1945.12.31.De Gaston Bernard.Au juge Thirion.Rapport d'expertise.Pages 403 à 564

Document correspondant aux pages 403 à 564 (cf. table des matières) du rapport de Gaston Bernard, expert-comptable près la Cour d'appel de Paris et le Tribunal de première instance de la Seine, rapport adressé à Georges Thirion, juge d'instruction à la Cour de justice de la Seine, et concernant l'"Affaire Ministère public contre Hypolite Worms et Gabriel Le Roy Ladurie".
Les PDF correspondant aux pages 403 à 471 et aux pages 472 à 564 sont consultables à la fin du texte. 

Deuxième partie
Les participations de la société Worms & Cie

Chapitre premier
Étude générale des participations de la société Worms & Cie - Inventaire et classifications desdites participations

Dans la première partie du présent rapport, il a été procédé à l'examen successif de l'activité des différents départements de la société Worms & Cie.
Cet examen a fait ressortir, pour chaque département, la proportion d'activité consacrée pendant l'occupation, au secteur allemand. Il a en outre été déterminé quel profit ou quelle perte est résulté pour la société de ces opérations.
Mais il y a lieu de noter que la Maison Worms & Cie étend largement son influence en dehors des quatre départements qui la composent.
En effet, chacun des départements a en portefeuille des actions ou des parts de fondateur de sociétés françaises et étrangères plus ou moins importantes. Dans la suite du présent rapport, ces actions et parts de fondateur sont désignées sous le terme général de "participations".
Ainsi qu'il est naturel, le département bancaire qui constitue une banque d'affaires, a dans son propre portefeuille et gère la majeure partie de ces participations.
Les trois autres départements ont également quelques participations propres, mais d'importance beaucoup moindre.
En outre, le siège social, en tant que organisme centralisant les différentes activités, a également un portefeuille spécial ne dépendant d'aucun département.
Le tableau qui suit donne la répartition entre chacun des départements et le siège, des participations de la Maison Worms, chiffrées à leur valeur comptable.
Les chiffres contenus dans les colonnes 2 à 6 de ce tableau sont les valeurs comptables figurant aux bilans de fin d'exercice de chacun des départements. Les totaux inscrits dans la colonne 7 sont ceux portés au bilan général de la Maison et représentant à la fin de chacun des exercices 1939 à 1944 la valeur comptable de l'ensemble des participations de la société Worms & Cie.
Ce tableau se présente comme suit :
[Voir PDF - pages 407 et 408.]

Au tableau qui précède, il résulte que :
1 - Le portefeuille des titres et participations s'est trouvé en continuelle progression depuis le début de la guerre.
Au 30 septembre 1940, sa valeur était de F 78.353.930.21. Au 31 décembre 1944, sa valeur, au bilan général, ressortait à F 359.162.070.54, soit un montant environ quatre fois plus élevé qu'au début de l'occupation.
Ceci tient au fait que :
- d'une part, la Maison Worms a acquis au cours de l'occupation de nombreuses participations qu'elle n'avait pas auparavant,
- d'autre part, cette augmentation reflète la hausse générale des titres pendant la même période.
2 - Depuis 1939, le département bancaire détient ainsi qu'il a été dit, la quasi-totalité, de ce portefeuille de participations. En effet, la proportion des participations du Service bancaire par rapport à l'ensemble des participations varie entre six septièmes et neuf dixièmes.
La part du portefeuille la plus importante après celle de la Banque, est détenue par le siège social de la société.
Les trois autres départements (Chantiers navals, Services maritimes, Charbons) n'ont que des participations de faible importance.
Il est à noter que, d'ailleurs, celles des Chantiers navals sont restées inchangées pendant toute l'occupation.
La possession, par la Maison Worms, de participations multiples dans des sociétés françaises ou étrangères lui assure :
- soit le contrôle absolu de ces sociétés si la proportion de capital détenu est suffisante et si certains des représentants de ladite Maison Worms siègent dans les conseils d'administration,
- soit un contrôle de la politique générale et financière de celle des sociétés qui ont dû demander l'aide financière de la Banque Worms et dont cette dernière s'est, en contrepartie de son intervention, assuré sa part du capital.
Enfin la Maison Worms détient des titres qu'elle négocie en Bourse, titres qui correspondent à un simple placement de fonds sans l'exercice d'un contrôle quelconque sur les sociétés émettrices.
Ainsi, la société Worms organise ou inspire le comportement d'un certain nombre de sociétés.
En conséquence, il a été nécessaire :
- d'une part, de rechercher quelles sont les participations qui n'ont qu'un caractère de placement ou de spéculation à l'exclusion de toute ingérence dans la gestion des sociétés ;
- d'autre part, en ce qui concerne les sociétés plus ou moins contrôlées par la Maison Worms, de déterminer dans quelle mesure ce contrôle a été de nature à influer sur l'activité desdites sociétés pendant l'occupation allemande et s'il a été susceptible d'orienter cette activité plus spécialement vers le secteur allemand.
Quoique divisée en départements correspondant chacun à une branche d'activité, la politique générale de la Maison n'était pas susceptible de variations d'un département à l'autre. L'étude effectuée précédemment l'a montré et l'examen du rôle des dirigeants de la Maison et de M. H. Worms, en particulier fera ressortir que l'orientation générale à suivre était, en dernier ressort, indicée par lui.
En conséquence, il n'a pas paru utile de procéder à l'étude des participations dans le cadre de chaque département et il a semblé irrationnel de les classer d'après la plus ou moins grande ingérence de la Maison Worms au sein des sociétés dont celle-ci détenait des titres.

Dans cet esprit, il a été dressé un tableau récapitulatif de l'ensemble des participations à la date du 30 juin 1944.
Cette date a été choisie parce que le portefeuille de la Maison Worms a atteint, à ce moment, un volume maximum et parce qu'en même temps, cette date correspondait approximativement avec la fin de l'occupation allemande.
La liste des participations au 30 juin 1944 englobe ainsi, à la fois, celles qui existaient en juin 1940 et celles qui ont été acquises postérieurement à cette date.
Cette liste a été dressée en distinguant :
Tableau I - Sociétés dont la Maison Worms a le contrôle absolu, soit parce qu'elle possède plus de la moitié du capital, soit parce que les dirigeants en assurent la présidence ou la direction générale.
Tableau II - Sociétés dont la Maison Worms possède une partie importante du capital et dont elle inspire la politique générale et financière.
Tableau III - Sociétés dans lesquelles la Maison Worms a fait des investissements ou pris des participations à la demande de groupes amis, mais dans lesquelles elle ne paraît exercer aucune influence marquante.
Ce tableau est lui-même divisé en trois groupes, à savoir :
A - Sociétés dont la Maison Worms détient les titres et dont M. H. Worms est personnellement administrateur.
B - Société dont la Maison Worms conserve les titres en portefeuille comme placement.
C - Sociétés dont la Maison utilise les titres à des fins spéculatrices (réalisations de profits en bourse, etc.)
Ces tableaux donnent pour chaque société :
- la raison sociale et le siège,
- l'objet social
- le montant total du capital et sa composition
- la participation Worms (nombre d'actions et en pourcentage)
- la valeur comptable au 30 juin 1944
En outre, pour les tableaux I et II, l'avant-dernière colonne donne la composition des conseils d'administration avec indication des membres d'obédience Worms.
Ces tableaux se présentent comme suit :
[Voir PDF - pages 415 à 461 : tableau I (pages 415-428) ; tableau II (pages 429-446) ; tableau III (pages 447-448); tableau correspondant à la section B (pages 449-461).]

Les tableaux qui précèdent font ressortir que la valeur comptable de l'ensemble des participations de la société Worms & Cie s'établissait au 30 juin 1944 (date choisie pour les raisons exposées ci-dessus page 412) à F 329.313.662.26 se décomposant comme suit :

- participations dans des sociétés dont la Maison Worms a le contrôle absolu tableau I, page 415 à 428)

 

F 91.130.608.38

- participations dans des sociétés dont la Maison Worms est à même d'inspirer la politique générale et financière (tableau II, page 429 à 446)

 

F 150.767.254.87

- participations constituant pour la Maison Worms de simples investissements sans lui accorder une influence marquante au sein des sociétés (tableau III, page 447 à 461) :

 

 

- sous groupe A - participations dans des sociétés dont la Maison Worms détient les titres et dont M. H. Worms est personnellement administrateur

F 19.800.686.06

 

- sous-groupe B - participations constituant de simples placements de fonds

F 28.418.992.20

 

- sous-groupe C - participations constituées par des titres que la Maison Worms n'utilise qu'à des fins spéculatives (réalisations de profits en bourse)

F 93.796.112.75

 

Sous-total

F 88.015.791.01

F 88.015.791.01

Total général (valeur comptable au 30/6/44)

 

F 329.913.654.26

A titre indicatif, il y a lieu de mentionner de prime abord que :
- d'une part, cette valeur comptable arrêtée au 30 juin 1944 est différente de celle figurant aux bilans des 31 décembre 1943 (F 99.321.218.39) et au 31 décembre 1944 (F 359.162.070.54).
Elle constitue un chiffre intermédiaire entre ces deux valeurs.
La différence avec celles-ci provient de ce que l'importance du portefeuille titres de la Maison a poursuivi pendant l'année 1944 la progression commencée dès avant la guerre.
Ainsi qu'il a été dit, le chiffre de F 329.913.654.26 peut être retenu comme étant sensiblement le maximum atteint pendant la période d'occupation,
- d'autre part, la valeur comptable ci-dessus définie ne représente ni le total des valeurs d'achat des titres comprenant le portefeuille, ni le total de leur valeur cotée en bourse.
Elle est, au contraire, constituée par la différence entre la valeur d'achat et - soit la cotation en bourse lorsque celle-ci est inférieure à la valeur d'achat, soit le profit réalisé sur un groupe de titres lorsqu'une réalisation totale ou partielle est intervenue.
L'ensemble des modifications ainsi provoquées entre la valeur d'achat et la valeur comptable de chaque groupe de titres est désigné par la Maison Worms sous le nom général d'amortissement sur titres. Les plus values ou moins values correspondantes sont inscrites aux comptes plus values sur titres ou moins values sur titres formant notamment deux des éléments du compte de pertes et profits du département bancaire.
De toute manière, ces plus values ou moins values n'ayant, ainsi qu'il a été expliqué à l'occasion de l'étude des opérations du département bancaire aucun rapport direct avec l'activité relative au secteur allemand, il n'a pas paru utile de procéder, dans le cadre de la présente affaire, à un examen de ces fluctuations.
Par contre, il a paru indispensable d'effectuer à l'intérieur de chaque groupe de participations (groupes établis en fonction de la plus ou moins grande ingérence de la Maison Worms & Cie dans les sociétés en cause) une classification fondée sur la nature de l'activité des sociétés dont les titres constituent le portefeuille de la Maison Worms & Cie.
Cette classification distingue les activités suivantes :
- armement maritime
- charbons et combustibles liquides
- participations financières et holdings
- minières
- immobilières
- intérêts communs.
Le tableau qui suit présente la classification ces participations de la Maison Worms suivant ces catégories avec, en outre, une répartition conforme à celle basée sur le degré d'ingérence et de responsabilité de ladite Maison Worms.
Dans ce tableau, les colonnes 1-2-3-4-5 présentent ainsi respectivement les totaux résultant des tableaux donnés de la page 413 à la page 461 et regroupés page 463, cependant que la colonne donne les totaux par catégorie d'activité.
Il est rappelé que tous les chiffres contenus dans ce tableau représentent des valeurs comptables déterminées ainsi qu'il a été exposé précédemment, le total général de la colonne 5 étant conforme à la valeur comptable de l'ensemble du portefeuille de la Maison Worms & Cie au 30 juin 1944.
[Voir PDF - pages 467-468.]

Du tableau qui précède, résulte tout d'abord que les participations de la Maison Worms & Cie sont surtout importantes dans la branche participations financières et holdings et elles forment une valeur comptable au 30 juin 1944 de F 184.163.434.27.
En réalité, d'ailleurs, la Maison Worms & Cie englobe sous cette dénomination de participations financières et holdings des activités diverses, par exemple le traitement du bois, traitement d'hydrocarbures, assurances, fabrication de machines outils, conserves, travaux publics, produits chimiques, appareillage mécanique, etc.
Vient ensuite le groupe de l'armement maritime avec une valeur comptable de F 61.759.381.19, puis ensuite celui des charbons et combustibles liquides avec F 32.276.753.30.
Le groupe dénommé intérêts commun comprend surtout quatre sociétés dont M. H. Worms occupe au conseil un siège à titre personnel, la valeur comptable totale représentée par ce groupe est de F 23.433.907.85.
Quant au groupe des mines, sa valeur comptable est de F 21.610.438.05.
Enfin, les immobilières représentent seulement F 3.959.739.60.
Il n'a pas paru utile de procéder dans le cadre de la présente affaire à l'étude de l'activité de la totalité des sociétés dont la Maison Worms détient les titres.
Il a, en effet, été expliqué précédemment que dans les sociétés groupées dans le tableau III (page 447 à page 467), la Maison Worms & Cie n'est pas à même d'exercer une influence sur la politique suivie. Dans la quasi-totalité de ces sociétés, le pourcentage du capital qu'elle détient représente une proportion très faible, le plus souvent inférieure à 5%, dépassant rarement 10 à 15% et atteignant dans quatre cas seulement plus de 25% sans jamais cependant lui donner la majorité.

Au surplus, en l'état de la documentation réunie la Maison & Cie ne possède, directement ou indirectement, aucun siège dans les conseils d'administration de ces sociétés, à l'exception de 4 d'entre elles. Celles-ci sont énumérées page 447 et le total de la valeur comptable des participations qu'elles représentent dans le portefeuille titres de la Maison Worms est celui de 19.800.686.06 ressortant de la colonne 3 du tableau de la page 467.
D'ailleurs, dans ces quatre sociétés, le pourcentage infime du capital détenu par la société Worms & Cie ne paraît pas devoir permettre à M. H. Worms d'imposer sa volonté au conseil.
Par conséquent, l'étude des participations de la société Worms & Cie a paru devoir être limitée à celles englobées dans les tableaux I et II (page 415 à page 447).
Ce faisant, la plus grosse partie desdites participations se trouve d'ailleurs examinées, puisque, sur le total général de F 329.913.654.26, elles représentent F 241.897.863.25 (F 91.130.608.38 + 150.767.254.87, voir colonne 1 et 2 du tableau de la page 467).
D'ailleurs, une première étude des participations figurant dans les tableaux I et II a montré que, parmi celles-ci, il en est un certain nombre au sujet desquelles il n'a pas paru utiles en l'absence de toute indication particulière, au dossier de pousser les investigations,
- soit en raison de leur faible importance,
- soit parce qu'elles concernent des sociétés dont l'activité par sa nature ou par son siège ne semble pas présenter d'intérêt dans le cadre de la présente affaire.
Dans cet esprit, ont été examinées de façon particulière :
- d'une part, les participations de la société Worms & Cie faisant l'objet d'une mention spéciale au dossier de l'information,
- d'autre part, celles qui, tout en ne faisant l'objet d'aucune mention spéciale au dossier, présentent une importance certaine et s'appliquent à des sociétés dont l'activité est susceptible de s'être exercée dans le cadre du secteur allemand.
L'étude particulière de chacune des participations entrant dans ces catégories fait l'objet du chapitre II ci-après :

Chapitre deuxième
Étude particulière des participations essentielles de la société Worms & Cie

Conformément aux explications précédemment données, une étude particulière a été effectuée en ce qui concerne les participations suivantes :

Participations figurant au tableau I (sociétés dont la Maison Worms a le contrôle absolu)

- participation n° 1 - Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire

21.988.322.11

- participation n°2 - Société française de transports pétroliers

8.830.808.30

- participation n°3 - Consortium maritime tunisien

150.00

- participation n°4 - Société des transports maritimes pétroliers

19.006.712.58

- participation n°5 - Compagnie charbonnière de Provence

951.511.00

- participation n°7 - Les Combustibles montois

540.00

- participation n°8 - Société d'approvisionnement pour le chauffage central - SACC

619.397.00

- participation n°9 - Entrepôts maritimes de la Manche

12.239.499.00

- participation n°12 - - Wester Financiering

20.805.00

- participation n°14 - Société d'études et d'exploitation minières (Setem)

225.875.00

- participation n°15 - Société des mines du Charrier

6.347.266.00

- participation n°16 - Société des mines de Montmins

6.353.598.00

- participation n°17 - Compagnie minière des Vosges

1.732.705.80

- participation n°24 - Société privée d'études

2.949.487.29

Total de la valeur comptable des participations figurant dans le tableau I et étudiées spécialement dans la suite du présent rapport

81.266.677.08

 

Participations figurant dans le tableau II - Sociétés dans lesquelles la société Worms & Cie possède une part importante du capital et dont elle inspire la politique générale

- participation n°29 - Entrepôts souterrains d'hydrocarbures

5.950.996.10

- participation n°33 - La Préservatrice Accidents

8.642.375.60

- participation n°35 - Société minière électrique des Landes (Minela)

14.415.446.89

- participation n°36 - SA des Ateliers Moisant Laurent Savey

4.217.701.30

- participation n°37, 38, 39 - Groupe Noël Ernault

12.051.122.42

- participation n°40 - Manufacture centrale des machines agricoles C. Puzenat

14.765.400.00

- participation n°41 - Conserverie de Bordeaux

5.868.731.25

- participation n°43 - Société privée de réescompte

6.869.115.30

- participation n°46 - Entreprise de grands travaux hydrauliques

7.874.000.00

- participation n°48 - Groupe Fournier-Ferrier

9.668.717.29

- participation n°49 - Établissements Japy Frères

46.843.102.41

- participation n°50 - Société tunisienne de l'hyperphosphate Réno

2.720.265.00

- participation n°52 - Groupe Molybdène

4.266.832.70

Total de la valeur comptable des participations figurant dans le tableau II étudiées spécialement dans la suite du présent rapport

144.153.806.26

Le relevé qui précède fait ressortir que les participations spécialement examinées ci-après représentent dans le portefeuille de la Maison Worms une valeur comptable totale de F 225.420.483.34, soit 93% du total d'ensemble des participations des tableaux I et II (les seuls présentant un intérêt véritable dans le cadre de la présente affaire ) et 68% du total général de la valeur comptable des participations Worms au 30 juin 1944.

I - Étude particulière des principales participations du tableau I (sociétés dont la Maison Worms peut être considérée comme ayant le contrôle absolu)

A - Participation n°1 - Nouvelle Compagnie péninsulaire havraise (NCHP - tableau I - page 415)
La Compagnie havraise péninsulaire étant à la veille de la faillite, la Maison Worms accepta de renflouer l'affaire.
Elle créa, à cet effet, en février 1934, la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire, au capital de 22 millions dont elle souscrivit une part importante.
Le capital de NCHP fut porté ultérieurement à F 47.333.300 et la Maison Worms détenait au 30 juin 1944, 59% de ce capital. De plus, M. Worms était le président du conseil d'administration.
L'objet de la NCHP est de créer et d'exploiter sous toutes formes, toutes lignes de navigation et tous services maritimes de transports.
Pour remplir son objet social, la NCHP possédait en juin 1940, une flotte marchande de 9 navires et gérait un autre pour le compte de l'État. Cette flotte dut suivre dès septembre 1939 les régimes prévus par la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation de la nation en temps de guerre et les navires furent, de même que ceux du département Services maritimes de Worms & Cie :
- soit affrétés par la Direction des transports maritimes
- soit réquisitionnés non militarisés
- soit réquisitionnés militarisés.
Toutes précisions utiles ont été données sur ces régimes au cours de l'étude du département Services maritimes de la société Worms & Cie [voir p. 143 et suivantes.]
Sous l'occupation et jusqu'au débarquement des troupes anglo-américaines en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 la situation de la flotte de la NCHP fut la suivante :
- "Ville-de-Reims" fut saisi le 9 juin 1940 à Nantes par les troupes allemandes.
- "Ville-de-Metz" et "Malgache" furent réquisitionnés par la marine allemande.
- "Ville-de-Majunga", "Bourdonnais", "Ville-de-tamatave" et "Ville-de-Rouen" furent arraisonnés en mer par l'Amirauté britannique et au lieu de se saborder comme ils en avaient reçu l'ordre de la part de la Marine nationale, naviguèrent dès lors sous contrôle allié.
- "Ville-de-Rouen" se mit à Dakar à la disposition des alliés.
- "Ville-du-Havre" fut torpiilé et coulé sous Casablanca le 8 novembre 1942.
Un seul navire, "Condé", restait dès lors à la disposition des Transports maritimes français. Il fut cédé à l'Allemagne par les accords dits Laval-Kauffmann, dont il a été déjà dit à propos de l'étude de la flotte Worms qu'ils intervinrent sans aucune consultation des armateurs français.
Les allemands employèrent donc le "Condé" jusqu'en 1944, date où ils le rendirent avarié, à la direction des Transports maritimes. Ils le coulèrent finalement dans le port de Nice en août 1944.
En bref, la NCHP ne possède actuellement que trois navires en état de navigabilité.
Durant les exercices 1940, 1941, 1942 et 1943 la NCHP a imputé le solde créditeur de son compte de pertes & profits à une provision pour reconstitution de matériel naval justifiée, semble-t-il, par les graves pertes subies par sa flotte. Elle a clos ces exercices sans bénéfice ni perte.
En l'état des renseignements recueillis, il n'apparaît donc pas que la Maison Worms ait usé de son influence à la NCHP pour orienter l'exploitation de celle-ci dans un sens pro-allemand.
D'ailleurs, ainsi qu'il a été expliqué, les seuls navires qui furent aux mains des allemands ont fait l'objet, soit d'une cession par l'État français, soit d'une réquisition allemande. Aucune initiative n'a été relevée à l'encontre de NCHP.

B - Participation n°2 - Société française de transports pétroliers (SFTP - tableau I - page 415)
La Société française de transports pétroliers, au capital de 30.000.000 de F, a pour objet social toutes les opérations d'achat, d'armement et d'exploitation de navires citernes.
C'est une société d'économie mixte dont 30% du capital appartient à l'État. La Maison Worms en détenait 24,52% au 30 juin 1944. M. H. Worms est président du conseil d'administration et a été chargé par l'État de la gérance technique et commerciale de la société.
En 1939, la SFTP possédait en propre huit navires et assurait de plus la gérance :
- de quatre navires appartenant à l'État,
- de deux navires appartenant à la Société de courtage et transports.
Conformément aux mesures générales prises par le gouvernement français au moment de la déclaration de guerre, la SFTP ne garda dès cette date que la gérance technique de 14 navires en cause, toutes décisions relative à leurs mouvements ou à leur cargaison lui étant retirée.
La situation de la flotte gérée par la SFTP pendant l'occupation peut-être présentée, schématiquement comme suit :

- navires ayant navigué depuis l'armistice pour les alliés

5

- navires se trouvant à la Martinique au moment de l'armistice et passée sous le contrôle américain en 1943

2

- navire se trouvant en Afrique du Nord en novembre 1942 et ayant navigué depuis avec les Forces françaises libres

1

- navires ayant navigué sous le contrôle des transports maritimes et cédés en 1942 à l'Allemagne en vertu des accords dits Laval-Kauffmann

2

- navires se trouvant en grosses avaries lors de l'armistice de juin 1940 et restés sur chantier durant l'occupation

3

- navire ayant navigué pour les Transports maritimes et se trouvant avarié à la Libération

1

soit un total de

14

navires représentant la flotte de la SFTP pendant l'occupation.
Il ressort du schéma qui précède, qu'au moment de la Libération, huit navires étaient sous le contrôle anglo-américain, quatre étaient avariés et deux avaient été cédés à l'Allemagne en vertu d'accords auxquels les armateurs n'eurent aucune part [voir page 205].
En bref, il n'apparaît pas que la Maison Worms § Cie ait pris ou mieux ait eu la possibilité de prendre des mesures quelconques dans le but de servir les intérêts allemands au moyen de la flotte de la SFTP.

C - Participation n°3 - Consortium maritime tunisien (tableau I - page 417)
Le Consortium maritime tunisien est une société à responsabilité limitée créée en 1936 au capital de 300.000 F dont la Maison Worms possède la moitié.
L'objet social consiste à effectuer toutes opérations de transit, consignations et manutentions, affrètement, armement, construction et achat, vente de navires, commerce de charbons, des essences et huiles et de combustibles de toute nature.
Cette société a exercé normalement son activité jusqu'en 1941, date où la Maison Worms a créé une succursale à Tunis et a pris en location le matériel du Consortium.
Ce matériel fut réquisitionné peu après par les Allemands, puis par les alliés, après que ceux-ci eurent chassé les Allemands de Tunisie.
Les bilans du Consortium maritime tunisien traduisent pour la période 1941-1944 inclus une perte de F 4.483.107.24.
Il n'apparaît pas que, sauf à l'occasion de la réquisition de son matériel, cette société ait entretenu des relations commerciales avec l'ennemi. Le Consortium maritime tunisien ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune mention spéciale au dossier de l'information.

D - Participation n°4 - Société de transports maritimes pétroliers (tableau I - page 417)
Cette société a été constituée en 1936, au capital de 700.000 F, qui fut porté successivement à 3.500.000 en 1939 et à 14.000.000 le 13 décembre 1941.
Elle a pour objet toutes les opérations relatives à l'industrie et au commerce de la navigation, mais pratiquement, elle gère un unique navire pétrolier, le "Brumaire".
Ce navire de 11.000 a été réquisitionné, comme toute la flotte marchande par le gouvernement français, le 1er septembre 1939, puis a navigué pour le compte dudit gouvernement, à partir de cette date et a été coulé au mois d'avril 1940.
La société attend actuellement du gouvernement français le remplacement de son navire et n'a eu, semble-t-il, aucune activité entre 1940 et 1945. Il n'apparaît donc pas qu'elle ait traité avec les allemands.
Cette Société ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune mention au dossier de l'information et il n'a pas paru utile de procéder à des investigations plus poussées en ce qui la concerne.

E - Participation n°5 - Compagnie charbonnière de Provence (tableau I - page 417)
Cette société est née, en 1942, de la fusion de deux sociétés dont la Maison Worms possédait une part importante du capital, Les Charbonnages de Provence et la Compagnie charbonnière du Midi.
La société Les Charbonnages de Provence, constituée en 1931 sous la forme à responsabilité limitée devient société anonyme en 1937 au capital de F 1.000.000.
Son objet social était le commerce des charbons, bois et tous combustibles, soit directement, par elle-même, soit par des tiers, pour elle-même ou pour les tiers. La société était, de plus, agent à Toulon d'un importateur de charbon (Savon Frères) et gérait, en 1941, un stock de charbon de soute appartenant aux Transports maritimes de l'État et destiné aux soutes des navires gérés par cet organisme.
Le chiffre d'affaires réalisé par cette société ont été :
- en 1940 - F 9.824.416.00
- en 1941 - F 6.441.318.00
L'ensemble de ces chiffres d'affaires représente environ 12.000 tonnes de charbon vendu pour un total de F 8.000.000 environ, le reste étant constitué par des commissions de gérance.
Les bénéfices nets qui en ont résulté pour la société se sont élevés :
- en 1940 - F 121.216.75
- en 1941 - F 161.464.84
Des renseignements recueillis ainsi que du dossier de l'information, il n'apparaît pas qu'une part quelconque de ces bénéfices soit imputable au secteur allemand.
La Compagnie charbonnière du Midi était une société à responsabilité limitée créée en 1932 notamment par M. Barnaud qui a cédé d'ailleurs ses parts en 1941.
Elle avait pour objet le commerce des charbons.
C'est elle qui a absorbé en 1942 les Charbonnages de Provence après avoir réalisé :
- en 1940, un chiffre d'affaires de F 3.528.000 représentant 7.350 tonnes de charbon vendu,
- en 1941, un chiffre d'affaires de F 2.910.273 représentant 5.799 tonnes de charbon vendu.
Elle a ainsi enregistré :
- en 1940 - un bénéfice net de F 126.451.43
- en 1941 - une perte nette de F 386.771.43
Le résultat final se solde donc par une perte. Il n'apparaît pas qu'une part quelconque soit imputable au secteur allemand.
Quant à la Compagnie charbonnière de Provence, société anonyme au capital de F 3.000.000 résultant de la fusion, en 1942, des deux sociétés précitées, elle a continué, en général, toutes les activités des Charbonnages de Provence.
Les chiffres d'affaires réalisés en 1942, 1943 et 1944 ont été les suivants :
- en 1942 - F 3.350.292
- en 1943 - F 10.208.115
- en 1944 - F 7.321.492
Les bénéfices réalisés ont été :
- en 1942 - F 460.503.15
- en 1943 - F 153.359.37
Le montant des résultats nets obtenus en 1944 n'a pas été déterminé, la société Worms & Cie n'ayant pas eu communication du dernier bilan de la Compagnie charbonnière.
En l'état de la documentation réunie, il n'apparaît pas que ladite société ait entretenu des relations avec l'ennemi.

F - Participation n°7 - Les Combustibles montois (tableau I - page 419)
La société à responsabilité limitée Les Combustibles montois a été créée en 1937 au capital de F 30.000. Elle avait pour objet l'exploitation de tous fonds de commerce de vente de charbons, mazout, bois de chauffage et tous autres produits de chauffage et appareils de chauffage.
Des renseignements fournis par le département Charbons de la Maison Worms & Cie, il résulte que les chiffres d'affaires réalisés pendant la période d'occupation ont été :
- en 1940, de F 523.479
- en 1941, de F 186.139
- en 1942, de F 289.575
- en 1943, de F 400.759
- en 1944, de F 402.490
ce qui représente un total de 1.802.442.
Les tonnages de charbons et de bois vendus pendant les mêmes années ont été les suivants :
- en 1940 - 1.233 T
- en 1941 - 444 T
- en 1942 - 364 T
- en 1943 - 455 T
- en 1944 - 165 T
Total : 2.661 T sur lesquels les livraisons aux allemands, sur réquisitions, ont atteint :
- en 1940 : 6 tonnes, pour F 3.320 de chiffres d'affaires
- en 1941 : néant
- en 1942 : 40 tonnes, pour F 24.781 de chiffres d'affaires
- en 1943 : 5 tonnes, pour F 28.066 de chiffres d'affaires
- en 1944 : 3 tonnes, pour F 16.800 de chiffres d'affaires
Total : 54 tonnes, pour F 72.967 de chiffres d'affaires.
De ce qui précède il résulte donc que :
1. sur un tonnage total vendu de 2.661 T, les livraisons aux allemands ont atteint 54 tonnes, soit environ 2%,
2. le chiffre d'affaires du secteur allemand par rapport au chiffre d'affaires total réalisé pendant l'occupation par les Combustibles montois représente un pourcentage de 4% environ.
Il est à noter, de plus, que les résultats nets relatifs à l'ensemble de la période d'occupation, tels qu'ils ressortent des bilans des Combustibles montois produits par la Maison Worms se sont inscrits en perte pour un montant total de F 269.774.70, sur lesquels la part consécutive aux relations commerciales avec les allemands peut être évaluée de 2% à 4% de ce chiffre, soit F 5.395 à F 10.790.
Il convient de rappeler que ces chiffres ont été établis en l'état de la documentation remise (bilans, comptes, etc.) et sans procéder à l'expertise de la comptabilité des Combustibles montois.

G - Participation n°8 - Société d'approvisionnement pour le chauffage central (SACC - tableau I - page 419)
La Société d'approvisionnement pour le chauffage central a été créée en 1931 par la Maison Worms & Cie qui détient 99% du capital.
Son objet social est la vente de charbons demi-gros et détail.
Les tonnages vendus d'avril 1940 à avril 1944, par la Société ainsi que les chiffres d'affaires réalisés ont été les suivants :

Exercices

Tonnages vendus

Chiffre d'affaires

1940/1941
1941/1942
1942/1943
1943/1944

4.631
6.240
6.308
5.132

3.155.560
4.528.374
5.465.619
4.527.898

 

22.311

17.577.451

Les résultats nets obtenus de ce fait ont représenté :
- durant l'exercice 1940/1941 - bénéfice F 1.946.764.17
- durant l'exercice 1941/1942 - bénéfice F 7.192.14
- durant l'exercice 1942/1943 - bénéfice F 18.172.04
- durant l'exercice 1943/1944 - pertes F 596.061.27
ce qui représente un total de F 1.376.067.08 de bénéfices nets réalisés par la société, d'avril 1940 à avril 1944.
De l'ensemble des renseignements recueillis, il ne semble pas que des opérations aient été traitées pendant l'occupation avec les allemands.

H - Participation n°9 - Entrepôts maritimes de la Manche (tableau I - page 419)
Les Entrepôts maritimes de la Manche sont constitués en une société par actions du capital de F 3.100.000 dont la Maison Worms possède 64% depuis décembre 1943.
L'objet social est l'exploitation de deux dépôts publics d'hydrocarbure :
- l'un situé à Henneville, relié au port pétrolier de Cherbourg. Sa capacité de stockage est de 12.000 m3
- l'autre à La Pallice, d'une capacité de 25.000 m3.
La société n'a pas eu d'activité depuis décembre 1943, aucun pétrolier ne débarquant de carburant dans les ports de l'Atlantique.
Il est à noter cependant que, lorsque la Maison Worms s'est assurée le contrôle de cette affaire, ses installations se trouvaient sous réquisition allemande.
En cours d'expertise, la direction de la Maison Worms & Cie a expliqué que l'acquisition de cette participation faisait partie d'un plan général conçu dès avant la guerre, et qui avait précédemment amené ladite société à s'assurer le contrôle d'établissements de stockage de pétrole.
Cette politique devait lui permettre, lors du rétablissement des importations de pétrole d'avoir une indépendance absolue à l'égard des sociétés de stockage concurrentes et, ce faisant, d'obtenir de sa flotte pétrolière le rendement maximum en supprimant les servitudes du déchargement.
Elle a précisé que, en l'espèce, les Entrepôts maritimes de la Manche présentaient surtout un intérêt pour elle parce qu'ils possédaient les installations de stockage de la Pallice et de Cherbourg.

I - Participation n°12 - NV Wester Financiering Maatschappij, 31 Westerkade, Rotterdam - (tableau I - page 419)
La NV Wester Financiering est une société holding hollandaise, propriétaire des immeubles où la Maison Worms est installée à Rotterdam et à Dantzig.
La société Worms & Cie détenait dès avant la guerre 99% de son capital (florins 1.000.000) et, à ce titre, dirigeait intégralement la Wester.
L'activité purement financière de la Wester Financiering ne semble avoir subi aucune influence allemande. Elle est d'ailleurs propriétaire de titres appartenant à des société françaises et étrangères figurant parmi les participations de Worms & Cie, et dont on sait qu'aucune part d'actif n'a été cédée aux allemands sous l'occupation.
Ces sociétés sont notamment :
- Marret Bonnin - actions 8.810
- Estrellas - actions 16.000
- Metalla - actions 8.901
- Metalla - parts 1.378
- Le Molybdène - actions 2.102
- Falta - actions 2.000
Néanmoins, sous le commissariat de M. von Falkenhausen, la société Worms & Cie eut des difficultés avec les autorités allemandes au sujet de l'immeuble de Dantzig, placé sous séquestre par les allemands et que ces derniers avaient essayé d'acheter sans succès dès juillet 1940.
En effet, par une lettre du 23 juillet 1942 dont le texte est repris en annexe au présent rapport, la Wester Financiering Maatschappij transmettait la traduction d'un document qu'elle avait reçu de la firme Hanswallat & Cie, aux termes duquel l'administration de l'État allemand, locataire de l'immeuble de Dantzig, insistait à nouveau pour que la société hollandaise consentît sa cession à ladite administration.
La Maison Worms & Cie répondit par lettre du 6 août 1942 que le directeur général étant absent à Paris à cette époque, elle ne pouvait donner de réponse définitive, mais était convaincue que la direction n'était pas disposée à vendre cet immeuble.
Par lettre du 29 août 1942, la Wester Financiering Maatschappij communiquait la traduction d'une missive qu'elle avait reçue de son gérant allemand. Dans ce document reproduit en annexe au présent rapport, le gérant allemand demandait à la Wester de se mettre immédiatement en rapport avec la Maison Worms afin d'obtenir son accord pour la cession de l'immeuble de Dantzig au prix de 238.000 Reich Marks. L'attention de la Wester était attirée sur le fait que cette consultation de Worms était une valeur spéciale, étant donné que le séquestre allemand avait les pouvoirs nécessaires pour se passer de son accord.
A la suite de cette lettre, M. Meynail alla lui-même à Amsterdam et fit expédier à son retour une lettre du 30 septembre 1942 confirmant à nouveau le refus de cession.
Deux ans après par lettre du 26 mars 1944, la Maison Worms & Cie était avisée de la vente de l'immeuble de Dantzig. Elle fit toutes réserves sur cette vente dans une réponse du 24 avril 1944.
De l'exposé qui précède, il résulte que la société Worms a fait tous ses efforts pour éviter la cession à l'Allemagne de l'immeuble de Dantzig appartenant à la Wester Financiering Maatschappij qu'elle contrôlait. Ce n'est qu'à son corps défendant que cette cession eut lieu.

J - Participation n°14 - Société d'études et d'explorations minières (Setem - tableau I, page 421)
La Société d'études et d'explorations minières créée en 1941 au capital de 1.000.000 de F a pour objet l'étude et l'exploitation de gisements miniers.
Cette société sous la direction effecive de P. J. Cantacuzène (d'obédience Worms) devait se spécialiser dans les problèmes de recherche de gisements miniers dans la métropole et dans l'empire afin de les mettre en valeur après la guerre.
M. Cantacuzène a exposé dans la déposition qu'il a faite à vous-même, Monsieur le juge d'instruction, le 6 décembre 1944, que la Setem a eu à s'occuper à titre propre, en décembre 1942, de permis de recherches dans le territoire de Belfort et qu'à la demande de la Direction des mines, elle a réussi à évincer l'IG Farbenindustrie qui désirait s'approprier le minerai sorti.
Des investigations effectuées en cours d'expertise, il ressort qu'aucune instruction écrite émanant de la Direction des mines n'a été donnée à la Setem précisant la mission dont cette dernière était chargée.
Cependant, la direction générale de la Maison Worms à précisé que c'est M. Faure, à cette époque, chef de service de la division des minerais et métaux bruts, qui est intervenu dans le sens susdit auprès de la Setem au nom de M. l'ingénieur en chef des mines, Parisot.
M. Faure, actuellement aux Potasses d'Alsace à Mulhouse, n'a pu être entendu au cours d'expertise non plus que M. Parisot, directeur des Mines.
Par contre, la direction générale de la Maison Worms a produit une lettre en date du 14 janvier 1943, émanant de M. Noppert, président du Comité d'études minéralogiques des Vosges, et adressée à la Setem.
Par cette lettre, M. Hoppert confirmait l'engagement pris par le Comité de réserver à la Setem la préférence dans la conclusion d'accords concernant le gisement de molybdénite du Ballon d'Alsace et tous droits, terrains, permis, s'y rattachant.
M. Hoppert, faisait ensuite, allusion à une liberté qui était "des plus délicates à maintenir", et demandait à la Setem de se prononcer au plus vite.
La direction de la Maison Worms a expliqué que l'expression "liberté délicate à maintenir" employée par M. Hoppert avait trait à la situation effectivement "délicate" née à la suite d'une proposition de la IG Farbenindustrie, proposition concurrente à celle faite par la Setem sur l'initiative de la direction des Mines.
La Setem donna, semble-t-il, très rapidement son accord puisqu'un contrat fut signé dès le 1er février 1943 entre M. Hoppert et elle-même, contrat dont l'objet était la cession à la Setem de la jouissance de tous droits et obligations sur les permis de recherches de molybdène et métaux connexes, sur le territoire du Ballon d'Alsace. Le texte intégral de ce contrat a été reproduit en annexe du présent rapport.
Du 3 au 6 avril 1943, l'IG Farbenindustrie conféra avec la Setem en vue d'obtenir de cette dernière ce qu'elle n'avait pas eu du Comptoir minéralogique et de M. Hoppert, il semble même qu'un projet de contrat fut envisagé au cours de ces conversations entre la Setem, d'une part, et l'IGfarbenindustrie et sa filiale, la Sofi, d'autre part.
C'est du moins ce qui résulte du premier paragraphe d'une lettre, du 16 avril 1943 adressée à la Setem par l'IG Farbenindustrie.
L'IG Farbenindustrie précisait d'ailleurs qu'elle "attachait de l'importance" au fait que la Setem lui consentit un droit de priorité sur la production du gisement en cause. Elle se déclarait indifférente sur le point de savoir si le molybdène lui serait livré sous forme de minerai brut ou de concentré fini, mais elle désirait arriver à un accord "sur les conditions d'acquisition" du minerai.
Elle demandait enfin à la Setem une confirmation par écrit.
La Sofi, filiale de l'IG Farbenindustrie qui paraît avoir été chargée par cette dernière des négociations, confirmait par lettre du 17 avril 1943 le point de vue exposé dans la lettre du 16 avril 1943 et espérait l'accord du service des Mines français.
Il ne semble pas que l'accord intervint et rien ne permet de dire qu'une quantité quelconque de minerais ait ét livrée aux Allemands.
M. J. Cantacuzène, a d'ailleurs affirmé devant vous-même, M. le juge d'instruction, qu'aucune partie de minerai, si minime soit-elle, n'a été fournie à l'ennemi. Il en veut d'ailleurs, pour preuve l'importance du stock existant encore à ce jour à l'exploitation des Oeillets.

K - Participation n°15 - Société des mines de Charrier (tableau I - page 423)
La Société des mines de Charrier est une société anonyme au capital de F 13.000.000 dont l'objet social consiste en l'exploitation de mines de cuivre, d'étain et d'argent et d'une source d'eau minérale.
La Maison Worms a acquis le contrôle de cette société en novembre 1941 et a fait aménager une usine complète de traitement du minerai.
Les Allemands commencèrent à s'y intéresser en décembre 1943 et M. J. Cantacuzène aurait alors verbalement reçu de M. Parisot, actuellement directeur des Mines, des instructions, d'empêcher la mise en route de l'usine.
Selon les dires de M. Cantacuzène, l'insistance des Allemands ne fut pas pressante et rien ne leur fut livré ni en métal ni en miserai.
Ces dires sont corroborés par la déposition faite devant Monsieur le juge de Paix de Mayet de Montagne (Allier) par MM. Raphonaud Maxime, ingénieur directeur ; Mestraud Robert, comptable ; Laroche Émile, mineur ; tous trois employés aux Mines de Charrier.
Ces dépositions figurant au dossier de l'information.

L. Participation n°16 - Société des mines de Montmins
La société Worms & Cie a acquis effectivement le contrôle de la Société des mines de Montmins en novembre 1941 mais elle était en pourparlers depuis un moment déjà.
La Société des mines de Montmins exploite un gisement de tungstène dans l'Allier.
Ce métal spécial, particulièrement intéressant pour les industries d'armement et peu répandu en Europe, avait attiré, semble-t-il, la convoitise des Allemands dès 1940.
Il résulte d'une correspondance entre M. J. Cantacuzène et la direction des Mines, en août, septembre et octobre 1941 que la Maison Worms se proposait dès cette époque d'acquérir la majorité à la Société des mines de Montmins.
M. de Contard, ingénieur en chef des Mines de l'arrondissement de Clermont-Ferrand, exprima d'ailleurs nettement, dans une lettre du 7 octobre 1941, au directeur de la Setem qu'il serait très heureux de voir aboutir les négociations entreprises dans ce sens.
Elles aboutirent, en effet, le 21 novembre 1941, date où fut passé à Vichy le contrat donnant le contrôle des mines de Montmins à la Maison Worms.
Dès lors, les Allemands tentèrent, semble-t-il, de mettre la main sur le minerai. C'est à cet effet que M. Cantacuzène, ainsi que M. Raty et M. Blondel, ingénieur en chef, furent convoqués en février 1942 à la Commission d'armistice, avenue d'Iéna à Paris, et subirent une pression certaine de la part des délégués allemands.
Il ne paraît pas que ces entretiens aient eu un quelconque résultat.
Les allemands tentèrent alors d'équiper la mine avec du matériel allemand, payable en tungstène.

Ceci ressort notamment d'un projet de collaboration technique entre les Mines de Montmins et un groupe allemand, représenté par l'IG Farbenindustrie dans le but d'obtenir des livraisons de minerai de Wolfram, projet établi le 6 mai 1942 par les Allemands.
Les paragraphes 3 et 4 de ce projet étaient en effet ainsi conçus (traduction) :
"3/- dans le cas où il apparaît nécessaire d'étayer Montmins pour le développement de la mine, le groupe allemand se reconnaît prêt à accorder cette aide après consentement préalable.
4/- En considération de l'aide apportée par le groupe allemand, Montmins se déclare prêt :
a) à effectuer en concentrés finis de Wolfram le paiement des machines livrées d'Allemagne,
b) à rendre au groupe allemand, dès le début de la production des concentrés, une part de 50% desdits concentrés à un prix restant à déterminer."
La direction générale de la Maison Worms a affirmé que ce projet n'eut pas de suite et que la mine fut intégralement aménagée grâce à du matériel français. C'est ainsi que :
- les tables de la laverie furent achetées à Fives-Lille,
- la remise en état des broyeurs et des bacs fut faite par Commentry Oisel,
- l'installation et la fourniture de matériel électrique furent faites par les établissements Gibert.
L'usine fut prête à tourner en novembre 1943.
M. Brussard, sous-directeur des Mines de Montmins, interrogé le 6 février 1945 sur commission rogatoire, lancée par vous-même, M le juge d'instruction, a exposé qu'il a toujours reçu de sa direction la consigne de faire le minimum indispensable pour éviter la mainmise effective des allemands sur l'exploitation.
Il a précisé, même, que les autorités occupantes ayant demandé un échantillon de minerai pour faire effectuer une analyse en Allemagne, il a, sur instructions précises, choisi cet échantillon de telle manière que l'analyse ne put déceler qu'une teneur en tungstène inexploitable.
Quoi qu'il en soit, un détachement allemand occupa l'un des Chantiers en juin 1944 et un ingénieur allemand dirigea l'exploitation jusqu'en août 1944.
Il n'apparaît pas que du tungstène ait été livré aux occupants pendant cette période, non plus que précédemment.
Ceci est d'ailleurs corroboré par les déclarations de MM. Tabusse, chef mineur aux Mines de Montmins ; Lejeune, ouvrier ; Muillard, chef de poste ; interrogés sur commissions rogatoires.
Ces derniers ont même ajouté que l'usine était le refuge de nombreux réfractaires au Service du travail obligatoire, inaptes au travail de la mine.
Enfin la direction de la Maison Worms & Cie fait ressortir que, bien qu'aucune livraison n'ait été faite aux allemands, 70.000 tonnes de minerai représentant une valeur de F 100.000.000 ont été préparées, pendant l'occupation, pour l'extraction future.

M - Participation n°17 - Compagnie minière des Vosges (tableau I - page 423)
La Compagnie minière des Vosges exploite un gisement de plomb argentifère dans les Vosges. Le contrôle en a été acquis par la Société Worms & Cie en janvier 1944.
Cette société se trouvant encore à l'heure actuelle, dans la phase de prospection, n'a rien produit pendant l'occupation. La question de fournitures éventuelles aux allemands ne se pose donc pas.

N - Participation n°24 - Société privée d'études (tableau I - page 427)
La Société privée d'études et de banque, au capital actuel de F 4.000.000 a pour objet social toutes opérations financières.
Elle fit l'objet des convoitises du Dr Hettlage, directeur de la Commerzbank, dont il a déjà été dit qu'il effectua plusieurs tentatives pour approprier à son groupe une part de l'actif de la Société Worms & Cie.
Ses essais dans ce but restant infructueux, ledit Dr Hettlage demanda à M. Le Roy Ladurie de leur céder une participation dans la Société privée d'études & de banques dont les locaux au, 45 boulevard Haussmann à Paris auraient été à sa convenance pour ouvrir une succursale de la Commerzbank.
M. Le Roy Ladurie a exposé, dans sa déposition du 27 septembre 1944, devant vous-même, M. le juge d'instruction, comment il fut amené à consentir au Dr Hettlage une option de principe sous réserve de l'accord du gouvernement français.
Il a ajouté qu'il s'était d'ailleurs empressé d'obtenir du ministère des Finances que ce dernier refusât, en tout état de cause, son agrément.
Quoi qu'il en soit, l'option ne fut jamais levée et le Dr Hettlage n'obtint pas satisfaction.
Indépendamment de ces tentatives, il n'apparaît pas que la Société privée d'études a eu d'autres relations commerciales avec l'ennemi pendant l'occupation.

II - Étude particulière des principales participations du tableau II (sociétés dans lesquelles la Maison Worms possède une part importante de capital et dont elle inspire plus ou moins la politique générale)

A - Participation n°29 (tableau II - page 431) - Les Entrepôts souterrains d'hydrocarbures
La société des Entrepôts souterrains d'hydrocarbures au capital de F 9.000.000 a pour objet de construire et d'exploiter un entrepôt situé à Chelles aux environs de Paris, sur la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg et le canal latéral de la Marne. Cet entrepôt devait comprendre huit réservoirs d'une capacité d'environ 6.000 m3, une station de pompage et un pipe-line de deux cents mètres qui devait relier cette station de stockage à la SNCF.
La construction n'était pas terminée en 1940, les travaux ont été interrompus et les premiers aménagements ont souffert des bombardements aériens. La société n'a, semble-t-il, jamais eu d'activité, pendant l'occupation et, de ce fait, n'a pas traité avec les autorités d'occupation.

B - Participation n°33 - La Préservatrice Accidents (tableau II - page 433)
La société Préservatrice Accidents, au capital de F 23.662.625 a pour objet l'assurance contre les accidents du travail et contre l'incendie.
A la suite des difficultés devant lesquelles la Préservatrice Accidents s'est trouvée en 1938 en raison de la mauvaise gestion de son directeur général, les compagnies d'assurances ont demandé à la Maison Worms de vouloir bien présider à la réorganisation financière de cette société.
Après de nombreuses négociations, l'ensemble des compagnies d'assurances s'est déclaré d'accord pour participer au renflouement de cette compagnie et les modifications de capital suivantes ont eu lieu :
- en avril : ramené de 20.000.000 à 5.000.000 ; simultanément porté de 5.000.000 à 560.790.750
- en novembre 1938 : ramené à 9.465.125
- en 1940 : porté à 23.662.635.
La Maison Worms ne possède qu'une participation de 25% (46.706 actions), la majorité étant détenue par les trois grandes compagnies d'assurances, la Séquanaise, l'Union et la Nationale, le représentant au conseil de la Maison Worms est M. Meynial, directeur adjoint des Services bancaires.

Le réseau d'agents en France de La Préservatrice est un des plus importants et possède, d'autre part, des succursales à Alger, à Madrid, à Lisbonne et à Bruxelles.
Sous l'impulsion des diverses compagnies d'assurances et de son président actuel, M. Cousin, la compagnie a pris un développement important et le montant des primes qu'elle a encaissées au cours de l'année 1944 s'élève à 500 millions environ.
Il semble que, de par la nature des risques qu'elle couvre, cette société ne pouvait avoir aucun contact avec les autorités occupantes.

C - Participation n°30 - Société minière et électrique des Landes (tableau II - page 433)
La Société minière et électrique des Landes a pour objet l'exploitation d'un gisement de lignite qui lui sert de combustible pour alimenter sa centrale d'énergie électrique d'Hostens à 60 km, au sud de Bordeaux.
La part de la Maison Worms dans le capital (39.305 actions, soit 20%) a été acquise entre 1937 et 1939, les représentants Worms au conseil sont M. Meynial, directeur adjoint des Services bancaires, et M. Jean Brieule.
L'activité de la société consiste à produire de l'énergie électrique qu'elle met à la disposition de l'Union des producteurs d'électricité des Pyrénées-Orientales qui, elle-même, répartit cette énergie entre les différentes sociétés de distribution (notamment l'Énergie électrique du Sud-Ouest). La centrale d'Hosten est en outre une centrale thermique d'appoint qui sert de réserve à la production d'énergie hydraulique des Pyrénées.
En l'état de la documentation réunie ne permet de dire que la Société minière et électrique des Landes ait eu un contact quelconque avec les autorités d'occupation.

D - Participation n°36 - Ateliers Moisant Laurent Savey (tableau II - page 435)
La société Ateliers Moisant Laurent Savey a pour objet l'entreprise de constructions métalliques, de charpentes et de chaudronnerie.
Son capital, de F 8.347.000 jusqu'en avril 1943, a été porté à cette époque à F 14.500.000.
La Maison Worms ayant participé dans cette augmentation de capital pour 2.345 actions (soit 16% du nouveau capital) a délégué au conseil M. Georges Lauret.
Il résulte des renseignements fournis par M. Meynial, qu'il s'agit d'une affaire de famille dans laquelle M. Garnier, président de la Chambre syndicale des travaux publics, et M. Savey, son gendre, actuellement président de la société et tous deux actionnaires majoritaires, ont toujours exercé librement leur pouvoir de gestion.
La société semble avoir beaucoup réduit son activité pendant la période allant de 1940 à 1944.
Pour ces diverses raisons, et cette dernière société ne faisant l'objet d'aucune mention spéciale au dossier de l'information, il a paru inutile de procéder à des investigations plus poussées.

E - Participation n°37, 38, 39 - Groupe Noël Ernault (tableau II - page 435)
Ce groupe est constitué par les trois sociétés suivantes :
- société Noël Ernault
- Ateliers de constructions mécaniques et d'outillage (Acmo)
- Société immobilière du Calvados
dans lesquelles la Maison Worms détient, depuis 1943, respectivement 49%, 99% et 48,40% du capital.
La société importante du groupe est la société Noël Ernault qui a pour objet essentiel de fabriquer des machines-outils et principalement des tours semi-automatiques.
Des renseignements recueillis, il résulte que la première activité de la société fut purement commerciale. En effet, elle importait des machines de Belgique pour les revendre en France. Quelques mois après sa constitution, elle acquit une usine à Lisieux en vue de fabriquer elle-même des tours. En même temps, elle l'a pourvue de matériel d'occasion remis en état par elle.
Ce n'est qu'en septembre 1939 qu'elle reçut une importante commande du ministère de l'Armement (fabrication de tours à obus). Les premiers tours sortirent en mars 1940.
Après l'exode, l'usine de Lisieux reprit son activité de fabrication de tours semi-automatiques selon une licence du Progrès industriel (société belge).
Pendant l'occupation, la société poursuivit ses fabrications et entreprit la mise au point d'un prototype d'un tour revolver semi-automatique de 30 m/m de passage de barre dénoté NB n°5. L'étude de ce prototype entraîna d'importants frais et sa construction ne fut terminée qu'au mois de mai 1945.
C'est au mois de mars 1945 que la société Worms & Cie a acquis, notamment de la Banque Pascal & Cie, sa participation dans la société.
La majorité du capital est toujours restée entre les mains de Noël Ernault lui-même, technicien de la machine-outil.
Celui-ci n'a jamais cessé d'assurer les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général de la société.
Des renseignements recueillis, il résulte que c'est Noël Ernault qui aurait, d'une façon générale, orienté la politique commerciale de la société. La Banque Worms n'aurait eu à aucun moment la responsabilité de la gestion et se serait intéressée à cette affaire uniquement pour lui donner l'aide financière (augmentation de capital et crédits en compte) qui devait lui permettre la construction du prototype achevé en 1945 et la fabrication en série, après la guerre, de cette nouvelle machine.
Il y a lieu de noter que, au dossier de l'information, ne figure aucune mention aux termes de laquelle la société Noël Ernault aurait fait l'objet d'une information judiciaire pour son activité pendant l'occupation.
Quant à la société Acmo, son objet est très étendu : toutes questions touchant l'industrie mécanique et métallurgique, la fabrication et l'exploitation de tous appareils mécaniques ou électriques, l'étude, l'achat, l'échange, l'exploitation et la vente de brevets, etc.
Des renseignements recueillis, il résulte que, en fait, cette société n'a eu aucune activité en dehors de l'achat d'une licence de tour revolver de gros calibre qui a été cédée en 1944 à la société Noël Ernault.
La valeur de l'affaire consiste donc seulement dans ses comptes créditeurs en banque. Au moment où la Maison Worms a pris une participation dans la société Noël Ernault, en décembre 1943, il lui a été demandé le reprendre l'ensemble de l'actif d'Acmo.
Elle a accepté d'effectuer le rachat de cette participation pour un prix égal à celui des espèces en banque. La direction de la Maison Worms a ajouté qu'elle avait conservé cette participation, pensant qu'étant donné son objet social, l'affaire pouvait, à un moment quelconque, présenter un intérêt, soit pour la société Noël Ernault, soit pour une autre société cliente. Étant donné l'objet de ses statuts, cette société pouvait, en effet, être utilisée par exemple pour la prise éventuelle de brevets, l'exploitation de licence, etc.
En l'état de la documentation réunie, il n'apparaît donc pas que la société Acmo dont la société Worms & Cie détient la quasi-totalité du capital, ait entretenu des relations commerciales avec les Allemands ou qu'elle leur ait cédé un élément d'actif quelconque.
Quant à la Société immobilière du Calvados, son activité même n'étant pas de nature à attirer l'attention des Allemands, il ne semble pas qu'elle eut des relations quelconques avec eux.

F - Participation n°40 - Manufacture centrale de machines agricoles C. Puzenat (tableau II - page...)
Les Établissements Puzenat sont constitués sous forme de société anonyme au capital de F 11.000.000. C'est au printemps de 1939 que la Maison Worms a commencé à s'intéresser à cette entreprise dont elle a assuré la réorganisation.
A ce moment, en effet, la société Puzenat se trouvait dans une situation financière telle qu'elle avait dû déposer son bilan à fin juin 1938 en demandant le bénéfice de la liquidation judiciaire.
La Maison Worms consentit, en 1939, à garantir l'exécution du concordat à 100% et elle avança à M. Puzenat la somme nécessaire pour rembourser les F 5.000.000 dont il était débiteur vis-à-vis de sa propre société.
Un échange de ce concours total, la Maison Worms a demandé et obtenu :
- différents avantages financiers dont une option valable pendant deux ans sur 30% du capital,
- le droit de désigner un directeur général sous la responsabilité du président, M. Puzenat, afin de pouvoir suivre la gestion financière de la société.
C'est dans ces conditions que M. Bernard Verdier, alors inspecteur à la Société générale, fut pressenti par la Maison Worms et accepta le poste de directeur général. C'est également dans ces conditions que la Maison Worms leva, en septembre 1940, une première partie de son option, soit 2.110 titres sur 11.000 (19% du capital) et, en mars 1941, le solde de cette option.
Depuis mars 1941, la participation de la Maison Worms dans la société Puzenat s'élève à 3.200 actions sur 11.000 titres constituant le capital, soit 29.40 de celui-ci.
Ladite Maison Worms a désigné comme représentant pour siéger au conseil d'administration, d'abord Monsieur Pucheu, et Monsieur Laroudie, président au tribunal de commerce de la Seine ; puis à la suite de la démission de M. Pucheu et de la mort de M. Laroudie, M. de la Rozière et M. Labeyrie, qui n'appartenaient d'ailleurs à aucun titre à la Maison Worms.
Il résulte donc que celle-ci n'a jamais eu la majorité dans la société Puzenat mais que, cependant elle en était un des plus gros actionnaires. Par ailleurs, l'aide financière apportée par elle lui donnait un droits de regard certain sur la gestion.
Comme dans le cas des Établissements Japy dont il va être parlé ci-après, page 532, il s'agissait là encore, ainsi que l'a d'ailleurs déclaré M. Worms lui-même, d'une maison dont la politique était non seulement connue mais inspirée, dans la mesure du possible, par la Maison Worms.
En ce qui concerne l'activité des Établissements Puzenat durant la période d'occupation, il résulte, en l'état des renseignements recueillis, que ces Établissements, dont la fabrication normale était celle des machines agricoles, n'ont exécuté aucune commande d'armement pour les allemands.
Ils ont dû par contre satisfaire certaines exigences allemandes en ce qui concerne leur fabrication normale, mais, en l'état de la documentation, il n'apparaît nullement qu'ils aient sollicité ces commandes ou fait des offres aux allemands.
Les fournitures effectuées à ceux-ci ont porté essentiellement sur des râteaux et des trieurs de pommes de terre et le montant de ces ventes a d'ailleurs été très faible par rapport à l'ensemble du chiffre d'affaires ainsi que le montre le relevé ci-après :

 

Chiffre d'affaires total

Commandes allemandes

Exercice 1940/1941

69.413.367.50

2.997.825.30

Exercice 1941/1942

54.188.163.25

473.383.80

Exercice 1942/1943

52.470.568.51

942.797.50

Exercice 1943/1944

50.971.259.00

8.797.259.00

 

227.043.358.26

13.211.265.60

Ainsi qu'on le voit, le total des ventes aux allemands pour l'ensemble de la période d'occupation, a représenté moins de 6% du chiffre d'affaires total de ladite période.
Enfin, il y a lieu d'observer que si les chiffres d'affaires se sont maintenus à peu près constants de 1940 à 1944, c'est en raison de la hausse des prix.
En l'état de la documentation réunie, il apparaît en effet que les tonnages produits ont été en régression depuis 1938 ainsi que le font ressortir les chiffres ci-dessous :
- moyenne d'avant-guerre : 8.000 T
- 1940-1941 : 6.700 T
- 1941-1942 : 5.300 T
- 1942-1943 : 3.800 T
- 1943-1944 : 2.600 T
En bref rien ne permet de dire que les Établissements Puzenat aient sollicité des commandes allemandes ou qu'ils aient fait des offres volontaires. Il semble qu'ils se soient bornés à exécuter les commandes qui leur ont été imposées et qui ont d'ailleurs représenté des chiffres très faibles par rapport à l'ensemble du chiffre d'affaires.

G - Participation n°41 - Conserveries de Bordeaux (tableau II - page 437)
La Société de Conserveries de Bordeaux a pour objet social la fabrication de conserves de fruits, légumes et poissons dans la Métropole et au Maroc.
La Maison Worms a acheté, en 1943, de M. Marc Blanchy, président de la société, environ 7% du capital de F 7.400.000. Une autre part importante de ce capital était acquise, à la même époque, par l'Union des mines et la Maison Vernes.
La direction générale de la Maison Worms a exposé que l'activité métropolitaine de la société a été, au cours des années 1943 et 1944, réduite du fait que sa principale production, la conserve de poisson, n'a pu être alimentée, la pêche en haute mer ayant été interdite sur la côte de l'Atlantique par les autorités d'occupation.
Elle a ajouté que la société, dépendant du Comité d'organisation des conserves, ne pouvait distribuer ses produits que conformément aux ordres qui lui étaient donnés par les organismes officiels de répartition. Sauf cas de réquisition, les livraisons de conserves de cette société n'auraient été effectuées que directement aux organismes de répartition.
Au Maroc, les usines de la société ont depuis novembre 1942 travaillé dans des conditions plus normales, grâce notamment au fer blanc importé par les Nations Unies. Leur production a été utilisée pour le ravitaillement des armées.

H - Participation n°43 - Société privée de réescompte (tableau II - page 437)
La Société privée de réescompte a pour objet d'intervenir sur le marché financier en accord avec la Banque de France et souvent pour son compte : elle achète, vend et prend en pension des bons du Trésor pour régulariser le marché de la Trésorerie sur la place de Paris.
Elle a été constituée par un groupe de banques : l'Union européenne, Vernes & Cie, Worms & Cie, en 1940, avant l'occupation, à une époque ou la Banque de France désirait pouvoir intervenir sur le marché financier par l'intermédiaire de sociétés privées.
La Maison Worms & Cie est représentée dans cette affaire par M. Guy Brocard, l'un des fondés de pouvoirs de ses Services bancaires, et détient 15.250 actions (soit 38% du capital).
Il semble que, de par son objet même, la Société privée de réescompte était dans l'impossibilité de travailler avec les autorités d'occupation.

I - Participation n°46 - Entreprises de grands travaux hydrauliques (tableau II - page 439)
La société Entreprises de grands travaux hydrauliques, au capital de F 30.000.000 dont la société Worms & Cie détient, depuis 1936, 26% de capital, a pour objet l'entreprise générale de travaux publics : barrages, travaux portuaires, etc.
Il ressort des explications fournies par la Maison Worms sur cette affaire, que contrairement à la plupart des entreprises de travaux publics françaises, cette société s'est constamment refusée à travailler pour le compte des autorités d'occupation. Son président, M. Georges Lauret, et son directeur général, M. Jean Rigal (président-directeur général de la société Dragages & Travaux publics) ont tous les deux été arrêtés par les allemands comme résistants.
L'un des chantiers les plus importants de la société est celui de Mers-el- Kebir pour l'aménagement d'un port de guerre, chantier commencer avant la guerre et dont les travaux se sont toujours poursuivis.

J - Participation n°48 - groupes Fournier Ferrier (tableau II - page 441)
Le groupe Fournier-Ferrier est essentiellement constitué de deux sociétés, savoir :
- les Établissements Fournier Ferrier au capital de F 48.086.000,
- la Société générale des matières grasses au capital de F 20.000.000.
Dans la première de ces deux sociétés, dont l'objet social est la fabrication de bougies, savon, oléines, etc. La Maison Worms détient 2% seulement du capital.
La Société générale des matières grasses est une société holding dont 26% du capital est aux mains de la Maison Worms & Cie. De par son activité propre, elle ne paraît pas avoir entretenu de relations commerciales avec l'ennemi.
Cependant, des documents versée tant au dossier de l'information que de l'expertise, il résulte que des difficultés particulières s'élevèrent entre l'une des filiales du groupe Fournier Ferrier, la Société Normande des corps gras et le groupe allemand Henkel, difficultés auxquelles fut mêlée la société Worms & Cie dans les conditions suivantes :
En novembre 1942, la Maison Worms & Cie et notamment M. G. Le Roy Ladurie s'intéressèrent, sur la demande d'un groupe d'actionnaires à la situation interne des Établissements Fournier Ferrier.
M. G. Le Roy Ladurie fut alors informé que la Société normande des corps gras faisait l'objet d'une vive pression de la part du groupe allemand Henkel et Cie à l'effet de lui céder sa majorité.
M. G. Le Roy Ladurie se mit en relations avec le groupe allemand et, après plusieurs mois de conversations, aux résultats incertains, précisa par une lettre du 23 février 1943 adressée au Dr Richter, directeur chez Henkel, la situation des Établissements Fournier Ferrier.
Dans cette lettre dont le texte intégral figure en annexe, au présent rapport, M. G. Le Roy Ladurie exposait les conditions de base d'un accord à envisager avec les groupes français et allemand.
Mais il ajoutait que cet accord ne pourrait intervenir qu'après approbation des autorités professionnelles et gouvernementales respectives et que le gouvernement français ne pouvait l'approuver avant le règlement du différend existant au sujet des Établissements Fournier Ferrier, dès avant la guerre, entre le groupe Henkel (allemand) et le groupe Lever (anglais).
M. G. Le Roy Ladurie terminait en assurant que MM. H. Worms & Cie travaillaient "dès à présent par tous les moyens en leur pouvoir à hâter cet arrangement qui, au surplus, n'aurait de valeur et de portée que s'il était conclu dans une atmosphère de confiance où les droits et les intérêts de chacun apparaissaient comme très clairement déterminés".
Il semble qu'à la suite de cette lettre, qui étant donnée la nationalité du groupe Lever, remettait pratiquement toute discussion après la condition de la paix, le groupe Henkel n'exerça pas de nouvelles pressions.
Il a seulement demandé à faire participer les Établissements Fournier Ferrier" et leurs filiales à l'exploitation des procédés Henkel. M. G. Le Roy Ladurie se souvient avoir alors sollicité par écrit les instructions de la direction des Industries chimiques à la Production industrielle.
Cette dernière aurait été d'avis qu'aucun accord ne devait être passé sur le plan particulier, mais seulement général.
Cet échange de correspondance n'a pas été versé au dossier de l'expertise. M. Meynial, gérant de la Maison Worms, a expliqué que, malgré les recherches effectuées, aucune trace n'en a été retrouvée et que ces documents furent probablement détruits au moment de l'arrestation de M. G. Le Roy Ladurie par les Allemands.
Quoi qu'il en soit, aucun accord n'est intervenu, semble-t-il durant l'occupation entre le groupe Henkel et les Établissements Fournier Ferrier.

K - Participation n°49 - Établissements Japy Frères (tableau II - page 441)
Les Établissements Japy Frères, dont le siège est 6, rue de Marignan à Paris, sont constitués sous la forme d'une société anonyme.
Des investigations effectuées, il résulte que c'est en 1938 que la Maison Worms a commencé à s'intéresser à la réorganisation des Établissements Japy Frères.
En juillet 1939, le capital de ceux-ci était de F 20.000.100 sur lesquels la Maison Worms possédait, en valeur nominale, F 3.000.000 de titres, soit 15%. En décembre 1940, le Conseil a décidé de doubler le capital social et de le porter à F 40.000.000 pour parer à des difficultés de trésorerie.
La Maison Worms garantit cette augmentation de capital ce qui lui laissa en mains un solde d'environ 125.000 actions pour un chiffre d'investissement total, en valeur nominale, de l'ordre de 18.500.000 sur un capital porté à F 40.000.000, soit une participation de 45%.
Enfin, en novembre 1943, le capital fut de nouveau élevé à F 105.000.000 sur lesquels la Maison Worms possède 270.000 titres, soit une participation qui peut être chiffrée, en valeur nominale, à F 40.000.000 représentant 38% du capital social.
En ce qui concerne la participation des membres du groupe Worms à l'administration de la société des Établissements Japy Frères, les investigations effectuées ont abouti aux résultats ci-après exposés.
M. Pucheu ayant participé aux négociations engagées en 1938 pour le renflouement des Établissements Japy, fut nommé président-directeur général de ceux-ci.
Il conserva ce poste jusqu'à 1940, époque à laquelle il décida de démissionner pour se consacrer aux affaires publiques.
De 1940 à 1943, la société Japy fut à nouveau dirigée par les membres de la famille Japy avec M. Albert Japy lui-même, comme président-directeur général, mais il apparut alors que la complexité des activités de la société était telle qu'elle nécessitait la présence simultanée d'un président et d'un directeur général.
M. Albert Japy garda le poste de directeur général et M. Marin-Darbel fut, de son côté, nommé président.
Des renseignements recueillis, il résulte que M. Marin-Dardel est un ami de la Maison Worms, tant par ses liens personnels avec M. Le Roy Ladurie que par les fonctions qu'il occupait par ailleurs. D'autre part, M. Worms avait nommé comme représentants au conseil MM. Jean Vinson et Fred de la Rozière.
Par ailleurs, l'intervention de la Maison Worms c'est manifestée par son rôle de banquier.
Dans ce cadre, la Maison Worms a, en effet,
- consenti aux Établissements Japy Frères des ouvertures de crédit qui ont été utilisées, pour attendre les capitaux que devaient procurer les augmentations de capital successives, sous forme d'escompte de billets de la Caisse des marchés, pour permettre la mise en fabrication en série de machines à écrire, sous forme d'escompte de traites commerciales,
- accordé sa participation lors de l'émission d'obligations faite en 1943 pour F 40.000.000 avec le concours des Grands Établissements de Crédit.
Dans le cadre de ces facilités, les découverts consentis par la Maison Worms aux Établissements Japy ont commencé en janvier 1939 avec un chiffre initial de F 3.500.000. En juin 1940, ce découvert atteignait F 10.084.402.27 et de 1940 à 1943, il a varié constamment, le découvert maximum a été atteint en février 1943 avec un total de F 51.551.452.02.
Par ailleurs, les cautions délivrées par La Maison Worms pour le compte des Établissements Japy à des clients qui passaient commande, ont été assez nombreuses.
Les relevés mensuels de ces cautions montrent qu'en juin 1940, elles représentaient déjà F 6.809.522.65 et que, par la suite, elles ont atteint un maximum de F 11.096.254, en septembre 1942.
Les escomptes ont également atteint des chiffres non négligeables mais le montant total de ceux-ci à un moment donné n'a Jamais excédé F 4.500.000 environ.
En ce qui concerne les crédits sur la Caisse nationale des marchés de l'État, des collectivités et établissements publics, le fonctionnement a été le suivant :
En 1940, la Caisse nationale des marchés de l'État a accordé aux Établissements Japy Frères, un crédit général, réalisable par voie d'aval conditionnel et d'acceptation d'accompagnement de F 25.000.000 garanti par le nantissement de différents marchés passés avec les administrations publiques (ministère de l'Air, de la Guerre, de la Marine et des PTT).
La participation de la Maison Worms dans ce crédit a été de F 20.000.000 le complément étant fourni par la Banque nationale pour le commerce et l'industrie. Son utilisation a eu lieu de mars 1940 à octobre 1941.
En 1943 le secrétariat d'État à la Production industrielle a délivré aux Établissements Japy une lettre d'agrément pour la production des machines à écrire, fabrication qui devait être entreprise le 1er mars 1943 et terminée le 1er mars 1946.
Comme il est d'usage, en la matière, la Caisse nationale des marchés de l'État a ouvert deux crédits :
- l'un de F 288.640.000 (valeur de la fabrication) pour le stockage éventuel des machines, crédit qui n'a jamais été utilisé,
- l'autre, pour le financement de la production, de F 50.000, actuellement utilisé à son plein et par l'intermédiaire de la Maison Worms.
Enfin, en octobre 1939, la Maison Worms a ouvert aux Établissements Japy pour une durée de trois mois, un crédit d'acceptation d'un montant de F 8.000.000, en mobilisation des sommes dues par les administrations publiques, au titre des différents marchés. Ce crédit n'a pas été renouvelé et a eu son prolongement dans le premier crédit de la Caisse des Marchés de l'État.
De tout ceci, il résulte que la Maison Worms n'a jamais eu la majorité au sein de la société Japy Frères et n'a eu, parmi les membres du conseil d'administration de cette société, que trois représentants sur douze. Cependant, elle était le plus fort actionnaire ou tout au moins un des plus gros et son aide financière (qui, pour les seuls découverts a atteint, à un moment donné, plus de cinquante millions) lui donnait un droit de regard certain sur l'activité de l'entreprise.
Ceci d'ailleurs a été parfaitement reconnu par M. Worms lui-même qui, lors de son audition du 25 novembre 1944, a déclaré que sa maison était tenue au courant de la politique générale de la société Japy et qu'elle s'efforçait même, dans la mesure du possible, d'inspirer cette politique.
La société Japy qui possède un groupe d'usines à Beaucourt, Voujancourt, l'Isle-sur-le-Doubs, Fesches le Chatel et Ansin, a quatre groupes de fabrication, à savoir :
- mécanographie (principalement machines à écrire)
- moteurs électriques et pompes
- horlogerie
- articles de ménage, visserie et boulonnerie, émaillerie.
Ce dernier groupe de fabrication, est le plus important et représente à lui seul environ 55% des chiffres réalisés.
L'ensemble de ces activités occupe environ 5.000 ouvriers et employés.
En raison de son importance, la société Japy a, comme toutes les entreprises analogues, été l'objet dès septembre 1940 de sollicitations de la part des autorités allemandes.
A ce moment, ses usines ont eu à répondre à des questionnaires extrêmement détaillés qui leur étaient adressés par les sections économiques des Kommandantüren locales.
A la suite de ces questionnaires, les Établissements Japy furent obligés d'exécuter un certain nombre de commandes destinées, soit au secteur civil allemand, soit à l'équipement des troupes (gamelles, etc.).
Il n'apparaît pus que la société ait jamais produit du matériel de guerre proprement dit. D'ailleurs, c'est seulement en 1942 que les usines Japy furent considérées comme usines d'armement et classées dans la catégorie Rustung. Des explications fournies par la direction de la société, il résulte que, malgré cette classification, la mise en route des fabrications d'armement ne fut pas effectuée en dépit de grosses difficultés nées du fait que l'entreprise se trouvait, pratiquement, sous le contrôle de l'autorité allemande qui avait délégué un de ses officiers de Besançon, Le Baurat Hertzner, pour contrôler les usines.
C'est dans ces conditions que la société Japy fut contrainte d'accepter de la Maison Schuster de Vienne, une commande de 250.000 vis de forme entrant dans la fabrication des fusées, mais elle ne livra que 112.000 pièces, en quatre mois alors que la capacité de production était évaluée à 150.000 vis par mois.
Quoi qu'il en soit, il résulte des recherches effectuées, que les commandes de matériel destiné aux allemands (commandes civiles et commandes militaires) étaient en règle définitive, passées aux Établissements Japy par l'intermédiaire des Comités d'organisation et syndicat français qui répartissaient, entre leurs adhérents, les demandes allemandes. Dans de nombreux cas, il était, au préalable, demandé aux Établissements Japy de faire des offres de prix. En l'état actuel, il n'a pas été trouvé trace d'offres dont les Établissements Japy auraient pris l'initiative.
A la suite du classement des Établissements Japy dans la catégorie Rustung, le Rustungskommande de Besançon fit connaître à ceux-ci par lettre en date du 9 janvier 1943 que 70% au moins de leur production devait être employée pour l'exécution de commandes allemandes.
Tous les mois, les Établissements Japy devaient remettre des états montrant si ce pourcentage avait été respecté. Étant donné que les pourcentages des commandes françaises exécutées étaient sensiblement supérieurs au maximum de 30% prévu par les allemands, les états établis à l'intention de ceux-ci étaient volontairement faussés, le montant des commandes françaises étant minoré et celui des commandes allemandes majoré. De cette manière, des réclamations trop violentes étaient évitées.
Les Établissements Japy font l'objet d'une information particulière dans laquelle vous avez bien voulu me commettre en qualité d'expert.
Une étude approfondie de la comptabilité desdits Établissements Japy sera donc effectuée, dans le rapport spécial consacré à cette affaire.
Toutefois, l'examen de la documentation comptable produite par les Établissements Japy permet, quant à présent, de dégager les points suivants :
1. Pour les exercices 1942, 1943 et 1944, les chiffres d'affaires réalisés sur commandes allemandes ont été, par rapport à l'ensemble, ceux donnés par le relevé suivant :

 

Chiffre d'affaires total

Commandes allemandes

- exercice 1942

227.911.495

64.043.969

- exercice 1943

320.264.714

165.009.516

- exercice 1944 (7 mois)

210.941.759

61.403.477

Total des trois années

759.117.968

281.256.864

Les chiffres d'affaires allemandes ont été constitués principalement par des ventes de quincaillerie et de machines à écrire.
2. L'augmentation du chiffre d'affaires telle qu'elle ressort du relevé ci-dessus n'est pas due à un accroissement d'activité, mais uniquement à la hausse des prix.
La comparaison des tonnages réalisés avant et pendant la guerre, montre, en effet, que, en ce qui concerne notamment les deux compartiments particulièrement importants de la quincaillerie et de la visserie, boulonnerie - ces tonnages ont été en régression, ainsi que le fait ressortir le tableau ci-après :
Quantités produites

 

Visserie boulonnerie
(en millions de pièces)

Quincaillerie
(en tonnes)

1937

Chiffres non établis

6.693

1938

46,07

5.699

1939

Chiffres non établis

5.458

1940

321.13

4.611

1941

200.70

3.822

1942

257,83

3.923

1943

252.81

3.975

1944 (7 mois)

180.58

2.322

3. Enfin, les Établissements Japy n'ont exécuté qu'une partie des commandes qui leur ont été passées. C'est ainsi que :
- pour les articles émaillés, ils n'ont livré que 4.766.825 K sur 10.012.564 K dont ils avaient reçu commande,
- pour la visserie et la boulonnerie, ils n'ont livré que 692.487 k sur les 1.069.911 K qui leur avaient été commandés.
De tout ceci, il résulte donc que les Établissements Japy n'ont pas sollicité les commandes allemandes et qu'ils se sont bornés à faire des offres de prix lorsque cela leur était demandé et à exécuter les commandes qui leur ont été passées d'office et ce, tout en maintenant aussi élevée que possible leur production destinée au secteur français.

L - Participation n°50 - Société tunisienne de l'hyperphosphate Réno (tableau II - page 441)
La Société tunisienne de l'hyperphosphate Réno a été fondée en 1929. Elle a pour but la fabrication et la vente de tous produits nécessaires à l'agriculture, mais son activité s'est limitée à la transformation des phosphates naturelles employées seules ou en mélange avec d'autres produits dans la fabrication des engrais composés.
En 1935, MM. Worms & Cie ont apporté leur concours à la société. L'activité de celle-ci freinée jusqu'alors par des difficultés de trésorerie, a connu chaque année un accroissement très net comme l'indique le tableau des ventes ci-dessous :
- 1935 - 34.272 T
- 1936 - 49.293 T
- 1937 - 88.307 T
- 1938 - 122.291 T
- 1939 - 156.436 T
Depuis 1940, les exportations sont devenues très difficiles en raison du contingentement des matières premières et les tonnages fabriqués tombent à :
- 1940 - 69.128 T
- 1941 - 65.127 T
- 1942 - 65.686 T
La rupture des relations avec l'Afrique du Nord, à la suite du débarquement allié de novembre 1942, prive brusquement la société de sa matière première essentielle. Elle passe des accords avec des producteurs de phosphates pauvres des Pyrénées et entreprend la fabrication d'amendements pulvérisés. Mais les tonnages tombent à :
- 1943 - 38.640 T
- 1944 - 4.945 T
La STHR devait alors obligatoirement comme tous les fabricants de phosphates pour l'agriculture, adhérer au Groupement des producteurs de phosphates à usage agricole, créée par le Comité d'organisation de l'industrie chimique.
Elle était en outre, sous la dépendance absolue du Comptoir des phosphates et devait exécuter les ordres qu'elle en recevait. Celui-ci était mandaté pour assurer le transfert en Allemagne des stocks de phosphates bloqués dans les usines françaises (lettre du 29 juillet 1943 du ministère de la Production industrielle).
Ce Comptoir des phosphates devait être tenue au courant du tonnage des stocks existants et pouvait en disposer souverainement. En effet, en dehors du contrôle du Comptoir des phosphates, la STHR ne pouvait effectuer aucune livraison sans un ordre de transfert de l'Office central de répartition des produits industriels (section chimie) chargé de la répartition de toutes les marchandises contingentées.
L'Office a émis à cet effet des ordres de transfert des quantités livrées aux Allemands sur son ordre par la STHR.
Le 4 décembre 1942, le stock de phosphates dans les usines métropolitaines de la STHR, 4.000 tonnes environ, a été bloqué sur l'ordre du répartiteur. La société a obtenu le déblocage de 2.000 tonnes qui lui étaient nécessaires pour la fabrication d'un condiment phosphaté destiné à l'alimentation animale. Le 15 juillet 1943, la société a reçu l'ordre du Comptoir des phosphates de livrer le solde du stock à la Rohrphosphat à Hambourg.
Le phosphate était repris par le Comptoir qui en a remboursé la valeur à la SFTHR.
Celle-ci avait, de plus, en instance une demande de licence à l'exportation pour la Suisse.
Des renseignements recueillis, il ressort que les opérations de chargement ont traîné et qu'il a été ainsi possible de distraire 300 tonnes qui furent expédiées en Suisse. Le tonnage saisi pour la Rohrphosphat aurait ainsi pu être ramené à 1.573 tonnes, soit moins de 1% de tout le tonnage manipulé pendant l'occupation.
Le comptoir des phosphates d'Afrique du Nord dont dépend étroitement la Société tunisienne de l'hyperphosphate Réno fait l'objet d'une information spéciale dans laquelle M. Lecharny, juge d'instruction, a bien voulu me commettre en qualité d'expert.
Il sera déterminé, au cours du rapport consacré à cette affaire dans quelle mesure le chiffre de 1.573 tonnes correspond à la proportion ci-dessus mentionnée.
Quoi qu'il en soit, l'usine de Sfax touchée très durement par les bombardements aériens d'avril 1943, dut cesser toute activité pendant de longs mois.
Une autre usine de la société, La Nouvelle Tunisie, fut évacuée, vidée de son matériel et complètement désaffectée sur l'ordre du commandement allemand en mars 1944.
L'usine de Sète, atteinte par une bombe, en juin 1944, cessa toute activité, et l'usine du Tréport dut fermer ses portes en mai 1945.

M - Participation n°52 - Groupe Molybdène (tableau II - page 443)
La structure financiers de ce groupe est la suivante :
La société Metalla, holding suisse, détenait 50.000 actions de la société Falta. La société Falta, qui, à l'origine, était propriétaire de permis de recherche de molybdénite dans le sud marocain, a apporté ses permis à la société Le Molybdène moyennant une rémunération de 50.000 actions du Molybdène et le paiement d'une redevance sur le tonnage extrait.
Sur la demande qui lui en aurait été faite par les pouvoirs publics, la Maison Worms a racheté en avril 1940, 2.054 actions, soit 45% du capital de Metalla et 3.475 actions du capital de Falta, soit 4[…]. Par l'intermédiaire de ces deux sociétés, elle détenait le contrôle de fait du Molybdène.
Il semble que la société Molybdène, pure société holding, et la société Falta en raison de son objet, n'ont aucune activité du fait autre que la détention du contrôle de la société Le Molybdène.
En 1940, la Maison Worms n'a pas modifié la composition du conseil de la société Metalla et a introduit au conseil de la société Falta, M. Georges Foulonneau.
Du fait même de leur inactivité, ces deux sociétés n'ont eu, semble-t-il, aucune relation commerciale avec les autorités d'occupation.
En ce qui concerne la société Le Molybdène, il apparaît qu'elle a traité avec les allemands une opération dont il est fait mention dans le dossier de l'information.
L'opération incriminée consiste en une livraison de 25 tonnes de minerai de molybdène, à 30%, effectuée aux allemands, en 1942, à destination de la Gesellschaft für Electrométallurgie MbH à Berlin Charlottenburg.
Une facture provisoire a été établie le 4 février 1942 et la facture définitive a été faite le 3 août 1942 pour un total de F 2.052.444.
Le règlement a été effectué par virement d'ordre de la Gesellschaft für Electrométallurgie au crédit du compte courant ouvert au nom de la société Le Molybdène chez Worms & Cie. Ce virement a été effectué en deux fois, à savoir :
- le 18 mai 1942 (acompte) - F 2.040.000
- le 13 janvier 1943 (solde) - F 12.444
Total égal : 2.052.444
Le secrétaire général de la société Le Molybdène a déclaré que la livraison en cause avait été demandée par les allemands, dès 1940, et que celle-ci n'eut lieu qu'en 1942, grâce aux retards volontaires apportés par les dirigeants de la société.
La livraison a porté, ainsi qu'il a été dit, sur 25 tonnes à 20% équivalent à 20 tonnes à 100% facturées sur la base de F 102 le kilogramme.
Or, cette livraison a eu lieu par prélèvement sur l'ensemble du stock de la société. Le dépouillement du compte d'exploitation a montré que le prix de revient dudit stock était de F 9.345.050.99, se décomposant comme suit :
- cuivre : 451 tonnes à 28% - F 1.145.360
- molybdène : 31 tonnes à 50% à 80 F - 8.199.722.99
Total égal : 9.345.090.99
Les 81 T 250 à 80% équivalant à 65 tonnes à 100%, il apparaît donc que le prix de revient du kilo à 100% (tous frais compris et charges) était de F 126,15 supérieur de F au prix de vente aux allemands, soit, sur les 20 tonnes livrées, une perte totale de F 423.000.
L'examen de la balance clients de la société n'a révélé l'existence d'aucune vente, en 1941 et 1942, soit aux allemands, soit, même, à des clients français.
D'après la comptabilité, la fraction du stock non livré aux allemands (451 tonnes de cuivre et 56 tonnes de molybdène) devait encore se trouver sur le carreau de la mine, en novembre 1942, à l'arrivée des troupes américaines.
La société Le Molybdène a exposé que cette politique d'abstention de vente n'avait pu être pratiquée que grâce aux avances qui lui furent consenties par la Banque Worms (succursale d'Alger). La première avance a été consentie par cette Banque en juin 1941, pour F 1.000.000. Au 1er janvier 1942, le découvert atteignait F 2.915.562.05 et, en dernier lieu, celui-ci se trouvait ramené à F 1.925.409.20, chiffre demeuré inchangé depuis juin 1942.
Les comptes ouverts au nom de la société Le Molybdène chez la Banque Worms et Cie, à Paris et à Marseille n'ont, au contraire, été que des comptes de chèques normaux, n'ayant pas donné lieu à des avances de la part de la Banque.
De l'ensemble des investigations qui ont été faites, il ressort donc que, ainsi que l'a déclaré M. Hoffmann, secrétaire général de la société Le Molybdène, aucune livraison, autre que celle incriminée, n'a été faite aux allemands.
En l'état de la documentation réunie et notamment de celle qui a été versée au dossier de l'information par les intéressés, il n'apparaît pas que cette livraison ait été le résultat d'une offre.
Il semble plutôt qu'il y a eu une obligation imposée par les autorités occupantes.
Il est rappelé que, d'ailleurs, d'après la comptabilité, cette livraison a fait subir à la société une perte de F 423.000.
Il y a lieu de noter enfin que la direction de la société Worms & Cie a communiqué en cours d'expertise deux lettres des 6 septembre 1945 et 24 septembre 1945, émanant de la société Le Molybdène à Casablanca et adressée au siège social du Molybdène à Paris.
Il ressort de ces lettres que les mesures de séquestre qui avaient été prises à l'encontre de la société Le Molybdène ont été récemment levées.
Ceci est corroboré par une conversation de M. R. Labbé, associé de la Maison Worms & Cie, avec M. Salt, directeur du Blocus au ministère des Finances.
Cette levée des mesures restrictives prises à l'encontre de la société Le Molybdène est de nature à indiquer que le ministère des Finances, après les diverses enquêtes effectuées tant à la direction des Mines du Maroc qu'à celle d'Algérie et qu'auprès du ministère de la Production industrielle en France, a jugé que rien ne pouvait être retenu contre la société ni contre ses administrateurs.

 

De l'exposé qui précède, il résulte que la société Worms & Cie possédait, au 30 juin 1944, des participations dans 117 sociétés françaises ou étrangères.
Ce portefeuille important composé d'actions et de parts, représentait à cette date, une valeur comptable de F 329.913.654.26.
Le nombre des titres qu'elle détenait dans chaque société était très variable et ne lui permettait pas de dicter ses volontés à toutes ces entreprises.

1) En fait, la société Worms & Cie, ainsi que l'a reconnu M. Worms lui-même a exercé un contrôle absolu sur l'activité de 24 sociétés pendant l'occupation, soit parce qu'elle possédait la quasi-totalité de leur capital social, soit parce que des personnes d'obédience Worms dirigeaient les conseils ou y formaient la majorité.
Les titres de ces vingt-quatre société représentaient dans le portefeuille Worms, à la fin de l'occupation allemande, une valeur comptable de F 51.130.608.38. Quatorze de ces participations F 91.130.608.38. Quatorze de ces participations formèrent à elles seules une valeur comptable de F 81.266.677.08 et comptaient parmi celles les plus importantes de cette catégorie, celles ayant fait l'objet d'une mention spéciale au dossier de l'information. Ce sont ces quatorze participations qui font l'objet d'une étude particulière de la page 476 à la page 511.
Il ressort de cette étude que certaines de ses sociétés ont entretenu des relations commerciales avec les Allemands :
- soit par suite de la réquisition de leurs moyens d'exploitation ou de leurs marchandises (Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire, compagnie Les Combustibles montois, Entrepôts maritimes de la Manche),
- soit par suite de cessions à l'Allemagne par le gouvernement français (Société française de transports pétroliers),
- soit par suite de réquisitions totales des éléments corporels (Consortium maritime tunisien).
Il n'a été trouvé cependant trace d'aucune [...] de la société Worms ait eu pour résultat :
- soit d'orienter l'activité de ces sociétés dans le sens des relations commerciales avec l'ennemi,
 - soit de céder des parts d'actif à des groupes allemands.
Bien au contraire, il ressort des documents versés, tant au dossier de l'information que de l'expertise, que la société Worms & Cie a eu, dans plusieurs cas, à défendre les actifs de sociétés qu'elle contrôlait contre les prétentions de groupes allemands tels que l'IG Farbenindustrie ou la Commerzbank (Société d'étude et d'exploitation minières, Société des mines de Montmins, Société privée d'étude, Wester Financiering).
Il apparaît qu'elle l'a fait avec succès puisque les Allemands ne purent s'approprier les participations qu'ils convoitaient. Cependant il y a lieu de noter que la Wester Financiering dut céder un immeuble de Dantzig aux autorités allemandes, mais il a été expliqué [voir page 496] comment la Maison Worms & Cie s'est opposée à cette cession qui eut lieu à son corps défendant et pour laquelle elle a fait toutes réserves par une lettre du 24 avril 1944.

2) Dans son portefeuille de participations, la Maison Worms & Cie détient, d'autre part, une partie importante du capital de vingt-neuf autres sociétés, et en inspire plus ou moins la politique financière.
Ces titres représentaient une valeur nette comptable au 30 juin 1944, de F 150.767.254.87, dont le détail est donné de la page 429 à la page 426 [?].
Douze de ces sociétés ou groupes qui comptent parmi les plus importantes de cette seconde catégorie, ou au sujet desquels une mention particulière a été faite au dossier de l'information, ont fait l'objet d'un examen spécial de la page 511 à la page 555.
La valeur comptable des douze participations étudiées représente F 144.153.806.26 dans le portefeuille Worms.
En l'état de la documentation réunie, il apparaît que quatre de ces sociétés ont consacré une partie de leur activité aux livraisons allemandes durant l'occupation.
Ce sont :
- Manufacture centrale de machines agricoles C. Puzenat,
- Établissements Japy Frères,
- Société tunisienne de l'hyperphosphate Réno,
- groupe Molybdène.
Il a été étudié pour chacune de ces sociétés dans quelles conditions les livraisons ont eu lieu, quelle en a été l'importance relative et quels en furent les résultats.
De cette étude, il résulte que l'activité de la société Puzenat au profit du secteur allemand a été très faible (6%) et que les livraisons effectuées l'ont été sur ordre.
Par ailleurs, la société Le Molybdène a effectué aux allemands, sur ordre également, une seule livraison, retardée volontairement et qui n'a d'ailleurs procuré aucun bénéfice, bien au contraire.
En ce qui concerne la société Japy, la Société tunisienne de l'hyperphospate Réno, il n'apparaît pas que les livraisons effectuées aient été le résultat d'une initiative quelconque de la part de ces sociétés.
Il y a lieu de mentionner cependant que les Établissements Japy et le Comptoir des phosphates d'Algérie et de Tunisie, dont dépendait la la Société tunisienne de l'hyperphospate Réno, font l'objet d'informations spéciales.
Il convient, en conséquence, pour apprécier très exactement la nature de l'activité des deux sociétés ci-dessus mentionnées, de se reporter aux rapports spéciaux établis à l'occasion de ces informations.
Il est rappelé que, d'ailleurs, la Maison Worms n'assurait pas entièrement le contrôle des sociétés de cette catégorie, mais était seulement en mesure d'inspirer leur politique générale. Il n'apparaît pas qu'elle ait usé de ses influences à des fins proallemandes.
Des documents versés à l'expertise, il ressort même que M. G. Le Roy Ladurie a dû intervenir pour s'opposer aux prétentions du groupe allemand Henkel, qui tentait de s'approprier une majorité au sein de la Société normande des corps gras, filiale du groupe Fournier Ferrier. Cette tentative du groupe Henkel resta sans suite.

3) La Maison Worms détient enfin les titres de 64 autres sociétés.
Il a été expliqué ci-dessus [voir page 469] que la proportion des titres de chacune de ces sociétés se trouvant ainsi aux mains de la société Worms & Cie, n'était pas susceptible de conférer à ladite société Worms une autorité suffisante pour exercer une influence sur l'orientation de l'activité des sociétés émettrices.
La valeur comptable des titres de cette catégorie représentait au 30 juin 1944 : F 88.015.791.01.
En égard à ce qui précède, il n'a pas paru utile d'examiner en détail ces participations.
Il y a lieu de noter cependant que M. H. Worms est personnellement administrateur dans les sociétés suivantes :
- Société française des distilleries de l'Indochine,
- Société française d'entreprise de dragages et de travaux publics,
- La Réunion française et Compagnie d'assurances universelles réunies,
- Compagnie nantaise des chargeurs de l'Ouest.
Il n'apparaît pas d'ailleurs que son action, au sein de ces sociétés ait pu être importantes, la Maison Worms ne détenant que 5,73% au maximum de leur capital.
Les titres des autres sociétés constituent, semble-t-il, pour la Maison Worms, un simple portefeuille de valeurs de placement ou de spéculation.
Il y a lieu de rappeler enfin, que, ainsi que le fait ressortir le tableau de la page 407, le portefeuille titres de la société Worms & Cie, s'est considérablement accru pendant l'occupation, par suite, notamment, de l'acquisition de participations nouvelles.
Ces acquisitions n'ont, d'ailleurs pas été réalisées au moyen de bénéfices d'exploitation mais sont contrebalancées au bilan par une augmentation équivalente de passif exigible. Cette question sera examinée ci-après page 597, à l'occasion de l'étude des bilans généraux de la société Worms & Cie.

Retour aux archives de 1945