1944.11.17.De Raymond Meynial.Au juge Georges Thirion.Déposition
Copie de lettre
Le PDF est consultable à la fin du texte.Audition de M. Meynial
L'an mil neuf cent quarante-quatre, le 17 novembre, devant nous Georges Thirion, juge d'instruction, a comparu,
Monsieur Meynial Raymond, 42 ans, directeur de banque, demeurant à Paris, 60, avenue Paul Doumer, lequel serment prêté de dire la vérité, dépose :
Revenant d'Angleterre en août 1940, la Maison Worms m'a demandé de suivre sa participation dans la société Le Molybdène, j'ai été à ce moment nommé administrateur de cette société.
En tant que directeur de la Maison Worms, je vous indique que l'influence de cette maison s'est manifestée :
1°- par une participation indirecte de 32%,
2°- au conseil d'administration par les voix de trois administrateurs sur dix,
3°- par un crédit de l'ordre de 3.000.000 de francs ouvert à la société en 1941, pour lui permettre de conserver ses stocks de molybdène et de transformer son exploitation de molybdène en minerai de cuivre,
4°- en ayant été domiciliataire de paiements effectués à la société. Au titre d'administrateur de la société, j'ai eu l'occasion de recevoir, dès novembre 1940, la visite de M. Acker représentant la maison Otto Wolf, qui me mettait au courant de la demande qu'il avait faite d'une première livraison de 25 tonnes de molybdène. D'accord avec tout le conseil, le président et moi-même avons usé de tous les atermoiements possibles qui nous étaient rendus plus faciles par l'état de réquisition dans lequel se trouvait la mine depuis 1939.
J'ai renvoyé M. Acker au Comité d'organisation, puis à la Direction des mines, puis à la Commission d'armistice, puis à la Résidence générale du Maroc. Malgré tout, l'ordre a été donné en février 1942, à la société au Maroc, de livrer à quai à Oran, 25 tonnes de molybdénite. Il va sans dire que, au cours de ces dix-huit mois, le président a été l'objet de menaces répétées de la part d'Acker et du Majestic.
Dès novembre 1940, lorsque nous avons compris qu'il serait impossible d'éluder entièrement les demandes allemandes, le conseil a pris la décision d'abandonner l'exploitation du molybdène et d'utiliser un gisement de cuivre qui se trouvait dans le périmètre. Nous pensions en effet être ainsi soutenus dans notre décision par le gouvernement général de l'Algérie et la Résidence générale du Maroc, tous deux gros consommateurs de sulfate de cuivre.
J'ai été deux fois en Afrique du Nord ; une première fois en avril 1941, ce qui m'a permis de gagner du temps vis-à-vis de M. Acker. Une seconde fois en octobre 1942, ce qui m'a permis d'arrêter une seconde livraison de 35 tonnes exigée par les Allemands.
J'ajoute qu'au cours d'un de mes séjours au Maroc, l'État-major a utilisé avec notre consentement des galeries de la mine pour y cacher des armes et munitions qu'il détenait en excèdent des autorisations de la Commission d'armistice ; ces galeries ont été murées et nous avons fait refaire tous les plans des galeries de la mine de manière à ce que les Allemands ne puissent avoir connaissance de l'existence de ce dépôt.
J'ai bien entendu, tenu au courant M. Worms de toutes ces décisions qu'il a toujours approuvées et qu'il a même encouragées par les ouvertures de crédit.
Je me suis particulièrement occupé de cette affaire dans le but de réduire au strict minimum les livraisons de métal.
En résumé, la Maison Worms n'avait aucun pouvoir de gestion et son rôle a été limité à celui de banquier de la société.
Je vous dépose une note que j'ai rédigée sur la position de la Maison Worms vis-à-vis de la société Le Molybdène.
Lecture faite, persiste et signe.