1916.02.12.De Worms et Cie Bayonne
Worms & Cie
Armateurs
Charbons anglais - cokes & fontes - anthracites - briquettes
Lignes de vapeurs entre Bayonne, Bordeaux, Nantes, Rouen, Paris, Le Havre, et vice versa
Bayonne, 8, allées Boufflers, le 12 février 1916
Messieurs Worms & Cie - Paris
Messieurs,
Nous vous confirmons notre lettre d'hier.
Nous avons reçu ce matin votre lettre du 8, qui a subi ainsi un retard de 3 jours dans sa transmission. Elle porte le timbre de Paris 8 et celui de Bayonne 12.
Comme nous avions toutes sortes de raisons pour le penser, les prix que le Préfet s'est fait donner par Lysberg Limited pour jeter de la poudre aux yeux ne sont qu'une mystification. Un revendeur de charbons de Biarritz, qui s'approvisionne chez Lysberg comme chez nous, est allé ce matin demander quelle suite on pouvait donner aux offres d'anthracites à 83 francs annoncées par le préfet et le maire de Biarritz. On lui a avoué que ces prix n'étaient pas applicables, qu'il s'agissait, non pas d'anthracite tel que celui qu'il paye actuellement 120 F chez Lysberg, comme chez nous, mais d'anthracite contenant du poussier et livrable seulement au Boucau quand il y aurait un arrivage. Quant à l'arrivage lui-même il n'en était pas question. Là-dessus, on lui a communiqué les prix qu'on continuait à appliquer pour les livraisons courantes, et ces prix sont les mêmes que par le passé ; c'est-à-dire 120 F pour le gros anthracite ; 140 pour l'anthracite calibré, 95 pour le charbon d'Écosse, etc.
Il est évident que les marchands de charbons, qu'il s'agisse des importateurs ou des revendeurs détaillants, que ces manoeuvres administratives gênent dans leurs transactions et mettent en posture désagréable vis-à-vis du public, ont une tâche difficile s'ils veulent protester. Les journaux à la dévotion des administrations locales invoqueront avant tout l'intérêt apparent du consommateur.
L'administration supérieure cependant pourrait faire comprendre à des préfets comme le nôtre qu'il est peut-être tout aussi dangereux d'agiter l'opinion mal à propos, en lui faisant croire des choses irréalisables, que de laisser les commerçants profiter d'une situation à laquelle ils ne peuvent remédier.
Ces Messieurs du monde préfectoral essayent de payer d'audace en publiant aujourd'hui dans "La Gazette de Biarritz", organe du sénateur-maire Forsans, le procès-verbal du préfet qui, comme vous le savez, est incomplet, inexact et tendancieux. Mais il ne souffle mot de la fameuse note.
Agréez, Messieurs, nos sincères salutations.
[Pierre Le Roy]