1978.04.10.De Francis Ley.Historique des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (1916-1966)
NB : Note de synthèse des renseignements collectés en préparation à la rédaction du livre intitulé Cent Ans, Boulevard Haussmann.
NB : La copie-image de ce document, établi sur traitement de texte, n'a pas été conservée.
Historique des Chantiers maritimes du Trait (Worms & Cie)
Devenus les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime - ACSM
Hypolite Worms (1889-1962), entré en 1908 dans la Maison Worms et Cie, était devenu associé en nom de celle-ci en décembre 1910. Dès 1913, il avait eu, comme armateur, des contacts avec Anatole de Monzie alors sous-secrétaire d'État à la Marine marchande. Pendant la Première Guerre mondiale les dommages occasionnés par les sous-marins allemands à nos transports maritimes furent considérables et Anatole de Monzie, devenu ministre de la Marine marchande, fit appel, en 1916, à trois groupes importants en vue de l'édification de chantiers de construction navale destinés à la reconstitution de notre flotte. C'est ainsi que le groupe Schneider vint à créer les Chantiers d'Harfleur près du Havre, que celui de la Banque de Paris et des Pays-Bas édifia les Chantiers de Caen et que la Maison Worms fit construire les Ateliers et Chantiers du Trait.
Pour répondre à l'appel du gouvernement, MM. Worms et Cie achetèrent une trentaine de terrains contigus dans la commune du Trait, en Seine-Maritime, en aval de Rouen. Les dix premiers terrains furent acquis dès le mois de décembre 1916 (le premier à la date du 13 décembre 1916) ; les seize suivants au cours de l'année 1917 et les trois derniers durant le premier semestre 1918. Ainsi fut constitué sur les bords de la Seine, en pleine nature, un domaine industriel de 25 hectares sur lesquels on édifia progressivement des ateliers d'une surface couverte atteignant 36.000 m2 avec huit cales de construction et une cité ouvrière. A l'armistice, les principaux ateliers étaient en voie d'achèvement. Hypolite Worms qui savait si bien choisir ses collaborateurs avait confié à son associé Georges Majoux la réalisation des Ateliers et Chantiers du Trait. Ce dernier y consacra la plus grande partie de ses forces et quand il prit sa retraite, en juin 1925, son oeuvre demeura comme témoin d'une belle réussite.
Le premier navire terminé fut lancé le 29 novembre 1921 en présence de Monsieur Rio, sous-secrétaire à la Marine Marchande. Il s'agissait d'un cargo charbonnier de 4.700 tonnes de port en lourd dont les caractéristiques étaient les suivantes : longueur = 95m ; largeur = 14m ; creux = 7m ; tirant d'eau = 6 m 10 ; vitesse = 10 noeuds. Baptisé "Capitaine-Bonelli" il portait le nom d'un marin mort vaillamment pendant la guerre.
Lors de ce lancement, la presse et en particulier la presse industrielle, fit une description détaillée tant des Chantiers du Trait, que de leur cité ouvrière ; ceci nous permet d'avoir une idée de ce que l'ensemble qui venait d'être terminé était à l'époque :
Les nouveaux chantiers
Les nouveaux chantiers du Trait comprennent essentiellement :
1° Un atelier des coques et des forges, desservi par 2 ponts roulants de 5 tonnes ;
2° Un atelier de grosse chaudronnerie et de grand ajustage pour la construction des machines et des chaudières et desservi chacun par un pont roulant de 50 tonnes, un de 30 tonnes et deux de 5 tonnes ;
3° Une scierie et un vaste atelier pour tout ce qui concerne le travail du bois ;
4° Une salle consacrée aux études techniques, au service photographique, au tracé des formes et à la confection des gabarits, complétant un ensemble dont l'outillage a été adapté aux derniers progrès de la technique moderne ;
5° Huit cales de construction, munies de grues "Titan" et se divisant en trois groupes : deux cales de 170 mètres, convenant à des navires de 17.000 tonnes de déplacement ; quatre cales de 135 mètres, pouvant lancer des navires de 9.000 tonnes ; deux cales de 135 mètres convenant à des navires de 2.800 tonnes.
A l'heure actuelle, les établissements du Trait sont en complète activité ; six navires sont déjà sur cales et le programme naval à réaliser en comprend vingt. Le prochain lancement aura lieu en 1922.
Les Chantiers sont desservis par un embranchement particulier se greffant sur la ligne de Barentin à Caudebec et des ramifications du réseau permettant d'amener jusque dans les ateliers les wagons chargés de pièces lourdes.
La cité ouvrière
La main-d'oeuvre utilisée dans les ateliers du Trait s'est accrue avec une grande rapidité et la population de la commune a passé de 380 habitants à 3.000 environ.
Pour résoudre le problème du logement, une société immobilière a été fondée par la société Worms et Cie et de nombreuses maisons ouvrières ont été édifiées. Leur nombre atteint actuellement près de 200 et elles sont divisées en plus de 300 logements. Des avantages au point de vue du nombre de pièces et du prix, sont accordés aux familles nombreuses. En outre, chaque maison est accompagnée d'un jardin, ce qui donne à l'ensemble de la cité, répartie sur une longueur de 3 kilomètres, dans un site du reste ravissant, un aspect de gaieté et d'hospitalité.
L'eau est fournie par 2 puits artésiens dont l'un a été foré à 133 mètres de profondeur et l'autre à plus de 150 mètres.
La cité du Trait a été dotée d'une école ménagère, d'un dispensaire où des consultations sont données aux mères de famille.
Lorsque l'effectif ouvrier des ateliers et chantiers sera au complet, la population de la commune du Trait atteindra de 10.000 à 12.000 habitants.
De 1921 à 1936, soit en 15 ans, plus de 70 navires de tous types (charbonniers, cargos, pétroliers, chalutiers, paquebots, torpilleurs, sous-marins, etc.) ont été lancés aux Chantiers du Trait.
Dans le double domaine où entre les deux guerres, s'est exercée leur activité on peut citer parmi les unités construites :
Marine militaire : torpilleurs, "Basque", "Bouclier", "L'Incomprise" ; sous-marins, "Antiope", "Amazone", "Oréade", "La-Sibylle", "Vénus", "Cérès".
Marine marchande : pétroliers, "Megara", "Mirza", "Orkanger", "Shéhérazade" ; navires mixtes : "Ville-de-Tamatave", " Ville-de-Majunga", "Malgache" ; navires de charge, "Charles-Schiaffino", "Cap-Blanc", "Cap-Cantin", "François-L-D" ; charbonniers, "Danaé", "Dioné", "Égée".
Parmi tous ces bateaux, on peut mentionner plus particulièrement les pétroliers fournis durant les années 1928 et 1929, à savoir l'"Orkanger", de 12.000 tonnes à l'armement norvégien Westfal-Larsen au C° A/S ainsi que le"Megara" et le "Mirza" à l'Anglo-Saxon Petroleum Company Ltd.
Les chantiers construisirent aussi de nombreuses chaudières et machines-marines dont celle du contre-torpilleur "Cassard", qui détint alors le record du monde de vitesse. De même, le premier et le seul navire de recherches océanographiques de la France, le "Président-Théodore-Tissier" fut mis à flot au Trait en 1933.
Le 12 octobre 1935, le lancement du pétrolier "Shéhérazade" fut un événement. Destiné à la Compagnie auxiliaire de navigation il était avec ses 166 m 200 de long, 21 m 800 de large, 18.800 tonnes de port en lourd au tirant d'eau de 9 m 350, à l'époque de sa mise à flot, le plus grand tanker du monde.
Ainsi, à la fin de 1939, plus de cent unités avaient été lancées au Trait.
La Deuxième Guerre mondiale frappa durement les chantiers maritimes de la Maison Worms. Évacués le 10 juin 1940 sur des positions de repli assignées par la Marine, ils furent, après l'occupation, réquisitionnés par les Allemands. Ces derniers exigèrent la fourniture de quatre sous-marins. Grâce aux dispositions prises par la direction pour réduire au minimum les prestations réclamées par l'occupant un seul sous-marin fut finalement livré.
Durant la guerre, dès le deuxième semestre de 1941, en 1942 et en 1943, les chantiers du Trait eurent à subir de nombreux bombardements et après le 15 août 1944, au moment de la bataille de la Seine, les bombardements aériens furent doublés par les duels d'artillerie. Enfin, des destructions systématiques opérées par l'armée allemande en retraite achevèrent la démolition quasi totale des Ateliers et des installations, Le personnel eut à déplorer la mort de 28 de ses membres sur les lieux de travail et un nombre égal parmi les habitants de la cité ouvrière.
Après la Libération un énorme travail de déblaiement et de reconstruction eut lieu. Afin d'établir un plan moderne et rationnel de reconstitution Pierre Abbat qui était à la tête des chantiers du Trait avec Henri Nitot effectua un voyage d'information technique tant aux États-Unis qu'en Scandinavie. Pour tenir compte de l'évolution la plus récente des techniques de la construction navale, en particulier de la soudure électrique, de l'oxycoupage et de l'assemblage d'éléments préfabriqués, de nouveaux postes de travail ont été édifiés selon un circuit aussi court et aussi continu que possible : parc de réception des matériaux, ateliers de tôlerie et d'assemblage, plate-formes de montage, pour aboutir finalement aux cales de construction. Ce gros effort de reconstitution et de modernisation a permis de couvrir une surface d'ateliers de 56.000 m2 en remplacement des 36.000 m2 détruits. Pour donner un nouvel essor à leur département de construction navale, MM. Worms et Cie décidèrent, durant l'été 1945, de le constituer en société indépendante. Par acte du 26 juillet 1945 (Journal spécial des sociétés françaises par actions du 28 août 1945) et conformément à l'assemblée constitutive du 30 juillet, la "Société anonyme des ateliers et chantiers de la Seine-Maritime - ACSM" se trouvait créée, au capital initial de 10.000.000 de francs. Son conseil d'administration était composé de Robert Labbé, président, d'Hypolite Worms et Raymond Meynial, administrateurs.
La reconstitution des chantiers fut menée bon train et de nouveaux bateaux purent être mis rapidement sur cale. Ainsi le sous-marin "L'Africaine" put être lancé le 7 décembre 1946, suivi des navires caboteurs, "Barsac", "Cérons", "Tessala", des pétroliers "La-Mayenne", "La-Baise", et des chalands automoteurs "Lutétia", "Courlis" et "Djinn".
De plus grandes unités virent alors le jour. Ainsi, en présence du ministre de la Marine marchande, M. Colin, le 23 septembre 1949, le navire mixte "Ville-de-Tamatave" fut mis à flot. Il était destiné à la renaissance de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire de navigation : long de 140 m, large de 18,80 m, au tirant d'eau de 8,060 m et de port en lourd de 9.000 tonnes. Équipé d'un moteur Sulzer de 8.000 cv, il avait une vitesse de route de 17 noeuds et pouvait prendre à bord 30 passagers en plus de l'équipage. La "Ville-de-Tamatave" eut un sister-ship, la "Ville-de-Tamatave", le 31 mai 1950 ; puis furent lancés successivement un autre cargo mixte et trois pétroliers de 16.500 tonnes dont le chef de file fut le "Champagne" ; ensuite le "Roussillon" (1951) et le "Saint-Patrice" (1952).
Pour s'assurer une meilleure place sur le marché étranger, les ACSM furent parmi les membres fondateurs, en juin 1950, du Groupement d'exportations de navires et d'engins de mer en acier, SARL au capital de 290.000 F.
Parmi les bateaux les plus notoires de cette époque, il n'est pas sans intérêt de noter certains d'entre eux :
- le 17 mars 1953 était mis à l'eau le pétrolier "Beauce" de 17.800 TM, de 167 m de long, 20,57 m de large, 11,84m de creux, 9.30 m de tirant d'eau ; il était destiné à la Société française de transports pétroliers - SFTP. Toujours pour la SFTP fut lancé le 21 décembre 1953 le plus grand pétrolier mis à flot dans la Seine, le "Languedoc", de 19.800 tonnes, propulsé par un moteur Diesel ;
- le 23 mai 1955 on procédait au lancement d'un chalutier ultramoderne le "Joseph-Duhamel-II" dont la marraine présente, était Madame René Coty, femme du président de la République.
- En 1956 c'était au tour de la "Ville-de-Rouen" d'être mise à flot, il s'agissait d'un cargo de 11.000 tonnes destiné à la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire qui allait prendre livraison en 1957 du sister-ship de la "Ville-de-Rouen", la "Ville-de-Dunkerque", et en 1961 de la "Ville-du-Havre" de 12.000 tdw, filant 19 noeuds, prototype 4 navires d'une série identique. De son côté la SFTP acquérait, en 1958, un, nouveau pétrolier, l'"Artois", de 20.150 T. En 1961 également les ACSM livraient à la Compagnie nantaise des chargeurs de l'Ouest un beau minéralier, le "Pentellina" de 17.500 T et à la Compagnie générale d'armements maritime un autre navire minéralier, le "Longwy" de 21.250 T.
L'année 1961 fut celle du début d'une grave crise pour les chantiers de construction navale des pays occidentaux. Une certaine saturation se fit jour dans les catégories des petits et moyens navires alors que la tendance vers la production de bateaux de plus en plus gros s'accentuait rapidement. D'autre part la concurrence des chantiers maritimes japonais se manifesta alors d'une façon redoutable. Pour les ACSM, dont les installations sur les bords de la Seine limitaient le tonnage des unités produites en raison du tirant d'eau, le retournement du marché et la quête au gros tonnage furent particulièrement néfastes.
Les ACMS entrèrent dans la lutte. Leur structure financière et technique était encore bonne. En effet, le capital initial de 10 millions d'anciens francs avait été porté le 3 août 1949 à 50 millions d'anciens francs, par incorporation partielle de réserves, et le 15 juin 1951 à 100 millions d'anciens francs, également par incorporation de réserves spéciales et générales. Le 15 août 1952, MM. Worms et Cie leur faisaient apport d'une partie de l'actif industriel du Trait (qu'ils avaient conservé) ce qui permit l'élévation du capital à 350 millions d'anciens francs, porté ensuite à 600 millions d'anciens francs. Enfin par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 29 juillet 1964 le capital social fut augmenté par apport en espèces de 6 millions à 8 millions de francs. D'autre part les capitaux permanents étaient appuyés par un emprunt obligataire et par des prêts à long terme de 205 millions d'anciens francs du Crédit national (juin 1957), 3 millions de francs de la SDR de Normandie (23 novembre 1960), et de 5 millions de francs du Crédit national (décembre 1963).
Sur le plan de leur production les ACSM avaient conclu un accord de coopération technique et commerciale avec les Forges et Chantiers de la Méditerranée qui entraient à leur conseil d'administration en août 1956 déjà. A l'aide de cette collaboration les ACSM abordèrent l'ère des méthaniers, ceci au moment où disparaissait malheureusement Hypolite Worms. La présidence du conseil fut alors confiée à Pierre Herrenschmidt pour le temps que la société avait encore à vivre d'une façon indépendante.
Face à la crise qui avait débuté en 1961, les ACSM réagirent et décidèrent de se maintenir à la pointe du progrès en construisant le premier méthanier français. A la suite des études et des travaux entrepris par Méthane Transport, dès 1960, un navire expérimental, le "Beauvais", avait procédé à des essais concluants pour le transport du gaz liquéfié. Le Gaz de France ayant décidé alors d'importer le gaz d'Hassi-R'Mel, la société Gaz Marine, filiale à 50% du Gaz de France, dans laquelle Worms et Cie avait également des intérêts, passa commande aux ACSM, par contrat du 20 juillet 1962, d'un navire méthanier destiné à assurer le ravitaillement en gaz entre Arzew et Le Havre. Ce fut la réussite technique assez extraordinaire du "Jules-Verne", aboutissement des efforts conjugués des ingénieurs de Gaz-Transport, filiale de Worms et Cie et de ceux du Gaz de France. Deux techniques avaient été mises au point pour la construction de navires méthaniers : l'une "autoporteuse" comportant des cuves cylindriques, l'autre, "intégrée avec membrane en Invar". La solution "autoporteuse" fut adoptée pour la réalisation du premier méthanier français. Le "Jules-Verne", lancé le 22 février 1965 au Trait et mis en service en mars 1965 transporte entre Arzew et Le Havre du gaz naturel liquéfié à une température voisine de -160°. Ses caractéristiques principales sont : 201 m de longueur, 24,70 m de largeur, 16,50 m de creux, avec une contenance de gaz liquéfié de 25.500 m3 répartis entre sept citernes indépendantes. La puissance du groupe de propulsion par 11 turbo-réducteur type FCM est de 13.000 cv (maximum 15.000 cv) ce qui permet au navire de filer 17 noeuds.
Les difficultés de plus en plus grandes que rencontrait la construction navale française incitèrent les pouvoirs publics à intervenir dans cette profession afin d'aboutir à un assainissement par reconversion et concentration d'un certain nombre de chantiers.
Les ACSM lancèrent par eux-mêmes un nouveau programme d'investissements de 12,5 millions de francs pour les années 1963 et 1964 principalement destiné à leurs activités de reconversion vers la grosse chaudronnerie. Malgré cet effort et l'augmentation de capital en espèces de 2 millions de francs, la situation financière de la société se dégrada rapidement en raison des pertes qui s'accumulèrent. Encore légèrement bénéficiaire en 1961, l'exploitation accusa des pertes de 3,4 millions de francs en 1962, de 5,6 millions de francs en 1963, de 7,6 millions de francs en 1964 et de 8,8 millions de francs en 1965, soit un total de pertes cumulées de 25,4 millions de francs.
Le même phénomène se produisait parallèlement dans d'autres chantiers en France. Cela ne pouvait continuer de la sorte. Aussi, dans la presse du 29 janvier 1965, paraissait le compte rendu suivant :
« "Regroupement dans la construction navale".
Quatre chantiers ont signé un accord en vue de la concentration de leurs activités.
Important regroupement dans la construction navale française. Les directions de quatre chantiers ont signé hier à Paris un protocole d'accord en vue de la concentration de leurs activités et du regroupement de leur actif. Il s'agit de trois chantiers de la côte méditerranéenne et des chantiers du Trait qui ont publié, après leur accord, le communiqué qui déclare notamment que cette concentration "répond à un appel pressant du gouvernement au cours des derniers mois, aussi bien qu'à une situation de concurrence qui n'a cessé de s'aggraver par suite notamment de la progression des chantiers japonais".
L'opération actuelle concerne quatre sociétés de construction navale : Forges et Chantiers navals de la Méditerranée, Chantiers navals de La Ciotat, Chantiers et Ateliers de Provence, Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime.
(...) Ces Sociétés viennent de décider de s'engager immédiatement dans le processus de regroupement de leur actif à l'effet d'aboutir à une meilleure utilisation de leurs moyens.
La spécialisation progressive de leurs établissements, la mise en commun de leurs services d'études et de leurs outillages, doivent permettre de réaliser, par une productivité accrue, une réduction des prix de revient en même temps qu'un développement des activités de conversion vers des secteurs nouveaux.
Les conséquences de cette situation difficile apparurent, pour le personnel des ACSM, dès le mois de mars 1965, durant lequel 160 ouvriers et salariés durent être licenciés.
Cependant de belles unités furent encore produites au Trait en 1964 et 1965. Outre le "Jules-Verne", deux cargos de 12.000 T méritent d'être cités : la "Ville-de-Bordeaux" livrée le 6 août 1964 et la "Ville-de-Lyon" lancée en décembre 1965, toutes deux acquises par la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire.
Une solution finale fut enfin trouvée pour les ACSM : celle de la fusion avec les Chantiers navals de La Ciotat. Pour commencer à entreprendre, dès mars 1966, la restructuration des deux entreprises (ACSM et CNC) et mieux marquer le commencement de leur communauté d'intérêt, Pierre Herrenschmidt se démit de ses fonctions de président qui furent assurées par Audy Gilles jusqu'à la fusion.
Le 26 avril 1966 M. Bettencourt, secrétaire d'État aux Transports précisa, au cours d'une déclaration, que, si les Chantiers du Trait ne fusionnaient pas avec ceux de La Ciotat, ils n'auraient plus qu'à déposer leur bilan. Aussi la fusion des deux chantiers ne tarda-t-elle pas à se faire. Lors de l'assemblée générale à caractère constitutif du 16 mai 1966 des Chantiers Navals de La Ciotat, celle-ci constata que la fusion par voie d'absorption de la Société des ateliers et chantiers de la Seine-Maritime se trouvait ainsi définitivement réalisée et que cette société était de ce fait et de plein droit dissoute le 16 mai 1966.
Ainsi les ACSM, après avoir été crées par Hypolite Worms en 1916 à la demande de l'État, disparaissaient en 1966 sur intervention des pouvoirs publics ! Mais pendant 50 ans ils rendirent de notables services tant à la marine de notre pays qu'à celle de bien d'autres.
Ils ont construit au total 109 navires entre 1920 et 1940, et 70 entre 1946 et 1966, soit 179 unités, sans compter une vingtaine de bâtiments de guerre livrés à la Marine nationale (15 bâtiments de guerre et 8 sous-marins), soit en tout 202 navires.
L'effort de reconversion
Les ACSM ont été l'une des premières entreprises de construction navale à tenter leur reconversion. Dès 1960 ils ont mis sur pied un programme de reconversion touchant 20% de leurs effectifs. Ce programme a bénéficié de l'appui des pouvoirs publics qui leur ont alloué une prime spéciale d'équipement le 24 novembre 1960 déjà. C'est dans le secteur de la grosse chaudronnerie que l'effort a été porté, (pour les hydrocarbures : toits flottants - structures tubulaires pour le forage pétrolier - ainsi que les châteaux d'eau métalliques).
D'autre part les ACSM ont créé en mars 1962 une SARL Les Constructions mécaniques du Trait, au capital de 4 millions de francs en collaboration avec Weam-Damiron (50% - 50%). Ils ont alors loué à cette nouvelle société leur atelier de mécanique qui se trouvait bien équipé en outillage et en machines de précision.