1977.00.De Georges Bertaux.A Francis Ley.Historique de la Socap
NB : Note classée avec d'autres témoignages, dans une reliure de couleur rouge intitulée "Témoignages maritimes - Socomet - Davies Newman". La copie-image de ce document, établi sur traitement de texte, n'a pas été conservée.
Historique de la Socap, devenue Socomet
d'après Monsieur Georges Bertaux
La Socap - société de courtage et d'affrètements pétroliers - SA au capital de F. 500.000 - a été constituée le 28 janvier 1936.
Comme son nom l'indique, son objet principal était le courtage dans l'affrètement de pétroliers destinés à transporter le pétrole brut et les produits finis nécessaires à la consommation française. D'autre part la société exerçait également une activité dans le courtage de phosphates, minerais, charbons et céréales. Elle intervenait aussi dans l'achat et la vente de navires et même de produits pétroliers cargaisons et soutage de navires.
La loi de 1928, dite loi Pineau, avait radicalement modifié le régime des importations de produits pétroliers en attirant en France les compagnies pétrolières étrangères sous forme d'avantages accordés dans la distribution des produits finis au départ de raffineries construites par celles-ci en France.
Jusque-là en effet, tout le pétrole était importé sous forme de produits finis à l'exception d'une faible quantité de brut traité dans quelques petites raffineries françaises - par exemple Merkwiller (brut de Pechelbronn), Courchelettes (SGHP), Donges (Consommateurs de pétroles) - et les raffineries de l'étang de Berre (pétroles de Mossoul CFP) ? etc.
A partir de cette date (1928) les raffineries vont pousser comme des champignons et ne cesseront de s'implanter ou de s'étendre.
En 1936, les importateurs indépendants restaient cependant très nombreux et se livraient (du moins certains d'entre eux) à une guerre de marché très violente.
Au moment de la création de la Socap, le marché international se trouvait à Londres - au "Baltic" (?), 25 St Mary Axe - où se tenait une véritable bourse des frets. A cette époque tout courtier européen avait un courtier correspondant à Londres. En effet, tous les armateurs étrangers (notamment les Scandinaves et les Grecs qui détenaient la plus grande partie du tonnage libre) passaient par Londres pour faire leurs offres de navires. Ceci explique la présence de MM. Johns I. Jacobs, grands courtiers Londoniens, comme actionnaires pour 45% dans le capital de la Socap. Ils étaient les correspondants officiels de cette dernière à Londres. Par contre, en Allemagne et en Italie, la société avait le champ libre. (Mais création d'une société italienne mixte, la Conope, avec la participation de Sit et d'Italnoleggi.)
Dès le début de 1938, avec l'aide de courtiers norvégiens, la Socap réussit, non sans peine, à sortir de l'exclusivité londonienne et put dès lors traiter directement avec les courtiers des armateurs étrangers dans leurs pays respectifs. Le même problème se présentait pour les cargaisons ce qui incita à créer une association avec "Jacobs & Partners" qui avait droit à une part sur les bénéfices du département produits de la Socap.
Du côté importateurs les clients de la Socap comprenaient tous les raffineurs : CFP (qui traitait par l'intermédiaire de la CNP, (Compagnie navale des pétroles) - Pechelbronn SAEM (Pechelbronn-Ouest-Antar) - SGHP (devenue BP) - Société des produits chimiques et raffineries de Berre (Shell) - Standard française UIP (Elf) - RPN (Raffineries des pétroles du Nord), et également tous les importateurs indépendants, tels, Desmarais - Pétrofrance (Omnium français des pétroles) - Redeventza - Lille Bonnières et Colombes - Les Pétroles du Sud-Ouest - Massardi - La Nantaise des pétroles... sans compter les sociétés étrangères comme Pétrofina (Belgique), les compagnies italiennes et anglaises.
D'autre part, comme déjà indiqué, la Socap avitaillait des navires de toute catégorie en leur procurant des soutes soit en France soit à l'étranger (dans 99% des cas en tant que courtier). Il était parfois nécessaire de se porter principal : c'était le cas, par exemple, pour les contrats d'avitaillement des navires de la Marine de guerre française (la Socap figurait sur les listes) dont le cahier des charges prévoyait un vendeur de nationalité française responsable et agissant pour son propre compte. Elle a réussi à avitailler la flotte américaine à Villefranche-sur-Mer.
En 1938, la France importait :
8.294.000 de tonnes de pétrole dont : 6.969.000 tonnes de brut et 1.325.000 tonnes de produits finis.
La capacité de raffinage d'alors n'était que de 5.362.000 tonnes d'où la nécessité de faire du "processing" à l'étranger. (La Socap est intervenue à cette époque dans la réalisation de plusieurs de ces contrats.)
Le brut provenait principalement du Moyen-Orient, du golfe du Mexique ou des Antilles et de la mer Noire - plus quelques cargaisons de l'Insulinde, du Pérou et de l'Équateur ; il y en a même eu chargées en Californie (Estero Bay).
Les produits finis venaient des raffineries anglaises ou du continent (principalement de Belgique, Hollande, Italie, Allemagne) et de la mer Noire (on importait au départ de Constantza beaucoup de produits blancs et de fuel en provenance des raffineries roumaines de Ploiesti, des fuels de Novorossisk et de Batoum, du Benzol de Marioupol) et également du golfe du Mexique, des Antilles et des raffineries de la côte Ouest des États-Unis.
Pour transporter tout ce pétrole, la France disposait en 1938 de 39 navires long-cours (466.000 DWT) qui couvraient 43,9% des importations. Cette flotte comprenait des navires appartenant aux compagnies pétrolières (raffineurs) mais aussi à des armateurs libres tels que la CAN - Pétroles d'outre-mer - Courtage Transports - Sunic - CNN - STMP - Petrotankers. Les 56,1% restants étaient couverts par des affrètements de navires étrangers, ou des importations CAF.
La Socap avait réussi à prendre une part prépondérante dans le courtage pétrolier et en 1939 ; elle était de très loin la première société de courtage d'affrètement pétrolier de France.
En 1938 MM. Worms et Cie lui confièrent l'étude et la réalisation de la constitution d'une nouvelle flotte pétrolière sous le pavillon d'une société qu'elle avait à créer ; la SFTP (société française des transports pétroliers), avec la participation de l'État et d'autres actionnaires tels que MM. Louis Dreyfus et Cie, Desmarais Frères, et Saint-Gobain. En 1939 les courtiers français se rassemblèrent pour former un groupement coopératif d'affrètements maritimes et de vente de navires dont M. Nelson directeur général de la Socap devint le président. En effet, les navires français à l'entrée en guerre, étaient passés en time-charter à la Marine marchande (DTM ; TC du 15-9-1939) et tous les affrètements relevaient des Transports maritimes. La Socap fut ainsi désignée comme chef de file pour les affrètements pétroliers.
Une commission de 1% était allouée au Groupement coopératif sur tous les affrètements de navires pétroliers et était reversée à ses adhérents au prorata de leur chiffre d'affaires, calculée sur la moyenne des trois dernières années. Le pourcentage de la Socap était de ce fait tellement important que l'on a dû le réduire arbitrairement pour permettre aux adhérents les plus petits de survivre.
La Socap était en outre le courtier exclusif de l'Hyperphosphate Réno qui exportait au départ de Sousse et de Sfax des phosphates sur toute la France. Mais la société réalisa aussi des affrètements surtout pour l'Afrique du Sud et sur l'Australie. Un certain nombre de contrats intervint également pour le charbon au départ de Port Camphra (Indochine).
La Socap s'occupa encore d'affrètements de riz au départ de Saigon sur Madagascar et la France. D'autres affrètements, de minerais ceux-là, furent traités à la même époque par elle.
Pour la petite histoire on doit rapporter qu'une cargaison d'essence en bidons de 5 litres fut vendue par la Socap à destination de la Chine ; elle fut évacuée vers l'intérieur de ce pays à dos d'ânes !
La Socap a réalisé d'autre part beaucoup d'affaires dans le domaine de vente et d'achat de cargaisons de pétroliers - ceci tant à des Français qu'à des étrangers. Elle a réussi à vendre du benzol russe, puis américain à Desmarais et elle a obtenu le contrat de benzol pour l'avitaillement des autobus de la TCRP de même qu'un contrat d'exportation sur l'Angleterre, au départ de Donges, de Powerkeronese qui a duré environ un an à raison de 1.200 tonnes par mois.
Les Hommes
La Socap a été fondée par M. Jean Nelson-Pautier. Né le 6 avril 1900, il était entré dans le courtage pétrolier chez Davies et Newman, dont il était le directeur. C'était un homme d'un dynamisme et d'une énergie rares et il était arrivé à cette situation de premier plan par les seuls moyens de son intelligence et de son travail auxquels il alliait une souriante bonté, un grand esprit de conciliation, beaucoup de sang froid et un tact de diplomate. Il sera directeur général de la Socap, puis président-directeur général de la Socomet, président du Groupement coopératif d'affrètement maritime et de vente de navires, membre du Comité d'affrètement auprès de la Marine marchande, expert auprès du Comité des navires-citernes de la direction des carburants, administrateur de la chambre syndicale des courtiers d'affrètement. Il prit une part considérable à la constitution de la SFTP. Décédé le 29 avril 1950 après une courte mais douloureuse maladie.
John Trevor Hamilton, de nationalité anglaise, venait de Worms Hull et Worms Le Havre. La trentaine, très sportif et dynamique, fut un excellent second. Plus explosif que son directeur général, les deux se complétaient parfaitement. Pendant la guerre, étant en Angleterre, il fonda la société John Trévor Hamilton, qui s'occupait notamment de la gérance de navires (Bonita, etc) de M. Cazel. Parachuté en France en 1942, il fut pris par les Allemands à Lyon et après un séjour à Fresnes, fut vraisemblablement fusillé.
André Fenez, né en 1905. Études à Grenoble, puis en Angleterre. Service dans les chasseurs alpins, travailla à Marseille chez des stevedores puis à Barcelone, ensuite chez Bromberg à Paris (marchands et importateurs de pétrole, surtout roumain) rentre à la Socap en... pour s'occuper principalement du dry cargo et des pondéreux. Mobilisé en 1939 il fut rappelé et fit partie de la mission H. Worms à Londres où il resta jusqu'à mi-1945. Chargé par le ministère de la Marine marchande de défendre les intérêts de celle-ci auprès des tribunaux dans les cas de litiges maritimes. Rejoignit alors la Socomet dont il devint le directeur puis l'administrateur directeur général. Connaissait admirablement son métier. Il devint vice-président de la chambre syndicale des courtiers.
Décédé subitement à Boston (USA) au cours d'un voyage en 1967.
Maurice Herla, actuellement PDG de Davies & Newman , entra à la Socap en février 1938. Venait de la SGHP (maintenant BP) et ensuite de William Cory et fils (courtiers en pétrole (surtout les soutes).
Joseph Armao - doit avoir maintenant 85 ans; tenait les livres, la facturation, s'occupait également d'affrètements, se serait appelé "Secrétaire Général" dans la Socomet-Auvray actuelle.
Daniel Haussy - s'occupait de la comptabilité. Dans les débuts venait deux à trois fois par semaine, puis devint plus tard, chef de la comptabilité dans la Socomet.
Georges Bertaux - né le 9-1-1914. Après 14 mois chez William Cory et fils, rentre après service militaire, 80ème RIA Metz, chez Socap le 1-4-1937.