute mer de cinq navires pétroliers en activité, plus les acomptes versés sur 3 autres en construction, et enfin de ses immeubles à Paris, en contrepartie également son passif. Par cette concentration, le Groupe Worms consolidait sa position dans les transports maritimes et pétroliers. Raymond Meynial représentait la Maison au conseil de Pechelbronn.
Enfin, dans le domaine des financements à l'exportation des grands ensembles, la Banque Worms et la Banque française du commerce extérieur, en tête d'un consortium bancaire français, accordent un prêt de 29,5 millions de $ US pour la réalisation d'un complexe pétrochimique au Brésil (Petroquimica Uniao) près de Sao Paulo. Les accords passés avec les autorités brésiliennes, fin octobre 1968, laissent prévoir que ce genre de financement au Brésil pourrait atteindre 150 millions de $ US pour des investissements globaux de 250 millions de $ US. De même un financement de $ US 35 millions a été mis sur pied pour la réalisation d'une grosse cimenterie de Isang-Yong en Corée.
Pour accentuer l'ouverture sur la coopération internationale, la Banque Worms créait en avril 1969 une filiale bancaire en Suisse, à Genève, sous la raison sociale Banque Worms & Associés (Genève) SA. Y participaient la Bank of Scotland, la Hessische Landesbank Girozentrale et le Crédit du Nord. La présidence en fut confiée à André Fatio, ancien associé de la Banque Hentsch & Cie, la vice-présidence à Pierre Bazy, et la direction générale à Jacques Mathenet.
Le 12 mai 1969 voyait le jour un nouveau fonds d'investissement Haussmann Holdings NV, société anonyme des Antilles Néerlandaises sous l'égide de la Banque Worms et en participation avec un groupe international comprenant :
- Bank of London & South America Ltd, Londres
- Svenska Handelsbanken, Stockholm
- Crédit du Nord, Paris
- Bordier & Cie, Genève
- Banque de gestion privée, Paris
- Promofina SA, Genève
Une politique nouvelle de renforcement du nombre de nos guichets hors de Paris se manifeste dès l'année 1969. Deux agences sont alors créées : l'une aux environs de Paris, au coeur du marché d'intérêt national de Rungis, l'autre à Lyon, dans le centre commercial de la Part-Dieu dont le quartier est en pleine rénovation.
En matière d'émissions internationales, la position de la Banque Worms s'est maintenue malgré les difficultés de l'heure ; elle a participé à 82 émissions contre 81 en 1968.
Les opérations financières ont progressé également. Les augmentations de capital - émissions d'actions contre espèces - ont enregistré un accroissement de 115% sur celles de l'année précédente et les émissions de valeurs à revenu fixe de 15 environ.
La Banque Worms a cédé en 1969 les intérêts qui lui restaient dans le Comptoir Lyon-Alemand Louyot & Cie. Par contre, elle a suivi les augmentations de capital des sociétés où elle avait une participation, soit notamment : Progil, la Banque hypothécaire européenne, Unibail, Cofidim, Worms & Cie (Maroc) et elle a renforcé sa position dans le capital de La Foncière Tiard, la Compagnie Saupiquet, la Sifram et d'autres. En dehors des créations comme celles de Haussmann Holdings NV et de la Banque Worms & Associés (Genève), elle a pris des participations dans Jeanneau - Constructions nautiques SA, la Société d'éditions économiques et financières - Sef, la société Sotoma (Tour Maine-Montparnasse).
L'année 1970 commençait par la cooptation de Guy Taittinger comme associé-gérant de Worms & Cie et par le remplacement de Madame Hypolite Worms par son petit-fils, Nicholas Clive-Worms, en qualité d'associé commandité.
Début janvier également, la société Progil, avant d'être absorbée par Rhône-Poulenc, faisait apport de ses actifs industriels à sa filiale la Sofichim, dont Raymond Meynial devenait administrateur.
La presse financière de la fin du mois de janvier 1970 se faisait l'écho des négociations en cours entre, d'une part, PecheIbronn, Rothschild et Worms et, d'autre part, l'organisme d'État Elf-Erap pour la cession à ce dernier de la quasi-totalité des titres de la société Socantar, détenus par les trois premières sociétés.
Cette vente allait se réaliser par paiement pour partie en titres (Pechelbronn, Société française de transports pétroliers, Société nationale des pétroles d'Aquitaine) et pour partie en espèces avec échelonnement jusqu'au 30 juin 1973. De ce fait, le Groupe Worms acquérait la totalité du capital de la SFTP (jusque-là société d'économie mixte, dont 30% à l'État) et le contrôle de la société Pechelbronn qui devenait une société holding après que la Banque eut cédé à MM. Worms l'ensemble des titres Pechelbronn contre des titres de La Préservatrice AIRD, Compagnie bancaire, Biam, Portefeuille-Investissement et Le Nickel. Guy Brocard, coopté comme administrateur de Pechelbronn, en devenait le président.
A l'occasion du changement de majorité au sein de la société Au Bon Marché, la Banque Worms a échangé la participation qu'elle détenait dans la Compagnie commerciale d'investissements (qui lui assurait jusque-là le contrôle du Bon Marché) contre la participation de 34% que le Groupe Bon Marché détenait dans la Banque de l'union occidentale et qui fut dès lors contrôlée par Worms à 71,5%.
Au cours de 1970, la Banque Worms a suivi les augmentations de capital de sociétés dans lesquelles elle avait une participation, notamment, La Préservatrice-AIRD, la Banque de l'union occidentale (BUO), Foncina, Unibail, Cofidim, Jaeger et Induban (Espagne) plus la souscription de 2 millions à l'augmentation de capital de Worms, Compagnie maritime et charbonnière. Enfin, elle a porté à 10 millions de francs sa participation dans Le Nickel. Par contre, elle a vendu les intérêts qu'elle détenait dans la société Astral ainsi que ceux dans la Société de placements internationaux.
Au mois de février 1970, la Banque Worms participa à la création de l'Internationale Bank für Aussenhandel AG, à Vienne (spécialisée dans les opérations avec les pays de l'Est), ceci en compagnie de la Hessische Landesbank Girozentrale, de la Philadelphia National Bank, de la Bankkommanditgesellschaft AG, de l'Österreichische Crédit-Institut AG et de la Bank für Arbeit und Wirtschaft AG.
Et, en Australie, elle participait de même, avec la Philadelphia National Bank, au capital de l'Australian Finance and Investment - Afic, dont les actionnaires principaux sont la Sagit Trust et la Hambros Bank de Londres.
A Buenos Aires, la Banque Worms, aux côtés de la Société générale, de la Compagnie financière de Suez et du Banco de Vizcaya aida à la création de Financiaciones y Mandatos SA, établissement destiné au placement, sur le marché monétaire, d'acceptations bancaires.
En France, enfin, elle s'est intéressée à la constitution de la Société European Information Systems - EIS (avec la Bank of America, la Compagnie du Nord et Rothschild (Londres)), société spécialisée dans l'informatique. De même, une participation a été prise dans la Société générale de promotion et de financement immobilier - Sogeprom.
Au mois d'avril 1970, des prises de participation croisées ont été effectuées par le Crédit du Nord et la Banque Worms, opération approuvée par l'assemblée générale de cette dernière, du 14 mai. Aussi, Louis de Fouchier, président du Crédit du Nord a-t-il été nommé administrateur de la Banque Worms à cette date et Robert Dubost, directeur général de notre Banque, représenta celle-ci au conseil du Crédit du Nord.
La même assemblée du 14 mai de la Banque Worms avait autorisé l'élévation du capital à un plafond de 250 millions de F. Par souscription, ouverte le 30 septembre 1970, le capital a été porté à 152.124.500 F, ce qui assura des fonds propres de l'ordre de 219 millions à la société.
Le 10 novembre de la même année, la Maison Worms transformait son Portefeuille Investissements en Sicav, sous le nom Worms Investissements et procédait à une offre publique d'actions de 100 F nominal.
C'est le 15 décembre 1970 que l'action de la Banque Worms fut introduite au marché officiel de la bourse de Paris. Ainsi, Raymond Meynial avait mené à bien le programme qu'il s'était fixé dès 1962. Dans des délais normaux, il avait pu faire appel au marché financier pour procurer à la Banque Worms de nouveaux capitaux destinés à soutenir sa belle progression.
En 1968 déjà, il avait confié à Pierre Lindé d'"Entreprise" (numéro du 23 novembre) la solution à laquelle il s'était arrêté pour donner à la Banque Worms une nouvelle dimension en la sortant du statut de société de personnes : « Pour nous, il n'y avait dans ces conditions qu'une solution : l'appel au grand public. Mais ce geste était impossible tant que nous demeurions en nom collectif. Par ailleurs, nous n'acceptions l'idée de nouveaux partenaires qu'à la seule condition que leur participation soit minoritaire. Entendons-nous bien, nous ne voulions cependant pas accepter ces simples cartes de visite que l'on corne et que l'on oublie. Cela étant, il était difficile de demander à des étrangers de nous apporter un milliard et demi d'anciens francs pour n'avoir que 7 % du capital de la Banque Worms. C'est pourtant ce qu'il fallait obtenir. C'est à ce problème que je me suis attaqué, il y a six ans, après la mort d'Hypolite Worms et de Jacques Barnaud. »
Pour bien terminer l'année 1970, la Banque Worms ouvrait une nouvelle agence à Grenoble le 1er décembre et reprenait en propre les agences de la Société Méditerranéenne de banque à Ajaccio et Bastia le 2 décembre.
Au mois de février 1971, à l'occasion de l'augmentation de capital de la Sofapi (Société pour favoriser l'accession à la propriété immobilière), la Banque Worms en est devenue l'actionnaire majoritaire. En raison d'une opération similaire elle s'est également assuré le contrôle de la Sofet-Sofidi qui a pour objet le financement de l'industrie cinématographique.
D'autre part, elle a renforcé sa position dans le capital de la Sofical (née de la scission des actifs non algériens de la société Bastos) et exerce le contrôle de l'affaire à égalité avec le Crédit industriel et commercial.
Des participations entièrement nouvelles ont été prises la même année dans la Société nationale industrielle aérospatiale - Snias, dans les Établissements G. Truffaut (parmi les plus importants de la profession horticole), dans la société Crédit-bail Haussmann (crédit-bail mobilier), dans la Société d'exploitation Hôtel Concorde-Lafayette, dans la Compagnie financière de promotion et d'autres encore.
Les Assurances générales de Trieste et Venise ayant cédé au Groupe Worms leurs participations dans La Foncière, celui-ci détient désormais, directement ou indirectement, le contrôle de cette compagnie.
Les disponibilités que la Banque Worms a réalisées en se dégageant du secteur pétrolier Socantar-Antar lui ont permis un réinvestissement dans le groupe Lebon. A la suite de l'entrée du Groupe Worms dans la société Lebon & Cie, cette dernière se transforma en société anonyme, le 4 mai 1971, avec la dénomination Compagnie Lebon et son capital fut porté à 79.500.000 F. Le nouveau président-directeur général désigné fut Patrice Perrot de Corgnol, directeur général adjoint de la Banque Worms.
Mais l'un des événements les plus importants pour la Maison fut la restructuration du secteur maritime du Groupe Worms. La Compagnie havraise et nantaise péninsulaire qui prit la dénomination de Compagnie navale Worms devint la société holding de tout le Groupe ; elle ne posséda plus de navires mais seulement des participations importantes dans une vingtaine de filiales françaises ou étrangères. La principale de celles-ci est l'ancienne Société française de transports pétroliers devenue la Société française de transports maritimes - SFTM, qui regroupe une flotte de 44 navires pétroliers et de toute nature totalisant quelques 1.115.000 tonnes, plus 15 navires en commande représentant 915.000 tonnes, soit un total de plus de 2.000.000 de tonnes.
La SFTM a, elle-même, quatre filiales, dont trois ont pour objet l'armement et l'exploitation commerciale de sa flotte :
- la nouvelle Société française de transports pétroliers (transport d'hydrocarbures et de produits chimiques),
- la Navale & Commerciale havraise péninsulaire (cargos de lignes régulières et navires frigorifiques),
- la Société nantaise des chargeurs de l'Ouest (navires spécialisés et caboteurs),
- enfin, la Compagnie de transports maritimes pétroliers qui exploite six navires pétroliers (plus un en commande) soit plus de 700.000 tonnes en lourd appartenant à Pechelbronn.
L'ensemble du Groupe contrôle une flotte moderne d'environ 2.800.000 tonnes au total, ce qui le place parmi les premiers de l'industrie maritime en Europe.
En mai 1971, Robert Dubost devenait administrateur directeur général de la Banque Worms alors que Pierre Bazy, jusque-là directeur général adjoint (ex-directeur général de Sofibanque-Hoskier) accédait au poste de directeur général.
La Banque a, pour sa part, contribué en 1971 à des financements importants à long et moyen terme dans le domaine de l'exportation. Ainsi, au Brésil, des avenants à des contrats anciens et de nouveaux contrats ont été signés pour des montants totaux de 110 millions de F et de 6,5 millions de $ US. Une convention de 43 millions de F a, d'autre part, été passée avec le groupe Royal-Dutch-Shell pour la réalisation d'un complexe pétrochimique en Hollande.
Les services financiers de la Banque ont participé de leur côté à 12 opérations d'augmentation de capital en espèces, contre 10 l'année précédente. Le marché des euro-émissions a été spécialement actif en 1971 et la Banque Worms a participé durant l'année à 140 émissions et à la garantie de 82 d'entre elles.
Poursuivant sa politique d'implantation en province, la a Banque a ouvert trois nouvelles agences en 1971 : le 15 avril à Saint-Etienne, le 15 novembre à Rouen et le 1er décembre à Nantes. Dans l'agglomération parisienne même, la Banque établissait des guichets à La Muette le 9 août 1971.
La presse financière des 29 et 30 juin 1972 faisait état de la décision prise par la Compagnie financière de Paris et des Pays-Bas et par le Groupe Worms, de créer un nouvel ensemble de banques commerciales par le rapprochement du Crédit du Nord et de la Banque de l'union parisienne sous la raison sociale l'Uni on bancaire. Les participations détenues par les deux fondateurs dans le Crédit du Nord et la Banque de l'union parisienne firent l'objet d'un apport à l'Union bancaire, au capital de 200 millions de F, qui s'est trouvé ainsi actionnaire à 35% du Crédit du Nord et à 84% de la Banque de l'union parisienne. Le Groupe Worms détient 10% de la nouvelle société qui dispose d'un réseau de plus de 700 guichets en France.
Notre Banque a également participé à la fondation du Groupement pour le financement des ouvrages de bâtiment, travaux publics et activités annexes - GOBTP, destiné à émettre des emprunts groupés en vue de procurer des ressources suffisantes aux maîtres d'ouvrages. Dans le même esprit, la Banque Worms s'est jointe au Crédit lyonnais et à la FNSaga pour constituer la Caisse de crédit aux professions de l'assurance et libérales - Grépal dont elle détient 10% du capital.
Au mois d'août 1972, en accord avec la Banque de l'Indochine, le Ciave, la Philadelphia National Bank et Arbuthnot Latham & Co, la Banque Worms participait à la création de Multi-Credit Corporation en Thaïlande, société de financement et d'investissements pour le sud-est asiatique.
Parmi les nouvelles participations, celles prises dans les domaines immobiliers sont à signaler ici :
- la Banque s'est assuré le contrôle à 70% environ, directement ou indirectement, de l'établissement financier de crédit immobilier, la Société de prêts immobiliers - Soprim, d'une part, et s'est associée pour moitié à la Société financière Desmarais - Fidic dans le capital de la Compagnie d'investissements fonciers - Comif.
Les services financiers de la Banque ont eu à traiter en 1972 quinze augmentations de capital en espèces et treize par distribution d'actions gratuites.
Sur le marché des émissions internationales, la Banque Worms a participé à la garantie de 117 d'entre elles et au placement de 195 opérations de ce type.
Parmi les crédits a moyen et long terme à l'exportation, on note le financement de deux pétroliers vendus à la Thaïlande, financement dont le montant atteignait $ US 8.300.000.
Quant aux nouvelles implantations de la Banque, tant à l'étranger qu'en province, elles eurent lieu début mars 1972 à Nice (Médecin, nouvelle agence qui double celle de Guiglia), le 20 novembre à Bordeaux et début novembre à Londres, cette dernière sous la raison sociale Worms UK Limited dont la direction a été confiée à Jean Sevaux. A Paris et dans la région parisienne, des guichets furent ouverts à Montparnasse le 27 mars et à Vélizy le 28 juillet 1972.
Sur le plan international, en association avec la Philadelphia National Bank, Arbuthnot Latham and Co. et la Lease Plan International, la Banque a créé au mois de décembre la Concord International SA, au capital de 4.000.000 de $ US, destinée à constituer un réseau de sociétés de leasing mobilier en Europe et aux États-Unis.
L'année 1973 commençait par deux créations nouvelles. D'une part, en province toujours, la Banque ouvrait une agence à Roubaix le 2 janvier. D'autre part, avec Concorde International, elle constituait la filiale française de cette dernière, Concorde Équipement, dont Raymond Meynial assuma la présidence.
A la fin de février 1973, un investissement d'importance a été réalisé par la Banque dans le secteur de l'alimentation. De concert avec sa filiale Pechelbronn, elle s'est assuré la majorité du capital, à 50,5%, de la société Lu, Brun & Associés, la plus importante affaire française de biscuiterie, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 250 millions.
En mai, elle a créé une filiale à 99,99% au capital de 2.000.000 de F, la Copartim, destinée à financer la construction à usage d'habitation.
La Banque, en compagnie de deux de ses filiales, décidait d'entrer pour 50% dans le capital de deux sociétés soeurs, Rhônalcop et Sogerep, affaires de promotion de logements sociaux dans le sud-est et sud-ouest de la France.
En juillet 1973, elle participait à l'augmentation de capital de la Holding Syneurope, du groupe Syneurope-Synelec, dont l'activité est orientée vers l'informatique de pointe. Au cours du même mois de juillet, la Banque Worms prenait une participation de 10% dans le capital de l'International Energy Bank Ltd., dont elle était l'un des cofondateurs avec la Société financière européenne, la Bank of Scotland, la Barclays Bank International Ltd, la Canadian Imperial Bank of Commerce et la Republic National Bank of Dallas. La vocation de cette nouvelle banque est d'assurer de par le monde des financements dans tous les secteurs de l'énergie.
Enfin, la Banque Worms a été cofondateur avec la Banque de Paris et des Pays-Bas et la Banque de l'union parisienne d'une nouvelle Sicav, Obligations convertibles, de même que du Groupement - Gimer, aux côtés de la BNP, la Société générale, Paribas et le Crédit naval.
Les services financiers de la Banque sont intervenus dans quatre augmentations de capital en espèces et neuf par distribution d'actions gratuites ; de même, dans 84 émissions d'emprunts obligataires.
Les crédits à l'exportation à terme en créances nées ont continué à être importants. Au travers du Ciave des financements nouveaux furent mis sur pied dont ceux de $ US 27.000.000 pour la construction de la plateforme Pentagone pour les recherches pétrolières en mer du Nord et de $ US 19.000.000 pour l'extension de la cimenterie d'Alhandra au Portugal.
Enfin, parmi les filiales et participations, la Société du Louvre, dont l'immeuble place du Palais-Royal a été cédé à un groupe britannique, est devenue, à la suite de diverses opérations, une société à la fois foncière et holding. Propriétaire de nombreux immeubles dont ceux loués à la Société des hôtels Concorde, dont elle possède 92% du capital, elle détient également 64 du capital de la Société du grand hôtel de la rive gauche, Hôtel Lutetia.
En janvier 1974, la Banque participait à la création à Koweït de la Société International Financial Advisors - Ifa, au capital de KD 500.000 (soit $ US 1.700.000) avec la participation de Robert Fleming Holdings Ltd Londres et William Kent & Co. à Greenwich (USA). Son objet est de mettre l'expérience financière de ses fondateurs à la disposition des gouvernements et des sociétés du monde arabe, ainsi que de réaliser des financements régionaux et internationaux intéressant cette partie du globe.
A l'occasion de l'assemblée générale ordinaire de la Banque Worms qui s'est tenue le 21 mai 1974, Raymond Meynial, l'un des fondateurs des Services bancaires et de la Banque, et son premier président, a désiré ne plus voir renouveler ses fonctions de président, il a été nommé président honoraire et s'est trouvé remplacé par Guy Taittinger comme président-directeur général.
Raymond Meynial, au cours de son allocution à l'assemblée générale du 21 mai 1974, a apporté sur la Banque les précisions suivantes :
« ... Je l'ai connue quand elle était un établissement où quelques dizaines d'employés étaient occupés ; elle en compte aujourd'hui 1.300. Les chiffres qui vont suivre parlent d'eux-mêmes :
- le total du bilan qui, en 1936, s'élevait à 3 millions et demi est passé en 1944 à 21 millions, en 1973 à 6.500 millions. Les dépôts de la clientèle et des banques qui en 1936 s'élevaient à 2 millions sont passés à 680 millions en I960 et 5 milliards en 1973.
Comme vous le voyez, ces quelques chiffres montrent le développement extraordinaire de la Banque au cours de ces trente-cinq dernières...
Après avoir ainsi réorganisé, par l'ouverture de nouvelles succursales et l'adjonction des succursales de la Bian, notre implantation en France (je vous indique qu'en 1940 nous étions seulement installés à Marseille et que nous le sommes maintenant dans toutes les principales métropoles régionales), nous avons voulu nous implanter à l'étranger. C'est ainsi qu'au lieu de nous établir directement aux États-Unis, en Angleterre, en Écosse et en Allemagne, nous avons offert à une grande banque de chacun de ces pays de participer à notre entreprise et de prendre une part de son capital que nous avons fixée 7% environ. Chacune d'elles est représentée à notre conseil et nous sommes très heureux de cette nouvelle formule (qui a été reprise par d'autres depuis) et qui nous a permis de développer par une fructueuse coopération notre activité internationale...
Quelques chiffres encore vous donneront une idée de la progression de nos opérations internationales :
- les comptes en devises gérés par la Banque sont passés de 143 millions en 1963 à 1.588 millions en 1973 ; nos mouvements de comptes change sont passés de 6 milliards en 1963 à 42 milliards en 1973 ; les produits en devises sont passés de 3 millions en 1963 à 16 millions en 1973 ; enfin, l'encours des grands crédits extérieurs est passé de 107 millions en 1963 à 618 millions en 1973.
Mais ce bref exposé ne serait pas complet si je n'essayais de décrire rapidement les activités de la banque d'affaires, parallèles à celles de notre banque commerciale et issues de son développement.
Au moment de la création de la Banque, la valeur des actifs immobilisés était inexistante. Aujourd'hui, ils sont de l'ordre de 350 millions de nos francs. Les chiffres que voici permettent de suivre leur progression :
1946 |
6.500.000 francs actuels |
1962 |
140.000.000 francs actuels |
1974 |
350.000.000 francs actuels |
... Je me bornerai donc à parler des quelques premiers mois de l'année en cours. Tout d'abord les dépôts ont continué à progresser passant de F 4.986.000.000 au 4 janvier 1974 à F 5.625.000.000 au 31 mars, soit un accroissement de 12 à 13% (en trois mois). »
En mai 1974, également, la filiale marocaine de la Banque Worms & Cie-Maroc fusionnait (avec effet rétroactif au 1er janvier) avec la Banque de Paris et des Pays-Bas-Maroc dans le but de renforcer ses moyens d'action avant la marocanisation légale qui allait intervenir fin mai 1975 au plus tard. Le nouveau capital est de 9.072.000 DH et la raison sociale transformée en Société marocaine de dépôt et crédit - SMDC. Le président en est Abdelkader Ben Salah et les vice-présidents Henri Marot (Worms) et Paul-Louis Péan (Paribas), représentant chacun les intérêts de leur banque qui s'élèvent à 20,55% du capital pour chacune des deux banques.
A compter du 1er juillet de la même année, le capital social de la Banque Worms a été porté à 171.140.000 F par incorporation de réserves.
Au cours de 1974, la Banque a acquis un certain nombre de nouvelles participations dont les plus importantes sont celles prises dans :
- Compagnie générale d'entreprise financière et industrielle textile - Cogefit, société de portefeuille dans laquelle la Banque Worms est majoritaire avec un investissement de 23,5 millions de francs ;
- Paris Parkings (société concessionnaire de parkings) ;
- les autres étant Sefipro (entreprise de financement de la promotion immobilière), S0fremer (pour l'expansion de l'ingénierie française), Sibes (Société interbancaire d'études et de services), Europrim et Cogipart (financements immobiliers), la Sociedad Financiera Atlantica (au Venezuela), DWM-Copeland Gmbh (rapprochement avec Comef) et enfin en octobre 1974 Worms Finance NV, filiale à 100%, société financière dont le siège est à Curaçao aux Antilles Néerlandaises et destinée à faciliter des opérations internationales.
En septembre 1974, des accords sont intervenus dans le domaine de la télédistribution entre la Compagnie générale des eaux (réseaux publics), la Sat (câbles coaxiaux), Téléréseaux (Thomson-CSF) et pour le financement la Banque de Paris et des Pays-Bas, le Crédit lyonnais, la Banque Worms et la Société générale.
En province, la Banque a amélioré ses conditions d'exploitation à Montpellier en particulier en transférant dans de nouveaux locaux, le 1er juillet, son ancienne agence et en ouvrant le 14 octobre un bureau de quartier 1, rue Aristide-Ollivier.
Les services financiers ont participé en 1974 à quatre augmentations de capital en espèces et à onze augmentations de capital par distribution d'actions gratuites ainsi qu'à cinquante-huit émissions d'emprunts obligataires.
Par l'intermédiaire du Ciave, durant l'année, ont été signés de nouveaux contrats de fournitures à l'étranger portant sur des montants atteignant 500 millions de francs.
Ceci a permis, en particulier, de monter des financements de $ US 16 millions pour la réalisation de l'usine de polypropylène à Capuava au Brésil, de $ US 11 millions pour l'extension de la cimenterie de Dodam, de $ US 14 millions pour celle de Jea-Chun, toutes deux situées en Corée, de $ US 17 millions pour l'usine d'engrais phosphoriques à Taïwan, Roc, de $ US 30 millions pour l'usine de séparation de xylène toujours à Taïwan, Roc, et de $ US 10 millions pour une usine d'éthylène aux Pays-Bas.
Enfin, la Banque est intervenue en tant que membre des syndicats de garantie ou de placement à trente-huit émissions sur le marché des émissions internationales.
Robert Labbé, associé gérant de la Maison Worms & Cie, président de Worms, Compagnie maritime et charbonnière, président de la Navale & Commerciale havraise péninsulaire, étant décédé le 27 août 1974, a été remplacé par Nicholas Clive Worms au conseil de cette dernière le 8 octobre. Nicholas Clive W0rms lui succéda également au conseil de la Banque Worms qui prit cette décision le 25 septembre 1974.
La direction générale de la Banque se trouvait par les nominations de fin d'année renforcée de deux nouveaux directeurs généraux adjoints : Henri Marot et Claude Janssen.
Début avril 1975 la filiale au Maroc de la Banque Worms, la Société marocaine de dépôt et crédit, terminait sa marocanisation. Le capital de 9.072.000 DH se trouvait détenu à 50% par des personnes marocaines, à 20,55% par la Banque Worms et par Paribas chacune et à 8,90% par l'ensemble Banque ottomane, Union bancaire et Hessische Landesbank. Henri Marot en est vice-président avec Paul-Louis Péan de Paribas.
L'assemblée générale extraordinaire de la Banque Worms du 22 mai 1975 autorisa le conseil à porter en plusieurs fois le plafond du capital social à 350 millions de francs.
De leur côté MM. Worms & Cie qui avaient déjà élevé leur capital de 12 à 60 millions par prélèvement sur réserve spéciale de réévaluation le 24 juin 1971, portaient celui-ci à 64 millions, le 26 décembre 1975, par apports en espèces des associés gérants.
Au cours de 1975, le département des affaires financières de la Banque est intervenu dans deux opérations d'augmentation de capital en espèces et dans quatre par distribution d'actions gratuites. Il a également dirigé, avec celui de la BNP, cochef de file, l'émission d'un emprunt obligataire de 110 millions de francs du groupement Gimer. Il a en outre participé à 95 émissions d'emprunts obligataires dont quatre convertibles.
Le département du commerce extérieur, spécialisé dans le financement des exportations à moyen et long terme, a augmenté de 40% l'encours des crédits tant fournisseurs qu'acheteurs, encours qui dépasse les 850 millions de francs à la fin de 1975.
La filiale du Ciave s'est associée à la banque anglaise Hill Samuel pour créer en Grande-Bretagne le Ciave London Limited.
Le secteur des émissions internationales a enregistré en 1975 un volume record. La Banque est intervenue dans 175 émissions en tant que membre des syndicats de garantie ou de placement.
De nouvelles participations ont été prises et de nouvelles affaires créées. Ainsi Worms-Pierre, société civile de placements immobiliers a été fondée en septembre 1975 au capital initial de 1.000.000 de F avec le concours de la Banque de l'union occidentale, de La Foncière, La Populaire et La Préservatrice. Une première augmentation de capital d'un montant de 15 millions a été ouverte de novembre 1975 à mars 1976.
Il a été, d'autre part, décidé d'acquérir 5.000 actions de La Redoute à Roubaix et même d'accroître cette participation.
Sous l'égide du Groupe Worms, la Compagnie financière pour le développement économique de l'Algérie - Cofidal, avait vu le jour en 1957. La Banque Worms a été amenée en 1975 à prendre dans cette société une participation directe. De même, elle a participé à la création de la Société dauphinoise de transports de valeurs, Transval Dauphiné, pour répondre aux besoins de notre agence de Grenoble.
Au 31.12.1975 la liste des filiales et participations bancaires s'établit comme suit :
- Banque de l'union occidentale - BUO, Unibail, Ufiba (Union financière de banque), Banque hypothécaire européenne, et sa filiale, le Crédit immobilier européen, la Compagnie bancaire, Banque Worms & Associés (Genève), Banco de Financiación Industrial (Induban) à Madrid, SMDC (Société marocaine de dépôt et de crédit), l'UBCI (Union bancaire pour le commerce et l'industrie), IEB (International Energy Bank Ltd), IBA (Internationale Bank für Aussenhandel à Vienne), Afic (Australian Finance & Investment Cy. Pty), Ifa (International Financial Advisors), Worms Finance NV, et celle des établissements financiers : Sofet-Sofidi, Concord International, Concorde Équipement, Crédit-bail Haussmann, Haussmann Location, Sofapi (Société pour favoriser l'accession à la propriété immobilière), Épargne-Expansion.
En plus, la Banque Worms possède de nombreuses participations dans des sociétés de portefeuille, dans des compagnies d'assurances (La Foncière, La Préservatrice, La Populaire-Vie) et dans des affaires immobilières et diverses.
En province, afin de mieux mettre ses services à la portée de la clientèle, la Banque Worms a ouvert en 1975 deux nouveaux bureaux, l'un avenue Pasteur à Rouen, l'autre rue de la République à Grenoble, tous deux le 15 décembre de la même année.
Le 28 janvier 1976 était créée au Brésil la société Brasilinvest (au capital initial de 100 millions de Cruzeiros, porté en mai à 200 millions), dans le but de favoriser les apports en capitaux et en technologie au sein de l'économie brésilienne en associant des partenaires étrangers à des industriels brésiliens. Le Groupe Worms a pris une participation dans cette affaire de 2,5 millions de Cr. (environ 250.000 $ US) et se trouve représenté au Brésil même par Patrick Lamotte.
D'autre part, le Groupe Worms, toujours en mai 1976, a retrouvé sa place au conseil d'administration de l'Association nationale des sociétés par actions (Ansa) ; c'est Charles Duguet, président-directeur général du Portefeuille industriel et directeur des services financiers, juridiques et administratifs de Worms & Cie qui le représente au conseil. De même, notre Groupe, à la suite de l'augmentation de capital de 30 à 50 millions de francs de la Banque de l'union immobilière - Ucip, détient depuis juin de la même année 5% du capital de cet établissement. Au mois d'octobre, la Banque Worms a acquis 20% puis environ 62% du capital d'un établissement bancaire étranger établi à Paris, la Société mutuelle industrielle (au capital de 10 millions de francs). Les deux autres actionnaires sont les groupes Solvay (Belgique) et Gillet (France). Robert Dubost, vice-président de la Banque Worms, en a été nommé le président-directeur général.
En outre, parmi les participations nouvelles de la Banque, certaines méritent d'être citées comme celles prises dans :
- L'Aurore, Sicav fondée à la fin d'octobre 1976 (notre participation s'élève à un million de francs) ;
- Banco de Vizcaya, pour 10.248.441 F, contre-valeur de 55.204 actions de cet établissement, reçues en rémunération de notre apport de 69.005 actions Induban que nous possédions jusque-là ;
- Établissements Carpano Pons, société anonyme au capital de 18 millions dont nous avons pris F 1.095.000 pour notre compte. Il s'agit d'une société holding d'un important groupe industriel sis à Cluses et spécialisé dans la production de mécanismes d'automation et de programmation ;
- Celic, société suisse créée en mai 1976 au capital de 250.000 FS, destinée à étendre au domaine international les opérations de leasing au travers de Concorde Équipement notamment ; Electrolux, dont la Banque a acquis 50.000 actions pour près de 5,7 millions, en vue de développer les relations avec cet important groupe suédois.
Enfin, notre participation en actions de La Redoute a été renforcée de 4,6 millions de francs.
Les ressources de la Banque Worms se sont trouvées étoffées, en février 1976, par l'émission d'un important emprunt obligataire de 100 millions de francs.
Des implantations nouvelles ont vu le jour en province ; l'une a ouvert ses guichets le 1er juillet 1976 à Orléans, l'autre le 3 novembre à Tourcoing.
Le département du commerce extérieur a poursuivi ses opérations de financement à terme des exportations françaises. La plus grande partie de ces opérations concerne les pays de l'Est européen, d'Afrique (notamment le Maroc), du Moyen Orient (Turquie) ou d'Amérique Latine (Venezuela). Les encours en fin d'année ont augmenté de l'ordre de 29% sur l'exercice précédent.
Pour les émissions internationales, l'activité a battu tous les records ; l'augmentation enregistrée a été de 70%. La Banque est intervenue dans 245 émissions comme membre des syndicats de garantie et de placement.
Dans le Groupe, le secteur des assurances a connu un important remaniement. La société de portefeuille Acmo (dont le capital était en cours d'élévation de 3.852.000 à 22.149-000 F à la fin de 1976) est passée sous le contrôle de la Banque Worms à plus de 96%. Cette dernière lui a cédé la totalité des actions Foncière Tiard qu'elle possédait, ceci en vue de leur apport à La Préservatrice SA devenue Comindus (Société de participations commerciales et industrielles). L'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de La Préservatrice SA, tenue le 16 décembre 1976, a entériné cet apport ainsi que ceux effectués par MLS Participations et par Pechelbronn. L'ensemble de ces apports a fait entrer dans le portefeuille de Comindus 834.504 actions Foncière Tiard lui assurant le contrôle à 52,16% de cette dernière qui est devenue la société mère du groupe Foncière. Comindus, du Groupe Worms, contrôle donc l'ensemble des sociétés Préservatrice et Foncière. Son capital s'est trouvé porté, à la suite des apports en question, de 65.312.500 à 92.290.000 F, Raymond Meynial ayant désiré se retirer, a été nommé président honoraire de Comindus et c'est Guy Taittinger qui a été désigné comme président-directeur général de cette société.
[Organigramme Comindus après apport]
Les services financiers ont eu à traiter, en 1976, un bon nombre d'opérations. Sept augmentations de capital en espèces ont été domiciliées à nos guichets et trois par distribution d'actions gratuites.
La Banque est également intervenue dans deux négociations de blocs de contrôle, l'une pour le compte de Pechelbronn sur la Compagnie des hauts fourneaux de Chasse, l'autre pour le compte de la société Spéravi sur la société des Établissements Japy Frères.
Elle a, d'autre part, dirigé avec la Banque nationale de Paris (BNP) le deuxième emprunt obligataire de 100 millions de francs du Groupement des industries de la mer et des activités sous-marines - Gimer.
En outre, la Banque Worms a participé à 73 émissions de valeurs à revenus fixes dont 3 émissions d'obligations convertibles.
Rappelons ici le succès obtenu par l'émission de l'emprunt obligataire de 100 millions de francs que la Banque Worms a lancé en février 1976 et qui lui a permis un accroissement égal de ses concours hors encadrement.
Au 31.12.1976, l'ensemble des ressources provenant des comptes de la clientèle s'est élevé à F 5.754.956.461 (+ 18,3%) (dépôts francs-devises). Les concours à l'économie (francs-devises) ont atteint F 7.637.473.000 (+ 17,5%). Les engagements par avals et cautions étaient, pour leur part, de F 1.197.817.000 (+ 7,2%) et le total du bilan de F 9.661.883.176.
A la fin décembre 1976, on apprenait, d'autre part, que Nicholas Clive Worms prenait la présidence de la société Pechelbronn, l'une des holdings du Groupe et que Pierre Bazy était coopté comme associé-gérant de la société Worms & Cie et qu'il assurerait cette fonction dès le 1er janvier 1977.
A la suite de négociations qui aboutirent en janvier 1977, il fut décidé au début du mois de février que la Banque Worms et la Banque provinciale du Canada entretiendraient des relations privilégiées. Pour concrétiser un tel accord, la Banque provinciale du Canada prit une participation de 20% dans le capital de la Banque de l'union occidentale - BUO, filiale à une large majorité de la Banque Worms. Participent également au capital de la BUO le Banco Exterior de Espana à Madrid et MM. O. de Schaetzen & Cie à Liège.
En février 1977 également, la Banque Worms a participé à la constitution du groupement d'intérêt économique (GIE) Finecomap[14] en compagnie de la BNP, de la Banque Rothschild et de Paribas. Le groupement a pour objet la mise sur pied de financements spécialisés pour la réalisation d'économies sur les importations de matières premières et pour la mise en valeur des ressources nationales de remplacement.
Poursuivant sa politique d'implantations nouvelles, la Banque Worms a ouvert, le 18 avril 1977, une agence dans la région parisienne, à Puteaux.
De son coté, la Compagnie navale Worms, en vertu de l'autorisation accordée par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 16.10.1973 et de la décision prise par son conseil d'administration du 5.04.1977, porte son capital de 69.587.100 F à 86.983.00 F par souscription d'actions nouvelles en espèces.
Au moment de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la Banque Worms du 26 mai 1977 le conseil d'administration de celle-ci était composé de :
R. Meynial |
président d'honneur |
G. Taittinger |
président-directeur général |
R. Dubost |
vice-président |
C. Tixier |
vice-président (ex-président de la BIFC, ex-Bian) |
J. Barnaud |
administrateur |
G. Brocard |
administrateur |
N. Clive Worms |
administrateur |
Lord Clydesmuir |
administrateur (gouverneur de la Bank of Scotland) |
GM. Dorrance Jr. |
administrateur (président de la Philadelphia National Bank) |
L.C. de Fouchier |
administrateur (président du Crédit du Nord) |
M.R. Luthert |
administrateur (directeur division Europe de la Lloyds Bank international Ltd) |
Dr H. Sippel |
administrateur (président du Vorstand de la Hessische Landesbank) |
et la direction générale de la Banque de :
G. Taittinger |
président-directeur général |
P. Bazy |
directeur général (ex-directeur général de Sofibanque-Hoskier) |
C. Janssen |
directeur général adjoint |
H. Marot |
directeur général adjoint |
Au cours de la réunion du conseil d'administration tenue à l'issue de l'assemblée, il a été décidé d'augmenter le capital social de 171.140.000 F à 205.368.000 F par incorporation d'une somme de 34.228.000 F prélevée sur les réserves. Cette opération sera matérialisée par la création de 342.280 actions jouissance du 1er janvier 1977 attribuées gratuitement aux actionnaires à raison d'une action nouvelle sur cinq actions anciennes et dont la distribution sera faite ultérieurement.
Dans le Groupe, la constitution de Worms-Distribution, celle de Worms Services maritimes et l'acquisition de sociétés routières ont profondément modifié la structure de Worms, Compagnie maritime et charbonnière. Au lieu de l'articulation précédente de deux directions générales autour d'un siège social, Worms CMC est devenue une société holding regroupant un certain nombre de filiales :
- Worms Services maritimes, sous la présidence de Jean Bucquet ;
- Services combustibles, propriété de Worms CMC, mais filiale de facto ;
- Filiales routières, regroupées de leur côté dans le GIE TFE (groupement d'Intérêt économique - Transports frigorifiques européens), présidé par Jacques Masson (assisté de Robert Diemert qui est le président des sociétés Eurotransit et Alamasse Bulle & Cie).
Le siège social de Worms CMC comprend les services suivants : financiers, juridiques et sociaux, comptables, administratifs.
Annexes
1. - Liste des associés gérants de Worms & Cie et des directeurs généraux de la Banque
2. - Étude pour la création d'un département Banque (mai 1928)
3. - Documents se rapportant à la Société d'exploitation de la Compagnie havraise péninsulaire de navigation dans les années 1930
4. - Décret du 17 juin 1938 invitant l'Office national des combustibles liquides à apporter son concours à des entreprises ayant pour objet le développement de la flotte pétrolière
5. - Lettre de mission adressée le 23 juillet 1938 par le président du conseil, ministre de la Défense nationale, Édouard Daladier à MM. Worms & Cie
6. - Note sur la création de la Société française de transports pétroliers (SFTP)
7. - Note concernant la création de la société anonyme des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime, datée du 27 juillet 1945
8. - Liste des filiales et participations de la Banque Worms au 31.12.76
9 - Bref historique des agences et banques filiales
Relations administratives et industrielles du Groupe Worms en 1940-1941
Dans la France meurtrie de 1940, le gouvernement de Vichy avait, par une loi du 16 Août 1940, institué des comités d'organisation professionnelle chargés de préparer le statut de la profession que chacun d'eux allait superviser. Ces comités d'organisation professionnelle étaient dirigés par un président ou un directeur responsable et avaient un service de répartition des matières premières, lui-même dirigé par un répartiteur jouissant de pouvoirs étendus.
Début 1941, il existait ainsi 70 comités d'organisation professionnelle dont 19 pour le textile, 2 pour le tourisme, 1 pour les assurances, 5 pour l'industrie du cuir, 4 pour le papier et l'impression, 15 pour les industries diverses (horlogerie, verrerie, optique, publicité, cinéma etc.) et 26 pour l'industrie lourde.
En raison des relations d'affaires ou amicales très étendues des dirigeants du Groupe Worms, il est possible d'établir une liste, non exhaustive, des comités d'organisation professionnelle à la tête ou au sein desquels se trouvent des personnalités connues du Groupe Worms.
1) Aluminium et magnésium
- président : Raoul de Vitry, administrateur directeur général de Péchiney, administrateur de Minerais et Métaux, bonne relation de Monsieur Barnaud et de Worms & Cie.
2) Automobile et cycles
- directeur responsable : François Lehideux, président de l'Union d'exportateurs français pour l'Europe du Nord (Groupe Worms, Renault, Saint-Gobain, Péchiney).
3) Carrières et dragages
- président : Maurice Piketty, ami de Messieurs Barnaud et Le Roy Ladurie.
4) Chaux et ciments
- président : Henry Pagezy, président-directeur général de Distribution d'électricité de l'Ouest, administrateur de la Lyonnaise des eaux dont Monsieur Barnaud a été administrateur jusqu'en 1941.
5) Produits chimiques
- président : Georges Painvin, administrateur puis président-directeur général d'Ugine, bonne relation de Monsieur Barnaud.
6) Combustibles liquides
- président : Jules Meny, administrateur puis président-directeur général de la Compagnie française des pétroles - ami de Monsieur Barnaud
(cf. fondation de la SFTP).
7) Combustibles minéraux solides (commerce)
- président : Albert Frange, administrateur du Comptoir central des agglomérés de houille du littoral français (connu de la Maison Worms & Cie).
8) Combustibles minéraux solides (importation)
- président : André Pol, de la Maison Chatel et Dollfus qui est elle-même l'un des partenaires du Comptoir central des agglomérés de houille du littoral français (connu de Worms & Cie).
9) Combustibles minéraux solides (industrie)
- président : Aimé Lepercq, mêmes fonctions et titres qu'André Pol.
10) Énergie électrique
- président : Roger Boutteville, président de l'Union électrique du Centre et directeur général de l'Union d'électricité (liens avec la Lyonnaise des eaux dont Monsieur Barnaud a été administrateur jusqu'en 1941).
11) Ferro-alliages
- directeur responsable : Eugène Mathieu, vice-président de Transport d'énergie des Alpes et directeur général d'Ugine (relation de Monsieur Barnaud).
12) Goudrons de houille, benzols et dérivés
- directeur responsable : Georges Goret, directeur du Gaz de Paris (liens avec la Lyonnaise des eaux dont Monsieur Barnaud était administrateur jusqu'en 1941).
15) Machines agricoles (industrie et commerce)
- président : Émile Taudière, ami de Pierre Pucheu, administrateur des Établissements Puzenat (liens avec Worms & Cie).
14) Machines hydrauliques, thermiques et pneumatiques
- président : Marcel Danbon, administrateur directeur général d'Alsthom (liens avec Monsieur Barnaud).
15) Manutention dans les ports maritimes
- président : Georges Hecquet, président de Travaux et Industries maritimes, du groupe maritime Estier.
Autres membres du comité : Robert Lemaignen, président-directeur général de la Société commerciale d'affrètements et de commissions, du groupe de la rue Lord Byron (liens avec Worms affrètements) ; Alexis Baptifaut, administrateur des Chargeurs réunis et de La Réunion française et Compagnie d'assurances universelles réunies dont Monsieur Worms est également administrateur.
16) Industrie et commerce de la machine-outil, de l'outillage et de la soudure
- président : Jean Perony, président-directeur général de Somua.
Des membres du comité sont en relation avec Worms & Cie (Arthur Bommelaer, président-directeur général de l'Alsacienne de constructions mécaniques, administrateur d'Alsthom).
17) Marine marchande
- président : Amiral Docteur (Monsieur Hypolite Worms a été proposé).
Des membres du comité sont en relation avec Worms & Cie (Francis Fabre, administrateur des Messageries maritimes et directeur général des Chargeurs réunis, J. Briaut, administrateur de l'Association pétrolière, G. Hecquet, président de Travaux et Industries maritimes, lié aussi à la Société maritime nationale (Estier), P. Vieljeux, de Delmas et Vieljeux et Jean Marie).
18) Mécanique
- président : Pierre Pucheu (devenu ministre de la Production industrielle), administrateur de l'Union d'exportateurs français pour l'Europe du Nord (liens avec Worms & Cie), administrateur délégué des Établissements Japy Frères (Groupe Worms).
19) Travail des Métaux
- président : Jean Constant.
Membre du comité : Albert Japy (des Établissements Japy Frères - Groupe Worms).
20) Métaux et alliages non ferreux
- président : René Painvin, président de la Compagnie générale d'électrométallurgie, administrateur de la Compagnie française du bi-métal (liens avec le Groupe Worms).
21) Minerai de fer
- président : Paul Nevejans, président de la Société minière, métallurgique et chimique de l'Orb, administrateur des Forges de Strasbourg et de l'Association minière (bons rapports avec Worms & Cie).
22) Minerais et métaux bruts
- directeur responsable : Ferdinand Blondel, en relation avec Monsieur Barnaud par l'Estrellas Mining.
23) Sidérurgie
- président : Jules Aubrun, administrateur des Messageries maritimes et de la Société de construction des Batignolles (en relation avec les Chantiers du Trait - Worms & Cie).
24) Transports par navigation intérieure
- président : Pierre Brousse, directeur général pour la navigation du Rhin (en relation avec Worms maritime et charbonnière).
25) Transports par voies ferrées d'intérêt local
- président : M. Boulle
- Secrétaire général : E. Calvayrac, administrateur d'Estrellas Mining dont Monsieur Barnaud était président depuis 1937.
26) Assurances et capitalisation
- président : Jacques Guérard, président honoraire de la Préservatrice Accidents, administrateur de Japy Frères.
- Secrétaire général : Jean Vinson, secrétaire général de la Préservatrice, administrateur des Établissements Japy Frères (Groupe Worms).
27) Banques et établissements financiers
- président : Henri Ardant, président-directeur général de la Société générale, ancien inspecteur des Finances (relation de Monsieur Barnaud).
- Commissaire adjoint du gouvernement : Jacques Brunet, directeur du Trésor (relation de Monsieur Worms et de Monsieur Barnaud).
Ainsi introduit, le Groupe Worms était bien placé sur le plan national et se trouvait à même de jouer un rôle important dans l'économie française du moment. Mais l'occupation allemande oblitéra singulièrement l'activité de l'industrie et du commerce français.
En guise de conclusion
L'importance de la restructuration intervenue dans diverses branches d'activité du Groupe Worms ces dernières années justifie, en guise de conclusion, la présentation en survol rapide de l'ensemble du Groupe lui-même tel qu'il apparaît actuellement avec son potentiel et sa capacité de services qu'il peut utilement apporter.
Document joint : plaquette de présentation du Groupe Worms
[1] Les groupes pressentis étaient ceux de Worms, Schneider et Paribas. Schneider créa les Chantiers d'Harfleur et Paribas ceux de Caen. MM. Worms & C° achetèrent alors au Trait une trentaine de terrains contigus ; le premier le 13 décembre 1916 et la quasi-totalité au cours de l'année 1917.
[2] Jacques Barnaud a bénéficié auprès du ministère des Finances, à sa demande, d'une mise en disponibilité en date du 12 juillet 1927. Lors de sa déposition auprès de la Commission parlementaire d'enquête, le 2 mai 1950, il a indiqué que c'est en mai 1927 qu'il est entré comme directeur général à la Maison Worms & Cie. Paul Baudouin est entré à la Banque de l'Indochine le 12 février 1926 comme inspecteur général des succursales et agneces d'outre-mer. En mision d'inspection d'outre-mer du 8 octobre 1926 au 31 juillet 1927, il a été nommé directeur général adjoint le 1er janvier 1928, puis directeur général le 29 avril 1931 et président le 4 février 1941.
[3] Une mention modificative déposée auprès du greffe du tribunal de commerce de la Seine, en date du 11 juillet 1928, porte : - ajouter à l'objet social : "opérations de banque et de change", mention précédemment omise.
[4] Le gros des créances de Worms & Cie était en fait constitué par le solde de deux navires commandés en 1926 par la Compagnie havraise péninsulaire aux Chantiers du Trait (Worms & Cie).
[5] Avant d'être administrateur-délégué, il allait devenir vice-président du Comptoir Lyon-Alemand, Louyot et Cie, puis président de Sofibanque-Hoskier, et finalement vice-président de la Banque Worms & Cie après la fusion en 1967.
[6] Voir en annexe le texte de cette lettre de mission du 23.7.1938 ainsi qu'une note sur la création de la SFTP.
[7] Les non-lieux, tant à l'égard d'Hypolite Worms que de Le Roy Ladurie, furent prononcés le 25 octobre 1946 par la cour de justice et le 10 février 1947 par la Commission nationale d'épuration ; celui concernant la Maison Worms fut émis le 28 novembre 1946 par le Comité de confiscation des profits illicites.
[8] Le fait est confirmé par la déposition d'Olivier de Sèze devant la Commission nationale interprofessionnelle d'épuration du 7 août 1945 et par le témoignage d'Emmanuel Monick, gouverneur de la Banque de France, en date du 8 avril 1946.
[9] L'expert principal désigné par la cour de justice était M. Gaston Bernard ; son rapport sur la Maison Worms est un document de 700 pages, daté du 31 décembre 1945 qu1 traite de l'activité de tous les départements de Worms & Cie sous l'occupation.
[10] A cette date l'ensemble de la flotte pétrolière du groupe Worms représentait près de 30% du tonnage pétrolier en service en France.
[11] Le 1er janvier 1949, il était nommé directeur général de la Banque industrielle d'Afrique du Nord (Bian) dont en 1959 administrateur directeur général de celle-ci. En 1964 il devenait président honoraire et conseiller de la BIFC, ex-Bian.
[12] D'autre part le 10 octobre 1951 MM. Worms et Cie acquéraient une participation dans les Établissements Luchaire par voie de cession directe de 4.500 actions.
[13] AG constitutive du 17 janvier 1955.
[14] L'acte constitutif de la société est du 2.12.1976.