1949.09.23.De Hypolite Worms.Le Trait.Discours

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Monsieur le ministre,
Mesdames,
Messieurs,
En ma qualité de président du conseil d'administration de la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire, il m'est particulièrement agréable, Monsieur le ministre, de m'associer aux souhaits de bienvenue que vous adresse M. Robert Labbé, ainsi qu'à ses remerciements. Laissez-moi ajouter que tous les amis de la Marine marchande, réunis aujourd'hui autour de vous, suivent avec une entière sympathie les efforts couronnés de succès que vous déployez à la tête de votre département. Comment oublieraient-ils que sous votre administration, la Marine marchande française, qui possédait le 1er septembre 1948, 556 navires jaugeant 2.340.357 tonneaux, en comptait le 1er septembre 1949, 641, pour une jauge brute de 2.643.975 tonneaux, marquant ainsi une progression d'une exceptionnelle importance ?
C'est également un plaisir pour moi de remercier de sa présence M. Aymard de Courson, collaborateur immédiat du haut-commissaire de la République à Madagascar, et dont l'éminente compétence en matière financière a eu tant d'occasions de s'exercer pour le plus grand bien de la colonie.
Je salue également en M. l'administrateur de 1ère classe des colonies Louis Guesde, le chef de la province de Tamatave à laquelle nous pensons spécialement aujourd'hui ; en M. Allain, président de la Chambre de commerce de Tananarive, et en M. Jules Venot, président de la Chambre de commerce de Manajara, deux des plus anciens et des plus respectés colons de Madagascar, où ils représentent la Charente et la Bourgogne, c'est-à-dire les deux provinces qui fournissent sans doute le plus de Français à la Grande Ile de l'Océan.
Je remercierai enfin avec le plus vif contentement MM. les sénateurs Toto Lehibé, de Madagascar, et Grimaldi, des Comores, qui ont accepté de nous honorer de leur présence, cependant que leurs collègues sont retenus au loin par les devoirs de leur charge.
Nous prenons donc livraison aujourd'hui du troisième "Ville de Tamatave".
Je dis bien le troisième. Le premier fut construit en 1899 par M. James Laing à Sunderland. II jaugeait 3.750 tonneaux et fut mis en ligne sur l'océan Indien. Il termina sa carrière 23 ans plus tard, après vente à un armateur marseillais.
Le second, avec ses 4.992 tonneaux de jauge brute, fut lancé ici même, en 1931, et comme son prédécesseur, mis immédiatement en ligne sur l'océan Indien. II devait trouver une fin glorieuse le 24 janvier 1943, au service de l'amirauté britannique.
Le "Ville-de-Tamatave", troisième du nom, prend aujourd'hui sa place dans notre nouvelle flotte, gravement atteinte par la guerre, mais qui se reconstitue rapidement. Il est à peu près le sister-ship du "Malgache", dont les qualités sont connues, mais il a bénéficié d'importantes améliorations, dont je vous épargnerai le détail car un examen sommaire des superstructures les révèle à l'œil le moins initié. Je me bornerai à noter que nous sommes passés du navire de charge à 12 passagers au navire mixte à 30 passagers, et que nous avons donné un soin particulier à leur installation.
C'est notre certitude que toutes ces transformations seront appréciées, et qu'elles contribueront à améliorer les liaisons de la France avec les possessions de l'océan Indien. Notre Compagnie voudrait les développer au maximum, et dans ce dessein elle travaille en plein accord, et en toute amitié, avec la Compagnie des messageries maritimes, dont je suis heureux de saluer ici son président, M. Anduze-Faris.
Aussi, notre Compagnie aura-t-elle bientôt en service trois autres navires semblables au "Ville-de-Tamatave", ce qui portera à cinq unités homogènes et rapides, sa flotte modernisée. L'exécution d'un service efficace de liaison entre la France et l'océan Indien sera dès lors largement facilitée. Notre Compagnie mettra à l'assurer tout le dévouement dont elle a donné tant de preuves depuis près de trois quarts de siècle. Son personnel à tous les échelons, à bord comme à terre, en France ou à Madagascar, continuera à servir avec cette conscience exemplaire dont il me plaît de le remercier ici, sous les ordres de Bucquet, notre directeur général, dont la valeur, le labeur et le dévouement vous ont paru tels, Monsieur le ministre, que vous avez tenu à les récompenser par une nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur.
Pourtant cette exploitation dépend aussi d'autres facteurs.
II ne s'agit pas seulement en effet d'avoir des bateaux bien construits, pourvus des derniers perfectionnements de l'art nautique. Il faut aussi, et je serais presque tenté de dire surtout, que des conditions d'exploitation satisfaisantes permettent à ces navires de rendre les services qu'on attend d'eux.
C'est ici que les problèmes de l'armement rejoignent ceux de l'économie générale. A quoi servent des cargos rapides si les ports ne sont pas équipés pour qu'on puisse, sans perdre de temps, les charger et les décharger rapidement, et si les heures gagnées en mer sont perdues à terre ? A quoi sert d'accroître le tonnage et d'améliorer la vitesse de rotation des unités en service si le réseau des communications terrestres : routes, canaux, voies ferrées, est insuffisant pour assurer entre la mer et l'hinterland les communications rapides, sûres et de grand débit, qui sont indispensables au plein emploi des navires ? Il est urgent d'en revenir au moins à la situation de 1938 où le pourcentage des jours à la mer était de 58 et le pourcentage des jours au port de 43, alors qu'en 1948 la situation est rigoureusement inversée, avec un pourcentage à la mer de 41, et au port de 59.
Nul n'apprécie plus que moi l'effort entrepris depuis de longues années pour doter Madagascar des voies de communication et de l'équipement portuaire qui lui sont nécessaires, et auquel M. de Chevigné a donné une impulsion nouvelle dont on lira le détail, avec grand intérêt, dans le discours qu'il a prononcé à Tananarive le 17 août 1949, à l'occasion de l'ouverture de la deuxième session ordinaire de l'assemblée représentative de Madagascar. Par la même occasion on verra le bilan réconfortant d'une gestion qui a réussi à ramener l'ordre après les troubles, créant ainsi les conditions indispensables au renouveau économique de la Grande Ile. On ne m'en voudra pas, je l'espère, d'indiquer pour conclure ce qui mériterait à notre sens d'être réalisé aussi promptement que les circonstances le permettront.
S'agissant des routes, celle de Tananarive à Majunga nous paraît devoir être l'une des premières à améliorer.
S'agissant des chemins de fer, comment ne joindrions-nous pas nos vœux à ceux de M. le haut commissaire souhaitant voir rétablir dès cette année le grand port de Brickaville sans lequel les relations entre Tamatave et Tananarive sont si dangereusement ralenties ? Nous voudrions même que cette rupture des communications montrât l'intérêt que présenterait l'établissement d'une ligne Antsirabé-Fianarantsoa-Manakara, qui rendrait plus sûres et plus importantes les relations entre la côte et les Hauts-Plateaux.
S'agissant des ports, nous accueillons avec satisfaction les travaux d'amélioration du port de Tamatave, et l'assurance du commencement prochain de ceux de Diégo-Suarez, Tuléar, et Fort-Dauphin. Enfin, nous attendons avec le plus vif intérêt la construction du canal des Pangalanes, dont l'économie de Madagascar peut espérer de si fécondes conséquences.
II va sans dire qu'on trouvera toujours notre Compagnie aux côtés de ceux qui entendent moderniser l'installation et l'outillage des ports, et plus généralement développer la prospérité de l'Ile. Elle ne leur refusera pas plus son concours dans l'avenir qu'elle ne l'a marchandé dans le passé. Et je pense n'avoir pas besoin d'ajouter que nous portons le même intérêt au renouvellement du matériel ferroviaire de la Réunion, dont la vétusté est certaine, au projet d'équipement d'un port nouveau capable de remplacer Port-des-Gallets, et à l'accroissement des liaisons entre les Comores et Madagascar, qui ne pouvant qu'améliorer la situation économique de la Grande Ile et de ses dépendances.
C'est au retour définitif de cette prospérité, dont le rayonnement de la France tirera le plus grand éclat, et pour laquelle tant de nos compatriotes, depuis Galliéni, ont donné le meilleur d'eux-mêmes, et souvent leur vie, qu'il me plaît de vouer le "Ville-de-Tamatave", au moment où il quitte ces Chantiers et où il se prépare à voguer vers les mers chaudes et les terres lointaines de l'hémisphère austral où flotte, depuis près de trois siècle, le drapeau de la France.


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