1940.01.21.De Jean Labbé.Amilly.A Hypolite Worms.Londres.Original
Document original
21 janvier 1940
Amilly
Mon cher Hypolite,
Barnaud a eu raison de vous dire que la cérémonie de la signature du nouvel acte de la société Worms s'était passée dans les conditions les meilleures : j'ai eu l'impression très nette d'une confiance complète des commanditaires présents ; comme représentant des commanditaires absents, je ne crois pas avoir témoigné d'une confiance moins grande dans les chefs qui ont su mener la Maison au degré de prospérité et d'autorité qu'elle a atteint ; cela m'ait été d'ailleurs difficile puisque j'avais contribué à la préparation de l'acte soumis à la signature des intéressés et que j'avais pu affirmer à "ces dames" que ses auteurs n'avaient poursuivi qu'un seul but : la reconnaissance des droits légitimes de chacune, avec un grand esprit de justice et une appréciation très large des circonstances.
"Ces dames" l'avaient parfaitement compris et c'est avec joie qu'elles ont apposé leurs noms au bas d'un acte dont je crois que, malgré toutes les explications, elles n'ont compris que le sens général.
L'acte final a été modifié selon les vues de Barnaud qui a trouvé en [...], très attaché à une augmentation proportionnelle de capital, conforme aux droits actuels des associés dans le capital, un appui décisif.
La distribution d'un complément de réserves a entraîné un blocage dont je vous dirai un mot et le sentiment que j'avais lorsque j'aurai le plaisir de vous voir soit à Paris, soit à Londres et qui me paraît ne devoir être a priori que temporaire : c'est là une opinion personnelle que je vous confie actuellement à titre confidentiel.
En tout cas, et encore une fois, la réunion n'a pas eu le caractère que revêt parfois la présence d'associés en une salle où se discutent leurs intérêts.
Michel, charmant, allait de l'une à l'autre et se félicitait, en engageant les auditeurs à l'imiter, de la supériorité de son associé : vous comprenez celui qu'il visait !
Quant à Marie et moi, nous ne pouvions ne pas avoir quelque émotion en songeant que l'acte que nous allions signer, était la première manifestation extérieure de l'entrée de Robert dans la grande maison que son grand-père avait contribué à faire plus grande encore, dans laquelle il vous avait accueilli en souvenir de votre grand-père et dans laquelle, après l'avoir encore augmentée en puissance et, je répète, en autorité, vous avez accueilli Robert en souvenir de M. Goudchaux.
Notre désir est que les qualités d'intelligence et de cur de Robert lui permettent de réussir auprès de vous comme vous avez réussi auprès de son grand-père : il a un "patron" devant lequel tout le monde s'incline (j'en ai eu la preuve la semaine dernière à un déjeuner au Crédit foncier) ; et il n'a qu'à suivre la voie que vous lui tracerez.
Nous voulons vous remercier encore une fois de la décision que vous avez prise à [l'automne] 1937 et qui a été pour nous une grande satisfaction !
Je vieillis et il m'est [...] de voir mes deux fils représenter une troisième génération de travailleurs ; j'ai le sentiment que je peux disparaître sans arrière-pensée et sans inquiétude : vous en êtes l'une des causes : je vous remercie cette fois en mon nom seul, et vous envoie à nouveau, en cette occasion qui m'est donnée de le faire, tous mes sentiments les plus affectueux.
Jean Labbé