1940.11.08.Note (sans émetteur ni destinataire).Société française de transports pétroliers

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Note sur la Société française de transports pétroliers - SFTP

La tension internationale qui se manifestait en juillet 1938 eut entre autres effets d'amener le gouvernement français à porter son attention sur le problème du ravitaillement en combustibles liquides du pays.
Les enquêtes gouvernementales furent poussées dans différentes voies et, à l'occasion de ce travail d'étude, MM. Worms & Cie eurent à présenter au gouvernement, le 22 juillet, un projet d'organisation et de constitution d'une société de navigation spécialisée dans les transports pétroliers.
Le 23 juillet, MM. Worms & Cie reçurent officiellement du gouvernement français mission de constituer cette société.
La lettre de mission précisait que MM. Worms & Cie recevaient le mandat irrévocable, pour une durée de deux mois, de constituer un groupe privé réunissant des maisons ou sociétés françaises de premier plan afin de fonder une société anonyme dans le capital de laquelle l'État serait représenté pour 30%, le solde étant fourni par le groupe privé. Il était d'autre part indiqué que seule la Maison Worms & Cie avait qualité pour assurer, dans le cadre de la nouvelle société, la gérance technique et commerciale de la flotte qui devait exclusivement se composer de navires de 14.000 tonnes de port en lourd de moins de 18 mois d'âge et dont le tonnage total devait être de 70.000 tonnes au minimum, chiffre pouvant atteindre 100.000 tonnes. Le financement de ces achats devait se faire sous forme de délais de paiement s'étendant sur cinq ans et portant sur 40% du montant, le surplus - soit 60% - étant réglé au comptant grâce à un emprunt obligataire garanti par l'Office national des combustibles liquides, c'est-à-dire par l'État.
Le 25 juillet, MM. Worms & Cie acceptaient la mission qu'on leur confiait et se mettaient à l'œuvre. Furent alors envoyées dans les pays possesseurs de tonnage pétrolier (Angleterre, Hollande, Norvège, Suède) des missions chargées de rechercher ce tonnage.
Le 5 août, deux navires "Argus" et "Actor", futurs "Lorraine" et "Languedoc" étaient achetés pour livraison septembre ; suivait dans les mêmes conditions, le 12 août, le "Marietta", futur "Champagne" ainsi que, le 17 août, le "Hoegh-Ray", futur "Bourgogne". Le marché des tankers étant restreint, il fut nécessaire d'attendre le 10 septembre pour compléter le programme de 70.000 tonnes prescrit et c'est à cette date que fut acheté l'"Harald-Brovig", futur "Roussillon".
À cette époque, la flotte se composait de :


Tonnage brut

Tonnage net

Port en lourd

"Bourgogne" ex-"Hoegh-Ray"

9.357.37

5.659.45

14.860 TM

"Lorraine" ex-"Argus"

9.512.40

5.874.47

15.250 TM

"Languedoc" ex-"Actor"

9.512.40

5.874.47

15.250 TM

"Roussillon" ex-"Harald-Brovig"

9.967.50

5.906.53

15.057 TM

"Champagne"

9.945.71

5.894.57

14.885 TM


48.295.38

29.209.29

75.302 TM

et la société n'ayant pas encore été constituée, Messieurs Worms & Cie s'étaient portés garants du règlement de ces navires et avaient assuré le financement de l'opération.
Le 19 septembre, l'assemblée générale constitutive de la Société se réunissait, constatait la réalité des apports, approuvait les statuts et élisait son conseil. La nouvelle société, qui prit le nom de Société française de transports pétroliers (SFTP), avait pour actionnaires, d'une part l'État (pour 30%), et d'autre part, se composait pour le solde (70%) d'un groupe privé constitué par :
- Messieurs Worms & Cie
- Messieurs Desmarais Frères
- la Compagnie auxiliaire de navigation
- la Compagnie navale des pétroles
- Messieurs Louis-Dreyfus & Cie
- la Manufacture des glaces et produits chimiques de Saint-Gobain, Chauny & Cirey.
Son capital, fixé à 30 millions de francs - se répartissait entre les divers actionnaires, de la manière suivante :

- Gouvernement français (part de l'ONCL)

18.000 actions

soit F 9.000.000

- Messieurs Worms & Cie

13.000 actions

soit F 6.500.000

- Messieurs Desmarais Frères

7.000 actions

soit F 3.500.000

- Messieurs Louis-Dreyfus & Cie

7.000 actions

soit F 3.500.000

- La Compagnie auxiliaire de navigation

5.500 actions

soit F 2.750.000

- La Compagnie navale des pétroles

5.500 actions

soit F 2.750.000

- Saint Gobain, Chauny & Cirey

4.000 actions

soit F 2.000.000


60.000 actions

soit F 30.000.000

Son conseil était ainsi formé :

d'une part, un conseil d'administration composé d'un certain nombre de membres représentant les divers actionnaires,

d'autre part, la participation du gouvernement français étant considérable, de deux commissaires du gouvernement ayant voix d'administrateur et ayant tous pouvoirs de contrôle dans la société.

Président

Monsieur Hypolite Worms

Commissaires du gouvernement

Monsieur Louis Pineau
Directeur de l'ONCL

Chargés du contrôle de la société

Monsieur Henri Zaffreya
Représentant M. le ministre des Finances

Représentants de l'État :
- Marine marchande



- Marine nationale


Monsieur J. Marie
Président délégué de la Compagnie générale transatlantique,

Monsieur le commissaire général Douillars,
Directeur général de l'intendance maritime

Représentants du groupe privé
- - Messieurs Worms & Cie



- Messieurs Desmarais Frères


- Compagnie auxiliaire de navigation


- Compagnie navale des pétroles


- Manufacture des glaces et produits chimiques Saint-Gobain

- Messieurs Louis-Dreyfus & Cie


Monsieur Hypolite Worms
Monsieur Jacques Barnaud
de la Maison Worms & Cie

Monsieur Robert Cayrol
Directeur général

Monsieur Yves Desprez
Administrateur-délégué

Monsieur Roger Gasquet
Administrateur-délégué et directeur général

Baron Pierre Hély-d'Oisel
Président délégué

Monsieur P. Louis-Dreyfus
de la Maison Louis-Dreyfus & Cie

Le programme d'extension de la société, prévu par la lettre de mission du 25 juillet 1938, fut suivi par la suite avec l'achat, le 29 décembre, du "Loosdrecht" futur "Franche-Comté", et le 7 mars 1939 avec celui de l"Henning-Maersk", futur "Saintonge", et enfin le 25 mai avec le "Senator" futur "Touraine". A cette date la société se trouvait avoir absorbé ses possibilités d'achat limitées par l'emprunt obligataire de 200 millions garanti par l'État et émis en janvier 1939.
La flotte totale de la société était alors de :


Tonnage brut

Tonnage net

Port en lourd

"Bourgogne", "Lorraine", "Languedoc", "Roussillon", "Champagne"

48.295.38

29.209.29

29.209.29

"Franche-Comté" ex-"Loosdrecht"

9.313.61

5.591.95

14.860 TM

"Saintonge" ex-"Henning-Maersk"

9.313.61

5.591.95

14.860 TM

"Touraine" ex-""Senator"

7.618.92

4.509.80

10.028 TM


74.541.52

44.902.99

114.050

Entre-temps, l'activité de la société naissante le 19 septembre s'affirmait vigoureusement et rapidement.
Le "Bourgogne" ex-"Hoegh-Ray", livré à Rotterdam le 10 septembre, était au Havre le 13 pour francisation et armement, et après essai et présentation en recettes, commençait le 22 septembre son exploitation commerciale par un transport de fuel oil de Dunkerque sur Toulon.
Il en était de même pour le "Languedoc" le 26 septembre et le "Lorraine" le 27, qui prenaient la mer chacun respectivement du Havre pour Corpus-Christi. Le "Roussillon" devait suivre le 23 octobre sur la même destination, et le "Champagne", livré le 8 novembre au Havre, appareillait de ce port le 10 pour le Pérou (Talara). Le "Franche-Comté", livré au Havre le 5 mars, quittait ce port le lendemain pour Texas-City. Le "Saintonge", le 20 avril, appareillait du Havre pour Corpus-Christi, et le "Touraine", livré à Newcastle le 27 mai, était mis en service au Havre le 6 juin et partait immédiatement en voyage pour prendre un chargement à Constantza.
Au 31 décembre 1938, dix voyages complets avaient déjà été effectués par la flotte de la Société ; 131.550 tonnes de combustibles étaient importées, 93.000 milles avaient été parcourus sans incidents par les cinq premiers navires.
Au 31 décembre 1939, malgré le ralentissement des rotations dû à la guerre, soixante deux voyages complets étaient effectués pendant l'année écoulée par les huit navires de la société ; 823.300 tonnes de combustibles liquides avaient été importées et 476.000 milles marins parcourus.
Entre-temps, l'État français, fin août 1939, décida d'augmenter la flotte pétrolière et chargea la SFTP d'acquérir pour son compte quatre nouveaux pétroliers. Ce programme fut exécuté et, en très peu de temps, quatre nouvelles unités, "Picardie", "Limousin", "Dauphiné" et "Vendée" furent achetées et confiées en gérance à la SFTP.
Des accords particuliers conclus avec la société Courtage & Transports, assurèrent à la SFTP la gérance de deux autres pétroliers "Phénix" et "Capitaine-Damiani".
En 1940, au 1er mai, la flotte propre de la société, composée de huit navires, avait effectué 17 voyages complets, important depuis le début de l'année 226.000 tonnes de combustibles liquides et parcourant 155.300 milles marins.
Depuis lors, la SFTP, comme toutes les sociétés d'armement françaises, se trouve en veilleuse.
La situation de la flotte, à la date du 1er novembre 1940, se présente de la manière suivante :
I. Flotte appartenant à la SFTP
"Roussillon"
A Fédala, depuis le 5 juillet, avec une cargaison de crude qu'il a débarquée en partie ; en instance de départ pour Port-de-Bouc et Berre.
"Bourgogne"
A Fort-de-France depuis le 5 juillet 1940. Vide et disponible.
"Touraine"
A la Nouvelle-Orléans depuis le 6 juillet 1940. Vide.
"Franche-Comté"
Signalé officiellement à Milford-Haven le 20 juillet 1940 ; aucune nouvelle précise depuis cette date.
"Saintonge"
Ce navire est parti, sur ordre de la Marine militaire, de Quiberon, plein, le 18 juin. Il nous a été signalé que le 17 juillet 1940 le gouvernement anglais l'avait réquisitionné à Belfast.
"Lorraine"
A Oran depuis le 26 juin, vide.
"Champagne"
A Oran depuis le 26 juin, vide.
"Languedoc"
A quitté Fort-de-France le 23 juin pour Curaçao, vide. A été saisi par le gouvernement anglais à la Trinité.
II. Flotte appartenant à l'État, gérée par la SFTP
"Dauphiné"
A Alger depuis le 17 septembre 1940, vide.
"Limousin"
A Fort-de-France depuis le 24 juin 1940, vide.
"Picardie"
A Oran depuis le 1er mai 1940.
"Vendée"
Échoué sur la rive sud de la Loire, en face de Saint-Nazaire depuis le 17 juin.
III. Flotte appartenant à la Société Courtage Transport et gérée par la SFTP
"Phénix"
Se trouvait à Istanbul le 9 juin 1940 avec une cargaison d'essence. Aucune nouvelle précise depuis cette date.
"Capitaine-Damiani"
Désarmé à Marseille depuis le 1er août.
D'après ce qui précède, il résulte que trois unités de la flotte sont sous contrôle britannique :
"Languedoc"
Ce navire nous est signalé, et ceci sans confirmation officielle, comme étant le 20 juin, à Fort-de-France et comme ayant appareillé de ce port le 23 juin à destination de Curaçao. À la sortie de Fort-de-France, d'après les renseignements que nous avons, ce pétrolier aurait été saisi par un croiseur britannique et l'équipage aurait été rapatrié à Fort-de-France et serait maintenant en route vers la métropole.
"Saintonge"
Ce navire est parti, sur ordre de la Marine militaire, de Quiberon, plein, le 18 juin. Il nous a été signalé que le 17 juillet 1940 le gouvernement britannique l'avait réquisitionné à Belfast.
"Franche-Comté"
Ce navire est parti de Saint-Nazaire le 17 juin, au soir, a mouillé en petite rade de Saint-Nazaire et a appareillé sur ordre de la Marine militaire, le 18 juin. Il nous a été signalé comme étant en Angleterre, à Milford-Haven le 20 juillet.
Il nous est encore impossible de donner un bilan exact de la situation financière de la société au 31 décembre 1939, l'État français en effet n'a pas encore achevé le travail de mise au point des accords particuliers qu'il doit passer avec les armateurs gérant ses propres navires. Toutefois, grosso modo, la situation financière de la société se présente de la manière suivante au 1er novembre : 

Débiteurs divers (ONCL, M. nale et MM.)    23.000.000

Capital : 30.000.000

Banques :19.000.000

Emprunt obligataire : 200.000.000

Actif naval et de société                            289.000.000

Créanciers divers : 4.000.000

Valeurs incorporelles                                  28.000.000

Fournisseurs : 2.000.000

Valeurs diverses :7.000.000

Créanciers à terme : 88.000.000


Valeurs diverses : 16.000.000


Profits et pertes : 26.000.000
(amortissements à déduire)

366.000.000

366.000.000

8/11/40

[Voir sur le PDF, le tableau des membres du conseil d'administration : nom, fonction, date de nomination, date de démission, remplaçant, décision, ratification.]


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