1859.12.02.A Léon Talabot - Mines de la Grand Combe.Paris
Origine : Collection de lettres reçues n°140 - du 15 novembre 1859 au 5 décembre 1859
Paris, le 2 décembre 1859
Monsieur Léon Talabot
Président du Conseil d'administration de la Société de la Grand Combe
Paris
J'ai eu l'honneur de m'entretenir verbalement avec M. V. Roux, agent commercial de la Société de la Grand Combe, des moyens d'ouvrir de nouveaux débouchés aux houilles de la Compagnie par voie d'exportation, et je viens vous résumer ici succinctement le résultat de nos conversations.
M. Roux, par les détails dans lesquels il a bien voulu entrer sur l'agencement de l'exploitation et la nécessité absolue d'écouler chaque jour le résultat du travail quotidien, m'a fait comprendre l'impossibilité de mettre à ma disposition des charbons selon les occasions irrégulières que je pourrais trouver d'affréter des navires à voiles. La Compagnie, d'après M. Roux, ne pourrait s'engager qu'à me fournir suivant une demande régulière et précisée à l'avance.
Nous avons donc dû nous reporter à l'examen du transport de charbons par steamers affectés spécialement à un service régulier. Mais, si ce mode de transport nous offrait les avantages requis de régularité, la question de prix nous a aussitôt arrêtés.
Le fret par voiliers peut se rencontrer souvent à des prix de 5 à 8 F la tonne, de Marseille aux ports d'Espagne ou d'Italie. Mais, pour ces mêmes parcours, le prix nécessaire pour un steamer s'élèverait de suite à 18 ou 20 F, et, dans ces conditions, les charbons de la Grand Combe ne pourraient plus soutenir la concurrence des charbons anglais sur les marchés d'Espagne ou d'Italie.
J'ai dû faire remarquer à M. Roux que deux causes principales concourent à cette élévation de prix qui rend impossible l'écoulement de vos charbons à l'exportation.
La Compagnie a besoin, me dit M. Roux, de 6 jours pour mettre à bord d'un steamer 500 à 550 tonnes charbon. Ce travail s'accomplit en Angleterre en 1 jour ½ ou 2 jours. Ce retard seul, du fait de l'embarquement, augmente de F 2 ou 2,50 le prix du fret.
En outre, la Compagnie veut vendre pour l'exportation et par faveur son charbon à F 27 à Marseille, frais de mise à bord à la charge de l'acheteur, soit F 28, je suppose environ. Cette prétention rend l'exportation impossible, il faut renoncer à ce mode d'écoulement.
Si, au contraire, la Compagnie trouve avantage, comme je le crois, à augmenter ses débouchés, elle doit baisser largement son prix de vente, dût-elle même, dans les débuts, ne trouver aucun bénéfice sur ces affaires d'exportation.
J'ai soumis à M. Roux ces idées qui sont pour moi une conviction, mais je n'avais pas à les faire prévaloir ni à les discuter. Il me suffit de les exposer ici de nouveau.
Dans une dernière entrevue, M. Roux m'a cependant demandé d'examiner de plus près la question de transport par steamers sur Alicante et de préciser un chiffre pour le prix de ce transport.
Pour satisfaire à cette demande, mais sans prendre aucun engagement, je crois pouvoir vous assurer ici que, réduisant à 3 au lieu de 6 le nombre de jours pour l'embarquement, allouant 3 jours au débarquement à Alicante, on pourrait arriver à transporter régulièrement une tonne de charbon, de Marseille à Alicante, pour un prix de fret de F 16,50.
Or, les charbons anglais arrivent en ce moment et, depuis un an, à ma connaissance personnelle, à Alicante au prix de F 33 à F 34 les 1.015 kilogrammes.
Le transport de Marseille par hélice à Alicante ne laisserait donc aux charbons de la Grand Combe qu'un prix de vente à Marseille, de F 17 à F 18 les 1.000 kilogrammes au lieu de F 27.
Veuillez...