1946.08.23.Note (sans émetteur ni destinataire).ACSM
Paris, le 23 août 1946
Bien reçu votre mot du 20, sans commentaires.
Rien de très saillant au point de vue général en cette fin d'août. Les seules indications qui vous intéresseront sont les suivantes, à la suite d'une très longue conversation que j'ai eue ce matin avec Carour.
1° - Le but principal de ma visite était de discuter notre question du Trait. Il m'a été confirmé de la manière la plus expresse que nous étions entièrement assurés d'avoir une commande complémentaire de 25.000 tonneaux. J'ai demandé qu'on nous le confirme le plus rapidement possible officiellement, étant donné que les événements peuvent marcher plus vite que les hommes.
Ceci est d'autant plus important qu'il y aura, dans quinze jours, une réunion extraordinaire du conseil de la Chambre syndicale pour examiner |a situation créée par l'annulation de quatre cargos de 6.000 tonnes pour l'Afrique du Nord dont les constructeurs désignés étaient Loire, Penhoët et Gironde. Il est évident que si l'on apprend, en même temps, qu'une commande complémentaire nous est donnée, cela fera des pataquès, mais cela m'est bien égal.
La discussion principale a porté, avec Carouc, sur la question du coefficient d'amortissement. Nous demandions 25 %, étant donné notre cas exceptionnel. Le ministre, qui semblait n'avoir rien compris à la question, faisait des propositions fumeuses se traduisant en définitive par la formule suivante : Mon concours aux ACSM consistera à leur abandonner l'amélioration de productivité consécutive à leur nouvelle organisation, évaluée par eux à 10% de la main d'œuvre directe pour la charge seule dont normalement ils devraient tenir compte dans leur prix de vente.
J'ai fait remarquer à Carour qu'étant donné la mise en marche progressive de notre nouvelle installation, une telle formule qui, dans l'esprit du ministre, serait limitée à notre carnet de commandes actuel, serait pour nous un marché de dupes, qu'au contraire ma proposition était la suivante :
- considérant qu'évidemment au cas où la monnaie lâcherait, un chiffre total d'amortissement en pourcentage pouvait conduire à des résultats absurdes, ceci d'autant plus que dans notre modernisation, une fraction très large de nos dépenses (environ 3/4) concerne des travaux de génie civil, bâtiments, accès, etc., construits une fois pour toutes, j'ai suggéré la ventilation dudit coefficient d'amortissement en deux termes, le premier calculé comme pour tous les chantiers, établi en pourcentage qui serait de l'ordre de 17 à 18%, la différence, correspondant à notre situation particulière, serait calculée en fonction de l'absorption de l'annuité d'amortissement normale de notre modernisation.
Comme les fonds nécessaires à cette modernisation seront empruntés par nous, nous ne courons, du chef de l'inclusion d'un chiffre en francs et non pas en pourcentage, aucun préjudice éventuel. Nous prendrions une période de cinq ans considérée comme nécessaire pour absorber notre programme de constructions actuel, y compris les 25.000 tonneaux, plus éventuellement une queue, période estimée nécessaire pour que fonctionne à plein notre nouvelle organisation, et au bout de laquelle on ferait des comptes.
Si l'amélioration de notre productivité, que l'on ne saurait estimer qu'au bout d'une période déterminée, était positive, nous ne tiendrions compte, vis-à-vis de l'État, qui nous aurait garanti une annuité complémentaire d'amortissement en francs selon une formule à fixer comportant un partage de cette amélioration entre nous-mêmes et lui, avec une formule progressive, de manière à nous intéresser à l'amélioration de ladite productivité.
Si, au contraire, pour des raisons indépendantes de notre volonté, l'amélioration était nulle ou égale à 0, nous aurions notre annuité en francs qui nous couvrirait de nos charges et dont il est logique que l'État supporterait la charge, puisque c'est lui notre client. Mon interlocuteur a semblé assez ébranlé par cette argumentation qu'il va étudier et dont nous devons nous entretenir de nouveau incessamment, le désir réciproque étant d'aboutir le plus rapidement possible.
2° - Le désir intense de mon interlocuteur de régler le statut de la flotte.
Dans le sein d'une Chambre provisoire, la déréquisition, selon lui, pourrait être facilement acquise si le conseil des ministres était d'accord. Il craint au contraire, avec une assemblée élue pour cinq ans, que celle-ci ne se permette toutes les fantaisies. Le projet de son ministre se limiterait aux deux grandes compagnies.
Les Finances et l'Économie nationale seraient les éléments essentiels à convaincre. Je compte toucher, dès lundi, certains de leurs principaux éléments.