1949.02.12.De Robert Labbé.Aux Forges et Chantiers de la Méditerranée.Discours
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Le PDF est consultable à la fin du texte.12 février 1949
Lancement du "Château-Petrus"
Cette cérémonie, en tous points réussie, et par l'heureux lancement de "Château-Petrus" et par la cordialité de l'accueil que vos Chantiers ont bien voulu réserver à ses armateurs, fait de cette journée un moment particulièrement agréable et me procure une détente dont je m'en voudrais de ne pas vous marquer ma reconnaissance.
Celle-ci va tout naturellement à nos hôtes et très particulièrement au directeur général des Forges & Chantiers de la Méditerranée, M. Chevalier, à M. Fayolet, directeur des Chantiers et Ateliers de Graville, ainsi qu'à ses collaborateurs.
Ma reconnaissance va également à tous ceux, ingénieurs et ouvriers, grâce à qui une nouvelle unité vient d'enrichir la Marine marchande française.
Nous tous qui sommes ici, avons pu admirer l'élégance des lignes d'un navire qui n'est certes qu'un modeste cargo, mais dont la réussite s'ajoutera à toutes celles dont peut s'enorgueillir votre société.
"Château-Petrus" n'est d'ailleurs que la suite d'une lignée déjà longue puisqu'il occupe le 4ème rang dans la liste des navires que mon armement a reçu des Chantiers de Graville.
Vous me permettrez d'évoquer ici leur souvenir.
"Léoville", "Listrac", "Pessac", sont les devanciers de "Château-Petrus". Ils nous sont chers.
D'abord, parce qu'à l'époque où vous les avez construits, ils ont marqué une magnifique réussite technique, et vous me permettrez de rappeler, à cette occasion, les noms de deux de vos collaborateurs, que vous n'avez certes pas oubliés : M. Bernard et M. Sigaudy, votre directeur général. La valeur de leur conception se vérifie encore aujourd'hui sur notre "Pessac" qui, plus heureux que ses deux sister-ships, a réussi à franchir avec bonheur les deux épreuves de la guerre de 1914 et de celle de 1939 et, après plus de 40 ans d'âge, nous fournit encore de bons et loyaux services. Ils nous sont chers enfin, parce que leur pavillon a porté haut et clair l'honneur national. "Léoville" a été coulé le 18 janvier 1916. Notre premier "Listrac" a subi les épreuves de la deuxième guerre de 1939 et, transformé en patrouilleur auxiliaire, a été coulé pavillon haut, en Manche, en août 1940. Leurs noms ont survécu à leur tâche et celui de "Léoville" brille encore sur la poupe d'une de nos unités plus récentes, construite en 1922. L'année dernière, un nouveau navire héritait du nom de "Listrac".
Ainsi se perpétuent les traditions et je suis heureux d'y associer le nom de vos Chantiers.
Vous êtes ici sur un territoire et dans une région qui me sont égaleront chers puisque c'est là que ma Maison a pris ses jeunes forces et qu'elle a acquis, plus tard, son centre de gravité.
Mon armement est du Havre, la presque totalité de ses navires y est francisée, et c'est là que nous avons constitué, après les grandes dévastations de la dernière guerre, nos dépôts et nos approvisionnements.
Je crois bien que notre nom a été un des premiers à s'élever dans le ciel de la reconstruction du port havrais. Je veux parler de nos propres ateliers de réparations.
Je n'en oublie pas pour autant vos origines méridionales. Et pourquoi me défendrais-je sur ce point d'un certain fatalisme ?
Vous êtes de Méditerranée. Vous lancez sur la Manche. Nous sommes du Nord et notre pavillon flotte sur la mer bleue. Et c'est ainsi que "Château-Petrus", suivant en cela une de nos plus anciennes traditions, peut bien porter le nom d'un crû bordelais prestigieux ; il est promis, lui aussi, aux navigations ensoleillées.
"Château-Petrus", que ce nom me permette de rendre hommage à un vin fameux, le Pomerol, et hommage également à sa propriétaire, qui a bien voulu honorer par sa présence la naissance de ce fils un peu particulier ; nous dirons un fils spirituel, encore que très matériellement vous ayez pu goûter de son essence, très généreusement distribuée au cours de ce banquet.
N'est-ce pas le moment pour moi de raccourcir une trop longue digression et de lever mon verre : un verre de "Château-Petrus", à la carrière du dernier-né, qui portera fièrement, je l'espère, à travers les mers, le renom des vins de France et notre pavillon national, et de porter en même temps la santé à vos Chantiers, à leur prospérité et à celle de tous ceux qui m'entourent. Vive "Château-Petrus" et vive notre Marine marchande.