1948.07.00.De Worms et Cie.Historique (1892-1894)
Note de synthèse préparatoire à la rédaction
du livre intitulé Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie,
paru en octobre 1949
du livre intitulé Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie,
paru en octobre 1949
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[NB : Note incomplète.]
Anciens dépôts
Buenos Aires. La Maison Worms hésita quelque temps encore sur l'étendue à donner à son projet et agit avec prudence. Elle se limita tout d'abord à Buenos Aires, se réservant d'étudier sans hâte la question de son établissement ultérieur à La Plata et à Montevideo.
Elle préféra s'en tenir provisoirement au marché de l'intérieur du pays et ne s'occupa que prudemment du charbonnage des navires. Au mois d'avril 1893, elle avait en mains des contrats pour 2.000 tonnes par mois jusqu'à la fin de l'année, et une vente mensuelle de 1.000 à 1.300 tonnes.
A la fin de l'année 1893, le directeur de sa succursale lui soumit un projet pour La Plata, mais absorbée par les graves soucis qu'elle avait par ailleurs et préoccupée par la situation créée par la grève du Pays de Galles, elle préféra ne pas entreprendre de nouvelles affaires. Les vues de son directeur changèrent d'ailleurs peu après et, au début d'avril 1894, il était lui-même d'avis qu'il n'y avait pas lieu de se lancer dans une nouvelle entreprise.
Dans le but de faciliter le développement de sa succursale, elle autorisa celle-ci à étendre graduellement ses opérations à des marchandises autres que le charbon et à chercher des débouchés en Europe, pour des produits indigènes : bois de Québracho, peaux, os, laines, etc. Estimant qu'elle n'était pas elle-même en situation de s'occuper utilement de ce genre d'affaires, elle s'entendit, en novembre 1892 avec une maison de commission, disposée à tenter un essai d'importation en Europe de matières premières en provenance de la République argentine. La Maison de Buenos Aires commença immédiatement à faire l'envoi de quelques cargaisons de bois de Québracho.
Zanzibar. Ce dépôt continua à ne manifester qu'une faible activité. La clientèle des Messageries maritimes était son seul débouché. La Maison Worms n'était pas éloignée, dès 1892, d'y cesser ses affaires.
Le total des quantités de charbon qu'elle y avait reçues depuis l'origine s'élevait à environ 41.000 tonnes.
Alger. La Maison Worms obtint dès la première année des résultats encourageants, qui lui permirent d'envisager l'avenir avec confiance.
Elle vit augmenter rapidement la liste de ses clients et réussit à attirer à Alger nombre de navires anglais qui n'y allaient pas auparavant. L'augmentation du trafic du port, comme point de relâche était, d'ailleurs, en progrès constants, en partie aux dépens de Malte et de Gibraltar. Du 1er janvier 1893 au 31 mars de la même année, il y eut 263 relâcheurs contre 143 pendant la période correspondante de 1892.
La vente du charbon suivait parallèlement une marche ascendante.
Au début de l'année 1894, elle décida d'augmenter son matériel par la commande de 5 nouveaux chalands. Pour cette même année, elle réussit à faire un grand nombre de contrats de charbonnage et, au cours de l'année, eut la satisfaction de voir proroger le contrat de 3 ans qu'elle avait passé avec la Marine française, le 15 février 1892.
Lorsque éclata la grève du Pays de Galles, son dépôt était proportionnellement mieux approvisionné que celui de Port-Saïd. En raison de la pénurie qui existait localement, il ravitailla pendant plusieurs mois, sauf quelques intervalles, la plupart des relâcheurs. En novembre/décembre ses ventes atteignirent des proportions inusitées, au point qu'il fut un moment sérieusement menacé d'épuisement par suite des difficultés d'approvisionnement aux mines du Pays de Galles.
La Maison Worms continua parallèlement à effectuer des fournitures à l'intérieur du pays, en particulier, à la Compagnie des chemins de fer de l'est algérien et à la Compagnie du chemin de fer de Bône à Guelma, pour des quantités assez importantes. Les livraisons faites à la Compagne des chemins de fer de l'est algérien étaient effectuées en briquettes "ancre", qu'elle fit ainsi connaître en Algérie. La Maison L. Guéret, propriétaire de cette marque, s'était associée à elle en compte à demi, pour les livraisons.
Port-Saïd - Par suite de son développement, ce dépôt ressentit plus durement que les autres les effets de la concurrence et ceux de la grève anglaise. II perdit, en 1893, la clientèle de quelques armements, mais eut la satisfaction de reconquérir celle de quelques-uns d'entre eux.
En novembre 1894, il obtint de la Compagnie générale transatlantique, une fourniture exceptionnelle importante (2.000 T), à faire au paquebot la "Touraine". II avait offert à la CGT de faire venir un chargement spécial de Nixon's Navigation, pour l'époque prévue pour l'escale du navire (début mars 1895).
Les conséquences de l'avilissement des prix furent particulièrement sensibles dans les résultats financiers de l'exercice 1892.
Alors que pour 1884, les contrats de charbonnage avaient été faits à 27/- et que les prix courants avaient oscillé entre 28/- et 25/-, les contrats furent conclus pour 1892, à 20/6 et pour 1893 à 18/6 ; les prix courants s'établirent à 22/6 et 21/- en 1892 et 19/- et 21/- en 1893.
Grève. Lorsque la grève éclata dans le Pays de Galles, le 14 août 1893, les gérants de la Maison Worms estimaient que leur stock ne dépassait pas les besoins de plus d'un mois. Ils s'appliquèrent immédiatement à remédier au danger de cette situation.
Dès le 19 août, ils avaient affrété : 3 navires pour partir de Newcastle, 1 d'Écosse, 2 d'Anvers, 1 de Hambourg, 1 de Dunkerque, 1 de Rotterdam, soit au total plus de 28.000 T et négociaient 2 vapeurs (environ 5.000 tonnes) pour charger des briquettes à Marseille.
Un pareil stock leur permettait d'envisager la situation avec plus de tranquillité pour le cas où la grève se serait prolongée, mais la fin de celle-ci n'amena pas celle des difficultés. Malgré l'approbation de principe donnée par ceux de ses clients qu'elle avait avisés directement des mesures prises par elle, en particulier par les armements chargés des services postaux, la Maison Worms n'écoula que très difficilement ses nouveaux charbons, tant en raison de leur qualité qu'en raison du prix auquel elle était obligée de les facturer par suite des conditions défavorables dans lesquelles elle avait dû les acquérir. Finalement, elle dut garder à sa charge une partie des conséquences de l'opération.
Alarmées par la situation régnant à Cardiff, des compagnies de navigation importantes cherchèrent à remplacer les charbons de ce quartier, dans la plus large mesure possible. Les charbons japonais et les charbons indiens offraient une ressource aux armements assurant les services avec l'Inde et l'Extrême-Orient. Les Messageries décidèrent de commander un chargement de charbon japonais à destination de Colombo. (Il semble que la Compagnie P & O ait également fait appel à cette ressource, mais le renseignement n'a pu être vérifié).
Le 12 mars 1894, les gérants de la Maison Worms furent avisés de même, par le directeur de Port-Saïd, qu'un navire de la Compagnie "Hansa", allant en Orient, qui devait prendre 350 tonnes à la Maison Worms à Port-Saïd, avait, au dernier moment, réduit sa commande à 50 tonnes, sur les instructions de ses armateurs de ne prendre que la quantité nécessaire pour atteindre Bombay et de remplir ses soutes à Bombay, avec du charbon indien, de façon à n'avoir à charbonner à son retour, ni à Port-Saïd, ni ailleurs. Le directeur de Port-Saïd signalait que, jusque là, les vapeurs relevant de Calcutta prenaient du charbon indien, mais non pas à Bombay.
Plusieurs mois après la fin de la grève du Pays de Galles, le 1er août 1894, M. Eugène Cellier de Hambourg, par l'intermédiaire de qui la Maison Worms avait acheté du charbon de Westphalie pendant la grève, l'informa que le Syndicat des charbons Westphaliens semblait éprouver des difficultés pour placer son charbon gros criblé et désirait en exporter pour ne pas gâter le marché intérieur. L'agent du syndicat était venu le trouver pour le prier de reprendre, avec la Maison Worms, la question d'exportation vers Port-Saïd. M. Eug. Cellier transmettait, à cette occasion, des indications de prix et joignait, à l'appui de la proposition du syndicat, les considérations suivantes :
1) Possibilité probable pour la Maison Worms de s'assurer le monopole des charbons Westphaliens à Port-Saïd et de devenir petit à petit fournisseur du Lloyd brémois qui devait, pour ses lignes subventionnées, donner la préférence au charbon allemand, qu'il pouvait s'en procurer à des conditions raisonnables.
2) - Le syndicat semblant déterminé à arriver par tous les moyens à l'exportation de son charbon, il devait être facile de traiter avec lui.
La Maison Worms avait gardé un assez mauvais souvenir du prix auquel le charbon Westphalien lui avait été facturé pendant la grève, mais avait été satisfaite de la qualité. Elle répondit que le jour où elle se trouverait de nouveau dans la nécessité de chercher un remplaçant pour le charbon de Cardiff, ce serait le charbon de Westphalie qu'elle prendrait de préférence à tout autre, mais qu'elle ne pouvait pas envisager d'en avoir en stock à Port-Saïd, en temps normal, pour les raisons suivantes :
1°) Il n'y avait pas à espérer que les navires anglais donnassent jamais la préférence au charbon de Westphalie, même à prix inférieur.
2°) Que d'après l'expérience faite à l'occasion de la grève, les armateurs allemands, eux-mêmes, avaient semblé préférer le Cardiff, à prix égal.
3°) Même si le syndicat offrait un avantage sur les prix de Cardiff, il serait difficile à la Maison Worms de se prêter à la combinaison qu'il souhaitait : les opérations à Port-Saïd ne pouvant être profitables qu'à la condition d'éviter les mises à terre et d'avoir un mouvement incessant de livraisons en transbordement, au fur et à mesure des arrivages des navires charbonniers. Or, si la Maison Worms avait à recevoir des charbons allemands, elle ne pourrait les livrer qu'à quelques clients spéciaux, serait tenue de mettre en magasins la totalité de ses importations de cette provenance. Son prix de revient serait ainsi augmenté dans des proportions considérables, sans compter les complications au point de vue du matériel de chalands et de l'installation du chantier.
La Maison Worms signalait à cette occasion qu'elle avait eu plusieurs cas de combustion spontanée dans son stock de charbon de Westphalie. Bien qu'ayant pu limiter facilement le dommage elle avait été amenée à penser que ce charbon ne supportait pas aussi bien que le Cardiff, le séjour à terre dans un climat chaud. Le syndicat contesta cette appréciation en signalant que des expéditions avaient été faites pendant des années, par voiliers, en Chine et au Japon, de charbon plus sujet à combustion que les autres, sans que jamais un cas se soit produit. Un chargement récemment expédié à Iquique, également par voilier, était arrivé à destination sans montrer la moindre trace de combustion.
Ainsi commença à se manifester à Port-Saïd, l'entrée en scène du charbon allemand, dans la concurrence internationale.
A la suite de l'expérience acquise du fait de cette grève, les gérants de la Maison Worms jugèrent qu'il serait prudent, à l'avenir, d'augmenter l'importance du stock de Port-Saïd, et envisagèrent le chiffre de 50.000 T, malgré les frais supplémentaires que cela entraînerait.
Divers. Au mois de décembre 1893, la Maison Worms fit déposer sur le cercueil de M. Ferdinand de Lesseps, une couronne au nom de ses confrères de Port-Saïd (Bazin & Cie, Eagle Coal Cy, la Port-Saïd and Suez Coal Cy, MM. Wills & Co. Ltd) et en son nom personnel "dans une pensée de grande admiration et de profonde reconnaissance pour le créateur d'une oeuvre à la prospérité de laquelle les intérêts de tous sont intimement liés".
Vers le début de l'année 1893, l'agent diplomatique, consul général des Pays-Bas, conférait provisoirement à M. Rouyer, alors directeur de la Maison de Port-Saïd, et qui devint plus tard associé-gérant, la gestion du consulat à Port-Saïd.
En juin 1894, la Maison Worms accepta de mettre à la disposition du Comptoir national d'escompte de Paris, les services de sa succursale de Suez, pour l'encaissement des effets de commerce.
Dépôts de France. Moins exclusivement consacré au commerce des charbons de soutes, plus rapprochés d'ailleurs des divers centres d'approvisionnement, les dépôts en France souffrirent moins des effets de la grève du Pays de Galles.
A Marseille. La concurrence se faisait fortement sentir. La Maison Worms perdit le contrat de la Compagnie P & O pour 1894. Elle lui fut enlevée par la Maison Watts, Ward & Co., qui projetait de s'installer dans ce port, et avec laquelle cependant elle entretenait par ailleurs d'excellentes relations. Elle réussit à reconquérir ce client pour l'année 1895, au prix d'un lourd sacrifice. Ce contrat représentait un important tonnage.
A Bordeaux, elle éprouva quelques difficultés du fait de la grève du Pays de Galles, pour l'entretien du stock nécessaire à la ligne de l'Atlantique Sud des Messageries maritimes, qui étaient approvisionnées en charbon de Cardiff. Les frais énormes qu'entraînaient les manutentions dans ce port, les facilités qu'on y avait en temps normal pour l'approvisionner, en raison de la proximité du Bassin de Cardiff, la possibilité d'en augmenter rapidement les ressources lorsqu'une grève y était prévue et annoncée à l'avance comme cela avait généralement lieu, avait toujours détourné la Maison Worms d'y entretenir pour elle-même, un stock de charbon.
La Maison du Havre à laquelle, depuis quelque temps, elle s'était efforcée de donner plus d'importance, voyait ses ventes devenir plus actives. La direction en fut renforcée par l'adjonction d'un nouveau fondé de pouvoirs.
En 1893, la Maison Worms fit avec un de ses concurrents de Cardiff, M. L. Guéret, qui bien qu'ayant été en concurrence avec elle n'en était pas moins un de ses plus anciens et meilleurs amis, un arrangement qui créait entre les deux maisons, pour Le Havre et Marseille, une étroite collaboration. Elles y voyaient un pas vers une entente encore plus étroite.
Industrie. En dehors de la clientèle locale de ses différentes succursales, la Maison Worms maintint ses relations avec la plupart des grosses entreprises avec lesquelles son siège social était directement en relations.
Elle vit leur liste s'enrichir de nouveaux noms, ou ses rapports devenir plus fréquents avec quelques clients de vieille date. On peut citer :
- Desmarais Frères
- la Société des travaux publics (pour le chemin de fer de Jaffa)
- la Société de l'éclairage au gaz et des hauts fourneaux et fonderies de Marseille et des mines de portes et senéchas
- la SA du gaz de Rennes.
Les anciennes relations avec la Compagnie Lebon reprirent pour des fournitures à l'usine de Port-Saïd.
Elle chercha, à partir du début de l'année 1894, à augmenter dans de fortes proportions, l'importance de ses affaires de charbon à gaz, principalement dans la région marseillaise, et dans ce but, à étendre ses relations avec la Wearmouth Coal Cy, et avec la mine Lambton.
Elle négocia un accord important, valable pour 5 ans, avec la première, dont le charbon était alors considéré comme le meilleur charbon à gaz du nord de l'Angleterre, dans l'intention de le faire connaître partout où elle le pourrait, en France et à l'étranger.
Mines. La Maison Worms eut à lutter contre les exigences des mines avec lesquelles elle avait l'habitude de traiter et qui cherchaient à tirer profit du fait qu'elle ne s'adressait pas à d'autres.
En particulier, elle résista longuement, à partir de l'année 1892, contre la prétention des propriétaires de la mine Nixon's Navigation et attendit plusieurs mois avant de renouveler son marché avec elle. Elle avait reçu d'ailleurs, à plusieurs reprises, des réclamations contre ce combustible.
Elle n'accepta de traiter, pour une quantité modérée, qu'au mois d'avril 1893, et ne refit un autre marché, plus important, qu'en octobre 1894.
Au mois d'avril 1893, après deux essais successifs faits aux arsenaux de Brest et de Cherbourg, elle réussit à obtenir de la Marine française l'admission du charbon Powell-Duffryn dans des fournitures qu'elle avait à faire aux bâtiments de l'État à Alger.
Cette admission lui fut refusée, vers la même époque, pour le charbon Cymmer.
Elle préféra s'en tenir provisoirement au marché de l'intérieur du pays et ne s'occupa que prudemment du charbonnage des navires. Au mois d'avril 1893, elle avait en mains des contrats pour 2.000 tonnes par mois jusqu'à la fin de l'année, et une vente mensuelle de 1.000 à 1.300 tonnes.
A la fin de l'année 1893, le directeur de sa succursale lui soumit un projet pour La Plata, mais absorbée par les graves soucis qu'elle avait par ailleurs et préoccupée par la situation créée par la grève du Pays de Galles, elle préféra ne pas entreprendre de nouvelles affaires. Les vues de son directeur changèrent d'ailleurs peu après et, au début d'avril 1894, il était lui-même d'avis qu'il n'y avait pas lieu de se lancer dans une nouvelle entreprise.
Dans le but de faciliter le développement de sa succursale, elle autorisa celle-ci à étendre graduellement ses opérations à des marchandises autres que le charbon et à chercher des débouchés en Europe, pour des produits indigènes : bois de Québracho, peaux, os, laines, etc. Estimant qu'elle n'était pas elle-même en situation de s'occuper utilement de ce genre d'affaires, elle s'entendit, en novembre 1892 avec une maison de commission, disposée à tenter un essai d'importation en Europe de matières premières en provenance de la République argentine. La Maison de Buenos Aires commença immédiatement à faire l'envoi de quelques cargaisons de bois de Québracho.
Zanzibar. Ce dépôt continua à ne manifester qu'une faible activité. La clientèle des Messageries maritimes était son seul débouché. La Maison Worms n'était pas éloignée, dès 1892, d'y cesser ses affaires.
Le total des quantités de charbon qu'elle y avait reçues depuis l'origine s'élevait à environ 41.000 tonnes.
Alger. La Maison Worms obtint dès la première année des résultats encourageants, qui lui permirent d'envisager l'avenir avec confiance.
Elle vit augmenter rapidement la liste de ses clients et réussit à attirer à Alger nombre de navires anglais qui n'y allaient pas auparavant. L'augmentation du trafic du port, comme point de relâche était, d'ailleurs, en progrès constants, en partie aux dépens de Malte et de Gibraltar. Du 1er janvier 1893 au 31 mars de la même année, il y eut 263 relâcheurs contre 143 pendant la période correspondante de 1892.
La vente du charbon suivait parallèlement une marche ascendante.
Au début de l'année 1894, elle décida d'augmenter son matériel par la commande de 5 nouveaux chalands. Pour cette même année, elle réussit à faire un grand nombre de contrats de charbonnage et, au cours de l'année, eut la satisfaction de voir proroger le contrat de 3 ans qu'elle avait passé avec la Marine française, le 15 février 1892.
Lorsque éclata la grève du Pays de Galles, son dépôt était proportionnellement mieux approvisionné que celui de Port-Saïd. En raison de la pénurie qui existait localement, il ravitailla pendant plusieurs mois, sauf quelques intervalles, la plupart des relâcheurs. En novembre/décembre ses ventes atteignirent des proportions inusitées, au point qu'il fut un moment sérieusement menacé d'épuisement par suite des difficultés d'approvisionnement aux mines du Pays de Galles.
La Maison Worms continua parallèlement à effectuer des fournitures à l'intérieur du pays, en particulier, à la Compagnie des chemins de fer de l'est algérien et à la Compagnie du chemin de fer de Bône à Guelma, pour des quantités assez importantes. Les livraisons faites à la Compagne des chemins de fer de l'est algérien étaient effectuées en briquettes "ancre", qu'elle fit ainsi connaître en Algérie. La Maison L. Guéret, propriétaire de cette marque, s'était associée à elle en compte à demi, pour les livraisons.
Port-Saïd - Par suite de son développement, ce dépôt ressentit plus durement que les autres les effets de la concurrence et ceux de la grève anglaise. II perdit, en 1893, la clientèle de quelques armements, mais eut la satisfaction de reconquérir celle de quelques-uns d'entre eux.
En novembre 1894, il obtint de la Compagnie générale transatlantique, une fourniture exceptionnelle importante (2.000 T), à faire au paquebot la "Touraine". II avait offert à la CGT de faire venir un chargement spécial de Nixon's Navigation, pour l'époque prévue pour l'escale du navire (début mars 1895).
Les conséquences de l'avilissement des prix furent particulièrement sensibles dans les résultats financiers de l'exercice 1892.
Alors que pour 1884, les contrats de charbonnage avaient été faits à 27/- et que les prix courants avaient oscillé entre 28/- et 25/-, les contrats furent conclus pour 1892, à 20/6 et pour 1893 à 18/6 ; les prix courants s'établirent à 22/6 et 21/- en 1892 et 19/- et 21/- en 1893.
Grève. Lorsque la grève éclata dans le Pays de Galles, le 14 août 1893, les gérants de la Maison Worms estimaient que leur stock ne dépassait pas les besoins de plus d'un mois. Ils s'appliquèrent immédiatement à remédier au danger de cette situation.
Dès le 19 août, ils avaient affrété : 3 navires pour partir de Newcastle, 1 d'Écosse, 2 d'Anvers, 1 de Hambourg, 1 de Dunkerque, 1 de Rotterdam, soit au total plus de 28.000 T et négociaient 2 vapeurs (environ 5.000 tonnes) pour charger des briquettes à Marseille.
Un pareil stock leur permettait d'envisager la situation avec plus de tranquillité pour le cas où la grève se serait prolongée, mais la fin de celle-ci n'amena pas celle des difficultés. Malgré l'approbation de principe donnée par ceux de ses clients qu'elle avait avisés directement des mesures prises par elle, en particulier par les armements chargés des services postaux, la Maison Worms n'écoula que très difficilement ses nouveaux charbons, tant en raison de leur qualité qu'en raison du prix auquel elle était obligée de les facturer par suite des conditions défavorables dans lesquelles elle avait dû les acquérir. Finalement, elle dut garder à sa charge une partie des conséquences de l'opération.
Alarmées par la situation régnant à Cardiff, des compagnies de navigation importantes cherchèrent à remplacer les charbons de ce quartier, dans la plus large mesure possible. Les charbons japonais et les charbons indiens offraient une ressource aux armements assurant les services avec l'Inde et l'Extrême-Orient. Les Messageries décidèrent de commander un chargement de charbon japonais à destination de Colombo. (Il semble que la Compagnie P & O ait également fait appel à cette ressource, mais le renseignement n'a pu être vérifié).
Le 12 mars 1894, les gérants de la Maison Worms furent avisés de même, par le directeur de Port-Saïd, qu'un navire de la Compagnie "Hansa", allant en Orient, qui devait prendre 350 tonnes à la Maison Worms à Port-Saïd, avait, au dernier moment, réduit sa commande à 50 tonnes, sur les instructions de ses armateurs de ne prendre que la quantité nécessaire pour atteindre Bombay et de remplir ses soutes à Bombay, avec du charbon indien, de façon à n'avoir à charbonner à son retour, ni à Port-Saïd, ni ailleurs. Le directeur de Port-Saïd signalait que, jusque là, les vapeurs relevant de Calcutta prenaient du charbon indien, mais non pas à Bombay.
Plusieurs mois après la fin de la grève du Pays de Galles, le 1er août 1894, M. Eugène Cellier de Hambourg, par l'intermédiaire de qui la Maison Worms avait acheté du charbon de Westphalie pendant la grève, l'informa que le Syndicat des charbons Westphaliens semblait éprouver des difficultés pour placer son charbon gros criblé et désirait en exporter pour ne pas gâter le marché intérieur. L'agent du syndicat était venu le trouver pour le prier de reprendre, avec la Maison Worms, la question d'exportation vers Port-Saïd. M. Eug. Cellier transmettait, à cette occasion, des indications de prix et joignait, à l'appui de la proposition du syndicat, les considérations suivantes :
1) Possibilité probable pour la Maison Worms de s'assurer le monopole des charbons Westphaliens à Port-Saïd et de devenir petit à petit fournisseur du Lloyd brémois qui devait, pour ses lignes subventionnées, donner la préférence au charbon allemand, qu'il pouvait s'en procurer à des conditions raisonnables.
2) - Le syndicat semblant déterminé à arriver par tous les moyens à l'exportation de son charbon, il devait être facile de traiter avec lui.
La Maison Worms avait gardé un assez mauvais souvenir du prix auquel le charbon Westphalien lui avait été facturé pendant la grève, mais avait été satisfaite de la qualité. Elle répondit que le jour où elle se trouverait de nouveau dans la nécessité de chercher un remplaçant pour le charbon de Cardiff, ce serait le charbon de Westphalie qu'elle prendrait de préférence à tout autre, mais qu'elle ne pouvait pas envisager d'en avoir en stock à Port-Saïd, en temps normal, pour les raisons suivantes :
1°) Il n'y avait pas à espérer que les navires anglais donnassent jamais la préférence au charbon de Westphalie, même à prix inférieur.
2°) Que d'après l'expérience faite à l'occasion de la grève, les armateurs allemands, eux-mêmes, avaient semblé préférer le Cardiff, à prix égal.
3°) Même si le syndicat offrait un avantage sur les prix de Cardiff, il serait difficile à la Maison Worms de se prêter à la combinaison qu'il souhaitait : les opérations à Port-Saïd ne pouvant être profitables qu'à la condition d'éviter les mises à terre et d'avoir un mouvement incessant de livraisons en transbordement, au fur et à mesure des arrivages des navires charbonniers. Or, si la Maison Worms avait à recevoir des charbons allemands, elle ne pourrait les livrer qu'à quelques clients spéciaux, serait tenue de mettre en magasins la totalité de ses importations de cette provenance. Son prix de revient serait ainsi augmenté dans des proportions considérables, sans compter les complications au point de vue du matériel de chalands et de l'installation du chantier.
La Maison Worms signalait à cette occasion qu'elle avait eu plusieurs cas de combustion spontanée dans son stock de charbon de Westphalie. Bien qu'ayant pu limiter facilement le dommage elle avait été amenée à penser que ce charbon ne supportait pas aussi bien que le Cardiff, le séjour à terre dans un climat chaud. Le syndicat contesta cette appréciation en signalant que des expéditions avaient été faites pendant des années, par voiliers, en Chine et au Japon, de charbon plus sujet à combustion que les autres, sans que jamais un cas se soit produit. Un chargement récemment expédié à Iquique, également par voilier, était arrivé à destination sans montrer la moindre trace de combustion.
Ainsi commença à se manifester à Port-Saïd, l'entrée en scène du charbon allemand, dans la concurrence internationale.
A la suite de l'expérience acquise du fait de cette grève, les gérants de la Maison Worms jugèrent qu'il serait prudent, à l'avenir, d'augmenter l'importance du stock de Port-Saïd, et envisagèrent le chiffre de 50.000 T, malgré les frais supplémentaires que cela entraînerait.
Divers. Au mois de décembre 1893, la Maison Worms fit déposer sur le cercueil de M. Ferdinand de Lesseps, une couronne au nom de ses confrères de Port-Saïd (Bazin & Cie, Eagle Coal Cy, la Port-Saïd and Suez Coal Cy, MM. Wills & Co. Ltd) et en son nom personnel "dans une pensée de grande admiration et de profonde reconnaissance pour le créateur d'une oeuvre à la prospérité de laquelle les intérêts de tous sont intimement liés".
Vers le début de l'année 1893, l'agent diplomatique, consul général des Pays-Bas, conférait provisoirement à M. Rouyer, alors directeur de la Maison de Port-Saïd, et qui devint plus tard associé-gérant, la gestion du consulat à Port-Saïd.
En juin 1894, la Maison Worms accepta de mettre à la disposition du Comptoir national d'escompte de Paris, les services de sa succursale de Suez, pour l'encaissement des effets de commerce.
Dépôts de France. Moins exclusivement consacré au commerce des charbons de soutes, plus rapprochés d'ailleurs des divers centres d'approvisionnement, les dépôts en France souffrirent moins des effets de la grève du Pays de Galles.
A Marseille. La concurrence se faisait fortement sentir. La Maison Worms perdit le contrat de la Compagnie P & O pour 1894. Elle lui fut enlevée par la Maison Watts, Ward & Co., qui projetait de s'installer dans ce port, et avec laquelle cependant elle entretenait par ailleurs d'excellentes relations. Elle réussit à reconquérir ce client pour l'année 1895, au prix d'un lourd sacrifice. Ce contrat représentait un important tonnage.
A Bordeaux, elle éprouva quelques difficultés du fait de la grève du Pays de Galles, pour l'entretien du stock nécessaire à la ligne de l'Atlantique Sud des Messageries maritimes, qui étaient approvisionnées en charbon de Cardiff. Les frais énormes qu'entraînaient les manutentions dans ce port, les facilités qu'on y avait en temps normal pour l'approvisionner, en raison de la proximité du Bassin de Cardiff, la possibilité d'en augmenter rapidement les ressources lorsqu'une grève y était prévue et annoncée à l'avance comme cela avait généralement lieu, avait toujours détourné la Maison Worms d'y entretenir pour elle-même, un stock de charbon.
La Maison du Havre à laquelle, depuis quelque temps, elle s'était efforcée de donner plus d'importance, voyait ses ventes devenir plus actives. La direction en fut renforcée par l'adjonction d'un nouveau fondé de pouvoirs.
En 1893, la Maison Worms fit avec un de ses concurrents de Cardiff, M. L. Guéret, qui bien qu'ayant été en concurrence avec elle n'en était pas moins un de ses plus anciens et meilleurs amis, un arrangement qui créait entre les deux maisons, pour Le Havre et Marseille, une étroite collaboration. Elles y voyaient un pas vers une entente encore plus étroite.
Industrie. En dehors de la clientèle locale de ses différentes succursales, la Maison Worms maintint ses relations avec la plupart des grosses entreprises avec lesquelles son siège social était directement en relations.
Elle vit leur liste s'enrichir de nouveaux noms, ou ses rapports devenir plus fréquents avec quelques clients de vieille date. On peut citer :
- Desmarais Frères
- la Société des travaux publics (pour le chemin de fer de Jaffa)
- la Société de l'éclairage au gaz et des hauts fourneaux et fonderies de Marseille et des mines de portes et senéchas
- la SA du gaz de Rennes.
Les anciennes relations avec la Compagnie Lebon reprirent pour des fournitures à l'usine de Port-Saïd.
Elle chercha, à partir du début de l'année 1894, à augmenter dans de fortes proportions, l'importance de ses affaires de charbon à gaz, principalement dans la région marseillaise, et dans ce but, à étendre ses relations avec la Wearmouth Coal Cy, et avec la mine Lambton.
Elle négocia un accord important, valable pour 5 ans, avec la première, dont le charbon était alors considéré comme le meilleur charbon à gaz du nord de l'Angleterre, dans l'intention de le faire connaître partout où elle le pourrait, en France et à l'étranger.
Mines. La Maison Worms eut à lutter contre les exigences des mines avec lesquelles elle avait l'habitude de traiter et qui cherchaient à tirer profit du fait qu'elle ne s'adressait pas à d'autres.
En particulier, elle résista longuement, à partir de l'année 1892, contre la prétention des propriétaires de la mine Nixon's Navigation et attendit plusieurs mois avant de renouveler son marché avec elle. Elle avait reçu d'ailleurs, à plusieurs reprises, des réclamations contre ce combustible.
Elle n'accepta de traiter, pour une quantité modérée, qu'au mois d'avril 1893, et ne refit un autre marché, plus important, qu'en octobre 1894.
Au mois d'avril 1893, après deux essais successifs faits aux arsenaux de Brest et de Cherbourg, elle réussit à obtenir de la Marine française l'admission du charbon Powell-Duffryn dans des fournitures qu'elle avait à faire aux bâtiments de l'État à Alger.
Cette admission lui fut refusée, vers la même époque, pour le charbon Cymmer.
Services maritimes
Pendant la courte période qui correspond aux années 1892 à 1894, les Services maritimes furent l'objet d'importantes transformations et extensions.
I. Flotte. Depuis de nombreuses années la flotte de la Maison Worms, y compris celle de la Maison Mallet, avait toujours compté une douzaine de navires. A partir de 1892, elle commença à prendre plus d'importance, mais bien plus par le tonnage que par le nombre.
Lorsque les lignes régulières ne l'occupaient pas complètement, les navires inutilisés étaient affrétés à des tiers, pour des navigations diverses ; c'est ainsi qu'en novembre 1894, le s.s. "Lucie-et-Marie" fut affrété, à titre d'essai, pour prendre à Newcastle un chargement de charbon à gaz, à destination d'Oran, et pour prendre un chargement d'Algérie pour le retour.
La flotte perdit successivement : le s.s. "Emma", vendu et livré à la maison Lobnitz à Renfrew, au mois d'août 1893, puis son aîné, le s.s. "Séphora", qui fut désarmé le 14 août 1893 et vendu en mars 1894, par la Maison de Bordeaux. Il fut remplacé par le s.s. "Président", sur la ligne de Pasages.
Par contre, elle s'enrichit brusquement, en 1893, de trois unités, qui furent affectées au Havre :
1° - un nouveau "Emma", commandé en août 1892, qui entra en service le 30 février 1893,
2° - le "Thérèse-et-Marie", qui fut livré en septembre 1893,
3° - le "Lucie-et-Marie", lancé en octobre 1893. Il partit le 4 novembre pour Bordeaux.
Ces trois navires avaient été commandés à la maison MacMillan & Son Ltd, de Dumbarton. Des offres avaient également été demandées à la maison Lobnitz, de Renfrew, à laquelle la Maison Worms s'était déjà adressée à plusieurs reprises, et, pour les deux derniers, à plusieurs chantiers français. Les conditions offertes par la maison MacMillan & Son Ltd furent les plus avantageuses comme prix et comme délais, malgré la protection que la loi française du 30 janvier 1893, avait accordée à la construction navale, en augmentant d'une façon très sensible le taux des primes à la construction et en réservant les primes à la navigation aux seuls navires de construction française. La prime allouée aux navires naviguant aurait permis à la Maison Worms de payer aux chantiers français un prix très supérieur à celui des chantiers anglais, malheureusement l'écart des prix resta tel, même après un sérieux effort des chantiers français, que la Maison Worms eut un grand avantage à faire construire en Angleterre et à renoncer à la prime à la navigation. Elle dut faire taire les raisons morales qui la portaient à donner la préférence aux chantiers français.
II - Lignes et trafic. En octobre 1893, lorsque la direction du Havre eut à sa disposition un matériel plus important, elle jugea opportun de donner suite à un projet dont elle avait déjà entretenu le siège social : la réorganisation de ses services comportant une relation bi-hebdomadaire entre Bordeaux, la Normandie et Paris, et vice-versa, avec des départs et des arrivées à dates fixes et des délais aussi restreints que possible. Elle espérait que ces nouvelles satisfactions données au public lui permettraient de s'attaquer au trafic de détail réservé presque exclusivement aux chemins de fer.
Elle établit un projet qui fut longuement discuté avec le siège social.
Une circulaire, en date du 10 novembre, informait les chargeurs, que la Maison Worms doublait ses services au départ de Bordeaux sur Le Havre, Rouen et Paris, et vice-versa.
Cette réorganisation fut l'occasion de nouvelles créations et de nouvelles études.
Les gérants demandèrent, au mois d'octobre [1923], au directeur des Services, d'étudier les avantages et les inconvénients que comporterait une escale régulière, à date fixe, à Tonnay-Charente, pour prendre des marchandises qui seraient transbordées au Havre ou à Bordeaux, pour leur destination définitive. Il sortait de ce port des marchandises à destination de presque tous les points du globe et qui n'avaient guère le moyen d'échapper aux lignes anglaises. En particulier, les gérants pensaient que les navires pourraient y prendre les cognacs en plus grande quantité qu'il n'était possible de le faire à La Pallice. La direction du Havre se rangea à leur avis et décida de commencer, dès la fin de l'année, un service entre Tonnay-Charente, Le Havre, Anvers et Hambourg.
Cette initiative fut bien accueillie dans les milieux intéressés. Lorsqu'elle fut annoncée, les transitaires furent d'abord partagés entre le désir de la favoriser et la crainte d'être tôt ou tard dépossédés par la Maison Worms, de leur monopole de fait. Elle réussit à leur donner tous apaisements en leur promettant de s'abstenir de toutes opérations de transit et de n'en faire que plus tard si elle y était contrainte.
En moins d'un an elle se créa à Tonnay-Charente une place encore petite, mais qui se développait.
Cette innovation, jointe à la réorganisation de ses Services, l'amena à réviser sa politique vis-à-vis des armements au long-cours, pour développer son trafic à destination des pays lointains (New York, Antilles, Mexique, Amérique du Sud, Orient) par transbordement dans les ports desservis par ses navires.
Elle provoqua quelques réactions de la part d'autres armements qui se trouvaient ainsi directement ou indirectement concurrencés, en particulier de la part de la maison A. Holt, pour les réexpéditions à destination de Singapour, Manille, Java, etc. Par égard pour cet armement, la Maison Worms invita son agent à ne pas coter pour ces destinations des prix inférieurs à ceux de la ligne partant de Liverpool.
Par contre, elle amena certains chargeurs à demander à la Maison Worms d'étendre ses opérations directes vers d'autres ports, notamment vers Londres, en concurrence avec une ligne anglaise. L'occasion semblant favorable, elle fit procéder à une enquête minutieuse, à la suite de laquelle elle décida cependant de remettre à plus tard la réalisation de son projet.
Le plan de réorganisation envisagé par les Services maritimes, comprenait un service Havre/Brest, qui entraîna des négociations avec MM. Chevillotte Frères, avec lesquels la Maison Worms entretenait depuis longtemps des relations et qui avaient à Brest la consignation de ses navires. Ces Messieurs acceptèrent, au début du mois de décembre 1894, le principe d'un accord dont les stipulations essentielles seraient que les deux maisons feraient un départ pour Brest, à tour de rôle, tous les dimanches, que la Maison Worms s'interdirait l'exploitation des lignes assurées par eux en dehors du Havre à Brest, etc., c'est-à-dire du Havre à Nantes et de Brest à Bordeaux, etc.
Concurrence.
1°) En mars 1894, les gérants appelèrent l'attention du Havre sur la nécessité d'étudier les mesures à prendre pour répondre aux nouveaux tarifs de chemin de fer qui allaient entrer en vigueur le 24 avril.
Vers le mois de novembre 1894, la Maison de Bordeaux entreprit l'organisation d'un service de transport de vins de Bordeaux à Paris et le nord de la France. Celui-ci devait s'effectuer en employant la voie maritime de Bordeaux au Havre ou Rouen, la voie ferrée du Havre ou Rouen, à destination.
2°) Depuis plusieurs années, la Maison Worms avait pour concurrente, pour le trafic Bordeaux-Rouen-Paris une Compagnie qui assurait un service sans transbordement, mais qui fut mise en liquidation, et ses deux navires ("Berry" et "Parisien") furent vendus en avril 1894. Elle avait à craindre de voir remettre ces navires en ligne par une nouvelle organisation et pouvait toujours craindre, en principe, la comparaison avec un service sans transbordement. Elle estima cependant que cette comparaison n'était pas très dangereuse, étant donné la manière dont elle livrait. En fait, ses transbordements ne l'empêchaient pas de transporter de Bordeaux à Paris, des quantités considérables de vins (août 1894).
3°) - Dans la seconde moitié de l'année 1894, elle chercha un terrain d'entente avec un armement allemand, la Compagnie "Rhederei", avec lequel elle vivait sous un régime d'arrangement tacite. A la fin de l'année, il n'était pas encore question d'accord formel.
Divers. Au mois de novembre 1893, la Maison d'Alger soumit au siège social l'offre de concours d'une maison de sa ville, pour la création d'une ligne de navires à vapeur desservant, au départ d'Algérie, les ports de Bordeaux et celui de Rouen.
Le cabotage entre l'Algérie et la France étant alors exclusivement réservé au pavillon français, la Maison d'Alger qui avait d'ailleurs déjà songé à la chose, demandait si le moment ne serait pas venu de tenter quelque chose, mais craignait qu'une telle initiative soit de nature à aliéner à la Maison Worms les armements français qui lui donnaient à charbonner leurs navires (Grosos, France/Algérie, etc.).
Dunkerque. En avril 1894, elle songea à introduire, une fois, par quinzaine, l'escale de Dunkerque dans les itinéraires de ses navires, pour recruter du fret à destination d'Anvers, Hambourg et Brème. Elle pensait cependant que ce fret serait loin de pouvoir couvrir ses frais d'escale, à moins d'une subvention de la Compagnie du Nord.
Les résultats des Services maritimes, pour l'année 1894, furent mauvais. Pour remédier à cette situation, la Maison Worms fut obligée, à partir du 1er janvier 1895, de recommencer à percevoir à Bordeaux, des frais d'embarquement en sus du franc pour l'arrimage. Les autres lignes n'avaient pas cessé de réclamer ces frais.
A l'occasion de la réorganisation des Services, le Havre eut l'intention d'ouvrir un bureau à Rouen. Le siège social préconisa une entente avec une maison de la place.
I. Flotte. Depuis de nombreuses années la flotte de la Maison Worms, y compris celle de la Maison Mallet, avait toujours compté une douzaine de navires. A partir de 1892, elle commença à prendre plus d'importance, mais bien plus par le tonnage que par le nombre.
Lorsque les lignes régulières ne l'occupaient pas complètement, les navires inutilisés étaient affrétés à des tiers, pour des navigations diverses ; c'est ainsi qu'en novembre 1894, le s.s. "Lucie-et-Marie" fut affrété, à titre d'essai, pour prendre à Newcastle un chargement de charbon à gaz, à destination d'Oran, et pour prendre un chargement d'Algérie pour le retour.
La flotte perdit successivement : le s.s. "Emma", vendu et livré à la maison Lobnitz à Renfrew, au mois d'août 1893, puis son aîné, le s.s. "Séphora", qui fut désarmé le 14 août 1893 et vendu en mars 1894, par la Maison de Bordeaux. Il fut remplacé par le s.s. "Président", sur la ligne de Pasages.
Par contre, elle s'enrichit brusquement, en 1893, de trois unités, qui furent affectées au Havre :
1° - un nouveau "Emma", commandé en août 1892, qui entra en service le 30 février 1893,
2° - le "Thérèse-et-Marie", qui fut livré en septembre 1893,
3° - le "Lucie-et-Marie", lancé en octobre 1893. Il partit le 4 novembre pour Bordeaux.
Ces trois navires avaient été commandés à la maison MacMillan & Son Ltd, de Dumbarton. Des offres avaient également été demandées à la maison Lobnitz, de Renfrew, à laquelle la Maison Worms s'était déjà adressée à plusieurs reprises, et, pour les deux derniers, à plusieurs chantiers français. Les conditions offertes par la maison MacMillan & Son Ltd furent les plus avantageuses comme prix et comme délais, malgré la protection que la loi française du 30 janvier 1893, avait accordée à la construction navale, en augmentant d'une façon très sensible le taux des primes à la construction et en réservant les primes à la navigation aux seuls navires de construction française. La prime allouée aux navires naviguant aurait permis à la Maison Worms de payer aux chantiers français un prix très supérieur à celui des chantiers anglais, malheureusement l'écart des prix resta tel, même après un sérieux effort des chantiers français, que la Maison Worms eut un grand avantage à faire construire en Angleterre et à renoncer à la prime à la navigation. Elle dut faire taire les raisons morales qui la portaient à donner la préférence aux chantiers français.
II - Lignes et trafic. En octobre 1893, lorsque la direction du Havre eut à sa disposition un matériel plus important, elle jugea opportun de donner suite à un projet dont elle avait déjà entretenu le siège social : la réorganisation de ses services comportant une relation bi-hebdomadaire entre Bordeaux, la Normandie et Paris, et vice-versa, avec des départs et des arrivées à dates fixes et des délais aussi restreints que possible. Elle espérait que ces nouvelles satisfactions données au public lui permettraient de s'attaquer au trafic de détail réservé presque exclusivement aux chemins de fer.
Elle établit un projet qui fut longuement discuté avec le siège social.
Une circulaire, en date du 10 novembre, informait les chargeurs, que la Maison Worms doublait ses services au départ de Bordeaux sur Le Havre, Rouen et Paris, et vice-versa.
Cette réorganisation fut l'occasion de nouvelles créations et de nouvelles études.
Les gérants demandèrent, au mois d'octobre [1923], au directeur des Services, d'étudier les avantages et les inconvénients que comporterait une escale régulière, à date fixe, à Tonnay-Charente, pour prendre des marchandises qui seraient transbordées au Havre ou à Bordeaux, pour leur destination définitive. Il sortait de ce port des marchandises à destination de presque tous les points du globe et qui n'avaient guère le moyen d'échapper aux lignes anglaises. En particulier, les gérants pensaient que les navires pourraient y prendre les cognacs en plus grande quantité qu'il n'était possible de le faire à La Pallice. La direction du Havre se rangea à leur avis et décida de commencer, dès la fin de l'année, un service entre Tonnay-Charente, Le Havre, Anvers et Hambourg.
Cette initiative fut bien accueillie dans les milieux intéressés. Lorsqu'elle fut annoncée, les transitaires furent d'abord partagés entre le désir de la favoriser et la crainte d'être tôt ou tard dépossédés par la Maison Worms, de leur monopole de fait. Elle réussit à leur donner tous apaisements en leur promettant de s'abstenir de toutes opérations de transit et de n'en faire que plus tard si elle y était contrainte.
En moins d'un an elle se créa à Tonnay-Charente une place encore petite, mais qui se développait.
Cette innovation, jointe à la réorganisation de ses Services, l'amena à réviser sa politique vis-à-vis des armements au long-cours, pour développer son trafic à destination des pays lointains (New York, Antilles, Mexique, Amérique du Sud, Orient) par transbordement dans les ports desservis par ses navires.
Elle provoqua quelques réactions de la part d'autres armements qui se trouvaient ainsi directement ou indirectement concurrencés, en particulier de la part de la maison A. Holt, pour les réexpéditions à destination de Singapour, Manille, Java, etc. Par égard pour cet armement, la Maison Worms invita son agent à ne pas coter pour ces destinations des prix inférieurs à ceux de la ligne partant de Liverpool.
Par contre, elle amena certains chargeurs à demander à la Maison Worms d'étendre ses opérations directes vers d'autres ports, notamment vers Londres, en concurrence avec une ligne anglaise. L'occasion semblant favorable, elle fit procéder à une enquête minutieuse, à la suite de laquelle elle décida cependant de remettre à plus tard la réalisation de son projet.
Le plan de réorganisation envisagé par les Services maritimes, comprenait un service Havre/Brest, qui entraîna des négociations avec MM. Chevillotte Frères, avec lesquels la Maison Worms entretenait depuis longtemps des relations et qui avaient à Brest la consignation de ses navires. Ces Messieurs acceptèrent, au début du mois de décembre 1894, le principe d'un accord dont les stipulations essentielles seraient que les deux maisons feraient un départ pour Brest, à tour de rôle, tous les dimanches, que la Maison Worms s'interdirait l'exploitation des lignes assurées par eux en dehors du Havre à Brest, etc., c'est-à-dire du Havre à Nantes et de Brest à Bordeaux, etc.
Concurrence.
1°) En mars 1894, les gérants appelèrent l'attention du Havre sur la nécessité d'étudier les mesures à prendre pour répondre aux nouveaux tarifs de chemin de fer qui allaient entrer en vigueur le 24 avril.
Vers le mois de novembre 1894, la Maison de Bordeaux entreprit l'organisation d'un service de transport de vins de Bordeaux à Paris et le nord de la France. Celui-ci devait s'effectuer en employant la voie maritime de Bordeaux au Havre ou Rouen, la voie ferrée du Havre ou Rouen, à destination.
2°) Depuis plusieurs années, la Maison Worms avait pour concurrente, pour le trafic Bordeaux-Rouen-Paris une Compagnie qui assurait un service sans transbordement, mais qui fut mise en liquidation, et ses deux navires ("Berry" et "Parisien") furent vendus en avril 1894. Elle avait à craindre de voir remettre ces navires en ligne par une nouvelle organisation et pouvait toujours craindre, en principe, la comparaison avec un service sans transbordement. Elle estima cependant que cette comparaison n'était pas très dangereuse, étant donné la manière dont elle livrait. En fait, ses transbordements ne l'empêchaient pas de transporter de Bordeaux à Paris, des quantités considérables de vins (août 1894).
3°) - Dans la seconde moitié de l'année 1894, elle chercha un terrain d'entente avec un armement allemand, la Compagnie "Rhederei", avec lequel elle vivait sous un régime d'arrangement tacite. A la fin de l'année, il n'était pas encore question d'accord formel.
Divers. Au mois de novembre 1893, la Maison d'Alger soumit au siège social l'offre de concours d'une maison de sa ville, pour la création d'une ligne de navires à vapeur desservant, au départ d'Algérie, les ports de Bordeaux et celui de Rouen.
Le cabotage entre l'Algérie et la France étant alors exclusivement réservé au pavillon français, la Maison d'Alger qui avait d'ailleurs déjà songé à la chose, demandait si le moment ne serait pas venu de tenter quelque chose, mais craignait qu'une telle initiative soit de nature à aliéner à la Maison Worms les armements français qui lui donnaient à charbonner leurs navires (Grosos, France/Algérie, etc.).
Dunkerque. En avril 1894, elle songea à introduire, une fois, par quinzaine, l'escale de Dunkerque dans les itinéraires de ses navires, pour recruter du fret à destination d'Anvers, Hambourg et Brème. Elle pensait cependant que ce fret serait loin de pouvoir couvrir ses frais d'escale, à moins d'une subvention de la Compagnie du Nord.
Les résultats des Services maritimes, pour l'année 1894, furent mauvais. Pour remédier à cette situation, la Maison Worms fut obligée, à partir du 1er janvier 1895, de recommencer à percevoir à Bordeaux, des frais d'embarquement en sus du franc pour l'arrimage. Les autres lignes n'avaient pas cessé de réclamer ces frais.
A l'occasion de la réorganisation des Services, le Havre eut l'intention d'ouvrir un bureau à Rouen. Le siège social préconisa une entente avec une maison de la place.