1944.12.15.De Me Turmel.Paris.Assignation devant le Tribunal de commerce de la Seine
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L'an mille neuf cent quarante-quatre, le deux décembre,
À la requête de :
[Liste des agents en France des sociétés minières des charbonnages belges.]
donne assignation à :
[Liste des représentants en France des sociétés charbonnières allemandes (dont Rhin et Rhône, Chatel & Dollfus, la Compagnie générale charbonnière).]
à comparaître le quinze décembre 1944, à 13 heures, à l'audience et par devant Messieurs les président et juges composant le Tribunal de commerce de la Seine,
Attendu que mes requérants ont été accrédités en qualité d'agents des sociétés minières de Charbonnages belges pour la vente de leurs produits en France.
Attendu qu'en conséquence, les commandes de charbons importés de Belgique en France pour les besoins de l'industrie et des foyers domestiques étaient, avant l'occupation allemande, passées par leur intermédiaire et qu'ils touchaient les commissions correspondant aux dites commandes.
Attendu que par arrêté en date du 26 mai 1941 (1941) les sociétés minières belges ont été obligées de confier la vente de leurs charbons, aussi bien pour la Belgique que pour l'exportation, à une société coopérative appelée "Comptoir belge des charbons".
Attendu que dès le 31 mai 1941, le comptoir belge des charbons avisait le Groupement des agents accrédités par les Charbonnages belges pour la vente de leurs produits en France, groupant tous les agents accrédités, que son comité directeur, en sa réunion du 29 mai, avait décidé de lui confier la représentation officielle dudit comptoir.
Attendu que l'occupation allemande provoqua la rupture des relations commerciales entre la France et la Belgique.
Attendu que cependant dès le mois d'août 1940, les agents accrédités, par l'intermédiaire de leur groupement, tentèrent de rétablir le courant d'importation des charbons belges au profit de la population française, son alimentation par la production française se trouvant d'autant plus déficitaire, que les réquisitions allemandes devenaient plus importantes.
Qu'au début de novembre 1940, un programme d'importation de 60 trains de 1.000 tonnes chacun, tous destinés à des charbonniers français, put être établi, la répartition de ces trains ayant été réglée par le comité intersyndical du commerce des combustibles.
Attendu que les sociétés assignées, représentant en France des sociétés charbonnières allemandes, ayant eu connaissance, par indiscrétion, de ce programme, provoquèrent l'intervention de celles-ci auprès des autorités allemandes d'occupation pour se faire attribuer le monopole exclusif de l'importation des charbons belges en France.
Que Monsieur Georges Sabatier, de la Société Unico, représentant de la firme allemande Raab Karcher, se présentait immédiatement à Bruxelles au Comptoir belge des charbons lui signifiant qu'il était désormais seul chargé de l'importation des charbons belges en France par le ministère de la Production industrielle et du travail français.
Qu'en conséquence la réalisation du programme de 60 trains de 1.000 tonnes fut suspendue et que depuis lors les agents des charbonnages belges se trouvèrent dépossédés de leurs droits de représentation.
Qu'à partir de ce moment, ce fut en fait Monsieur Georges Sabatier, de la société Unico, aidé de ses trois frères, Émile et Jean à Paris, et Henri à Bruxelles, et Monsieur Thouvenet de la Société Neuerburg qui réalisèrent toutes les importations de charbons belges en France, imposant des priorités pour la Wehrmacht, pour la Kriegsmarine, pour l'industrie travaillant pour I'armée allemande et pour les charbonniers exclusivement chargés de ravitailler les services allemands installés en France.
Attendu que pour agir ainsi, Monsieur Georges Sabatier prétendit que ce privilège revenait en droit à sa société et aux sociétés représentant les firmes allemandes dont il défendait les intérêts, à titre de réparation du préjudice que ces firmes avaient subi entre septembre 1939, et juin 1940, toute importation en France de charbons allemands leur ayant alors été interdite.
Attendu qu'afin de réaliser le monopole primitivement octroyé â Monsieur Georges Sabatier et dont les représentants des autres firmes allemandes réclamèrent leur part respective, il fut constitué entre eux une association déclarée à la Préfecture de la Seine sous le régime de la loi de 1901, le 7 avril 1941, sous le n°8.453 et sous le nom de Groupement des charbons allemands - les charbons belges étant déjà devenus, dans l'esprit des fondateurs, des charbons allemands.
Que cette association permettait au GCA d'encaisser les commissions qui lui étaient allouées par le Comptoir belge des charbons et de répartir entre ses adhérents les tonnages à facturer et à payer sur la base de références convenues entre eux.
Que le procédé adopté présentant des inconvénients, notamment en ce qui concerne l'encaissement commun des primes de la Caisse de compensation des combustibles minéraux solides, et en ce qui concerne les responsabilités financières qu'il importait de limiter ; le Groupement des charbons allemands, se transforma en société â responsabilité limitée du même nom â la date du 8 juin 1943.
Que Monsieur Georges Sabatier (représentant la société Unico Raab Karcher) fut nommé président du conseil de gérance avec délégation permanente et exclusive de la signature sociale.
Que le GCA comprend les firmes assignées toutes statutairement gérantes de la société.
Que le groupement des agents accrédités requérant ayant protesté auprès des pouvoirs publics contre le monopole octroyé au GCA, la direction des Mines du ministère de la Production industrielle lui fit connaître que le monopole de fait de ce groupement avait été imposé par les autorités d'occupation et qu'il n'avait pas été possible d'obtenir le moindre assouplissement aux suggestions Imposées.
Que cette même imposition de Monsieur Georges Sabatier, es qualité, puis au GCA fut faite au Comptoir belge des charbons par les autorités allemandes de Bruxelles.
Que toute tentative ou intervention pour lutter contre le monopole du GCA et pour approvisionner en charbons belges la population française se heurtèrent à l'intransigeance de ce groupement.
Que toutes ces interventions directes auprès des producteurs belges ou du Comptoir belge des charbons n'aboutirent qu'à des menaces de dénonciation aux autorités d'occupation de la part du GCA.
Attendu que par suite des agissements concertés des sociétés assignées et de leur groupement, les agents accrédités par les charbonnages belges pour la vente de leurs produits en France, ont perdu la totalité des commissions auxquelles ils avaient droit sur les charbons importés.
Qu'il fut importé de Belgique de novembre 1940 à fin août 1944 : 2.709.859 tonnes 759.
Que le GCA a touché du Comptoir belge des charbons une somme de sept millions huit cent quatre vingt cinq mille six cent francs belges 53 dont mes requérants ont été frustrés.
Que les sociétés assignées ayant agi de concert et s'étant partagé ces avantages doivent être solidairement entre elles tenues de les rembourser aux requérants agissant également solidairement entre eux, à charge par eux de se repartir les commissions dont ils ont été frustrés.
Par ces motifs Condamner conjointement et solidairement entre elles, les sociétés assignées à payer à mes requérants, une somme de sept millions huit cent quatre vingt cinq mille six cent francs belges 53 à titre de dommages et intérêts au cours du change au jour où ces sommes ont été touchées par le GCA, soit à cent soixante francs pour cent francs belges, soit la somme de douze millions six cent seize mille neuf cent soixante quinze francs 24.
Les condamner en tous les dépens qui comprendront au besoin, à titre de supplément de dommages intérêts tous droits, doubles droit et amende de timbre et d'enregistrement perçus ou à percevoir sur toutes pièces versées aux débats ou visées au jugement à intervenir.
Sous toutes réserves.
A ce qu'ils n'en ignorent.
Et j'ai au sus-nommé étant et parlant comme dessus laissé présente copie sous enveloppe fermée ne portant d'un côté que les nom et demeure de la partie intéressée et de l'autre que le cachet de mon étude, apposé sur la fermeture du pli, par clerc assermenté, dont les mentions seront visées par moi sur l'original le tout conformément à la loi.
Le coût est de mille francs sauf dus.
Employé pour la copie 5 feuilles de timbre spécial à 8 F = 40 F.
Rayé un mot seul, signé :
Maître Turmel Huissier
80, rue de Turenne Paris