1914.08.20.De Worms et Cie Paris.Note
20 août 1914
Entretien du 19 août avec l'amiral Moreau et M. Cantagrel au ministère de la Marine.
Comme suite à notre précédente conversation l'amiral me dit qu'il désire faciliter par tous les moyens possibles la reprise de toutes les relations et opérations commerciales, il me demande les indications sur les points qui nous intéressent.
Je lui explique qu'au Havre nous n'avons été jusqu'ici que faiblement réquisitionnés et nous ne croyons pas qu'il y ait de dangers de ce côté-la ; à Bordeaux nous avons été réquisitionnés non seulement de notre Cardiff, mais encore d'une partie de notre Écosse et à l'heure qu'il est nous venons d'être invités par la CGT à constituer de forts approvisionnements de Cardiff pour elle et également pour S.A. que son fournisseur anglais ne semble pas pouvoir approvisionner.
A Marseille on nous a pris tout notre Cardiff et comme le sait l'amiral à la suite de notre entretien de dimanche nous sommes obligés de faire des expéditions dans ce port pour permettre à la Compagnie des Messageries de reprendre ses services, il y a donc lieu de nous mettre à l'abri de toute réquisition soit de la Marine, soit de la Guerre ; de plus la Compagnie P & O qui est notre cliente nous demande pour reprendre son service d'y trouver du charbon, il est probable qu'elle va nous demander d'y envoyer des cargaisons pour elle, pouvons-nous espérer qu'on ne mettra pas la main sur ces cargaisons.
A Alger on nous a pris les 4.000 tonnes du stock permanent prévu par notre contrat plus 8.000 tonnes réquisitionnées, en tout 12.000 tonnes, mais pour ce qui pouvait nous rester il est interdit de rien livrer à d'autres que des vapeurs faisant un service pour compte de l'État, par conséquent le mouvement commercial du port d'Alger est arrêté ; là aussi la CGT nous a invités à expédier immédiatement des cargaisons de charbon en vue de ses besoins, mais pour le faire il faut que nous soyons assurés que ces chargements ne seront pas réquisitionnés.
Nous parlons incidemment de Port-Saïd en disant que nous nous efforçons d'y tenir notre dépôt bien approvisionné pour les navires de notre clientèle française, anglaise, néerlandaise et japonaise.
L'amiral promet de communiquer immédiatement avec Bordeaux, Marseille et Alger, et ce matin quand nous téléphonons à M. Cantagrel il nous annonce qu'en effet nos dépêches ont été expédiées, il nous dit à Marseille et à Alger dans le sens que l'amiral nous avait indiqué hier en exprimant de la part du gouvernement le désir que toute facilité soit donnée au commerce pour que les opérations commerciales puissent reprendre.
De notre côté nous communiquons à M. Cantagrel une dépêche expédiée hier matin par nos agents de Londres et nous portant l'autorisation de la P & O de faire pour elle une expédition à Marseille pourvu que nous garantissions que cette expédition ne sera pas réquisitionnée par notre gouvernement , nous ajoutons qu'à la suite de notre conversation avec l'amiral Moreau hier soir nous n'hésitons pas et nous allons faire cette expédition sans doute de Newcastle où on a en ce moment des facilités plus grandes qu'à Cardiff.
Dans notre entretien d'hier nous avons parlé à l'amiral Moreau de la question des règlements, en lui expliquant que nous ne pouvons avec tous nos clients marcher qu'à la condition d'être assurés de paiements immédiats car nous avons nous-mêmes à payer comme d'habitude nos charbons en Angleterre et les frets aux armateurs et nos moyens ne nous permettent pas de faire des crédits indéfinis à ceux auxquels nous livrons nos charbons ; nous lui parlons des Chargeurs réunis, de la CGT et en particulier des Messageries.
Ces Messieurs nous ont parlé du contrat de la Guerre avec la Société commerciale, c'est M. Gorsch qui s'occupe de l'exécution, il semble que la SC a déjà acheté 250.000 tonnes de charbon pour la Guerre, mais il n'y aurait encore qu'environ 35.000 tonnes de livrées et expédiées, nous expliquons comment nous avons été amenés à ne pas renouveler un contrat du même genre que nous avons eu pendant nombre d'années avec la Guerre par l'entremise de M. Aguillon.