1945.08.10.De Worms et Cie.Note
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Le PDF est consultable à la fin du texte.NB : L'introduction est extraite du texte qui débute le document intitulé "Annexe 4 - Rapport sur les activités bancaires de la Maison Worms", daté du 16 décembre 1944, lequel reprend les termes de la note de Gaston Bernard au juge Georges Thirion, en date du 7 novembre 1944.
Dès le 25 octobre 1940, les autorités allemandes, aux termes des ordonnances des 20 mai et 18 octobre 1940, pourvurent la Maison Worms d'un commissaire de nationalité allemande, Monsieur von Ziegesar, directeur de succursale à la Commerzbank.
Cette nomination eut lieu en raison des attaches britanniques de Monsieur Hypolite Worms et parce que la Maison Worms pouvait être considérée comme entreprise juive aux termes des ordonnances allemandes et des lois françaises.
Les pouvoirs de Monsieur von Ziegesar étaient très étendus. En effet, le paragraphe 2 (2°) de l'ordonnance du 20 mai 1940 spécifiait : « Pendant la durée de l'administration provisoire, toutes les attributions du détenteur ou du propriétaire et des personnes ordinairement compétentes pour la suppléance ou pour l'administration, seront suspendues ». De plus, le paragraphe 3 (1°) stipulait que « l'administrateur provisoire était autorisé à toutes les affaires et actions d'ordre juridique et non juridique relatives à la gestion... »
Aussitôt après la nomination de Monsieur von Ziegesar, nous obtenions du ministère des Finances la désignation d'un commissaire adjoint français, Monsieur Olivier de Sèze, ancien inspecteur de la Banque de France, qui devait, en cas de difficultés éventuelles, représenter le gouvernement français.
En 1941, Monsieur von Ziegesar fut remplacé par Monsieur von Falkenhausen, ancien directeur de la Deutsche Bank et associé d'une banque privés allemande d'Essen.
Sous contrainte des commissaires allemands, nous nous sommes ainsi trouvés dans l'obligation de traiter avec les banques et administrations allemandes un certain nombre d'opérations qui sont analysées ci-après :
I - Opérations diverses
1° - Titres et participations de sociétés françaises et étrangères cédés à l'ennemi
Néant
2° - Réquisition d'immeubles commerciaux, de matériel et de mobilier pour le compte de l'occupant
Néant
3° - Opérations de bourse effectuées par l'ennemi à l'occasion desquelles la banque est intervenue comme intermédiaire ou comme mandataire
Néant
4° - Dépôt de fonds effectué par l'ennemi et ses ressortissants
[Voir PDF : liste.]
5° Location de coffres forts et de compartiments de sûreté par des organismes ou particuliers ennemis
Néant
6° Règlement des dépenses et paiement pour le compte de l'autorité occupante
Néant
7° Transferts de fonds pour le compte de l'ennemi par l'intermédiaire du clearing (affaires d'exportation)
Sur l'obligation qui nous en a été faite par M. von Ziegesar, notre premier commissaire, nous avons dû accepter d'être l'un des guichets domiciliataires à Paris de la Commerzbank, en même temps d'ailleurs qu'un certain nombre d'établissements de crédit français. Monsieur von Falkenhausen nous imposa ensuite de rendre le même service à la Deutsche Bank.
Ainsi nous avons eu à régler pour le compte de ces deux établissements quelques-uns des paiements qu'ils ont eus à effectuer en France.
Le règlement de ces accréditifs a donné lieu à la perception d'agios qui furent : [voir PDF].
Nous faisons quelques réserves quant à l'exactitude de ces chiffres qu'un pointage actuellement en cours modifiera peut-être dans des proportions d'ailleurs assez limitées.
8° - Ouvertures de crédits et avances, avec ou sans garantie, aux organismes et ressortissants ennemis
En dehors des avances signalées sub 4°, nous avons dû consentir des facilités à : [voir PDF].
Ces avances étaient effectuées d'ordre de Monsieur von Ziegesar sur le vu de factures visées par la Kriegsmarine et remboursées une dizaine de jours plus tard, en général par le canal de la Banque de France.
En outre, nous avons été contraints par les commissaires de régler, tant pour le compte de la Commerzbank que pour le compte de la Deutsche Bank, un certain nombre d'accréditifs simples (non documentaires) et de consentir certaines avances sur ces accréditifs. Les agios en découlant, que nous avons perçus, sont les suivants : [voir PDF].
9° - Cautions en faveur d'entreprises ennemies
Nous avons dû fournir les deux cautions suivantes au profit de : [voir PDF].
D'autre part, à la demande de quelques-uns de nos clients, nous avons été amenés à donner des cautions aux administrations allemandes suivantes : [voir PDF].
II. Opérations par intermédiaire
1° et 2° Avances et ouvertures de crédits
En raison de relations personnelles qui existaient entre notre premier commissaire, von Ziegesar, et le capitaine von Tirpitz, il nous a été imposé de procéder à des escomptes de factures d'un certain nombre de fournisseurs des autorités d'occupation et principalement de la Kriegsmarine.
Ces opérations consistaient à ouvrir des crédits aux fournisseurs ou intermédiaires et à leur verser, par anticipation, des sommes qui leur étaient dues, la créance était représentée par des factures visées des autorités d'occupation. Ces avances duraient habituellement une dizaine de jours avant de nous être remboursées, en général par le canal de la Banque de France.
Ces fournisseurs furent les suivants : [voir pages PDF].
3° - Crédits documentaires
[Voir PDF.]
4° - Liquidation des biens juifs
Nous n'avons traité que deux opérations de cet ordre :
a) Messieurs de Rothschild Frères étaient propriétaires de 3.508 actions de la Société minière et électrique des Landes (Minela) dont nous étions nous-mêmes importants actionnaires.
Ces titres, mis en vente par l'administration des domaines en vertu de règlements alors en vigueur, les représentants de Messieurs de Rothschild Frères nous ont demandé de nous porter acquéreurs de leur participation. Comme il ne nous était pas possible de le faire directement - l'administration étant tenue de traiter avec un groupe industriel - nous avons prié la Compagnie de produits chimiques et électrométallurgiques Alais Froges à Camargue (Péchiney) de se porter acheteur pour notre compte : la transaction a été conclue pour le prix global de : 5.478.466,20 F.
Il avait été d'ailleurs entendu que nous conserverions ces titres jusqu'à la fin des hostilités, époque à laquelle Messieurs de Rothschild doivent nous faire connaître s'ils ont l'intention de nous les reprendre.
b) En vue d'éviter la mainmise par les Allemands sur la participation de la société Louis Dreyfus & Cie dans la Société française de transports pétroliers et en vue de sauvegarder les intérêts du propriétaire menacé de spoliation, il a été décidé, d'accord avec les commissaires du gouvernement auprès de la Société française de transports pétroliers, que les 6.950 actions de la Société française de transports pétroliers appartenant à la société Louis Dreyfus & Cie seraient prises en charge par les autres actionnaires de la Société française de transports pétroliers au prorata du nombre d'actions dont chacun était déjà propriétaire.
La Caisse des dépôts et consignation a pris en charge la part des 6.950 actions qui serait revenue à l'État et la société Worms & Cie a pris en charge pour sa part 1.702 actions que nous nous sommes déclarés prêts à rendre à leur propriétaire.
Nous avons procédé de façon analogue pour les actions immatriculées au nom personnel de Monsieur Pierre Louis Dreyfus provenant de sa garantie d'administrateur de la Société française de transports pétroliers.
Dans ces deux opérations, aucun profit n'a été réalisé et nous sommes intervenus uniquement pour la sauvegarde des sociétés propriétaires, alors menacées de spoliation.
Les profits, que nous avons comptabilisés du fait d'opérations traitées avec l'ennemi... s'analysent comme suit : [voir PDF].