1949.00.Des (Renseignements généraux).Rapport sur la Maison Worms

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NB : Ce document sans date ni émetteur ni destinataire est classé après le 13 mai 1949, date du rapport des Renseignements généraux, après lequel il est rangé. L'indication chronologique la plus récente se rapporte au prochain retour de Jacques Barnaud dans la gérance de la société, lequel sera effectif en décembre 1949

De l'enquête à laquelle il a été procédé, il résulte ce qui suit :
La Maison Worms a été fondée en 1848 par M. Hypolite Worms. Il créa un commerce d'exportation de charbons anglais et eut une brillante réussite. Il s'intéressa aussi aux transports maritimes. Son ascension fut continuelle et se poursuivit avec ses successeurs. L'affaire est devenue énorme, connue mondialement. Son honorabilité et son crédit n'a jamais été discuté.
La Maison Worms est une société en nom collectif (Worms et Cie) avec un nombre restreint de commanditaires, unis par des liens de famille (voir au besoin archives financières PJ et Rts généraux).
A côté des activités dans l'armement, cabotage national et international, manutention, transit, consignation, etc., et dans le commerce des charbons de tous pays, cette firme s'est livrée à partir de 1914-1918 à d'autres entreprises très importantes.
En 1917, elle créa les Ateliers et Chantiers de la Seine maritime au Trait (Seine inférieure) pour des constructions navales. Elle y occupe 1.500 ouvriers.
Vers 1930, elle s'est intéressée à la Compagnie havraise péninsulaire, alors en mauvaise posture financière. Elle en a pris la direction en 1931, créant la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire qui joua un rôle important entre la France et Madagascar.
C'est M. Hypolite Worms, actuel chef de la Maison, qui préside le conseil de cette société.
En 1938, la Maison Worms, en accord avec le gouvernement de notre pays, créa la Société française des transports pétroliers et acheta plusieurs pétroliers nécessaires à la marine française, à la grande surprise et au mécontentement des sociétés déjà existantes.
En 1929 la Banque Worms fut créée. A ce moment M. Jacques Barnaud, ancien collaborateur de M. Loucheur et directeur adjoint du mouvement général des fonds, devint troisième associé-gérant, le second étant M. Michel Goudchaux, fils de Henri Goudchaux, qui avait succédé au fondateur de la maison.
Le directeur général de la Banque fut M. Gabriel Le Roy Ladurie, qui avait exercé avec autorité une grande activité bancaire, notamment en Pologne.
Il donna à la banque un grand essor.
Automatiquement, le développement des activités de la maison Worms reçut une nouvelle impulsion. Elle prit des participations dans des affaires importantes. Certaines passèrent sous son contrôle total comme Japy, ou partiel comme Puzenat, Marret Bonnin (métaux précieux), Société chimique des Terres Rares, etc.
Pendant la guerre (39-40), M. Worms dirigea à Londres la mission française des transports maritimes et fut l'auteur des "accords Worms" qui mirent à la disposition des Anglais, après l'armistice, les contrats signés par la France.
M. Jacques Barnaud fut mobilisé au ministère de l'Armement.
De 1940 à 1944 l'activité économique de la maison fut normale. La succursale de Port-Saïd était au service des Anglais.
A Paris, malgré la démission de M. Michel Goudchaux, israélite, la maison Worms fut contrôlée par un Allemand, M. Beines von Ziegesar, qui avait reçu des consignes sévères qu'il n'appliqua qu'avec une certaine modération.
L'entrée de J. Barnaud dans le gouvernement de Vichy et l'activité politique de Le Roy Ladurie donneront l'occasion, tant aux gaullistes qu'aux vychissois, de souligner le rôle politique de la maison Worms, et ceci pour des raisons diamétralement opposées.
Un rapport précédent a souligné que M. Worms ne s'était jamais occupé de politique. D'autre part, M. J. Barnaud semblait ne jouer aucun rôle dans la maison Worms pendant qu'il était à Vichy.
Quant à M. Le Roy Ladurie, ses convictions personnelles n'étaient, semble-t-il, partagées par aucun des dirigeants de la maison.
Ces faits ont été l'objet d'enquêtes précédentes et aucune indication sérieuse n'a pu être retenue contre les dirigeants de la société.
La maison Worms a des liaisons internationales du côté anglais. Le fondateur a créé des succursales à Newcastle, Cardiff, etc., sur le canal de Suez. Le chef de la maison a épousé une anglaise. Sa fille est mariée à un diplomate britannique (M. Clive).
Cependant Worms n'aurait jamais eu de participation réelle dans les affaires anglaises.
Pendant l'occupation la maison Worms passait aux yeux de certains pour inspirer Ia synarchie qui régnait à Vichy.
C'est évidemment l'activité de M. Le Roy Ladurie qui créait cette ambiance.  Ce dernier avait, avant 1939, soutenu Doriot, La Rocque. Il connaissait le président Paul Reynaud et un grand nombre de personnalités de tous les milieux.
Quand le gouvernement de Vichy fut constitué, Le Roy Ladurie se trouva avoir de nombreux amis parmi les milieux dirigeants.
M. Pucheu avait dirigé les Établissements Japy et M. Barnaud avait été associé chez Worms.
Mais, contrairement aux bruits mis en circulation ni Lehideux, ni Bichelonne, ni Benoist-Méchin, ni Caziot, ni Bouthillier, ni Baudouin, ni Belin ne semblent avoir appartenu à l'équipe Worms, ni de près ni de loin.
M. Gabriel Le Roy Ladurie avait le contrôle des rapports avec les Allemands, mais leurs relations étaient tendues et il était aussi en relations avec Frédéric Joliot-Curie et avec des émissaires alliés. Il fut finalement arrêté par la Gestapo.
A la libération, Hypolite Worms, Le Roy Ladurie et J. Barnaud furent arrêtés, puis leurs dossiers furent classés, les deux premiers en 1945, le troisième en 1949.
Le Roy Ladurie, engagé dans l'Armée, fut blessé et mourut en 1946.
De nombreuses investigations relatives aux agissements du groupe Worms n'ont rien établi contre ce dernier.
A la place de M. Goudchaux, démissionnaire, et de M. Worms arrêté, deux nouveaux associés furent nommés :
M. Robert Labbé, ex-inspecteur des finances, neveu de Michel Goudchaux et M. Raymond Meynial, qui était directeur adjoint de la Banque.
On a pu savoir que les principales activités de la maison depuis 1945 ont été les suivantes :
- reconstruction de la flotte Worms
- reconstruction de la flotte NCHP et SFTP
- reconstruction des Chantiers du Trait détruits
- développement des activités bancaires à Paris, dans les succursales de Marseille, Alger, Casablanca, etc.
A noter que la Banque industrielle d'Afrique du Nord a pour directeur, depuis 48, M. Lucien Guérin, ex-directeur adjoint de la Banque Worms.
Constitution de groupes financiers pour le rachat du Comptoir Lyon-Alemand, etc. etc.
La Banque Worms semble être la banque d'affaires la plus active de France et on la représente comme participant à la plupart des affaires importantes qui se créent.
D'après des renseignements récents, il semble que M. J. Barnaud reprendra prochainement sa place d'associé chez Worms. Cette décision semble consécutive au classement de son affaire devant la Haute Cour de justice.
La maison Worms comprendrait donc pour la diriger quatre personnes : MM. Hypolite Worms, Robert Labbé, Raymond Meynial, Jacques Barnaud.
La politique ne semble guère intéresser la direction de cette grande affaire.
Aucun des trois associés actuels ne semble avoir jamais manifesté la moindre activité dans ce domaine.
Les membres de la direction de la maison Worms sont tous inconnus aux sommiers judiciaires et ont maintes fois été cités dans les rapports des sections financières. Ils sont honorablement connus.


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