"Il me faut une affaire d'exception."
Hypolite Worms, décembre 1848
Activités initiales du fondateur de la Maison, Hypolite Worms
1801-1841
Hypolite Worms naît le 7 novembre 1801, à Metz, où son père est marchand d'étoffes. Réformé en raison de sa myopie en 1821, il est à cette époque commis voyageur. En 1829, il est associé, à Rouen, de "Worms, Heuzé et Cie", commissionnaires et commerçants en gros d'articles de manufactures et de draperies, rouenneries, toiles peintes, etc. En 1837, il liquide ses opérations à Rouen, et, le 16 août, épouse, à Nancy, Séphora Goudchaux. Née en 1818 à Saverne (Alsace), celle-ci est apparentée à une famille de banquiers, dont la maison, créée à Nancy et connue sous le nom "Les Fils de Garçon-Jacob Goudchaux", possède une succursale à Paris, dans laquelle H. Worms entre à la suite de son mariage.
Le couple est établi à Paris en 1838, au 11, rue Vendôme, Marais, où Lucien Worms, l'aîné des deux enfants d'Hypolite et de Séphora, voit le jour le 3 mars 1839. La banque des "Fils de Garçon-Jacob Goudchaux" est dissoute le 23 juin 1841, et recréée le 26 février 1842. H. Worms en demeure actionnaire, mais cesse d'en être gérant. Il conserve un compte chez ses anciens associés, avec lesquels il continuera à correspondre pour le suivi de ses opérations. Et lorsqu'en juin 1848, Michel Goudchaux, nommé ministre des Finances du gouvernement Cavaignac, prendra la décision de dissoudre la société "les Fils de G.-J. Goudchaux", il confiera à H. Worms, son neveu par alliance, le soin de liquider la banque, à Paris.
1842
Installé au 46, rue Laffitte, où sa fille, Emma Louise, naît le 6 mars, H. Worms agit désormais en toute indépendance. Pendant sept ans, jusqu'à ce qu'il s'oriente vers le négoce d'importation des charbons anglais, le propre de son activité consiste à brasser des affaires.
Le premier courrier commercial dont la trace a été conservée date du 28 septembre ; il concerne des envois d'argent à la Nouvelle-Orléans en vue d'acheter du coton destiné à une maison du Havre. S'ensuivent de nombreuses opérations sur marchandises que H. Worms organise soit pour son compte personnel, soit avec des tiers. Elles portent sur des graines de trèfles, de la fonte (achetée en Angleterre et livrée à Rouen), un chargement de graines et d'avoines expédié à Rouen, des colis de tissus envoyés à la Nouvelle-Orléans. En novembre, H. Worms engage un agent « à donner tous (ses) soins à un commerce de charbon de terre qu'(il a) l'intention d'établir à la Villette », et lui procure les moyens nécessaires en vue de « faire des achats en Belgique aux conditions les plus avantageuses ». Ces fonds servent notamment à acquérir la production d'une mine située à Sauwarten, en Belgique.
1843
H. Worms acquiert la Compagnie des charbonnages de Sauwarten, à laquelle il fait de fréquentes avances. Bien que la mine approvisionne un important client par un contrat que H. Worms rachète, elle ne parvient pas à assurer une marche régulière. L'exploitation est alors stoppée et des travaux de modernisation sont entrepris (février). Conjointement, H. Worms fait entreposer des balles de coton au Havre en attendant de les vendre au meilleur prix et expédie diverses marchandises à la Nouvelle-Orléans. L'exploitation de la mine de Sauwarten s'avère catastrophique (avril) : la défection du principal client alourdit les pertes et le gérant est révoqué. H. Worms espère que l'amélioration de la qualité de la production permettra de redresser la situation mais l'envoi de deux chargements d'essai à la Villette marque la fin de cette affaire (novembre). Achat de cent caisses d'indigo (décembre).
1844
Opérations sur de l'étain et de la fonte (janvier-avril), en provenance de Belgique notamment, par l'intermédiaire d'Édouard Rosseeuw, futur homme de confiance d'Hypolite Worms. Achat de café à Java (mai). Souscription d'actions de chemins de fer de Rouen, Vierzon, Bordeaux, Boulogne, Dieppe à Rouen (octobre-décembre).
1845
H. Worms étoffe son portefeuille de titres ferroviaires en souscrivant des actions des compagnies de Paris à Caen, Marseille à Avignon, Montereau à Troyes, Cologne à Aix-La-Chapelle, de Strasbourg, de Paris à Lyon (janvier-septembre). Projet d'achat, à hauteur d'un million de francs, de terrains agricoles en Algérie, par l'intermédiaire d'Adolphe Crémieux, et de formation d'une société d'exploitation entre propriétaires et ouvriers de manière à intéresser ces derniers à la prospérité de l'entreprise (septembre).
1846
Estimant que « le plâtre est destiné à un grand développement, car cet article à deux emplois importants, la construction et l'agriculture », H. Worms achète à la Société plâtrière des carrières du centre, laquelle exploite l'une des trois carrières de gypse des Buttes Chaumont, à la Petite Villette, tous les produits - en moellons ou en sacs - à distribuer sur la ligne Paris-Bordeaux. La cession qui lui est faite comporte également celle d'un marché passé avec le Chemin de fer d'Orléans. H. Worms fait aussitôt des propositions à cette compagnie en vue d'un nouveau contrat pour 15.000 tonnes à livrer à Orléans et au-delà, et obtient, ainsi, une diminution importante du prix de transport (avril-juillet). Grâce à cet accord exceptionnel, il élargit rapidement son aire de distribution ; des dépôts de plâtre et des agents sont établis dans les gares d'Orléans, Blois, Amboise... au rythme de l'ouverture des tronçons ferroviaires. Parallèlement, il projette d'exploiter un brevet, pour la Prusse et les états qui relèvent de ce royaume, concernant un nouveau système de chauffage pour les usines de fabrication de coke (septembre), et tente d'obtenir du ministère de la Guerre la concession d'une mine de plomb dans la province de Constantine (décembre).
1847
Des dépôts plâtriers sont progressivement constitués à Bourges, Rouen, Le Havre et Dieppe... Gagnant les ports de Normandie, H. Worms songe à exporter vers l'Angleterre, voire vers l'Amérique (décembre).
1848
Autorisation est donnée par la Compagnie d'Orléans et du Centre d'établir des dépôts en gares d'Étampes, de Tours et de Vierzon (janvier), puis à Châteauroux (février).
Révolution à Paris (23-25 février) : fin de la Monarchie de Juillet (abdication de Louis-Philippe, roi des Français depuis 1830) et proclamation de la Seconde République
Le projet d'extension du négoce de plâtre vers l'Angleterre est réétudié. Dans ce but, une enquête sur le marché de Londres est menée par un correspondant dont le compte-rendu se conclut par cette proposition : « Je pourrais vous envoyer du charbon et, en combinant ainsi l'opération, elle devrait être avantageuse et vous donner un débouché très considérable ». Cette suggestion devait décider de l'avenir de la Maison. H. Worms se renseigne sur les conditions de l'importation maritime : fréquence des navires, coût du fret et de la manutention... et s'informe sur les besoins en plâtre et en houille des agglomérations situées entre Rouen et Le Havre (juillet).
Création du négoce de charbons anglais (novembre)
Alors que l'ouverture d'une liaison ferroviaire entre Dieppe et Malaunay ménage aux importations maritimes un nouvel accès à la région rouennaise (août), l'envoi à titre d'essai de deux cargaisons de charbon anglais est décidé (octobre) : la première de Blyth, à bord du "Henry-&-Elizabeth", et la seconde de Newcastle, à bord de l'"Écho" (novembre). H. Worms, qui en a négocié le prix directement avec Carr Lamb & Co., producteurs situés dans le riche bassin houiller de la Tyne, vend ces chargements 10% en dessous des tarifs pratiqués par ses concurrents. Le succès de l'opération l'engage à développer ce commerce « en grand ». Persuadé que « la bonne marche de son entreprise dépend du soin apporté au chargement des navires et au choix des charbons », il envoie pour le représenter à Newcastle un jeune Anglais du nom d'Arthur Pring. La mission qu'il lui assigne - « traiter avec les producteurs en passant par dessus tous les intermédiaires » - participe d'un programme ambitieux visant à garantir aux fournisseurs des achats massifs et réguliers afin d'obtenir des prix de vente les plus bas possibles. Présent à la source, H. Worms s'établit simultanément dans les ports normands, principales portes d'entrée des produits anglais en France : à Dieppe, il confie ses intérêts à un courtier et établit un agent à Rouen.
1849
Au Havre, il charge une maison de la place de réceptionner un premier navire (janvier) avant que l'arrivée en nombre de nouvelles cargaisons ne le décide à y envoyer Édouard Rosseeuw. Celui-ci, qui vient de mener une enquête sur « les mouvements de marchandises » dans la région de Dieppe (mars), s'installe au 4, rue de la Gaffe (avril), et loue, pour 3 mois, un chantier pour entreposer plâtre et charbon (mai). Le cadre de son organisation ainsi planté, H. Worms s'emploie à développer sa clientèle. Les marchés qu'il remporte auprès des industries locales (hospices de Rouen, manufacture des tabacs du Havre, Compagnie centrale d'éclairage à Dieppe, Compagnie du gaz français) sont dans l'ensemble de moindre tonnage. Ils suffisent cependant à le faire passer pour « un concurrent redoutable » contre lequel les négociants - dont les plus puissants sont les maisons Hantier au Havre et Muston à Rouen -, engagent une guerre des prix. D'abord confiant dans ses moyens de riposte, H. Worms se trouve peu à peu menacé par un problème dont la récurrence pourrait le « décider à renoncer au métier » (juillet). C'est en effet que le tonnage des navires qui lui sont destinés s'avère systématiquement inférieur à celui indiqué lors du chargement. Les responsables de ce manque à gagner ne sont autres que Carr Lamb & Co., intéressés pour moitié dans toutes les opérations traitées par H. Worms. « Tout en achetant peut-être un peu plus cher que vous ne me facturez, leur fait-il remarquer, mes concurrents achètent meilleur marché puisqu'ils trouvent en bénéfice de poids bien plus que vous ne me donnez en diminution de prix. » Cette question lancinante, qui alimente une abondante correspondance (avec Arthur Pring notamment) se pose de manière d'autant plus critique que H. Worms a l'intention de prendre part aux adjudications régulièrement lancées par la Marine nationale pour approvisionner les stations de charbonnage de ses navires. S'étant informé sur le fonctionnement des marchés ouverts pour La Martinique et pour Rochefort (janvier-juillet), il concourt - mais en vain - pour celui de Cherbourg (septembre). Ce galop d'essai le conduit à entrer en relation avec Geo Insole & Co., propriétaires de mines du district de Cardiff, réputé pour la qualité de son Steam Coal (octobre). « Je fais à Rouen et au Havre, précise-t-il à ces Messieurs, un grand commerce de charbons anglais, Newcastle et Sunderland. Je compte lui donner encore plus d'extension en soumissionnant pour les fournitures au gouvernement et je vais y adjoindre les charbons de Cardiff. » Dans ce but autant que pour aplanir les difficultés avec John Carr & Co., il dépêche en Angleterre Édouard Rosseeuw (novembre). Celui-ci, dans la perspective de son départ, forme un jeune homme du nom de Frédéric Mallet dont il résume à H. Worms les qualités en ces termes : « Ce n'est pas un commis que vous aurez au Havre, c'est un chef de maison ».
1850
Peu après son arrivée en Angleterre, Éd. Rosseeuw, qui est chargé d'« établir avec ce pays des rapports sur des bases plus rationnelles », négocie deux accords d'approvisionnement en charbon de Newcastle d'un tonnage important (janvier). Par son intermédiaire et celui de Fr. Mallet, H. Worms est nommé fournisseur attitré de la New York & Havre Steam Navigation (mars). Dans le même temps, Théodore Bouscasse, ami d'Éd. Rosseeuw, est choisi comme représentant à Bordeaux. Concrétisant l'idée qu'il caresse depuis plusieurs mois, H. Worms obtient du ministère de la Marine, contre 8 concurrents, une fourniture de 2.000 tonnes de charbon à livrer à Cherbourg du 1er mai au 1er juillet : c'est le premier contrat conclu avec l'État.
Ouverture de la ligne postale transatlantique par le "Franklin" de la New York & Havre Steam Navigation (octobre)
Signature de marchés avec des compagnies de bateaux à vapeur à Bordeaux (octobre). Deuxième traité remporté auprès de la Marine, pour La Martinique cette fois (novembre). Encouragé par ce succès, H. Worms prend part, mais échoue, à une adjudication ouverte par l'administration des Postes pour des livraisons à Calais (décembre). Qu'elles aboutissent ou non, ces tentatives offrent surtout le moyen de s'informer sur les marchés locaux et les besoins de la clientèle, ainsi à Marseille où H. Worms confie à un chargé d'affaires une enquête approfondie (novembre). Outre la vente des charbons de soute qui suscite une augmentation des achats dans le district de Cardiff (à partir de mars-avril), la distribution des charbons à coke s'accroit à mesure que s'étoffe la clientèle des compagnies ferroviaires : propositions au chemin de fer de Tours à Nantes, pourparlers avec celui d'Orléans à Bordeaux (décembre). Les relations commerciales avec ces réseaux se fondent également sur la distribution du plâtre (avec le réseau du Centre notamment entre février et novembre) dont l'exportation en Angleterre est complétée par celle de produits agricoles qui manquent dans ce pays.
Transformation du bureau de Newcastle en une succursale (janvier)
dont l'enseigne porte le nom d'Hypte Worms et précise l'origine française ; offre d'approvisionnement au chemin de fer de Tours à Nantes (janvier). Voyage d'Éd. Rosseeuw à Bordeaux pour soutenir Th. Bouscasse (mars).
Constitution de la société Hantier Fils & Mallet, au Havre (avril)
par apport à Hantier Fils, Martin & Cie, du fonds de commerce cédé à Fr. Mallet par H. Worms qui devient créancier de la nouvelle structure ; il est également décidé que tous les affrètements de cet établissement dans le nord de l'Angleterre seront réservés à la succursale de Newcastle. Envoi de plusieurs cargaisons de charbon à Marseille en prévision d'une adjudication ouverte par l'administration des postes pour le ravitaillement de ses navires de ligne entre Marseille et les pays du Levant (avril). Expéditions à destination de Buenos Aires (avril) et de Rio de Janeiro (mai). Entente avec l'un des fournisseurs des Postes dans le Levant en vue de se substituer à lui dans les approvisionnements de Marseille et de Constantinople ; livraisons à l'adjudicataire de la Marine à Alger et à Bône (juillet).
Ratification de la convention confiant aux Messageries nationales « l'établissement et l'exploitation du service maritime postal de la Méditerranée » (loi du 8 juillet)
Premier marché avec les Messageries : fourniture de 37.200 tonnes de charbon de soute à livrer dans les ports de Civitavecchia, du Pirée, Smyrne, Constantinople, Alexandrie et Malte (août) ; l'opération a été préparée par Éd. Rosseeuw en Angleterre et à Marseille, seul port à avoir échappé à la Maison. Ce contrat d'un volume considérable sera renouvelé chaque année.
Création d'une agence à Blyth et d'une succursale à Cardiff (septembre)
Prospection dans les ports où la Maison est soumissionnaire de la Marine et des Messageries ; intérêt pour l'Italie, l'Espagne et l'Afrique (novembre). Mandat à un négociant marseillais à l'effet de passer au nom d'H. Worms tous marchés en charbons anglais ; demande de renseignements sur les besoins en farine, pommes de terre et céréales en Écosse et en Angleterre : vente de quelque centaine de tonnes (novembre).
Coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte (2 décembre)
Alliance commerciale avec la Maison Grandchamp à Rouen ; disparition dans la correspondance de toute référence au commerce de plâtre (décembre).
Naissance de la Compagnie des Services maritimes des messageries nationales (19 janvier)
Fournitures de charbon à une compagnie exploitant une ligne de vapeurs à hélices entre Rotterdam et Bordeaux ; négociations entre H. Worms, A. Grandchamp et le chemin de fer de Dieppe en vue d'obtenir une réduction des tarifs de transport sur Rouen (25.000 tonnes au minimum par an) ; offre de services à une maison de Newcastle (janvier) qui projette de s'installer à Cardiff, district dont le charbon est appelé, selon H. Worms « à jouer un grand rôle. Bien des maisons de Newcastle qui ont des relations partout le globe - écrit-il à Arthur Pring -, reçoivent déjà et recevront des ordres en charbon de Cardiff, ordres qu'elles ne peuvent remplir - offrez mes services à ces maisons..., je leur vendrai le charbon à aussi bas prix que les mines à cause de mes contrats, et je ferai leurs affrètements : je prendrai l'engagement de ne pas faire d'offres à leurs amis ». Refus de la proposition faite par MM. Nixon, producteurs d'un excellent coal steam à Cardiff, d'acheter une mine dans ce district ; expéditions de charbon en Californie (mars).
Fondation du Crédit foncier (28 mars)
Recherche de navires à affréter à l'année pour Saint-Vincent du Cap-Vert, le cap de Bonne-Espérance, Maurice, Ceylan, Madras, Bombay, Calcutta, Java, Singapour, l'Australie, Panama, Acapulco et San Francisco ; choix d'un représentant à Naples et à Palerme (avril) auquel H. Worms écrit : « Aux objections que l'on peut vous faire, répondez que je fournis les Messageries nationales et la Marine française sur plusieurs points du globe. Cela prouvera que je suis en mesure de livrer partout et aussi bien que toute autre maison anglaise, car je suis aussi maison anglaise... J'ai en mains des ordres pour Venise, Gênes, Livourne, Trieste, etc. » (mai). Prise de participation dans une entreprise marseillaise de bateaux à vapeur, Charge Fils Aîné, puis dans la propriété de l'un de ses hélices, le "John-Erikson" (juin-juillet), l'idée étant de s'assurer la fourniture en charbon de la flotte de la compagnie sur tous les points de la ligne (Marseille-Gênes-Livourne et desserte du Maroc). Renseignements transmis par Newcastle sur l'emploi des screw-steamers : chantiers navals en Angleterre, armateurs, caractéristiques, prix. Sur ce dernier point, la correspondance témoigne d'une hausse effrénée (août). Projet d'exploitation d'un ponton ("hulk") basé à Saint-Vincent du Cap-Vert pour le charbonnage des navires en route vers l'Australie ; vente du "John-Erikson" (septembre-novembre). Tentatives d'obtenir la clientèle du Lloyd autrichien dont les besoins annuels sont estimés à 80.000 tonnes (octobre-novembre).
Fondation par les frères Pereire de la Société générale de Crédit mobilier (18 novembre)
Offre transmise à A. Grandchamp Fils pour la construction d'un screw-steamer ; il désire qu'Hypolite Worms et lui aillent à Londres pour étudier la question (décembre).
Établissement du Second Empire (2 décembre 1852) - Louis-Napoléon Bonaparte devient empereur des Français sous le nom de Napoléon III
Extension du contrat d'approvisionnement des Messageries maritimes aux ports de Beyrouth et d'Alexandrette.
Prise en charge par la Compagnie péninsulaire et orientale du service
de la Malle des Indes (janvier)
Transformation des Messageries nationales en Messageries impériales (28 février)
Modification du tarif douanier de la houille en France
Tandis qu'Éd. Rosseeuw invite à Londres MM. Hantier et Grandchamp « pour manoeuvrer les propriétaires » (janvier), H. Worms se rend à Cardiff, puis à Londres et à Newcastle, où Henry Josse vient seconder Arthur Pring. Expéditions d'un fort tonnage depuis Cardiff, Swansea et Newport sur San Francisco (ruée vers l'or - 1848-1856) ; premiers échanges avec James A. Burness (mars-décembre). « Convaincu que l'hélice doit remplacer la voile dans ses affaires charbon, » mais résolu à « expérimenter » avant « de dépenser des milliers de livres », H. Worms demande à l'un de ses fournisseurs de lui louer un hélicier pour un ou deux voyages de Sunderland à Bordeaux ; après quoi il pourrait acheter ce navire ou l'exploiter en compte à demi (mars). Adjudication à Hantier Fils & Mallet d'un marché avec la Marine à Gorée (mai-octobre).
Création de la société A. Grandchamp Fils à Rouen (juin)
Accord avec Achille Grandchamp aux termes duquel H. Worms ferme son bureau de Rouen et de Dieppe et devient commanditaire de la société A. Grandchamp Fils (juin). Cession à H. Worms de la direction d'une affaire d'ardoisières fabriquées en Grande-Bretagne (juillet). Livraisons à Rio de Janeiro pour compte de la Maison Dreyfus (juin), dans les Antilles françaises pour celui de la Marine française, entre autres, (juillet), et à Cayenne à l'attention de Chevillotte Frères (août). Développement d'un courant d'affaires à Marseille où les difficultés du marché local conduisent H. Worms à abandonner son projet d'établir une succursale, en dépit de ses relations avec de nombreuses compagnies de navigation à vapeur : Bazin & Périer, "Taffe, Fils de Jacques, Michel, Rebufat, Caffarel Frères & Cie - Compagnie impériale des bateaux à vapeur de France en Algérie", etc. Choix d'un représentant à Alexandrie (septembre). Naufrages pratiquement simultanés du "Humboldt" (décembre) et du "Franklin" (31 juillet 1854), « coup bien cruel » qui pourrait entraîner la suppression de la ligne postale Le Havre-New York. Décision de se désengager des affaires traitées avec Charge Fils Aîné : remboursement des actions dans les steamers, "Courrier-de-Marseille" et "Courrier-de-Naples", et de l'investissement dans la Société franco-adriatico-sicilienne (décembre).
1854
Offre de services à Bazin, Léon Gay & Cie en vue de créer avec ces armateurs marseillais « un grand commerce réunissant les charbons indigènes et les charbons anglais » (janvier). Alors que « les gouvernements français et anglais enlèvent les navires, à tous prix, pour l'Orient, Naples, Alger et Toulon », H. Worms reçoit « carte blanche » du ministère de la Marine pour livrer plusieurs milliers de tonnes à Constantinople, Alger, Bône, Oran et Stora. Considérant sa mission comme « une affaire d'honneur », il transmet des ordres à Cardiff et Newcastle et à ceux de ses agents dans les ports français où il peut espérer affréter des navires (février). Mais l'élévation des frets entraîne l'annulation des commandes par le ministère qui « cherche à s'entendre avec l'Amirauté pour concentrer les fournitures charbon dans une seule main anglaise ». Puis, la Maison Worms est à nouveau sollicitée. « Outre les besoins des deux flottes », celle-ci doit faire face aux demandes « du commerce, des Messageries, du Lloyd autrichien, et aussi des marines turque et égyptienne ».
Extension de la guerre de Crimée (débutée en octobre 1853) à la France et au Royaume-Uni qui déclarent les hostilités à la Russie (27 mars 1854), elle-même opposée à l'Empire Ottoman
Afin d'éviter l'arrivée sur le marché de demandes simultanées pour les mêmes destinations, H. Worms et son homologue anglais auprès de l'Amirauté, Th. Gillepsy, décident par un accord officiel de s'informer mutuellement des besoins de leurs pays respectifs et, surtout, de se partager les affrètements sans se faire une concurrence ruineuse (mai). Au total, plus de 100.000 tonnes de charbon seront livrées pendant l'année, à la Marine par la Maison, dans la Baltique et en Méditerranée (Alger, Malte, Le Pirée, Milo, Syra, Beicos, Gallipoli, Constantinople, etc.).
Prospection, à Londres, d'un navire à louer pour trois mois afin de le faire naviguer de Cardiff ou Newcastle à Bordeaux, Rouen, Le Havre et Dieppe ; l'élévation du prix conduit à envoyer sur place Fr. Mallet qui, de retour au Havre, rend compte de son enquête. « Je suis porté à croire, écrit-il, qu'il nous faudra construire des screw-colliers. Réfléchissez donc à l'augmentation de notre capital social et au changement à apporter dans notre acte de société » (juin). Marché avec les Chemins de fer du Midi, à Bordeaux ; annonce par Hantier Fils & Mallet qu'ils « créent un premier navire à hélice avec leur ami et associé de Paris, Hte Worms, qui a sa Maison à Cardiff et à Newcastle » et est « disposé à construire aussi pour Bordeaux » (juillet). Augmentation de la part de commandite d'H. Worms dans la Maison du Havre dont la dénomination est changée en Hantier Mallet & Cie (effet au 1er janvier 1855). Commandes aux chantiers Samuelson & Co. (août) par Hantier Mallet & Cie et par A. Grandchamp Fils, chacun, d'un screw-collier. Pourparlers avec la Compagnie du Midi (septembre) en vue d'un accord d'approvisionnement de 6.000 tonnes à livrer en six mois à Bordeaux et l'achat en commun d'un hélicier ; projet d'affrètement par la Compagnie du Midi de trois navires que H. Worms s'engage à faire construire (novembre). Location en Angleterre par Th. Bouscasse de deux navires pour 6 mois ou plus (décembre).
1855
En même temps qu'il est sollicité par la Marine française pour organiser « au moyen de bateaux à vapeur », le transport de farine, de boeufs, moutons et fourrage sur Stettin, Dantzig, Königsberg..., afin de « nourrir 15.000 à 20.000 hommes pendant 6 ou 7 mois, durée probable d'une expédition dans la Baltique », H. Worms essaie de s'associer à des partenaires en vue d'acheter un hélicier (janvier-février). De leur côté, Hantier Mallet & Cie vendent le leur avant même d'en avoir pris livraison (1er mars) et passent simultanément commande. Après quelques hésitations, Grandchamp accepte pareillement le rachat de son steamer et en fait mettre un nouveau en chantier. Début juin, H. Worms se décide : Samuelson & Co. reçoivent sa commande d'un screw identique à celui de Hantier Mallet & Cie. Début juillet, et pour la deuxième fois, les Havrais vendent leur navire en construction et derechef passent commande. H. Worms, dont l'hélice n'est pas encore en chantier, entend que la priorité ne lui soit pas soufflée.
Apprenti armateur, le chef de la Maison reste négociant en charbon anglais, ce que les Samuelson apprécient d'autant qu'ils sont, eux-mêmes, par leur situation dans le bassin houiller du South Yorkshire, à quelques encablures du port endormi de Grimsby, par leur clientèle et leur réseau d'affaires, fortement impliqués dans le développement économique de leur région. « Dans le cas où vous prendriez assez de charbon pour utiliser deux vapeurs pendant un certain nombre d'années, assurent-ils à H. Worms, vous pourriez obtenir un couple de screw-steamers du port de Grimsby. La chose serait encore facilitée si vous pouviez prendre une participation d'un tiers dans chaque bateau. Il n'y a pas beaucoup de navires chargeant à Grimsby, des arrangements pourraient être faits avec le dock. » Afin d'exposer verbalement « les raisons pour lesquelles ils lui [font] des offres en vue d'une "constant supply" » les Samuelson rendent visite à H. Worms, à Paris. De cet échange de vues, seul témoigne un mémorandum intitulé "Idées pour la formation d'une société franco-anglaise de bateaux à vapeur" (23 août), laquelle sera effectivement fondée le 6 octobre par des actionnaires anglais. Dénommée Anglo-French Steam Ship Cy Ltd, cette société accueillera dans son capital H. Worms, Hantier Mallet & Cie et A. Grandchamp Fils. « Neuf hélices seront commandés pour le transport des charbons et autres marchandises... M. Worms et ses amis feront tous leurs efforts pour introduire sur le marché français le charbon du South Yorkshire... et auront la préférence pour l'affrètement des neuf hélices. » Parce que la réussite de l'affaire dépend de la qualité du charbon, et que H. Worms ne veut « rien brusquer [avant d'être] parfaitement fixé sur la valeur de [ces] produits », à l'emploi desquels il souhaite convertir les chemins de fer d'Orléans et du Midi, des cargaisons d'essai sont envoyées sur Rouen et Bordeaux. A l'invite de Samuelson & Co., H. Worms se rend en Angleterre pour être « présenté personnellement à tous les négociants en charbon ou propriétaires, de façon qu'[il] puisse faire ses arrangements ». Deux lettres se rapportent à ce séjour : l'une de Samuelson (21-22 octobre) qui acceptent la commande d'un deuxième vapeur par H. Worms, et la seconde (26 octobre) par laquelle Éd. Rosseeuw informe Th. Bouscasse du retour d'H. Worms d'Angleterre où « de grosses affaires sont sur le tapis, [affaires qui] pourraient très bien assurer une autre destination que Bordeaux [aux] hélices ». En effet, maintenant que ses besoins en steamers sont couverts par la Compagnie franco-anglaise, H. Worms cherche à vendre ses navires, auprès des Messageries notamment, auxquelles il propose le rachat "groupé" des cinq unités (novembre). Mais, au même moment, A. Grandchamp reçoit de Samuelson une offre de rachat de la sienne et se déclare prêt à y souscrire. Ne reste alors à H. Worms qu'à acquérir ce navire pour ne pas se discréditer aux yeux des Messageries. Précaution vaine, la Compagnie, objectant que les steamers sont conçus pour le transport du charbon « et que cela ne vaut rien pour [ses] lignes », ne donnera pas suite. Voilà donc H. Worms propriétaire de trois navires et Mallet de deux, l'un et l'autre poussant la vente dans différentes directions (décembre).
Contrarié dans ses "affaires de navigation", H. Worms est plus fortuné dans ses opérations charbon. Il se voit enfin confier par les Messageries l'approvisionnement de leur dépôt de Marseille, et devient ainsi leur unique fournisseur pour toutes les stations au long des lignes reliant Marseille à l'Algérie et à la Tunisie (6 novembre). C'est d'ailleurs à l'expérience de cet important client qu'il fait appel pour tenter de mettre au point une vaste combinaison de transport faisant du port de Grimsby la plaque tournante des échanges avec l'Allemagne, la Suisse, la Hollande, et aussi la Méditerranée. Pour être visionnaires, ces idées ne convainquent pas la Compagnie, et pour l'heure, H. Worms attendant « la conclusion de ses négociations anglo-françaises » s'apprête à aller « en Angleterre installer sa maison à Grimsby ».
Ouverture de la succursale de Great-Grimsby (janvier)
placée sous la direction d'Henry Josse (1818-1893). Entrée de MM. Worms, Mallet et Grandchamp au capital de l'Anglo-French Steam Ship Cy Ltd, moyennant le rachat par celle-ci de trois de leurs cinq steamers en construction (février). Précédemment (10 janvier) et conformément à leur engagement d'introduire la houille du South Yorkshire sur le marché français, ces Messieurs ont créé la Compagnie charbonnière du Nord et de l'Ouest réunis, laquelle, bien que favorisée par la réduction du tarif douanier, n'aura qu'une durée de vie éphémère. Au terme de longs pourparlers, un accord est signé avec le Chemin de fer du Midi relatif à la fourniture annuelle - pendant 3 ou 6 ans - de 10.000 ou 20.000 tonnes de charbon de Cardiff (février) ; il est convenu qu'en cas d'utilisation de navires à hélice pour le transport de la houille, la Compagnie pourra se servir des navires au retour pour expédier des marchandises de Bordeaux à Cardiff. Mise par l'Anglo-French Steam Ship à la disposition des actionnaires français, pour un an, de 3 steamers (mars) : "Eugénie" destiné à H. Worms, "Victoria" à A. Grandchamp Fils et "Napoléon" à Hantier Mallet et Cie ; ces navires sont affectés à un service de navigation entre Grimsby, Dieppe, Le Havre et Rouen.
Traité de Paris : règlement de la guerre de Crimée (30 mars 1856)
Affrètement par H. Worms pendant 12 mois du "Vulture" pour des transports exclusifs de charbon entre Cardiff et Bordeaux, pour le compte des Chemins de fer du Midi et du Paris-Orléans (avril). Ouverture de la ligne Bordeaux-Grimsby par l'"Eugénie" ; proposition aux Chemins de fer de l'Ouest en vue de soutenir le service Grimsby-Le Havre par l'établissement de tarifs combinés en accord avec le Manchester, Sheffield & Lincolnshire Railway (juin). L'idée d'H. Worms (aussi tenace que difficile à mettre en oeuvre) consiste à jeter un pont entre le nord et le sud de l'Europe pour favoriser les échanges commerciaux par "un roulage maritime". Les caboteurs partis de Grimsby iraient « verser des charbons dans les ports de France » et, à l'occasion, des produits venus de Liverpool, Manchester ou Sheffield. Au retour, ils embarqueraient à Bordeaux, des vins et des marchandises venues, grâce au raccordement des voies ferrées, du Midi de la France, d'Italie, d'Espagne, et même, des pays du Levant ou d'Afrique du Nord, via Marseille où elles seraient amenées par les Messageries impériales. A Dieppe, les chargements seraient complétés par des vins de Champagne ou tout autre fret expédié sur rail depuis le nord de la France. Enfin, une fois rendues à Grimsby, certaines cargaisons pourraient être transbordées sur d'autres vapeurs et envoyées en Hollande, Allemagne, Hambourg et dans la Baltique. La vente des charbons serait intégrée au dispositif d'ensemble dans la mesure où les compagnies ferroviaires et maritimes intéressées au projet se fourniraient auprès de la Maison.
Naissance de la flotte Worms (août)
Entrée en service du "Séphora" (30 août), premier des deux steamers dont H. Worms a conservé la pleine propriété et aîné de la flotte Worms. Le navire est affrété à une maison de Dieppe en vue de relier ce port à Bordeaux et Grimsby, jonction que vient renforcer l'"Emma", second navire dont H. Worms est propriétaire (1er octobre) ; consolidation de la desserte de Bordeaux par le vapeur "Lucien", mis par l'AngIo-French Steam Ship à la dispostion d'H. Worms. Conjointement, celui-ci parvient à « détourner à Liverpool des balles de coton » qui complètent à Grimsby les chargements charbon des "Victoria" et "Eugénie" destinés à Rouen.
Organisation avec Grandchamp d'un service régulier de navigation entre Rouen, Dieppe
et Grimsby (octobre)
service de voyageurs et de marchandises assuré par "Victoria" et "Eugénie" auquel est ajouté "Albert" (cinquième navire lancé par l'AngIo-French Steam Ship et pris en affrètement par Grandchamp). Des pourparlers sont également menés avec les Chemins de fer de l'Ouest et ceux de l'Est, en vue d'un accord (novembre).
Estimant ses expéditions annuelles à un total de 350.000 à 400.000 tonnes, H. Worms peut se féliciter d'avoir touché, non sans peine, au but qu'il s'était initialement fixé. Il a oeuvré à la création en France « d'un énorme mouvement de consommation de charbons anglais » dont sa clientèle compte trois des principaux agents : le ministère de la Marine, les Messageries maritimes et la Compagnie du Midi. Cette liste est complétée par l'entrée en clientèle des Chemins de fer lombards vénitiens (décembre).
[Voir sur cette période notamment les deux historiques détaillés intitulés : "Origines de la Maison Worms 1842-1851" et "Origines de la Maison Worms 1852-1856".]