1848.12.23.A Arthur Pring.Newcastle

Origine : Copie de lettres à la presse n°4 - du 28 juin 1848 au 26 janvier 1849
(volume manquant dans les archives) -

Paris, le 23 décembre 1848
Monsieur Arthur Pring à Bla... Point
Newcastle-on-Tyne


[NB : L'adresse de Arthur Pring à Newcastle est précisée dans sa lettre du 20 décembre 1848 : il est établi au n°13 de Blackett Street.]


Je vous confirme ma lettre d'hier qui vous remettait 90 Livres, et je réponds aux deux vôtres des 19 & 20 courant.
Première. Elle n'a pas besoin de réplique.
Deuxième. Il est bien que vous ayez fait l'achat du navire de charbon Blyth à 18 ? Schilling 6d le chalderon, bien que ce prix soit un peu élevé malgré qu'on vous ait fait l'escompte de 2 1/2 % en payant comptant.
II sera bien que vous puissiez obtenir le fret de ce navire à 9 £ par keel en payant à 60 jours, et pour l'escompte de 1 % comptant sans chapeau, et en obtenant un jour par keel de déchargement. Il me semble qu'en ce moment où le temps est beau et certain, vous devez faire à ces conditions.
Sans doute qu'en vous envoyant me représenter à Newcastle, je l'ai fait précisément pour éviter les confusions qui existent en France sur les courtiers, les propriétaires de mines ou les revendeurs de charbon afin de pouvoir frapper directement à la porte des producteurs et traiter avec eux en passant par-dessus tous les intermédiaires. Votre mission a donc pour premier but de bien vous édifier sur cette distinction. Une fois ce premier point éclairé, il vous faudra aviser à des relations sur le programme qui suit.
Mon intention est de donner un grand développement au commerce de charbons pour la France. Mais comme il faut un commencement à tout, je porte mon attention, d'abord, sur les vallées de la Seine inférieure où se fait une forte consommation de charbons, et ces vallées, je veux les desservir au moyen du chemin de fer de Dieppe à Rouen concurremment avec la rivière la Seine et même par l'un et l'autre moyens, suivant que les frets seront plus favorables. Je ne vous entretiens donc, quant à présent, que des affaires à contracter pour le département de la Seine inférieure.
C'est à Rouen, point culminant dudit département que viennent se vendre, concurremment, et les charbons anglais et les charbons belges. Les premiers, plus appréciés comme qualité se vendent plus cher, les deuxièmes, quoique de bonne qualité, sont réputés inférieurs comme calorique aux charbons anglais, mais aussi se vendent bien moins cher, et d'ailleurs, les propriétaires des mines belges perdent sciemment quant il s'agit d'une fourniture importante pour l'enlever aux marchands de charbons anglais.
Si donc, effaçant tout intermédiaire, opérant au comptant, un ou plusieurs propriétaires de mines de Newcastle ou Sunderland voulaient comprendre, qu'avec mon aide et en limitant leurs prix de vente aux dernières extrémités du possible, je pourrais battre les charbons belges au moyen des charbons anglais, ils pourraient être assurés d'une consommation énorme dans ce seul département. Voilà comme principe, voila ce sur quoi vous aurez à travailler, et pour cela, je le répète encore, il faut vous adresser directement aux propriétaires des exploitations de charbon. Voyez donc M. John Carr & Johnson ou tout autre s'il y a lieu.
Maintenant, à quoi servirait devant l'idée assez large que je viens de vous exposer, d'aller proposer de prendre un tonnage de quelques milliers de tonnes, qui ne serait rien pour ces Messieurs, qui ne les engagerait pas à faire un fort rabais sur leurs prix de vente ordinaire, quand, si je n'étais mis à même d'opérer avec ampleur, le tonnage serait lourd pour moi ? Non, il me faut une affaire d'exception, voulant moi-même la traiter en France exceptionnellement. Voyez donc de me faire seconder.
Les Charbons : Carr Hartley, N... Hartley, Felling Main, Walkes Walls End, Walkes Primrose, sont tous connus dans la Seine inférieure. Seulement, le Carr Hartley est préféré pour les machines fixes ; le Blyth est préféré pour les chaudières à ébullition, le Sunderland marche de pair avec le Blyth pour le même objet. Le Walkes Walls End se consomme concurremment avec le Lambton, pour le foyer domestique et même pour les chaudières à ébullition. Inutile de parler des charbons à gaz ou à coke qui sont du tout venant, mais seraient bons pour la forge. Toutefois qu'ils seraient expédiés, non en grattons ou petits morceaux comme on l'expédie, mais bien plus menu. Il faudrait qu'ils fussent tamisés fin comme le sont les charbons de St Etienne, c'est-à-dire en poudre.
Sous la forme que je viens de vous indiquer, c'est-à-dire pour des opérations importantes, pour battre surtout les charbons belges et pour satisfaire aux caprices de chacun en fournissant les diverses qualités qui seraient demandées, informez-vous des derniers derniers prix auxquels je pourrais obtenir et faites les moi connaître au plus tôt, car je suis sur la voie d'importantes commandes.
D'un autre coté, informez-vous, très particulièrement, du cours du fret pour Dieppe ainsi que pour Rouen pendant les diverses saisons, afin de faire ressortir, dans toutes les saisons la différence du fret entre ces deux points. Ainsi, [pour que l'opération soit meilleure par Dieppe que par Rouen], il faut une différence de 5 à... par keel. Conséquemment, quand le fret par exemple est de 15 ... Rouen, il ne doit être que de 9 à 10 £ p. Dieppe. S'il descend à Rouen, il doit descendre dans cette proportion pour Dieppe. En sorte que ce qui arrive souvent quand le fret est à 11 ou 12 £ p. Rouen, il faut que Dieppe soit entre 5 à 7. Vous aurez donc à établir un relevé annuel des frets pour voir si cette différence s'équilibre bien et à me faire connaître les espérances de fret pour l'avenir. Si j'expédiais souvent, aurais-je meilleur
marché que quelqu'un qui expédierait moins souvent ? Si je frétais pour une saison, pourrais-je espérer d'avoir meilleur marché que si je frétais au moment même de mes besoins ? etc. etc.
J'arrive au point le plus délicat, à la mesure. Tout ou presque tout, est là dedans, car, obtiendriez-vous d'excellentes conditions d'achat, d'excellentes conditions de fret, que ces avantages seraient mangés et au-delà du moment où vous seriez mal mesuré. Il est certain que maints marchands de charbon français ne spéculent et ne tirent leurs bénéfices que sur le bien mesuré au départ des mines. Et en effet : la bonne mesure n'est rien comme valeur à la mine, elle n'est rien comme valeur pour le capitaine, elle passe inaperçue à la douane et cependant, alors que le charbon est introduit en France, cet excédent a une valeur réelle contre laquelle il me serait impossible de lutter si je ne l'obtenais comme eux. Il faudra donc aviser et très sérieusement obtenir le bon mesurage ; je vous le recommande encore pour le navire que vous venez d'acheter.

[Sur une note volante attachée à cette lettre, il est mentionné : « D'autres instructions plus détaillées ont été envoyées à M. Pring peu de jours après les présentes, mais elles sont illisibles sur le copie de lettres. »]

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