1979.04.26.De Chadeau de la DATAR.Discours à la Banque Worms

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Réunion d’information organisée par la Banque Worms le 26 avril 1979 à l’intention des firmes suédoises présentes en France
Allocution de monsieur Chadeau, délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale
 

Messieurs,
Vous me permettrez tout d'abord de me réjouir de l'initiative qu'a prise la banque Worms en organisant cette manifestation. Dans des circonstances où le gouvernement souhaite plus que jamais que soit encouragé l'investisse­ment industriel, toute action visant à mieux faire connaître les conditions d'investissement en France est particulièrement opportune.
Vous me permettrez également de trouver judicieux le choix qui a été fait en proposant cette réunion aux représentants des sociétés scandinaves qui, parmi les premières, ont su comprendre dès le début du XXe siècle que leur développement passait par l'investissement à l'étranger, et dont cer­taines ont acquis une longue expérience industrielle en France.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire avant de vous présenter les aides publiques à l'investissement, je voudrais rappeler brièvement quelle est la mission de la DATAR. Depuis sa création il y a 16 ans, la DATAR a poursuivi 3 objectifs constants :
1- le rééquilibrage entre Paris et la province pour lequel des résultats non négligeables mais encore insuffisants ont été acquis.
2- la diversification économique des régions de tradition rurale où l'ac­croissement de la productivité dans le secteur agricole rend nécessaire le développement d'activités nouvelles et notamment industrielles. Ces régions sont en gros situées au sud-ouest d'une ligne que l'on peut tracer de la Manche à l'embouchure du Rhône.
3- la reconversion de certaines régions d'industrialisation ancienne telles que le Nord et la Lorraine.
Ces objectifs, la DATAR a pour mission de les poursuivre dans un envi­ronnement économique et social de plus en plus difficile.
a) l'avenir démographique des régions rurales françaises suscite quelque inquiétude. Il est de notre devoir de tout faire pour enrayer la dépopula­tion de ces régions.
b) l'environnement international nous impose de réaliser des efforts de compétitivité c'est-à-dire de produire plus avec des effectifs moindres.
Fort heureusement, notre pays dispose d'un certain nombre de ressources encore insuffisamment exploitées, je pense ai particulier au développement de l'industrie agroalimentaire, de l'industrie du bois et du tourisme.
Par ailleurs, il se manifeste dans ces régions une capacité d'initiative qui ne demande qu'à s'exprimer. Le rôle de la DATAR est de maîtriser les évo­lutions négatives et de tenter de valoriser les autres ; c'est ce que monsieur le Président de la République a tenu à réaffirmer lui-même lors du conseil de planification qui s'est tenu au début du mois.
Je voudrais maintenant concentrer mon exposé sur les aspects de la politique que nous menons en matière de développement industriel et, donc bien sûr, sur le système d'aides au développement régional dont la DATAR dispose pour encourager les sociétés tant françaises qu'étrangères à investir dans les régions prioritaires au regard de l'aménagement du territoire, et que je viens de vous présenter brièvement.
Le système d'aide français se caractérise par la diversité de la palette qu'il propose, qu'il s'agisse d'avantages fiscaux, de prêts privilégiés dont monsieur Prate parlera plus en détail tout à l'heure, et de primes, c'est-à-dire de subventions à fonds perdu, accordées aux investisseurs.
En ce qui concerne le régime général des aides à l'investissement industriel ou aux activités de recherche, ces subventions sont loin d'être négligeables puisqu'elles permettent d'atteindre, dans la meilleure hypothèse bien sûr, 25 % du montant des investissements réalisés qu'il s'agisse des terrains, des bâtiments, des équipements et des machines.
Des subventions peuvent également être accordées à des activités tertiaires. Leur montant est dans ce cas calculé forfaitairement en fonction de la loca­lisation et du nombre d'emplois créés. Elles peuvent atteindre jusqu'à 30 000 F par emploi.
Les exonérations fiscales proposées sont de trois types :
- tout d’abord l'exonération de la taxe professionnelle, qui peut être attribuée dans certaines zones par les collectivités locales pour une durée maximum de 5 ans. Bien qu'il soit difficile de fixer une régie générale, on peut estimer cependant qui l’avantage ainsi accordé représente l'équivalent d'une subvention de l'ordre de 7 à 8 % de l'investissement.
- à cet avantage vient s'ajouter dans certains cas, la possibilité de bénéficier d'une réduction du droit de mutation et d'un amortissement exceptionnel des constructions neuves de 25 % dès leur achèvement.
Si l'on cumule toutes ces aides, on constate qu'une entreprise peut, à condi­tion de réaliser un investissement dans une zone prioritaire, obtenir des pou­voirs publics une assistance financière équivalente au tiers de l'investissement.
J'ai cependant considéré lors de mon arrivée à la DATAR, il y a près d'un an, qu'il fallait renforcer l'efficacité de notre système d'aides qui pêchait à mon avis par sa trop grande complexité et par un manque d'intérêt vis-à-vis des investissements à caractère capitalistique. Le calcul de la prime par référence au nombre d'emplois créés ne permettait pas dans ce cas, tant s'en faut, d'atteindre un pourcentage significatif d'aide rapportée à l'investissement.
Je me suis efforcé de remédier à ces inconvénients. Tout d'abord en faisant décider en juin 1978 que les investissements capitalistiques, dès lors qu'ils concernent une zone intéressant l'aménagement du territoire, bénéficieront d'une subvention qui ne devrait pas représenter moins de 8 à 10 % de l'in­vestissement.
D'une manière plus générale, les procédures d'instruction de demandes d'attri­bution d'aides ont été simplifiées et unifiées. C'est ainsi qu'un formulaire unique permet aujourd'hui d'effectuer une demande d'attribution de la prime de dévelop­pement régional, d'exonération fiscale, ainsi que la prime d'orientation agri­cole qui peut être accordée dans le secteur agroalimentaire par le ministère de l’agriculture.
Enfin, tout récemment, le gouvernement a décidé d'associer un avantage fiscal à l'attribution de primes de développement régional qui seront accordées en 1979 et 1980. Les entreprises pourront ajouter la moitié du montant de la prime au prix de revient des immobilisations acquises ou créés. Les entreprises concernées bénéficieront ainsi d'un amortissement du bien acquis supérieur à un prix de revient réel. En contrepartie, elles devront renforcer leurs fonds propres à due concurrence.
Parallèlement aux améliorations apportées au régime traditionnel des aides le gouvernement a décidé dès la fin de l'année dernière de mettre en place une procédure exceptionnelle d'aides à l'investissement dans certaines régions par­ticulièrement touchées par la crise économique c'est-à-dire comme vous le savez, les régions sidérurgiques du Nord (Boulogne, Valenciennes) et la Lorraine et des zones de chantiers navals (Nantes, St Nazaire, la Ciotat, Toulon).
Cette décision se traduit par la création du fonds spécial d'adaptation industrielle qui a été doté dès sa création de ressources d'un montant de 3 milliards de francs.
Ce dispositif présente un certain nombre de caractéristiques originales :
Ce dispositif est temporaire et son champ d'application a été volontairement limité.
Tout projet susceptible de créer au minimum 50 emplois est recevable.
L'aide globale accordée, moitié sous forme de subvention, moitié sous forme de prêt, peut atteindre 50 % de l'investissement, sans qu'il soit tenu compte dans ce calcul de façon arithmétique du nombre d'emplois créés.
Des modalités d'instruction rapides :
Après une discussion préalable avec la DATAR en ce qui concerne la loca­lisation, le délai d'instruction par le secrétariat du FSAI est en général in­férieur à un mois. La décision de principe est prise par le comité de gestion dont j'assure la présidence, et qui rassemble le directeur du Trésor, le directeur du budget, le directeur général de l'industrie, le délégué à l'emploi, le directeur général de la marine marchande et le commissaire au plan. Cette décision est ensuite ratifiée par une réunion ministérielle présidée par le Premier Ministre ou par délégation par le ministre de l'économie.
Cette méthode consistant à faire prendre très rapidement la décision au plus haut niveau est une garantie supplémentaire pour l'investisseur.
L'une des innovations les plus intéressantes de ce fonds est constituée par l'octroi de prêts participatifs qui ont été prévus par la loi "Monory" de juillet 1978. Malgré leur intitulé, il ne s'agit pas d'une participation de l'Etat à la gestion de l'entreprise.
Ces prêts sont :
- accordés sans garantie
- considérés comme des fonds propres
- à long terme (20 ans)
Leur remboursement peut être différé pendant une durée comprise entre 3 et 5 ans pendant laquelle l'entreprise n'aura à verser qu'un intérêt très faible compris entre 3 et 5 %. Les taux d'intérêt pendant la période suivante sont calculés de telle manière que l'Etat participe aux risques du projet en fonction de la rentabilité dégagée par l'investissement. La rémunération totale sur les 20 ans est calculée de telle sorte qu'elle corresponde à un taux actuariel brut compris entre 6,5 et 8,5 % avec un mécanisme de plafonnement pendant la période postérieure au différé. Une clause de participation aux résultats se traduit dans la majorité des cas par une indexation de l’intérêt versé sur la rentabilité c'est-à-dire, par exemple, sur le taux de marge brute d'autofinancement par rapport au chiffre d'affaires.
Les dispositions que je viens de vous exposer sont suffisamment intéressantes pour que, au jour d'aujourd'hui, elles aient permis de créer 8 600 emplois correspondants à un investissement de l'ordre de 3 milliards de francs.
Les aides accordées pour ces projets se montent à 1 milliard de francs dont environ 600 millions de francs sous forme de subventions et 400 mil­lions sous forme de prêts.
Ces chiffres vont être probablement dépassés dans un avenir très proche puisque, comme vous le savez, le gouvernement va avoir à statuer sur les différents projets qui lui ont été soumis par 4 constructeurs automobiles.
Je voudrais vous dire, en guise de conclusion, que la DATAR a toujours considéré qu'elle était une sorte d'agence au service des industriels. Notre philosophie, qui tranche peut-être sur les conceptions que l'on se fait en général de l’administration, nous conduit à être le plus en contact possible avec les réalités industrielles. Qu'il s'agisse de l'équipe parisienne, des commissariats à l'industrialisation qui sont nos relais en province ou de nos représentants à l'étranger, notamment à Stockholm, je puis vous assurer que ceux-ci sont à votre disposition pour vous informer, vous aider à faire aboutir vos projets d'investissements.

André Chadeau
 

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