1949.12.27.De Worms et Cie.Historique.Égypte

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27 décembre 1949

Égypte

Les relations de la Maison Worms avec l'Égypte sont bien antérieures à l'ouverture du canal de Suez. Elles sont presque aussi anciennes que la Maison Worms elle-même, et débutèrent à Alexandrie.
Elles eurent leur origine dans le contrat conclu par M. H. Worms les 18/23 août 1851 avec les Messageries impériales (Messageries maritimes) lorsque celles-ci prirent à leur charge l'exploitation des Services maritimes postaux entre Marseille et les pays du Levant.
Par ce contrat M. H. Worms s'engageait à fournir à la Compagnie le charbon de terre nécessaire à ses navires dans six ports méditerranéens, dont Alexandrie (Port-Saïd n'existait pas encore).
Pour ce port la fourniture à faire était de 6.000 T, qui devaient être expédiées dans un délai de 15 mois, du 1er octobre 1851 au 31 décembre 1852 ; les livraisons devaient être faites sous palan aux agents de la Compagnie.
Pour assurer l'exécution des engagements qu'il avait pris, M. H. Worms fit appel à MM. Pastre Frères de Marseille qui avaient également une Maison à Alexandrie et leur demanda de surveiller ses intérêts à la livraison. Les expéditions ne tardèrent pas, tant de Newcastle que de Cardiff. Il existe dans les archives du siège social tout un lot de copies de chartes-parties relatif à ces expéditions dont la première en date du 1er octobre 1851, est celle du navire "Burgmeister-Rencard" de 222 tonnes, au taux de fret de £ 11.
M. H. Worms chercha immédiatement à développer ses opérations sur la place. Dès sa première lettre à MM. Pastre, il leur demanda de lui faire connaître les autres affaires charbon qui se présenteraient soit avec le gouvernement égyptien, soit avec le commerce. Ceux-ci ne lui donnèrent pas beaucoup d'espoir. Les affaires charbon en Égypte étaient assez capricieuses et difficiles ; les prix y étaient très instables en raison de l'irrégularité des arrivages. Une crise économique les rendit même un moment dangereuses. Après plusieurs années d'efforts, et ayant changé à plusieurs reprises de correspondant, M. H. Worms réussit à développer ses ventes, à leur donner une allure assez suivie et à les étendre aux chemins de fer et au gouvernement égyptiens (vers le début de 1866 il fut présenté à Nubar Pacha, ministre des Affaires étrangères au Caire, au cours d'un voyage que celui-ci fit à Paris et obtint de lui la promesse qu'il lui serait donné un contrat pour des fournitures pour le chemin de fer d'Alexandrie à Suez).
Désireux de trouver du fret de retour vers l'Europe occidentale afin de faciliter ses affrètements au départ d'Angleterre, il s'intéressa en outre à l'expédition des produits indigènes, coton, graines de coton, etc. Devant les résultats obtenus, il finit par avoir le sentiment que l'Égypte présentait des perspectives d'énormes affaires de toutes natures et que les débouchés pour les charbons seraient considérables. Il n'était pas éloigné de l'idée d'établir une succursale à Alexandrie et associa même cette idée à celle de la création d'une ligne de navigation à vapeur mais le développement pris par ses affaires charbon l'amenèrent à porter son attention surtout sur Port-Saïd et le canal de Suez. Trois circonstances y contribuèrent particulièrement.
La première fut l'organisation en 1861, par les Messageries maritimes, alors appelées Messageries impériales, à la suite d'une convention passée par elle avec l'État français, d'un service de navigation à vapeur mettant la France en relation avec les Indes, l'Indochine et même, ultérieurement, les mers de Chine, par transbordement à Alexandrie et à Suez et vice-versa à l'imitation du service de la Malle des Indes, assuré depuis plusieurs années déjà par la Compagnie anglaise des Indes orientales.
La Compagnie des Messageries Impériales confia immédiatement à M. H. Worms le soin d'assurer ses approvisionnements. Cette mission constitua un beau succès pour lui. Le 5 décembre 1861, il écrivait à sa maison de Cardiff : « Vous devez attacher la plus grande importance à la parfaite exécution de ce nouveau service. Cette belle affaire est jalousée par tout le commerce anglais et les maisons les plus considérables ont employé toutes les influences possibles pour me l'enlever. C'est à nous de justifier toute la confiance et la bienveillance dont la Compagnie veut bien nous faire cette nouvelle preuve... »
Pour Aden, Pointe de Galles (Ile de Ceylan), Calcutta puis Singapour et Hong-Kong, les envois de charbon devaient être faits par la route du Cap. En ce qui concernait Suez, la Compagnie entendit les assurer par Alexandrie. Les fournitures que M. H. Worms eut à lui faire dans ce dernier port se trouvèrent donc augmentées d'autant.
La deuxième circonstance qui amena M. H. Worms à tourner son attention sur Port-Saïd et le canal de Suez, fut le développement pris par les travaux du canal. Dès leur début il avait fait des offres de service à la Compagnie du canal et à ses entrepreneurs, sans grand résultat, mais à la suite de la suppression de l'emploi de la main-d'œuvre indigène et de son remplacement par du matériel de grande puissance ses démarches furent couronnées de succès.
Au mois de novembre 1865 il devint fournisseur de MM. Borel Lavalley & Cie, qui étaient chargés d'une partie des travaux et devaient devenir bientôt les principaux entrepreneurs. Leurs commandes prirent rapidement une grande extension. Bien que les travaux aient été commencés en 1859, si l'on remarque que le cube total des terrassements et dragages effectués s'élevait le 20 décembre 1869 - date à laquelle fut arrêtée l'entreprise générale - à environ 74.000.000 de m3 et que 56.800.000 étaient au compte seul de l'entreprise Borel Lavalley & Cie, on peut dire qu'une grande partie du canal fut construite avec l'aide du charbon Worms. La première commande lui fut faite dès le 14 novembre pour deux chargements. Le charbon était livrable à Port-Saïd, M. H. Worms eut donc à se préoccuper de trouver dans ce port une maison à laquelle il put confier le soin d'assumer la sauvegarde de ses intérêts à l'arrivée des navires. Le 8 décembre 1865, il demanda à son correspondant à Alexandrie (M. E. Daubree) de lui indiquer une maison à laquelle il pourrait s'adresser pour la charger de payer pour son compte les soldes de fret aux capitaines.
II allait ainsi prendre indirectement pied à Port-Saïd près de 4 ans avant la création de sa succursale.
En 1867 il entrevoit déjà un bel avenir pour ses affaires dans ce port. Sa position fut renforcée au cours de cette même année car il devint alors fournisseur de la Compagnie du canal, elle-même, dont les livraisons étaient également à faire dans ce port.
Une troisième circonstance contribua d'ailleurs à en augmenter encore l'importance, ce fut l'ouverture à Ismaïlia le 15 août 1865, donc plus de 4 ans avant l'inauguration du canal maritime, de l'écluse mettant en communication le canal maritime, qui conduisait déjà les eaux de la Méditerranée jusqu'au lac Timsah, avec le canal d'eau douce pour donner passage à un convoi de chalands partis de Port-Saïd le 13 août à destination de Suez, partie par le canal maritime, partie par le canal d'eau douce, sans solution de continuité. C'était la houille qui constituait le chargement des chalands. Elle devait être prise sous palan dans la rade de Port-Saïd et portée, également sous palan, dans la rade de Suez.
Comme une partie de ce chargement était destinée aux steamers des Messageries impériales, il se pourrait que le charbon Worms ait contribué à le constituer. Des recherches aux archives permettraient peut-être de vérifier la chose.
Le transit par voie d'eau d'une mer à l'autre, sans solution de continuité, devenait un fait accompli.
L'événement était d'importance. La Compagnie du canal tint à le revêtir d'une véritable solennité. Son président fondateur se rendit à Port-Saïd à cette occasion. Un avis fut affiché pour inviter les habitants à assister au départ, retenant le fait que la cargaison était composée de charbon il proclamait : « Le passage de l'Occident en Orient de cette matière commune dont le génie de l'homme a fait le principal agent civilisateur du monde marquera le succès le plus important obtenu jusqu'à présent par les efforts des braves travailleurs de l'isthme ».
La Compagnie du canal organisa elle-même une navigation provisoire pour assurer le transport direct des marchandises et voyageurs entre Port-Saïd et Suez, et vice-versa, en attendant l'achèvement du canal maritime et son ouverture à la grande navigation. Son but était à la fois d'assurer la régularité de ses propres approvisionnements, d'attirer les navires à Port-Saïd et de préparer le commerce à l'usage du canal maritime. Le commerce ne tarda pas à l'utiliser. Port-Saïd qui depuis sa création n'était guère que le port nécessaire aux travaux du canal devint une station pour les paquebots des principales compagnies qui naviguaient dans la Méditerranée.
La nouvelle voie se révéla plus avantageuse pour le charbon que le transport par le chemin de fer d'Alexandrie à Suez qui était long, irrégulier et dispendieux. Les Messageries impériales ne tardèrent pas à l'adopter pour le ravitaillement de leur dépôt de Suez. M. H. Worms prit lui-même ses dispositions pour la mettre à profit. Il fit alors des propositions à la Compagnie P & O et obtint d'elle, à la fin de l'année 1867, un contrat pour la fourniture de 6.000 tonnes à expédier à Port-Saïd pour être transportées ensuite par la nouvelle voie.
Le transit des charbons à Port-Saïd prit alors une grande importance. M. de Lesseps signala à l'assemblée générale des actionnaires de la Compagnie du canal, le 2 août 1869, que le service de transit, avait transporté d'une mer à l'autre, 12.000 tonnes de charbon en 1867 et plus de 26.000 en 1868 et que les prix du combustible à Suez avaient immédiatement diminué de 25%.
Ce fut le 17 juin 1869 seulement que M. H. Worms porta officiellement à la connaissance de la Compagnie du canal sa décision d'ouvrir une succursale à Port-Saïd et qu'il lui demanda la place nécessaire pour l'établissement d'un dépôt de charbon. Quelques jours avant, le 5 juin, il avait avisé M. Voisin, directeur général des travaux à Port-Saïd et M. Guichard, chef du Transit, également à Port-Saïd, qu'il connaissait particulièrement et avec lesquels il était déjà en relation. II recommandait à leur bienveillant accueil un de ses plus anciens collaborateurs (celui-là même qui avait signé en son nom à Marseille, le 18 août 1851, son premier marché avec les Messageries nationales), M. Rosseeuw, qu'il envoyait à Port-Saïd pour prendre la direction de son nouvel établissement. M. Guichard l'avait antérieurement souvent engagé à établir un dépôt à Port-Saïd et à Suez.
Tout comme, le 23 décembre 1848 il avait indiqué au directeur de la maison qu'il fondait à Newcastle qu'il voulait donner un grand développement au commerce des charbons pour la France, il précisa à la Compagnie du canal qu'il désirait donner à sa maison de Port-Saïd une grande importance.
A la fin de l'année 1872, il avait livré à lui seul près des trois-quarts des charbons pris par les navires transitant.
En 1912, année où la fourniture des charbons de soute atteignit son apogée à Port-Saïd, sa succursale eut à charbonner 1.115 navires sur un total de 5.375, en 1913 la proportion fut encore plus forte, 1.141 navires sur un total de 5.079. Il y avait cependant à cette époque au total 9 dépôts qui contribuaient au ravitaillement des navires.
II devint le fournisseur de nombreuses compagnies de navigation étrangères dont plusieurs très importantes et celui de plusieurs marines de guerre. Lorsque éclata la guerre russo-japonaise, il l'était depuis plusieurs années pour les deux marines belligérantes. Navires de guerre russes et navires de guerre japonais charbonnaient habituellement à Suez plutôt qu'à Port-Saïd par suite, semble-t-il, de leur tirant d'eau. L'aggravation de la tension diplomatique entre les deux pays amena à Suez des ordres simultanés importants pour leurs navires, à exécuter dans le court espace de temps de quatre jours. Ces ordres dépassèrent la normale d'une année entière dans ce port où les navires ne charbonnaient qu'exceptionnellement. Leur exécution entraîna de grosses difficultés. La Maison Worms fit cependant honneur à ses engagements.
Après la rupture (5 février 1904) lorsque la Russie envisagea d'envoyer une escadre en Extrême-Orient, la Maison Worms fut consultée par des amis de Saint-Pétersbourg sur la constitution d'un fort dépôt pour la ravitailler à Suez (15 à 20.000 tonnes). La question était délicate en raison à la fois des règles du droit international et de l'importance du dépôt qui nécessitait la stipulation de conditions spéciales. II n'y eut pas lieu à discussion définitive car finalement la flotte russe emprunta la route du Cap.
On peut noter en passant comme une autre preuve de la notoriété acquise par M. H. Worms le fait qu'il fut, avant l'ouverture du canal maritime à la grande navigation, le fournisseur à Suez de la puissante compagnie anglaise P & O. Lorsque cette compagnie décida de procéder à une réorganisation profonde de ses services, à la suite de l'ouverture du Canal, pour remédier aux conséquences financières fâcheuses que cette ouverture avait eues pour elle et pour lutter contre la concurrence, il fut question de confier à la Maison Worms l'agence de la Compagnie à Port-Saïd. Quelque honorable et enviable que pût être cette mission, la Maison Worms jugea que les intérêts que lui avaient confiés ses clients de la première heure ne lui permettaient pas de l'accepter et elle déclina l'offre qui lui était faite (pour plus de détails, v. la 1ère partie de l'historique, page 38 [= page 34 du fichier texte]).
Malgré les succès qu'il obtint à Port-Saïd et sur le Canal, M. H. Worms ne détourna pas entièrement son attention des autres affaires possibles en Égypte. Il continua ses fournitures de charbon à différentes entreprises. En 1866 notamment il devint fournisseur du Gaz d'Alexandrie.
En dehors du commerce des charbons, il fit même quelques tentatives importantes. Devenu en France, dans la région de Bordeaux, important fabricant et exportateur de traverses de chemins de fer, il obtint une forte commande en Égypte. Il affecta à leur transport un des navires de sa flotte, le s.s. "Commandant Franchetti" qui fit ainsi quelques voyages à Alexandrie jusqu'en 1876.
En 1873, il autorisa sa maison de Port-Saïd à tenter un service de navigation à vapeur, sous pavillon français en mer Rouge et mit l'aîné des navires de sa flotte le s.s. "Séphora" à sa disposition. Devant les difficultés rencontrées, en particulier pour le recrutement, sous le climat d'Égypte, d'un équipage constitué en conformité des règlements français, il arrêta l'expérience au mois de décembre 1874 et fit rentrer le navire en France où il [fournit] une longue carrière.
Marcus Samuel - Shell Transport & Trading Co. Ltd
Les deux expériences ci-dessus ne furent qu'éphémères. Le développement pris par l'utilisation du pétrole allait au contraire devenir pour la Maison Worms la source d'une activité supplémentaire importante et durable.

Voir sur cette question les notes remises antérieurement :
1) "Worms & Cie" - 2° partie - pages 17 et suivantes
2) "Shell Transport & Trading Co. Ltd.," du 29 juillet 1948.


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