1940.02.28.Du Bulletin quotidien de la Société d’études et d’informations économiques.Article

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Ports et navigation

- Effets presque immédiats de la guerre : réarmement de l'ensemble du tonnage norvégien qui le 1er septembre 1939 était désarmé à concurrence de 7,4%, et accroissement notable des recettes.
- Initiatives norvégiennes éventuelles dans le Pacifique et entre le Pacifique et l'Afrique occidentale et australe par l'Atlantique.

I. Rappelons que l'armement norvégien - sans parler de l'importance particulière que les péripéties de la guerre donnent à tout ce qui touche les pays du nord - se place au 4ème rang dans le monde, après la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Japon, avec 4.834.000 T sur 68.500.000.
L'étendue des côtes norvégiennes avec leurs innombrables ports petits et moyens, comme aussi le caractère plus ou moins individualiste des entreprises ont multiplié les armements et contribué à faire des Norvégiens les modernes rouliers de mers, abonnés principalement au tramping. (La Norvège n'a pas de colonies et n'a pas 3 millions d'habitants.)
Quel a été le premier effet de la guerre pour cet armement ? Et quelles visées plus ou moins nouvelles semble-t-il se manifester ? C'est ce que nous indiquerons brièvement, d'après différentes notes du Journal of Commerce de janvier-février.
De 1937 à août 1939, l'activité maritime norvégienne allait se ralentissant : alors que, en 1937, il n'y avait pratiquement pas de tonnage norvégien désarmé (4.000 tx), l'année 1938 avait vu le tonnage désarmé passer en moyenne à 154.000 tx (3,3% au total), et durant les 8 premiers mois de 1939, il y avait eu près de 300.000 tx inemployés (6,2%) ; à la date du 1er août les navires norvégiens inoccupés totalisaient 413.000 tx le 1er septembre 1939 (7,4% du total).
Survient la guerre : après un accroissement du tonnage désarmé, en septembre, un choc en retour se produit à partir d'octobre ; la demande se manifeste notamment dans le fait que tous les tankers trouvent emploi ; à la fin de 1939, le tonnage norvégien désarmé était devenu insignifiant.
On sait qu'une des caractéristiques de la flotte marchande norvégienne - caractéristique qui l'a rendue d'emblée intéressante pour les belligérants c'est sa très forte proportion de tankers ; elle en compte environ 300 avec un total de 2 millions de tx bruts.
La guerre vient d'assurer opportunément du fret à cette flotte de tramps et notamment de pétroliers, puisque 150 tankers sont ou seront affrètes par la Grande-Bretagne (et la France) aux termes de l'accord d'affrètement anglo-norvégien du 11 novembre, - alors que sur le tonnage indiqué comme désarmé au cours des trois derniers mois d'avant-guerre (juin, juillet, août) la proportion des tankers en particulier était évaluée à 80% (Journal of Commerce 30 janvier) ; d'autre part, "l'année dernière, précise le même journal (15 février), les arma-leurs norvégiens prirent livraison de 18 tankers à moteurs de 236.850 t. dw., après 19 de 207.000 t. dw. l'année précédente".
Le second résultat immédiat de la guerre, pour l'armement norvégien, c'est un accroissement très substantiel de ses recettes. D'après les premières estimations du. Bureau de statistique, les recettes brutes de fret de la Marine marchande norvégienne ont approché, en 1939, de 1 milliard de couronnes, contre 697 millions en 1936.
Cet accroissement paraît dû uniquement aux 4 et même seulement aux 3 derniers mois de l'exercice : en effet, le total actuellement donné comme afférent aux huit premiers mois est seulement de 450 millions de couronnes ; tandis que les résultats provisoires évaluent de 450 à 550 millions de couronnes les rentrées des quatre derniers mois. On fait observer que, au moment où éclata la guerre, 50% des affrètements en cours étaient "à temps", c'est dire que les navires ainsi affrétés durent continuer leur exploitation aux conditions stipulées avant la guerre.
II n'en reste pas moins acquis que les recettes de 1939 s'établiront notablement au-dessus de celles de 1938 (+ 29% si l'on admet l'évaluation de 900 millions, 43% si l'on admet l'évaluation de 1 milliard de couronnes).

II.- Voilà pour le passé...
Quant à l'avenir, le Journal of Commerce relève comme révélant peut-être de nouvelles visées de la part de l'armement norvégien, les indices suivants :
a) durant une des semaines de janvier, sur 128 arrivées enregistrées à Los Angeles (dont 77 de navires des États-Unis et 51 de navires étrangers), 17 étaient de pavillon norvégien - le pavillon britannique, qui, avant la guerre, arrivait en tête de tous les pavillons étrangers, n'était plus représenté cette semaine-là, que par 9 unités venant prendre des fournitures de guerre, il y avait 13 navires japonais.
D'autre part, on annonça, il y a un an, l'établissement d'un service nouveau entre la côte Pacifique de l'Amérique du Nord et les îles de l'Océanie ; avec 2 navires de 4.100 tx comportant des aménagements pour 12 passagers, l'un de ces navires pouvant même toucher les ports de la côte nord de l'Australie.
b) Ne faudrait-il pas voir aussi un premier essai d'une ligne transatlantique norvégienne reliant la côte Pacifique à l'Afrique occidentale et australe, dans le voyage du motorship norvégien "Felsterbo", qui, peu après l'ouverture des hostilités européennes, quitta Los Angeles pour Cape Town via Dakar, avec un chargement très varié de 8.000 t. de produits de la côte du Pacifique : il s'agirait, si un tel service était crée, de relier la côte Pacifique des États-Unis à toute la côte occidentale d'Afrique du Sénégal au Cap. On ne doit pas oublier que depuis quelques années les navires fruitiers norvégiens sont de-venus de plus en plus les habitués des ports du Pacifique nord. Si les événements avaient suivi leur cours normal, le "Panama Express" et le "Pacific Express" deux motorships réfrigérés d'une vitesse de 19 nœuds construits pour la Fruit Express Line en Scandinavie seraient entrés en service au début de 1940 entre le Pacifique et l'Europe, portant à 6 unités (ayant chacun des aménagements pour 12 passagers) la flotte norvégienne sur ce service, avec escales à Glasgow et à Liverpool.
En somme, on peut prévoir que les armateurs norvégiens continueront à "cultiver" durant les hostilités les zones tranquilles, - tout en exécutant, évidemment, les contrats d'affrètement qui amènent leurs vaisseaux dans la zone de combat. (Au 31 janvier, les Norvégiens figuraient pour 82.000 tx sur les 958.000 tx alliés ou neutres perdus par fait de guerre.)


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