1933.09.23.D'Hypolite Worms.Le Trait.Discours.Lancement du navire Président Théodore Tissier

Note

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Monsieur le ministre, Mesdames, Messieurs,
Certes, les circonstances ne semblent point propices à l'organisation, dans ces chantiers, si sévèrement frappés par la crise, d'une telle réunion.
J'ai estimé cependant qu'un chef d'entreprise responsable de l'avenir immédiat d'un personnel nombreux, ne devait point s'abandonner à un pessimisme prématuré.
Qu'il valait mieux - aussi et quand même - entourer de quelque lustre la naissance d'un navire qui fera, je l'espère, grand honneur au pavillon.
Qu'il convenait enfin de saisir cette occasion pour examiner avec des personnalités exceptionnellement compétentes les espoirs qui nous restent et les moyens de les réaliser.
Nos amis m'ont compris et c'est pourquoi je les remercie très sincèrement - mais très simplement - d'avoir répondu à notre appel.
Très simplement, et je les prie de m'excuser de ne point rendre à chacun l'hommage individuel auquel lui donneraient droit, soit de longs et éminents services rendus à la chose publique, soit une attentive sollicitude pour nos ouvriers.
Dans les circonstances que nous traversons, vous trouverez bien que toutes nos pensées convergent vers le chef, vers le ministre dont la tâche est si lourde et en qui, cependant, nous avons mis nos espoirs. Je ne ferai que la seule exception que m'impose l'agréable devoir d'honorer, comme il le mérite, le parrain de l'unité qui, tout à l'heure, va être mise à l'eau.
Monsieur le ministre, vous savez quelles inquiétudes assaillent aujourd'hui tous ceux qui, à un titre quelconque, vivent de la Marine marchande et c'est pourquoi vous avez compris que la réunion de ce jour ne pouvait être qu'une occasion d'étudier ensemble les possibilités d'améliorer, sans retard, l'avenir.
Vous ne serez point étonné de m'entendre vous dire l'intérêt extrême avec lequel nous avons suivi tous vos gestes depuis que vous avez pris possession de ce département ministériel, d'une importance primordiale pour la nation. Mais, je ne dois pas vous cacher que cet intérêt s'est vite mué en une sympathie et une confiance qui s'accroissent chaque jour. Vous avez fait preuve d'un tel esprit de décision, d'une telle sûreté de jugement, d'une telle compréhension et d'un tel intérêt pour les gens de mer, que vous les avez conquis d'emblée.
Aussi, la ville du Trait est toute fière de vous accueillir et nous vous disons très respectueusement notre grande reconnaissance d'être venu à nous.
De hautes compétences vous diront, Messieurs, ce que représentent, au point de vue du prestige national, la conception technique et la réalisation pratique de ce bâtiment de recherches océanographiques que l'étranger nous envie déjà. Mais j'ai le devoir, particulièrement agréable, d'adresser nos hommages à la très gracieuse marraine, Madame Frot, et aussi de dire - à l'instant où va être lancé le navire qui porte son nom - les sentiments de respect et de gratitude que nous avons tous pour Monsieur le président Théodore Tissier, dont la carrière, toute de labeur, de probité et de dévouement a été consacrée au bien public.
Auditeur au Conseil d'État le 1er janvier 1891, vous vous êtes, en effet, élevé successivement, aux divers degrés de la hiérarchie du corps jusque et y compris celui de vice-président, le plus haut de toute l'organisation des services publics. Et tout en poursuivant cette brillante carrière, vous trouvez le temps de devenir le collaborateur précieux de nombreux ministres, en particulier d'Aristide Briand ; en 1921-1922, vous siégez personnellement au gouvernement comme sous-secrétaire d'État à la présidence du Conseil.
Mais, en ce jour, ce sont surtout les services si éminents que vous avez rendus à l'Office des pêches que je voudrais souligner.
Dès sa création, en 1919, vous voulez bien en accepter la présidence du conseil d'administration ; et c'est de cette date qu'il bénéficie de votre haute et active compétence. Aussi, sous votre impulsion et après des premiers pas un peu hésitants, l'Office se développe-t-il régulièrement dans toutes ses branches d'activité et on peut dire que s'est réellement sous votre protection efficace que savants et techniciens peuvent travailler en paix, avec une tranquillité garantie par une sage administration.
C'est aussi grâce à votre heureuse influence que notre pays se trouve représenté dans les grands conseils internationaux qui s'occupent des choses de pêche, de la mer et de l'océanographie.
En 1920, vous êtes vice-président du Conseil international pour l'exploration de la mer, et dès lors, vous voici en collaboration efficace avec son distingué président, Monsieur Henry Maurice, Secretary of Fisheries of Great Britain, qui a bien voulu honorer cette réunion de sa présence. Je sais être en parfaite communion d'idées avec vous, Monsieur le président, et avec vous tous, Messieurs, en disant à Monsieur Henry Maurice toute la joie que nous avons à le saluer ici ; non seulement en sa qualité de président du Conseil international mais aussi et surtout comme représentant de la grande nation britannique à laquelle souvenirs, intérêts et sympathie nous unissent à jamais.
En 1919, la France se fait représenter à la Commission de la Méditerranée, et c'est encore au président Théodore Tissier qu'échoit la direction de sa délégation :
II y prend tout de suite une place prépondérante.
Enfin, c'est grâce à votre intervention, Monsieur le président, que notre pays entre dans le Conseil international des pêcheries de l'Amérique du Nord.
Liaison féconde avec l'autre côté de l'Atlantique, qui permet, dans l'ordre pratique, d'obtenir et de classer des renseignements précieux sur les conditions de la grande pêche à Terre-Neuve et au Groenland.
Les puissances étrangères ont compris l'intérêt pris par notre pays aux recherches océanographiques puisqu'il se faisait représenter dans les grands conseils internationaux par le plus haut fonctionnaire de l'État français.
Voici, Messieurs, trop sommairement exposées, les raisons pour lesquelles nous avons à nous réjouir du lancement du navire de recherches océanographiques "Président-Théodore-Tissier".
Mais, hélas ! toute médaille a son revers et je ne puis vous cacher l'inquiétude profonde que j'éprouve à considérer la situation actuelle de la construction navale française.
Ces sentiments, vous les éprouverez tout à l'heure à parcourir nos cales dont l'aliment se réduit en ce moment à un sous-marin de 600 tonnes et à un petit cargo que nous nous sommes décidés à construire pour notre propre compte, non point par nécessité mais tout simplement pour retarder de quelques semaines une échéance fatale pour une partie importante de notre personnel.
II serait dangereux de se dissimuler la gravité des causes de cette crise :
- réduction, pour des raisons budgétaires, des programmes de la Marine militaire et concentration de ses efforts sur quelques unités importantes, mais trop peu nombreuses pour alimenter tous ses constructeurs habituels ;
- marasme de l'armement libre et de l'armement à la pêche ;
- difficultés rencontrées par les compagnies subventionnées sur le champ d'exploitation international ;
- enfin, compression de tous les programmes de travaux publics et de tous les programmes coloniaux.
Nous assistons donc, à de très rares exceptions près, à un véritable évanouissement de la clientèle. Et si à l'occasion d'autres cérémonies, je pouvais encore demander, à vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, soit par l'amélioration continue du fonctionnement du crédit maritime, soit par la création de ces allocations compensatrices dont il faudra bien reparler quelque jour, le moyen de retenir en France des commandes qui partaient volontiers à l'étranger, aujourd'hui nous constatons que les commandes ne vont pas plus aux pays voisins qu'à nous-mêmes.
Devant cette absence quasi-absolue des demandes, la conclusion qui s'impose est qu'il faut, pour sauver la construction navale, sauver d'abord et avant tout l'armement français.
C'est ainsi que se pose instantanément la question de l'aide directe de l'État à l'armement libre et vous me permettrez de m'y attarder quelques instants : c'est d'ailleurs assez naturel puisque si je vous reçois aujourd'hui en qualité de constructeur, je ne puis oublier que la Maison Worms & Cie, dont j'ai l'honneur d'être le chef, est aussi armateur, exploitant depuis plus de 80 ans des services réguliers entre la France et le nord de l'Espagne, les Iles britanniques et les pays de l'Europe septentrionale, jusque et y compris la Russie.
C'est également la Maison Worms qui, avec quelques amis, a créé la Société d'exploitation de la compagnie havraise péninsulaire de navigation à vapeur, pour sauver le seul lien français régulier qui unisse la France du nord et du ponant avec Madagascar.
Je me permets donc de souligner qu'à défaut des réserves qu'il n'a pu constituer, l'armement libre aura besoin d'une perspective de crédit, mais avant tout, il lui faudra exploiter ses navires sans pertes.
Or, si la crise qu'il subit était à l'origine normale, puisque résultant de la diminution générale des échanges, elle a été singulièrement aggravée - et c'est sa caractéristique - par les mesures économiques - ou anti-économiques - prises de toutes parts, en tous pays d'ailleurs, pour protéger les productions et les transformations nationales. A chaque création ou augmentation d'un droit de douane, à chaque nouveau contingentement - puisqu'il faut arriver à prononcer ce mot aussi barbare que la chose qu'il désigne - correspondent de nouveaux désarmements, de nouveaux chômages.
C'est ainsi que nos ports ne sont plus assez vastes pour servir de cimetières à nos navires ; qu'il a fallu utiliser des rades - comme celle de Brest - pour loger tous ces "morts" qui ne demandent cependant qu'à revivre.
N'est-il pas juste que l'armement, à qui les remèdes administrés aux autres font tant de mal, soit à son tour l'objet de quelque soin et de quelque sollicitude ? Ce sera à l'honneur du président de la Commission de la marine marchande, l'honorable Monsieur Tasso, d'avoir compris qu'il ne fallait plus différer et qu'il convenait - par humanité d'abord, pour les marins chômeurs, par équité ensuite, de demander précisément à ceux qui profitent des mesures de protection, l'aide dont ceux qui en souffrent ont besoin. Aussi, ne pouvons-nous que nous réjouir de la volonté - exprimée - du gouvernement, de procéder à la rentrée du Parlement à une mise au point de la proposition de loi déposée au cours de la dernière session. Je sais qu'à tous les degrés, ceux qui peinent pour la Marine peuvent compter sur la bienveillance vigilante et avisée de leur ministre.
J'aurais mauvaise grâce à insister et, au surplus, je laisserai l'ensemble de l'armement exposer ses vues et exprimer ses désirs sur cette importante question.
Par contre, j'estimerais manquer à mon devoir si, oubliant la confiance que m'a témoignée le petit armement, en me nommant président de la section du cabotage du Comité central des armateurs de France, je ne mettais en garde les pouvoirs publics contre la tentation de l'exclure - ce petit armement - du bénéfice de cette loi d'assistance que vous préparez, Monsieur le ministre, et ce, sous le prétexte qu'il jouit déjà du privilège du pavillon.
Aussi, me permettrais-je, Messieurs, de souligner rapidement les motifs qui devraient lui mériter le même traitement que le reste de l'armement.
Ils sont d'ordre matériel et d'ordre moral.
Matériel : on est tenté de croire que le privilège du pavillon a pour conséquence d'éviter la concurrence. En réalité, si l'armement étranger est bien, en effet, hors de cause, je prends à témoin Monsieur Théodore Tissier, qui préside avec tant d'autorité le Comité consultatif des chemins de fer, que caboteur et borneur ont tout de même un concurrent puissant, qui s'appelle "le rail". Il offre, sur les navires, des avantages de vitesse, de fréquence et de sécurité. Et c'est pourquoi, pour vivre à côté de lui, le bateau doit se contenter d'un tarif de 30% inférieur au sien.
Mais alors qu'une ligne au long-cours peut s'entendre avec la ou les concurrentes étrangères, le caboteur ne peut espérer aucun accord avec les réseaux puisque aussi bien, leur politique n'est point la leur, mais celle du gouvernement.
Et si celui-ci, pour des raisons d'ordre élevé, d'intérêt général, abaisse ses tarifs ou ne les élève pas au niveau qu'imposerait la contre-partie économique de l'exploitation, l'armateur du petit navire est obligé de les suivre avec la marge que j'ai indiquée.
Mais alors que le déficit du chemin de fer est comblé par les contribuables, l'armateur en question, qui compte d'ailleurs parmi eux, n'a que la ressource de désarmer... ou de se ruiner.
Il y a plus et si, par un prodige d'efforts, la voie maritime est choisie par le client, alors apparaît la demande d'homologation du prix ferme - demande plus ferme d'ailleurs que le prix - et si toutes avaient été accueillies le dernier caboteur aurait transporté sa dernière tonne depuis belle lurette !
Quoi qu'il en soit, ce serait une grave erreur que de croire que la petite industrie des transports maritimes n'a pas de concurrents parce que sa navigation est réservée.
D'autre part, le bornage et le cabotage national sont intimement liés au cabotage international et au long-cours ; la fortune des premiers dépend en grande partie de celle des seconds et réciproquement. En fait, qu'on demande au grand armement s'il verrait, de gaîté de cœur, disparaître le petit navire qui lui sert de collecteur et de distributeur dans les ports, des marchandises apportées par les grands, par ses longs-courriers !
Qu'on demande aussi à nos chambres de commerce maritimes et à nos ports autonomes - n'est-ce pas Messieurs les présidents que je vois ici avec tant de plaisir ? - si les recettes provenant des droits de quai et des taxes de péage resteraient suffisantes pour entretenir et renouveler le matériel idoine à tenter le pavillon étranger, au cas où disparaîtraient caboteurs et borneurs. Aussi paradoxal que cela puisse paraître "a priori", ces fourmis de la mer sont parmi les premières qui donnent vie et recettes au port, du travail aux dockers, qui utilisent intensément les engins de manutention et les mètres courants de quai. Sans elles, ce serait vite le déclin du port, au détriment de tous, en particulier des longs-courriers... et du rail d'ailleurs.
D'ordre moral : ne serait-il pas piquant, en effet, d'abandonner à leur sort cette pléiade de petits bateaux à voiles, à vapeur, à moteur, dont les propriétaires sont souvent les capitaines ;
- de laisser disparaître cette pépinière de vrais marins qui fournit presque exclusivement le gabier et le timonier de la Marine militaire ;
- de vouer au chômage des navigateurs particulièrement intéressants puisque, mariés et pères de familles en plus grand nombre que dans toutes autres catégories d'armement ?
Je m'excuse de cette longue digression, mais j'ai la conviction que j'accomplis un devoir impérieux en soutenant la cause de toutes ces petites entreprises, qui ne méritent point d'être traitées autrement que les plus grandes.
Quoi qu'il en soit, l'aide à l'armement reste, logiquement, le premier remède à la misère des chantiers.
II est insuffisant car il faudra encore à l'armateur les moyens de financer les constructions neuves, en tenant compte des progrès de la technique, des exigences de la clientèle qui se traduisent par une augmentation de prix, qu'il s'agisse de paquebots, de navires de charge, de bateaux de pêche côtiers ou hauturiers.
Sans doute, il y a le crédit maritime et je ne saurais trop exprimer notre reconnaissance aux hauts fonctionnaires qui ont préparé, et aux parlementaires qui ont voté le renouvellement de cette loi.
Mais je me demande - ne pouvant en quelques minutes que procéder par de rapides suggestions - si le temps n'est pas passé d'un crédit maritime individuel et fragmentaire, et si le terrain n'est pas libre pour une application collective du crédit maritime, intimement liée a une politique de démolition des vieilles unités, telle qu'on la voit s'amorcer utilement dans maints pays étrangers.
Un rajeunissement conjugué de l'ensemble de nos flottes éliminant les formalités multiples et compliquées qu'exige l'application du crédit maritime individuel - les armateurs à la pêche si gênés par ces formalités ne me contrediront pas - semble donc ne pas devoir être exclu d'une politique d'ensemble de la Marine marchande française et nous avons peut-être là l'occasion, aidés et soutenus par l'État, de faire plus vite et mieux que l'étranger.
Permettez-moi d'indiquer un autre remède.
Vous venez, Monsieur le ministre, de procéder au redressement du premier armement français ; la Compagnie générale transatlantique va pouvoir regarder l'avenir en face.
Aux 10-12 ou 15 unités dont elle aura besoin dans les années qui vont suivre se joindront celles qui seront nécessaires à l'ensemble des armements soutenus par l'État.
Ne serait-il pas opportun, dans les événements tragiques que nous vivons, d'allonger la période de réalisation du programme qui va s'imposer, en lui donnant comme origine aujourd'hui même ?
Les travaux seraient menés lentement mais, commencés maintenant, ils donneraient cependant le travail immédiat dont nos ouvriers et nous-mêmes avons besoin.
Dans un autre ordre d'idées, ne pourrait-on prospecter méthodiquement de grands marchés, tels que la Russie et l'Amérique du Sud : nous y avons des atouts considérables.
N'est-il pas naturel de demander au pays qui fournit le mazout de nos escadres, de troquer une partie de ce tonnage considérable de combustible contre des navires français ?
N'est-il pas encore plus naturel d'exiger que les puissances auxquelles la France consent des crédits, n'utilisent plus notre argent pour passer commande de bateaux... à d'autres ?
Enfin, je formulerai un vœu.
Les chantiers français reçoivent des commandes de cinq ministères différents : Air, Colonies, Marine marchande, Marine militaire, Travaux publics. Or, aucune liaison ne semble exister au sujet de ces commandes, dont nous avons fréquemment à déplorer l'inégalité de répartition territoriale. S'il y avait un organe centralisateur, l'administration pourrait infiniment mieux se rendre compte, ne fût-ce que par le simple recours à la statistique, de la manière dont les commandes sont attribuées et elle pourrait corriger certaines erreurs ; elle constaterait, en particulier, que le département de la Seine-inférieure n'a certainement pas eu, à cet égard, au cours des dernières années, la part qui devait normalement lui revenir.
Elle pourrait également, par une meilleure répartition des commandes dans le temps, ce qui est possible par une habile prévision des besoins, nous mettre à l'abri de ces à-coups d'effectifs d'autant plus préjudiciables qu'ils touchent à de multiples corporations d'ouvriers.
Après ce rapide examen des débouchés possibles et sans plus m'y attarder, il me reste à souhaiter que les pouvoirs publics considèrent le problème avec la célérité qu'il réclame. Sans trop s'attarder à l'examen de remèdes dont on parle souvent, qu'il s'agisse de la diminution des chantiers ou de leur spécialisation.
Les chantiers peuvent être trop nombreux un jour ; il n'y en a pas assez le lendemain, même du point de vue de la défense nationale.
La rationalisation ne saurait être non plus la panacée qui ramène le prix de notre construction au niveau de celui de nos voisins.
Et quand l'opinion publique se montre si disposée à nous imputer à faute l'élévation de nos prix de revient, pourquoi ne voit-elle pas que les vrais motifs en sont ceux-là mêmes qui ont déterminé l'élévation des droits de douane en faveur de la majorité des autres industries ou même qui justifient un cours du blé français supérieur à celui du blé étranger.
Voici, Monsieur le ministre, les quelques idées que je tenais à vous présenter, certain d'avance que votre souci de l'intérêt général vous entraînera vers des solutions neuves et salutaires.
Enfin, et pour en terminer par une note plus personnelle, c'est par un appel de tout mon cœur en faveur de nos chers ouvriers du Trait que j'achèverai. Ceux-ci sont certainement en dehors de la mêlée et ne peuvent avoir qu'une influence lointaine sur le choc des idées et des doctrines. Or, ils sont à l'heure actuelle menacés d'un cruel chômage et une lourde inquiétude règne dans nombre de familles. Pourtant, ces familles ont eu confiance en nous, elles sont venues dès 1917 en union intime avec nous édifier une ville nouvelle qu'elles embellissent chaque jour par leur travail, par leur goût et par leur persévérante application ; beaucoup d'entre elles ont même, en appliquant la loi Loucheur, fait construire leurs propres maisons, où elles espèrent faire prospérer leurs familles et vieillir dans un labeur honnête ; or, à tout prix, nous devons éviter à tous ces travailleurs les lourdes désillusions entraînées par le chômage et l'exode vers l'inconnu que représenterait fatalement pour eux une baisse trop sensible de nos effectifs. Combien le cœur nous serre déjà douloureusement lorsque certains samedis, nous devons établir une liste des débauches de personnel et que, par un petit trait de crayon auquel nous contraignent de si pénibles circonstances, nous savons que sur certains foyers vont s'abattre les déceptions et le découragement. Notre population ne demande pas l'aumône, mais du travail; elle veut, par tous ses moyens, de toutes ses forces, travailler au bien du pays et à la grandeur de la Marine marchande.
Ai-je besoin de prendre à témoin celui qui, représentant le gouvernement de la République dans ce département, se dépense sans compter pour améliorer une situation que son esprit avisé a su comprendre.
Ai-je besoin aussi de prendre à témoin l'honorable Monsieur Marie, député de notre circonscription, dont le dévouement pour les travailleurs et pour ceux qui souffrent est trop connu de tous pour que j'éprouve le besoin d'en faire l'éloge ici.
Je suis convaincu que tous les deux s'associent à notre population quand, se tournant vers son grand protecteur naturel, vers son ministre - dans lequel elle a confiance, elle lui dit aujourd'hui par ma voix : Nous comptons sur vous !
 

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