1966.12.00.De la Compagnie nationale de navigation.Brochure historique

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Compagnie navale de navigation
Société des Transports maritimes pétroliers
N° 1 décembre 1966

Un peu d’histoire à propos de la Compagnie nationale de navigation
Par Pierre Valdant, secrétaire général

La Compagnie nationale de navigation a été créée officiellement le 29 novembre 1922, lorsque l’assemblée générale constitutive a approuvé à l’unanimité une résolution qui est l’acte de baptême de la société,
« L’assemblée générale approuve les statuts de la Compagnie nationale de navigation tels qu’ils sont établis par acte reçu par Maître Ferrand le 13 novembre 1922, et déclare la société définitivement constituée, toutes les formalités prescrites par la loi ayant été remplies. »
L’objet de la société, tel qu’il résulte des statuts – qui restent les mêmes à part quelques modifications de détail – porte sur toutes les activités maritimes ou s’y rattachant, la construction, l’armement, l’affrètement, l’acquisition, la vente, l’exploitation, ou la gérance de tous navires, ainsi que toutes affaires relatives aux transports et assurances maritimes, … »
Le but initial était l’exploitation de bateaux appartenant à la Société du Pacifique, mais qui ne pouvaient être utilisés par cette dernière en raison de sa situation financière, ses dettes excédant de très loin son capital et ses actifs.
Les premiers dirigeants de la Compagnie nationale de navigation appartenaient en partie à la Société du Pacifique et tenaient à juste titre, à utiliser les actifs ainsi gelés.
Le président fondateur de la Compagnie nationale de navigation était M. Paul Sauvage, ingénieur, homme d’affaires. Le premier directeur était M. Hogrel, capitaine au long cours, qui avait fait sept fois le tour du monde par le Cap Horn, sur des voiliers trois-mâts.
M. Pierre Poulain était engagé dès la première séance du Conseil d’administration, comme attaché à la direction ; il travaillait précédemment à la Société du Pacifique avec M. Hogrel.
Les actionnaires d’origine étaient au nombre de treize, les principaux étant MM. Louis Carre, Joseph Clappier, Marius Cottavoz, Charles Goldshmidt, Victor Mary, Paul Sauvage.
Le capital initial était de 300.000 francs, répartis en 1.200 actions de 250 francs, mais le capital fut augmenté progressivement et très rapidement :
600.000 francs en février 1923,
1 million en avril 1923,
2 millions en décembre 1923,
3 millions en 1924,
4 millions en 1925,
5 millions en mars 1928,
26 millions en juin 1928.

En effet, les extensions successives de la Société, dues à sa réussite, ont obligé à des apports d’argent frais au fut et à mesure que la Société a exploité non plus des navires en location, mais des navires qu’elle a achetés en toute propriété.
Le premier navire battant pavillon de la CNN a été l’ "Albergallus ", 5.200 tdw ; il fut suivi de l’"Helengallus", 3.500 tdw ; le "Shouragallus", 3.420 tdw, et le "Claudegallus", 3.230 tdw ; tous ces noms provenant du fait que M. Gallusser était un des dirigeants de la Société du Pacifique et que ses bateaux portaient le nom des membres de sa famille. Il était prévu de donner d’autres noms de baptême "Deucalion", "Didon", "Demeter", "Dardanus", cependant la Compagnie nationale de navigation, dès qu’elle devint propriétaire de ces navires les débaptisa et transforma en "Thermidor", "Fructidor", "Prairial" et "Carmagnole".
Dans un premier temps, tous ces navires, qui étaient des cargos à marchandises, ont été loués « coque nue » à la Société du Pacifique, sur la base de 1 franc la tonne et par mois, étant prévu que si l’exploitation était bénéficiaire certaines sommes seraient reversées à la société propriétaire.
Au début, les transports étaient effectués « au voyage », avec recherche de chargement par la CNN elle-même ; c’est ainsi que l’"Albergallus" pour son premier voyage a fait Marseille-Huelva-Rouen en transportant des pyrites, puis Rotterdam et Livourne, avec un chargement de marchandises diverses. Au fur et à mesure des possibilités, tous les bateaux ont été affrétés en « lumpsum », notamment à Daher & Cie, à la Maison Jaubert de Marseille et à Schiaffino d’Alger.
La remise en service des différents navires de la Société du Pacifique s’est effectuée dans des conditions souvent très difficiles, car si ces bateaux étaient arrêtés et se trouvaient à l’ancre, c’est qu’il y avait de nombreuses dettes à payer immédiatement : la marine marchande (Caisse nationale des Invalides de la Marine), - des réparations n’étaient pas réglées, - des loyers étaient en retard, ou enfin, il y avait des oppositions résultant d’hypothèques pour lesquelles les créanciers ne voulaient pas risquer de se dessaisir des gages ; les dettes existaient même en Angleterre et en cas de touchées les bateaux devaient être saisis, ce qui compliquait gravement les affrètements.
Toute autre était la situation de la CNN, dont le crédit résultant de la valeur de son exploitation permit, dès le mois d’avril 1923, l’achat de deux navires : le "Lake Harney" et le "Lake Otisco".
Le premier pour la somme de 648.000 francs, le second pour 550.000 francs. Ces deux navires furent débaptisés et appelés "Germinal" et "Floréal".
Le premier exercice social s’est terminé le 31 décembre 1923, et lors de l’assemblée générale du 25 février 1924, le Conseil pouvait faire état de résultats satisfaisants portant sur la marche de six navires ; le rapport du Conseil se termine ainsi : « Notre exploitation a été conduite avec la plus grande prudence et nous avons soigneusement évité tous les frais pouvant laisser des déboires et même simplement des aléas ; les résultats très satisfaisants obtenus sont un témoignage de cette politique dont il convient de ne pas se départir. »
L’année suivante, le rapport du Conseil s’exprimait ainsi « les résultats satisfaisants obtenus par nous ne sont pas dus à la situation générale des frets, ils tiennent essentiellement, d’abord à notre organisation, au contrôle sévère des services d’exploitation et à nos frais généraux très réduits ; ensuite, aux faibles charges que nous impose le prix de revient de notre flotte ; enfin, aux améliorations importantes que nous n’avons cessé d’apporter à la machinerie de nos cargos, grâce auxquelles ils naviguent économiquement, tout en conservant une bonne rotation. »
Telles étaient les conceptions et les méthodes des fondateurs et des premiers dirigeants de la CNN, et dont on pourra constater par la suite qu’elles ont toujours servi de base à l’action des responsables de la CNN.
Les résultats obtenus ont permis des augmentations de capital successives, grâce à des accords en 1923 avec l’Union commerciale et industrielle de Paris, puis, avec le concours de banquiers et de différents groupes. L’intérêt porté par ces différents milieux fit que le Conseil, qui ne comportait que trois membres à la fondation de la société : MM. Sauvage, Cottavoz, Goldshmidt, comprenait en 1925 outre les premiers nommés, MM. Clappier, Mary, Nadal, Palliez, Schkaff.
Les navires de la Société du Pacifique exploités par la Compagnie nationale de navigation ont pu être achetés dès 1924, puis il s’y ajouta, en 1925, le "Francillon", rebaptisé "Sans-Culotte", avant de prendre le nom de "Thermidor", lorsque fut vendu, en 1926, le premier baptisé de ce nom – l’ex "Albergallus", - qui avait été le premier navire exploité par la Société. Cette première vente de navire effectuée par la Société eut lieu en mai 1926, pour 11.600 livres sterling.
La Compagnie nationale de navigation aurait pu continuer tranquillement ces activités fructueuses avec les sept navires qu’elle possédait ; dès 1926, le bénéfice en fin d’exercice, après trois ans d’exploitation, atteignait plus de 900.000 francs, pour un capital initial de 300.000 francs, et un capital en 1926 de 4 millions de francs.
Cependant, le dynamisme de ses dirigeants l’amenait à examiner successivement différentes propositions : extension de la flotte, - entente avec d’autres sociétés, - voire même le projet de courtage exclusif des navires faisant le commerce avec la Russie. Un mandataire fut spécialement envoyé en URSS pour représenter la CNN, avec tous pouvoirs auprès du gouvernement des Soviets pour étudier toutes propositions, traiter avec tous organismes officiels ou privés, ministères, trusts, coopératives, banques, etc…, et en général, avec toute personne publique ou privée de l’URSS. Cette affaire resta sans suite.
D’autres projets d’achats de navires eurent lieu, notamment des navires construits pour le compte de l’État et, à cet effet, des accords furent pris avec la Banque du Rhin. [Note manuscrite :] (Gabriel Le Roy Ladurie)
Ce n’est qu’à partir de janvier 1927 qu’un tournant est amorcé : M. Hogrel, directeur de la CNN, exposa au Conseil tout l’intérêt de commandes de pétroliers à des chantiers étrangers, ne nécessitant qu’un paiement maximum de 50 % du prix pendant la période de construction, les 50 % restant étant payés dans les cinq années qui suivirent la livraison. Parallèlement, l’armateur pouvait disposer d’un contrat d’affrètement en time-charte, pour 5, 6, 7 ans, à des taux rémunérateurs, l’essentiel étant de trouver les moyens de payer au constructeur, pendant la période de construction, les 50 % exigés, et M. Hogrel proposait de contracter des emprunts à l’étranger, sous forme de bons hypothécaires ayant pour gage la flotte de la Compagnie.
Le Conseil approuva cette orientation et demanda à son directeur de continuer les démarches en vue d’aboutir, étant entendu qu’il faudrait s’entendre avec une Compagnie de pétrole de premier ordre pour une time-charte d’une durée minimum de cinq ans.
En octobre de la même année, le Conseil estima que les charges d’exploitation des cargos devenant de plus en plus importantes, et plus spécialement le taux des assurances maritimes, il était préférable de vendre les cargos et de faire le remploi en pétroliers.
Le second "Thermidor", ex "Sans-Culotte", fut vendu dans ces conditions à la fin de 1927, et le 18 novembre 1927 la CNN signa avec la Deutsche Werft AG à Hambourg le contrat pour le premier pétrolier de 12.300 tonnes, commandé sur prestations en nature.
M. Hogrel, qui assurait la direction de la Société depuis sa fondation, décidait alors d'occuper d'autres fonctions et de ne rester que comme conseiller technique après avoir assuré cette nouvelle orientation de la Société. Il était remplacé par M. Saint-Martin et M. Pierre Poulain devenait Secrétaire général de la Compagnie.
La vente des navires de la Société ne devant pas être suffisante pour assurer le financement des différents pétroliers prévus par le Conseil d'administration, il fut décidé de porter le capital de 4 millions à 5 millions en janvier 1928 ; cette opération a été réalisée en mars 1928.
Puis à 26 millions en juin 1928, et le Conseil se faisait autoriser à porter le capital social à 50 millions de francs. À l'Assemblée générale, le Conseil d'administration présenta la chose dans les termes suivants :
« Votre Conseil d’administration a estimé qu’il convenait d’orienter l’activité de la société vers l’exploitation de navires pétroliers qu’affrètent de puissantes compagnies, ce qui au point de vue national présente le plus haut intérêt pour le pays. C’est dans ce but que nous avons commandé, sur prestations en nature un navire pétrolier de 12 .300 tonnes, du type le plus moderne, représentant une valeur de près de 24 millions de francs. Nous n’avons pas l’intention de nous en tenir là, et nous désirons faire l’acquisition d’autres navires pétroliers. En contrepartie, nous avons commencé la réalisation de notre flotte de cargos. »
Dans le cadre de cette politique, deux autres pétroliers furent commandés, un aux mêmes chantiers allemands, en même temps qu’un premier pétrolier de la CNN à construire aux Chantiers et Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët, pour la somme de 20 millions 500.000 francs.
Les noms choisis pour les trois premiers pétroliers furent "Vendémiaire", "Frimaire", "Brumaire".
Le "Vendémiaire" fut lancé avec plein succès le 22 avril 1929, dans les Chantiers de la Deutsche Werft AG à Hambourg. Ainsi commençait une nouvelle époque pour la Compagnie nationale de navigation.

(À suivre)


 

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