1944.10.12.De Worms Bordeaux.A l'ingénieur des DT de la marine
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Bordeaux, le 12 octobre 1944,
Monsieur Morhellec
Ingénieur des DT de la marine
Sous-chef de section au commissariat à la reconstruction
37 cours d’Albret
Bordeaux
Monsieur l’ingénieur,
Nous avons l’honneur de nous référer à la déclaration de sinistre que nous avons faite concernant notre s/s "La Mailleraye" qui a été détruit au cours d’un bombardement aérien à Pauillac le 5 août 1944.
Cette déclaration a été enregistrée sous le n° G.A. 3.190 D.S.
Nous vous prions de trouver, inclus, copie du rapport qu’a établi monsieur le capitaine Moreau ex commandant du "La Mailleraye" à la suite de la visite qu’il a faite sur notre demande sur les lieux du sinistre le 3 octobre.
Nous restons à votre disposition pour tous renseignements complémentaires dont vous pourriez avoir besoin.
Veuillez agréer, monsieur l’ingénieur, l’assurance de notre considération distinguée.
P. Pon Worms & Cie
Bordeaux, le 6 octobre 1944
Messieurs Worms & Cie
J’ai l’honneur de vous informer des constatations que j’ai faites lors de ma visite sur l’épave du s/s "La Mailleraye" coulé à Pauillac lors des bombardements anglo-américains du [date manquante].
Je me suis vendu sur les lieux mardi 3 octobre accompagné de M. Ribeyre directeur de l’agence Worms à Bordeaux, M. Fumadeliès, le commandant du Port de Pauillac et M. Rabaud, capitaine marine marchande, officier à la cie Worms et avec l’aide d’une embarcation à moteur mise à notre disposition par le pilotage de la Gironde.
À première vue, J’ai pu constater que là où les bombes qui l’ont touché sont tombées à tribord, à hauteur du 1/3 avant du panneau II, entra l’hiloire du panneau et la lisse, car les deux tronçons d’hiloire déchiquetés ont été repliés de l’extérieur vers l’intérieur ; par contre, la lisse de tribord a été déchiquetée et les deux parties ainsi que les tuyautages de lavage y attenant ont été renvoyés de l’intérieur vers l’extérieur. La partie bâbord de cet hiloire n’émergeant pas, je n’ai pas pu me rendre compte comment il était cassé.
La partie arrière du navire c’est-à-dire la dunette et l’arrière du panneau II sont coulées et gités sur tribord et fortement enfoncés et piqués sous un angle de 20° car l’eau à basse mer dans la grande marée pendant laquelle nous l’avons vu venait jusqu’à moitié de la claire-voie de la machine. Le parquet de la passerelle seul existe, quant à l’abri de navigation et la chambre des cartes les boiseries ont disparu. Il ne restait des objets de ces logements que la roue de commande du gouvernail et le chad-burn qui est coupé en deux et renversé sur lui-même, le haut étant retenu par les chaînes et fils du télégraphe.
La partie avant du navire est légèrement relevée et gitée sur bâbord ; dans les logements avant des 2 postes d’équipage, les cloisons ont été resserrées car suite du soufflement des bombes dans la cale qui a fait remonter le parquet et de ce fait les cloisons se sont incurvées resserrant la coursive milieu.
Au moment du bombardement, un chalutier armé sa trouvait à couple du s/s "La Mailleraye" et a été coulé lui aussi et est gité vers le large, l’avant débordant de quelques mètres l’étrave du "La Mailleraye".
Etant donné la force d’éclatement des bombes qui ont coulé "La Mailleraye" en la disloquant dans son ensemble, et la position dans laquelle elle se trouve, il ne faut envisager aucune récupération du navire, autrement que comme vieille ferraille pour la refonte autant qu’il sera permis de pouvoir en extraire par le coupage hors de l’eau dans les grandes marées.
Veuilles agréer, messieurs, l’expression de mes sentiments respectueux et dévoués.
Signé Moreau