1937.07.12.De Worms et Cie.Note sur l'histoire de l'armement

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Paris, le 12 juillet 1937

Historique de l'armement Worms & Cie

Le 1er janvier 1882, la Maison Hypolite Worms & Cie, dont la création remontait à l'année 1848, prenait, sous la nouvelle raison sociale Worms, Josse & Cie, la suite des affaires de l'armement havrais F. Mallet & Cie, dans lequel elle possédait déjà, depuis longtemps, des intérêts importants, et continuait à exploiter ses lignes de cabotage national et international.
Au cabotage international, les relations qu'elle assure désormais, sous sa propre direction, comprennent :
- une ligne sur l'Allemagne (Bordeaux-Havre-Hambourg)
- une ligne sur la Belgique (Bordeaux-Anvers)
- une ligne sur l'Espagne (Bordeaux-Pasages)
Au cabotage national, des liaisons régulières sont assurées sur le littoral français de l'Océan et de la Manche, par les lignes :
- Rouen - Bordeaux - Bayonne
- Bordeaux - Nantes
- Bordeaux - Dunkerque.
La flotte comprend 11 vapeurs d'une portée en lourd moyenne d'environ 1.000 tonnes. Certains sont assez âgés, mais tous sont particulièrement adaptés à la nature du trafic qui exige un compartimentage très poussé. Chaque navire ayant 4 cales, chacune d'elles possède des entreponts et le gaillard, la dunette et le château peuvent également recevoir des marchandises et charger en pontée.
Ces caractéristiques de la flotte Worms qu'impose l'allotissement de marchandises diverses destinées à être réparties entre de nombreux ports, seront toujours soigneusement conservées. Les progrès ultérieurement réalisés porteront surtout sur l'augmentation de la portée en lourd, nécessitée par l'accroissement du trafic et le nombre de ports desservis, et aussi sur le perfectionnement des moyens de manutention : agrandissement des panneaux, multiplication des engins de levage, mâts de charge, treuils ou grues... Enfin, sur la puissance des chaudières qui permettra de doter les navires d'une réserve de vitesse, en vue d'assurer en tous temps la régularité des départs.
Dès 1891, la mise en service de "Suzanne-et-Marie", "Séphora-Worms", bientôt suivie de celle de "Emma", de "Thérèse-et-Marie", "Lucie-et-Marie" ; navires filant 12 nœuds, vitesse remarquable à cette époque pour des cargos, répond à ces nouvelles exigences.
En 1905, aux lignes déjà existantes, l'ancienne Maison Worms, Josse & Cie qui, en 1895, est devenue Worms & Cie, ajoute la ligne Dieppe-Grimsby, achetée à la Maison [Leblanc Charlemaine Guian & Cie] (autrefois A. Grandchamp Fils et Cie). Trois navires, déjà anciens, viennent, de ce fait, s'incorporer à la flotte, mais peu après - en 1907 - ils furent remplacés par trois navires neufs, d'une portée en lourd de 900 tonnes et doués d'une bonne vitesse ; ils avaient été spécialement construits pour le transport simultané de lots de charbon et de marchandises diverses, parmi lesquelles figurent généralement des colis lourds.
L'œuvre de rajeunissement de la flotte, si nécessaire en tout temps, peut alors être heureusement poursuivie ; des unités neuves relèvent les unités fatiguées et quatre navires du type "Château", auxquels sont donnés les noms des crus bordelais classés : "Château-Yquem", "Château-Lafite", "Château-Palmer", "Château-Latour", continuent la série des "Listrac", "Pessac", "Fronsac", "Pomerol", "Pontet-Canet", etc.
1914 ! La Maison Worms est en plein essor, avec 18 vapeurs, dont le nombre est porté à 20 trois mois plus tard. C'est alors que va commencer l'hécatombe : "Emma", "Léoville", "Château-Yquem", "Saint-Émilion", "Sauternes", sont frappés et disparaissent tour à tour ; d'autres ensuite. Le nombre des coups reçus et leur violence accusent à la fois l'ampleur du service et l'héroïsme des équipages.
En 1919, 13 navires seulement subsistent, navires fatigués à l'aide desquels la Maison Worms doit reprendre ses lignes régulières ; non seulement elle les relève et les rétablit en compensant les vides par des affrètements, mais elle les étend.
Trois navires, disposés pour le trafic des bois, sont achetés et vont assurer, sans plus tarder, un service créé sur la Baltique. Plus tard, ils vont être complétés par deux unités d'un plus gros tonnage, commandées aux Ateliers et Chantiers de la Seine maritime, Le Trait, et comportant des aménagements confortables pour 10 passagers. Leur vitesse aux essais atteint 12 nœuds. Quatre autres vapeurs plus petits, construits aux mêmes Chantiers Worms, sont encore mis en service.
Sa flotte ainsi reconstituée, la Maison Worms peut dès lors, par ses seuls moyens, assurer outre l'exploitation de ses anciennes lignes, celle de la Baltique plus récente dont il vient d'être parlé, puis de deux nouvelles dont l'intérêt s'était fait sentir :
- la ligne d'Écosse reliant Leith, Grangemouth, Middlesbrough, Dunkerque et Rouen ;
- la ligne du canal de Bristol, reliant Le Havre, Caen avec Bristol, Swansea, Newport, qui avait été créée pendant la guerre.
L'extension des services conduit à développer le réseau des succursales. A l'étranger notamment, Hambourg, Dantzig, Rotterdam, Anvers, Gand, deviennent le siège de bureaux importants, de même que Prague et Varsovie, où MM. Worms & Cie s'installent, non seulement pour défendre leurs propres Intérêts mais aussi ceux de l'armement français qui ne peut choisir de représentants plus autorisés.
En 1934, 25 navires tournent régulièrement en desservant les lignes suivantes :
Cabotage international
- Baltique - Dantzig - Koenigsberg - Riga - Reval - Leningrad au départ de Bordeaux et du Havre
- Écosse - Leith - Grangemouth - Middlesbrough au départ de Rouen et de Dunkerque
- Canal de Bristol - Bristol - Newport - Swansea au départ du Havre
- Dieppe - Grimsby
- Bordeaux - La Pallice - Le Havre - Dunkerque - Hambourg - Brême
- Le Havre - Anvers - Rotterdam
- Bordeaux - Anvers
Cabotage national
- Bordeaux - Le Havre - Rouen
- Dunkerque - Le Havre - Bordeaux - La Pallice
- Le Havre - Boulogne - Nantes - Brest
- Dunkerque - Brest
- Dunkerque - Boulogne - Le Havre - Douarnenez - Concarneau - Lorient - Bordeaux
- Bordeaux - Nantes - Caen
L'évolution technique s'accompagne d'une évolution commerciale.
Aux liquides en fûts, aux marchandises en caisses, en sacs ou en balles (cafés, sucres, cotons) sont venues s'ajouter, en proportion élevée, les marchandises pondéreuses : ciments, chaux, plâtres, fers, colis lourds, que nécessitent les besoins de la reconstruction des régions dévastées.
En outre, le trafic de transbordement, en provenance ou à destination d'outre-mer, se fait plus important.
C'est l'apogée des transports maritimes.
En 1930, cinq navires neufs viennent infuser un sang plus vif à la flotte Worms, mais tout de suite commence l'ère des difficultés.
Politique douanière, contingentements, licences d'importation, puis la crise générale des affaires qui en est la conséquence ou le prétexte, pèsent lourdement sur les échanges intérieurs et extérieurs.
Sur la Baltique, notamment, le nombre des navires affectés à la ligne est réduit de 7 à 4. Ces difficultés ne cessent d'aller en croissant. La concurrence se fait plus vive, surtout au cabotage national, du fait du développement des transports par route et de la politique suivie par les chemins de fer (prix spéciaux, contrats d'exclusivité, etc.).
Des charges, chaque jour accrues, grèvent l'armement français. Dans les ports, les arrêts de travail se multiplient. Le rendement devient de plus en plus réduit. La loi de 40 heures mise en application dans les ports, et étendue au personnel navigant, a pour effet de réduire encore davantage l'activité. Les séjours dans les ports sont doublés. Les dépenses d'exploitation deviennent de plus en plus élevées.
A titre d'exemple, les charges diverses attachées aux salaires et à la nourriture des bords sont à l'heure actuelle en augmentation de 95% par rapport à celles de 1935.
Le coût des réparations s'est accru de 50% et leur durée dans la même proportion.
Les dépenses de combustible, ont le coefficient : 2,3.
II n'est pas jusqu'à l'augmentation considérable des frais de manutention - qui dans certains ports atteignent près de 40% - dont l'incidence ne se fasse sentir sur les recettes lorsque les cotations sont faites de quai à quai. Ce qui est pris par la manutention est, dans ce cas, enlevé au fret.
Toutes ces raisons font que l'exploitation de services réguliers au cabotage est rendue aujourd'hui très aléatoire et la Maison Worms, comme tous les armements de cette catégorie, voit l'avenir de son exploitation dépendre presque uniquement des décisions administratives en cours d'élaboration.


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