1940.00.Note (non daté ni signée).Mémorandum sur Eastern Provinces
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Le PDF est consultable à la fin du texte.NB : Ce document non daté a été classé au 13 mars 1940, date de l'événement le plus récent mentionné dans le texte.
Mémorandum
La raison sociale "Pari-montal" a été changée en "Eastern-Provinces".
Le gouvernement canadien ayant bloqué les 996 actions appartenant à Georges, les a remises a un séquestre canadien - "custodian" -qui est devenu, en quelque sorte, l'administrateur judiciaire et a interdit à Georges l'exercice des fonctions qu'il détenait en vertu de ses pouvoirs et de la possession desdites actions.
Les agissements de Randall, ex-Rosenthal, se sont immédiatement avérés comme allant à l'encontre des désirs exprimés par Georges et des intérêts de la maison ; pendant toute cette période ils se sont aussi révélés comme portant atteinte aux intérêts des actionnaires et dépositaires. Randall jouit d'une certaine considération au Canada, bien que le gouvernement canadien semble avoir été plutôt réservé à son sujet. Il s'est mis à la disposition entière du "custodian", avec lequel il avait pour ainsi dire partie liée, puisque tous deux désiraient faire apparaître que "Eastern-Provinces" possédait réellement ses avoirs déposés aux États-Unis, au lieu d'en être simplement dépositaire pour le compte d'autrui. Si ce point de vue avait prévalu, lesdits avoirs auraient pu être alors rapatriés au Canada suivant les règlements en vigueur, ce qui eût satisfait le Custodian canadien et aurait permis ensuite à Randall la gestion directe de l'actif ainsi constitué. Grâce à la représentation de Georges, aidé de Boyd, auprès de la Trésorerie américaine, ces prétentions ne furent pas reconnues valables et les avoirs aux États-Unis de "Eastern-Provinces" - c'est-à-dire la presque totalité de ce que cette société y possède ou détient - ont été gelés entre les mains des institutions bancaires qui les détenaient - et une quasi-stagnation en a résulté.
Georges est désireux de connaître l'attitude de la maison en ce qui concerne Randall avec lequel toute association future s'est avérée impossible ; peut-il toujours compter sur l'appui total de la maison pour procéder éventuellement, de la façon qu'il jugera la plus efficace, à la liquidation de cette association ?
A la faveur d'un relâchement des mesures de blocage, le plus simple serait probablement d'éteindre l'activité de "Eastern-Provinces" en faisant passer tous ses actifs et dépôts à la "Boston Corporation" - qui a été organisée par Georges - société américaine domiciliée à Boston au capital de $ 25.000 prélevé sur "Paris-Montal" - qui est la société mère. Si toutes les activités canadiennes étaient éteintes, au moins temporairement, et les sociétés dissoutes, Randall se trouverait en dehors du circuit. Cette mesure est également préférable en raison de références bancaires futures, la société "Eastern-Provinces" ayant été trop discutée.
- Politique immédiate
J'ai exposé à Georges le thème suivant : Nous sommes dans la période transitoire entre une économie de guerre et une économie de paix, avec toutes les mesures financières que ces économies comportent. L'économie de guerre réclamait de lui des mesures purement conservatrices - exemple : comptes gelés -, tandis que l'économie de paix doit s'inspirer de mesures dynamiques, permettant l'utilisation pratique des outils forgés. La période de transition doit s'inspirer des possibilités au fur et à mesure qu'elles se présenteront en vue d'arriver à cette fin.
Comme conclusion pratique
1° - Modification de la structure - â la faveur des divers relâchements et facilités accordés par les différents gouvernements.
2° - La plus grande considération et l'aide la plus efficace doivent être apportées à nos amis et clients - et Georges s'emploiera, dans toute la nesure où une démarche pour un cas particulier ne risquera pas de compromettre la situation en général, à leur donner satisfaction. Dans cet ordre d'idées, il est indispensable pour Georges d'avoir un état succint
de la situation financière "clients"; pour simplifier temporairement la chose, il suffirait de faire parvenir à Georges une liste des clients sur lesquels Paris a créance contre leurs avoirs ici. II pourrait ainsi considérer avoir suffisamment de garanties pour honorer des demandes modestes, soit de l'ordre de $ 1.000 à $ 2.000 par mois, soit des sommes globales plus importantes - et il pourrait alors s'entremettre pour demander les autorisations nécessaires aux autorités fiscales américaines et canadiennes.
Georges m'a fait remarquer que les lettres d'introduction délivrées à des amis de la maison se rendant aux États-Unis sont à peu près toutes identiques et toujours extrêmement élogieuses. Il suggère à juste titre l'emploi d'un code très simple qui lui permettrait en lisant ces lettres, qui resteraient ainsi toujours aussi élogieuses en apparence, de pouvoir mieux apprécier la qualité du bénéficiaire et le véritable désir de la maison sur l'accueil qui devrait lui être réservé. J'ai expliqué à Georges la nécessité pour nous, nécessité qui répond à une politique bancaire élémentaire, de toujours donner à nos amis et clients, surtout en ces temps difficiles, la preuve que nous entendons les aider de tout notre pouvoir à résoudre les problèmes qui les confrontent et j'ai insisté sur le point qu'il est très important de ne jamais avoir notre réputation ou notre crédit discutés. Il faut que nous maintenions nos traditions, même si en raison de l'impossibilité d'équilibrer les situations "clients", il devait en résulter une légère perte financière pour nous.
Georges m'a mis au courant de l'existence de "International Engineers", société américaine au capital de $ 15.000 prélevé sur "Eastern-Provinces" ; cette affaire a été organisée en liaison avec Tatarachi ; son activité a cessé pour le moment, mais les résultats de son exploitation à ses débuts furent satisfaisants.
En ce qui concerne plus particulièrement la maison, il me faut rapporter pour Georges une défense détaillée des articles parus dans "Life" et "Foreign affairs" apportés par Darquier, ainsi qu'une défense détaillée de la publication que je rapporte avec moi. (Elaborer plan d'action pour l'avenir).
- Fiscalité
Georges a été appelé à fournir, suivant les réglements édictés aux États-Unis et au Canada, toutes précisions utiles sur les bénéficiaires réels des avoirs et actifs des différentes sociétés. Les gouvernements américain et canadien ont donc les renseignements indispensables dans la plus grande partie des cas et il est possible qu'il soit nécessaire de leur fournir des précisions supplémentaires avant qu'ils n'accordent le déblocage des avoirs non-identifiés. Les hauts fonctionnaires du Trésor américain, y compris Morgenthau, étaient tout particulièrement intéressés par "Eastern-Provinces" et l'ont passé au crible. II n'est pas du tout impossible que, dans ce cas particulier, les renseignements aient été transmis au gouvernement français. Boyd est plutôt enclin à le croire, quoiqu'il ne s'agisse pas là d'une mesure générale.