1945.08.20.De Hypolite Worms.A Robert Labbé et Raymond Meynial.Original
Original
Le PDF est consultable à la fin du texte.Le 20 août 1945
Je vous remets, sous ce pli, la lettre que je viens de recevoir de Gardanez. Vous verrez qu'il y demande officiellement de revenir à la Havraise et il le demande sous une forme qui laisse à penser qu'il compte y jouer un rôle différent de celui de simple administrateur. En effet, (2ème page) il exprime le désir de conserver un pied chez Ratier, et plus loin, (3ème page) il parle de venir me voir "pour définir sa collaboration". S'il ne comptait que sur une place au conseil, ces réserves ou précisions ne seraient pas nécessaires.
Or, je tiens à rappeler que mes conversations avec Gardanez (à Vichy et à Paris comme il l'indique lui-même) ont eu lieu en deux temps.
1°- A Vichy, lorsque Gardanez a été nommé directeur des Transports maritimes, je lui ai demandé sa démission d'administrateur délégué de la Havraise, situation incompatible avec ses fonctions officielles. J'estimais - et il l'a compris - que tant qu'il n'était que fonctionnaire bénévole (il avait précédemment le titre de conseiller technique de la Marine marchande comme commissaire de réserve, de l'inscription maritime) il pouvait conserver son poste dans une compagnie privée de navigation, mais que les choses changeaient à partir du moment où il était officiellement fonctionnarisé comme directeur des Transports maritimes.
J'en avais parlé au préalable à l'amiral Auphan qui m'avait approuvé.
Sa situation était donc réglée définitivement et elle l'a été, accompagnée d'un chèque compensateur.
2°- Plus tard, en 1943 si j'ai bonne mémoire, et après son départ de la Marine marchande, j'ai dit à Gardanez que lorsqu'il le désirerait, j'étais disposé à le faire rentrer au conseil de la Havraise. Mais dans mon esprit, comme dans mes paroles, il ne pouvait être question de lui rendre la délégation qu'il avait précédemment eue, mais seulement de lui donner une satisfaction d'amour-propre, celle de le faire nommer purement et simplement administrateur de la compagnie, comme il y en a dix autres.
Il y a malentendu dans son esprit ; c'est peut-être voulu ; c'est même probablement voulu, car, bien qu'il ne soit guère intelligent, Gardanez ne peut tout de même pas penser que le poste d'administrateur délégué est resté ainsi disponible pendant plusieurs années à sa simple volonté, pour être de nouveau occupé par lui s'il le désirait, et quand il le désirait.
Or, tout ceci peut difficilement être écrit et je n'ai nullement l'intention de le faire venir ici pour le lui expliquer.
D'autre part, la question est un compliquée par le fait que la somme qui lui a été versée en 1940 ou 1941 peut paraître actuellement insuffisante.
D'autre part, la question est un peu compliquée par le fait que la somme qui lui a été versée en 1940 ou 1941 peut paraître actuellement insuffisante devant l'importance du poste qui lui était retiré sans qu'il ait eu - il faut tout de même le reconnaître - l'option de conserver ce poste à la Havraise et d'abandonner la Marine marchande comme il pourrait maintenant prétendre qu'il était alors disposé à faire.
Enfin, quoi qu'il arrive, je trouve qu'il ne convient pas en ce moment - et pendant mon absence - de faire entrer de nouveaux administrateurs à la Havraise, en admettant qu'il y ait encore des places disponibles (je veux parler de places libres et n'appartenant à aucun groupe comme c'est le cas pour Andruze Faris).
Dans ces conditions, il me semble qu'il y a deux solutions car il faut tout de même faire une réponse.
1ère solution
J'écrirais à Gardanez pour lui accuser réception de sa lettre, lui dire que j'ai pris bonne note de son désir, que dans les circonstances actuelles on ne peut pas y donner une suite immédiate mais que, conformément à l'offre que je lui avais faite, je le ferai nommer administrateur de la Havraise dès que je reprendrai effectivement mes fonctions présidentielles.
Cette lettre lui serait remise par Robert qui lui préciserait que naturellement il ne s'agira, le moment venu, que d'un poste de simple administrateur, comme cela lui avait été indiqué dès l'origine, car le conseil ne désire nullement faire revivre un rouage intermédiaire entre lui et la direction générale.
Et, s'il y avait des difficultés, une compensation matérielle supplémentaire pourrait lui être versée.
2ème solution
Je n'écrirais pas et Robert le ferait venir pour lui dire que j'ai bien reçu sa lettre et que je l'ai chargé de lui transmettre ce qui précède, ajoutant qu'à mon prochain passage à Paris je serais très content de le voir.
En réalité, ce que je crois que Gardanez a dans l'idée, ce n'est pas tant de reprendre sa place d'administrateur délégué, mais d'y jouer un rôle d'administrateur à cabinet, ou d'administrateur conseil pour pouvoir, une fois par an ou tous les deux ans, faire un voyage à Madagascar, parler au nom de la Havraise et se promener avec une décoration officielle de la Compagnie sur sa poitrine.
Est-ce possible ? Je le crois difficilement car il est trop personnel, n'a aucune expérience technique et il est, de plus, gaffeur. Ce serait en tous cas impossible avant que Bucquet n'ait, au préalable, fait son tour d'horizon à Madagascar pour y annihiler par anticipation les erreurs que Gardanez pourrait commettre.
Mais par ailleurs il ne faudrait pas prétendre, pour s'y opposer, que la Compagnie ne peut pas charger ses administrateurs de mission à la colonie puisqu'elle l'a fait pendant trois ans pour Andruze Faris, sans du reste que celui-ci n'ait eu l'occasion d'y donner suite.
J'attends vos suggestions et votre décision.
HW
Veuillez me retourner, après en avoir pris copie, la lettre de Gardanez qui vous montrerez certainement à Bucquet de même que la note qui précède.