1948.12.00.De Roger Mennevée.Les Documents de l'AIII.Article
Publication externe
Les Documents de l'Agence indépendante d'informations internationales - Décembre 1948
La Banque Worms - Histoire générale (suite)
(voir nos fascicules de janvier, février, mars, mai, juin et août)
Documents annexes aux chapitres déjà publiés
Comment nous avons établi la généalogie de la famille Worms
On nous a demandé de vouloir bien indiquer comment nous avons reconstitué les origines de la famille Worms et pu remonter aux Worms établis à Sarrelouis dès 1682.
II n'est certes pas facile de faire des recherches d'état civil concernant les Israélites à des dates antérieures à 1808, époque à laquelle l'empereur Napoléon imposa aux Juifs de choisir un nom définitif, et encore moins à 1791 avant que les actes d'état civil cessassent d'être rédigés par les curés de paroisse et passassent entre les mains des officiers d'état civil, puisque, avant 1791, les Juifs n'avaient, en fait, pas d'état-civil.
C'est pourquoi nous nous sommes heurtés, à certains moments, à des "murs" que, fort heureusement, divers recoupements nous ont permis de contourner.
M. Hypolite Worms - 2ème du nom - chef en 1939 de la maison Worms et Cie - était né à Paris (3°) le 26 mai 1889, fils de M. Lucien Worms, et de Mme Virginie Adèle Houcke, son épouse.
M. Lucien Worms de son côté, était né à Paris le 3 mars 1839, et était fils de M. Hyppolite Worms - 1er du nom - fondateur de la maison Worms et de Mme Séphora Goudchaux, sa femme.
Nos recherches devaient donc partir de ce premier Hyppolite Worms.
D'après l'acte modificatif de la société Hippolyte Worms et Cie, établi à la suite de sa mort et dont l'insertion partielle fut faite au Journal général d'annonces du 28 mars 1878, M. Worms Hyppolite - 1er du nom - décédé à Paris le 8 juillet 1877, âgé de 74 ans, était né à Metz (Moselle).
Des recherches effectuées à l'état civil de la ville de Metz aux environs de 1803 (1877-74-1803) permirent de constater d'une part qu'il était né exactement le 16 Brumaire an X (8 novembre 1801), d'autre part, qu'il était fils de M. Lyon Hayem Worms et de Gela Lévy, son épouse, et enfin que ces derniers avaient eu déjà précédemment trois autres enfants : Olry Worms, né le 31 juillet 1793, Gothon, née le 20 Fructidor an III, et Abraham (plus tard Adolphe) né le 19 Messidor an VII (7 juillet 1799).
Mais, déjà là les difficultés commencèrent à se présenter : malgré toutes nos recherches, soit à Metz, soit ailleurs, nous n'avons pu trouver aucun document, aucun acte direct, par exemple l'acte de décès de ce Lyon Hayem Worms nous permettant de connaître ses ascendants. Nous savons qu'il est décédé en juillet 1839, âgé de 67 ans, mais sans indication de lieu du décès.
Nous entendons bien qu'il nous était loisible de nous adresser à la famille Worms pour lui demander simplement le lieu du décès du bisaïeul de M. Worms, en admettant qu'elle le connût, mais ce sont là des méthodes dont nous usons peu, voulant conserver notre entière liberté d'appréciation, ce qui peut éventuellement être difficile quand les intéressés eux-mêmes ont communiqué aimablement les renseignements qu'on leur a demandés.
II nous fallait donc bien trouver une autre solution.
Au cours de nos recherches antérieures, nous avions trouvé dans Ies Archives israélites de septembre 1843, la notice nécrologique suivante :
« On lit dans l'Indépendant de la Moselle :
"Metz vient de perdre un de ses concitoyens les plus honorables : M. Adolphe Worms, banquier, président du consistoire israélite de cette circonscription, a succombé le 13 de ce mois, à l'âge de 44 ans, laissant une épouse et deux enfants chéris dans un deuil profond, et des regrets amers à tous ceux qui savaient apprécier la bonté de son caractère et de sa haute probité.
M. Worms, après avoir fait de bonnes études au lycée de Metz, était allé à Paris pour se former aux opérations de banque chez son oncle, M. Worms de Romilly ; de retour à Metz, il remplaça son vieux père dans la société "Schwabe et Worms" ; après la mort de son respectable associé, il resta seul chargé du poids des affaires, et la notabilité commerciale de cette ville sait avec quelle intégrité il soutint la réputation de l'ancienne raison sociale... »
Arrêtons ici la citation : elle nous fournit au moins des éléments que nous cherchons.
M. Adolphe Worms fit ses études de banque à Paris, chez son oncle M. Worms de Romilly d'où il ressort que M. Lyon Worms, père de M. Adolphe Worms, était le frère de M. Worms de Romilly.
De telle sorte que si nous trouvions les ascendants de ce dernier, nous renouerions la chaîne interrompue.
Malheureusement, et bien que M. Worms de Romilly ait été une haute personnalité administrative de Paris - il fut, comme nous l'avons dit, nommé adjoint au maire du 5ème arrondissement en 1801 et il occupa ce poste jusqu'en 1814 - dans aucun des dossiers existants soit aux Archives nationales, soit dans les collections particulières que nous avons consultées, il n'existe de document d'état civil fixant d'une façon précise la filiation de M. Worms de Romilly et si la déclaration faite par celui-ci, conformément au décret du 20 juillet 1803, porte bien qu'il est né à Sarrelouis, le 18 septembre 1759, sous les nom et prénoms de Worms Olry Hayem, et qu'il entend porter dorénavant ceux de Olry Worms de Romilly, il n'y est donné aucune indication de filiation puisque, par une omission particulièrement étrange, le décret de juillet 1803 n'imposait pas cette indication.
La connaissance de la date de naissance de M. Olry Hayem Worms ne nous apportait, par ailleurs, aucune possibilité de lumière puisque ni les archives de Sarrelouis, ni celles de Metz - généralité à laquelle Sarrelouis était rattachée sous l'ancien régime - ne possède d'état civil des Israélites antérieur à 1791.
Par contre, des documents émanant d'autres dossiers de la période révolutionnaire, concernant M. Olry Hayem Worms - alias Worms de Romilly - nous apprennent, à l'occasion de marchés de fournitures militaires, que celui-ci était associé à son père M. Hayem Worms, qui devint membre du conseil général de la commune de Sarre-Libre (ex-Sarrelouis) où il était négociant.
L'acte de décès reconstitué après 1871, de M. Worms de Romilly ne portait pas non plus d'indication de filiation (M. Worms de Romilly était mort le 7 mai 1849 à Paris (V).
Mais la déclaration de sa succession nous a apporté, par contre, une précision fort intéressante : par les légataires du de cujus figuraient deux de ses frères : MM. Alphonse et Siméon Worms, et sa soeur Mme Worms-Baruch.
Or, dans un tableau des différentes familles Worms établies à Sarrelouis aux environs de 1808, on trouve que Madame Worms-Baruch, née Nina Worms, aux environs de 1768 à Sarrelouis, était fille de Hayem Worms, commerçant, né lui-même à Sarrelouis aux environs de 1722, ce qui coïncide avec la filiation de M. Olry Hayem Worms (alias Worms de Romilly) connue plus haut ; lequel Hayem Worms serait mort à Sarrelouis le 26 décembre 1812 après au moins deux mariages, le premier avec Melle Cathiche Abraham, et le second avec Melle Éva (alias Agathe) Schwab.
Ce Hayem Worms serait donc à la fois le père de M. Worms de Romilly et de M. Lyon Worms. II serait de son côté fils d'un Olry Worms et de Melle Gothon N, ce dernier Olry Worms étant l'Olry Worms, boucher à Sarrelouis, dont parlait l'ordonnance de l'intendant de Metz en date du 9 juin 1737.
Bien entendu cet exposé n'est qu'un résumé des recherches que nous avons dû faire puisque, comme nous l'avons signalé en annexe à l'introduction, nous avons consulté en outre les archives d'état civil de Nancy, Rouen, Pau, Lunéville, Paris, Bordeaux, Seine et Seine et Oise, etc.
II. Monsieur Lucien Worms
M. Lucien Worms, fils de M. Hypolite Worms (1er du nom) était décédé au Vésinet le 22 juillet 1914 (voir extrait de son acte de décès clans notre n° de mai), laissant comme héritiers :
1°) Sa veuve, née Virginie Adèle Houcke,
2°) un fils, M. Hypolite Worms (2ème du nom),
3°) trois filles : Melle Suzanne Renée Marguerite Worms, mariée à M. Paul René Leroy, Melle Marie Virginie Lucienne Worms, mariée à M. Marcel Razsovich, et Melle Marie Lucy Worms, mariée à M. Hervé Henry André Errington-Josse.
Or, au moment de la liquidation des intérêts de feu M. Lucien Worms dans la maison Worms et Cie, on peut constater que Melle Marie Lucy Worms ne recevait qu'une part de 59.800 francs au lieu des 177.000 F accordés aux trois autres enfants de M. Lucien Worms et que cette différence s'étendait de même sur la portion de la nue propriété de la part laissée en usufruit à Mme Lucien Worms, Mme Errington-Josse ne bénéficiant que d'un montant de 32.500 F contre 96.000 F à chacun de ses frère et soeurs.
Les actes d'état civil donnent la clef de cette anomalie.
Ils précisent, en effet, que si Melle Marie Lucy Worms était la fille aînée de M. Lucien Worms, elle était née avant le mariage de son père dont elle était enfant naturelle ainsi qu'en témoigne l'extrait de naissance suivant :
« Paris (8ème arrondissement)
Acte de naissance du 15 janvier 1872
Worms Marie Lucie, née 8, rue de Vienne, fille de Lucien Worms, négociant, né à Paris le 3 mars 1839, domicilié 5, rue Scribe et de Marie Malvina Sans, 27 ans, née à Foix (Ariège), artiste dramatique, domiciliée à Paris 8, rue de Vienne. »[1]
Mademoiselle Marie Lucy Worms épousa, à une date que nous ignorons, M. Hervé Henry André Errington-Josse, neveu et filleul, de M. Hervé Henry André Josse, associé de M. Hyppolite Worms (1er du nom) dans la société Hyp. Worms et Cie, de 1874, origine de la maison actuelle.
Devenue veuve pendant la première guerre mondiale, Madame Marie Lucie Worms décédait à son tour, le 6 mars 1919 à Neuilly-sur-Seine comme le confirme l'extrait suivant :
« Neuilly-sur-Seine, 6 mars 1919
Worms Marie Lucie, décédée 18, rue Saint-Pierre à Neuilly, demeurant 2, Villa Niel, rentière, née à Paris, le 15 janvier 1872, fille de Lucien et de Marie Sans décédée, veuve de Hervé Henry André Errington-Josse. »
Ses intérêts dans la maison Worms et Cie furent rachetés par acte du 24 décembre 1920 par M. Hypolite Worms (2ème du nom).
Le 10 octobre 1878, M. Lucien Worms épousa, en Angleterre, Mademoiselle Virginie Adèle Houcke, née le 23 novembre 1854 à Paris, fille de M. Jean Léonard Houcke, écuyer, et de Mme Adèle René, son épouse, domiciliés alors 30, rue de Ménilmontant à Paris.
Le père de Mademoiselle Houcke était considéré comme une importante personnalité du monde des spectacles hippiques ; sous le nom de Léonard, il avait été, précédemment, directeur des deux Cirques de Paris, avant les Franconi.
Voici l'extrait d'acte de mariage de M. Lucien Worms avec MeIle Houcke :
« Certificat d'acte de mariage célébré au bureau de l'état civil dans le district de Marylebone, dans le comté de Middles, n°148, le dix octobre mil huit cent soixante dix huit. M. Lucien Worms, âgé de trente-neuf ans, célibataire, marchand de charbons, demeurant n°11, Charlotte Street, fils de feu Hippolyte Worms, négociant en charbons, et Virginie Adèle Houcke, âgée de vingt-trois ans, célibataire, demeurant Grosvenor, Hôtel Buckingham Palace Road, fille de feu Jean Léonard-Houcke, négociant, ont été unis en mariage au bureau de l'état-civil par licence devant moi Franck Stockes, greffier de l'état-civil. Mme Houcke, mère de l'épouse assistait au mariage. »
L'acte de mariage a été transcrit sur les registres d'état-civil du 3ème arrondissement de Paris le 23 juin 1880 sur la requête de M. Lucien Worms, marchand de charbons, demeurant à Paris, 36, avenue Friedland, et de Mademoiselle Virginie Adèle Houcke, sans profession, même adresse, rentrés en France le 15 avril 1880.
La famille Houcke a continué à appartenir aux meilleurs milieux des spectacles hippiques. Un de ses frères était, en 1888, directeur de l'Hippodrome de Paris.
M. Hugues Le Roux a donné, dans son livre "Les Jeux du Cirque et la Vie Foraine" (Paris 1889 in 4°) (p. 19) un intéressant dessin portrait en couleurs de ce dernier, et s'est exprimé à son égard en ces termes (p. 148) :
« Un type ce Houcke, un vrai fils de la balle. Il a eu de par le monde cinq ou six frères directeurs de manèges. Son père, sous le nom de Léonard a été jadis directeur des Deux Cirques, avant les Franconi. Lui-même a tenu la chambrière de M. Loyal (le fouet du présentateur) en Russie, en Allemagne, en Scandinavie. C'est vous dire si l'hérédité n'est pas un vain mot, qu'il doit posséder dans un haut degré le génie professionnel. »
De son côté, M. A. Dalsème, dans son petit ouvrage : "Le Cirque à pied et à cheval" (Paris 1838 in 16) porte sur M. Houcke une appréciation non moins flatteuse.
Parlant de l'Hippodrome, il écrivait (p. 253) :
« L'Hippodrome de la rue de l'Aima jouit à l'égard du décor d'un incontestable privilège. Ce n'est plus ici la bonbonnière musquée des Bouffes-Oller. C'est le stade ample, grandiose, avec son ellipse à perte de vue, ses tribunes où un peuple tient assis. Pour fanfare, cent exécutants sous les ordres de l'ex-chef de musique militaire Gustave Wittmann. La sellerie : un labyrinthe, l'armurerie : un musée, les costumes : le carnaval de Nice passé au crible de Delphine Baron. Ce foisonnement d'êtres et de choses conduit par M. Houcke : un guide sûr, fils de Léonard, l'ancien régisseur des Cirques Dejean, au temps où Baucher en était l'écuyer-dresseur. L'Hippodrome entretien deux cents chevaux. Lorsqu'il va hiverner à Londres, il emmène quatre cent cinquante personnes... »
Et la tradition paraît se continuer puisque nous avons trouvé dans le quotidien parisien Combat du 11 mars 1948, un curieux article de M. Serge, intitulé "Les Confidences de Gilbert Houcke, premier dompteur du Monde", d'un Gilbert Houcke, "né sur un cheval", fils d'un Jean Houcke, "un maître cavalier", et qui, avant de devenir à 29 ans dompteur de tigres au Bellevue's Circus de Manchester, avait été écuyer, "dresseur" de chevaux, conducteur de "chars romains", autrement dit n'avait jamais quitté le Cirque.
Madame Lucien Worms (née Virginie Adèle Houcke), devenue veuve le 22 juillet 1914, est décédée à Paris, 6, rue Piccini, le 21 juin 1932. Ses droits de commandite furent, comme nous l'avons dit dans un chapitre précédent, partagés par tiers entre ses trois enfants ou leurs héritiers.
II n'est certes pas facile de faire des recherches d'état civil concernant les Israélites à des dates antérieures à 1808, époque à laquelle l'empereur Napoléon imposa aux Juifs de choisir un nom définitif, et encore moins à 1791 avant que les actes d'état civil cessassent d'être rédigés par les curés de paroisse et passassent entre les mains des officiers d'état civil, puisque, avant 1791, les Juifs n'avaient, en fait, pas d'état-civil.
C'est pourquoi nous nous sommes heurtés, à certains moments, à des "murs" que, fort heureusement, divers recoupements nous ont permis de contourner.
M. Hypolite Worms - 2ème du nom - chef en 1939 de la maison Worms et Cie - était né à Paris (3°) le 26 mai 1889, fils de M. Lucien Worms, et de Mme Virginie Adèle Houcke, son épouse.
M. Lucien Worms de son côté, était né à Paris le 3 mars 1839, et était fils de M. Hyppolite Worms - 1er du nom - fondateur de la maison Worms et de Mme Séphora Goudchaux, sa femme.
Nos recherches devaient donc partir de ce premier Hyppolite Worms.
D'après l'acte modificatif de la société Hippolyte Worms et Cie, établi à la suite de sa mort et dont l'insertion partielle fut faite au Journal général d'annonces du 28 mars 1878, M. Worms Hyppolite - 1er du nom - décédé à Paris le 8 juillet 1877, âgé de 74 ans, était né à Metz (Moselle).
Des recherches effectuées à l'état civil de la ville de Metz aux environs de 1803 (1877-74-1803) permirent de constater d'une part qu'il était né exactement le 16 Brumaire an X (8 novembre 1801), d'autre part, qu'il était fils de M. Lyon Hayem Worms et de Gela Lévy, son épouse, et enfin que ces derniers avaient eu déjà précédemment trois autres enfants : Olry Worms, né le 31 juillet 1793, Gothon, née le 20 Fructidor an III, et Abraham (plus tard Adolphe) né le 19 Messidor an VII (7 juillet 1799).
Mais, déjà là les difficultés commencèrent à se présenter : malgré toutes nos recherches, soit à Metz, soit ailleurs, nous n'avons pu trouver aucun document, aucun acte direct, par exemple l'acte de décès de ce Lyon Hayem Worms nous permettant de connaître ses ascendants. Nous savons qu'il est décédé en juillet 1839, âgé de 67 ans, mais sans indication de lieu du décès.
Nous entendons bien qu'il nous était loisible de nous adresser à la famille Worms pour lui demander simplement le lieu du décès du bisaïeul de M. Worms, en admettant qu'elle le connût, mais ce sont là des méthodes dont nous usons peu, voulant conserver notre entière liberté d'appréciation, ce qui peut éventuellement être difficile quand les intéressés eux-mêmes ont communiqué aimablement les renseignements qu'on leur a demandés.
II nous fallait donc bien trouver une autre solution.
Au cours de nos recherches antérieures, nous avions trouvé dans Ies Archives israélites de septembre 1843, la notice nécrologique suivante :
« On lit dans l'Indépendant de la Moselle :
"Metz vient de perdre un de ses concitoyens les plus honorables : M. Adolphe Worms, banquier, président du consistoire israélite de cette circonscription, a succombé le 13 de ce mois, à l'âge de 44 ans, laissant une épouse et deux enfants chéris dans un deuil profond, et des regrets amers à tous ceux qui savaient apprécier la bonté de son caractère et de sa haute probité.
M. Worms, après avoir fait de bonnes études au lycée de Metz, était allé à Paris pour se former aux opérations de banque chez son oncle, M. Worms de Romilly ; de retour à Metz, il remplaça son vieux père dans la société "Schwabe et Worms" ; après la mort de son respectable associé, il resta seul chargé du poids des affaires, et la notabilité commerciale de cette ville sait avec quelle intégrité il soutint la réputation de l'ancienne raison sociale... »
Arrêtons ici la citation : elle nous fournit au moins des éléments que nous cherchons.
M. Adolphe Worms fit ses études de banque à Paris, chez son oncle M. Worms de Romilly d'où il ressort que M. Lyon Worms, père de M. Adolphe Worms, était le frère de M. Worms de Romilly.
De telle sorte que si nous trouvions les ascendants de ce dernier, nous renouerions la chaîne interrompue.
Malheureusement, et bien que M. Worms de Romilly ait été une haute personnalité administrative de Paris - il fut, comme nous l'avons dit, nommé adjoint au maire du 5ème arrondissement en 1801 et il occupa ce poste jusqu'en 1814 - dans aucun des dossiers existants soit aux Archives nationales, soit dans les collections particulières que nous avons consultées, il n'existe de document d'état civil fixant d'une façon précise la filiation de M. Worms de Romilly et si la déclaration faite par celui-ci, conformément au décret du 20 juillet 1803, porte bien qu'il est né à Sarrelouis, le 18 septembre 1759, sous les nom et prénoms de Worms Olry Hayem, et qu'il entend porter dorénavant ceux de Olry Worms de Romilly, il n'y est donné aucune indication de filiation puisque, par une omission particulièrement étrange, le décret de juillet 1803 n'imposait pas cette indication.
La connaissance de la date de naissance de M. Olry Hayem Worms ne nous apportait, par ailleurs, aucune possibilité de lumière puisque ni les archives de Sarrelouis, ni celles de Metz - généralité à laquelle Sarrelouis était rattachée sous l'ancien régime - ne possède d'état civil des Israélites antérieur à 1791.
Par contre, des documents émanant d'autres dossiers de la période révolutionnaire, concernant M. Olry Hayem Worms - alias Worms de Romilly - nous apprennent, à l'occasion de marchés de fournitures militaires, que celui-ci était associé à son père M. Hayem Worms, qui devint membre du conseil général de la commune de Sarre-Libre (ex-Sarrelouis) où il était négociant.
L'acte de décès reconstitué après 1871, de M. Worms de Romilly ne portait pas non plus d'indication de filiation (M. Worms de Romilly était mort le 7 mai 1849 à Paris (V).
Mais la déclaration de sa succession nous a apporté, par contre, une précision fort intéressante : par les légataires du de cujus figuraient deux de ses frères : MM. Alphonse et Siméon Worms, et sa soeur Mme Worms-Baruch.
Or, dans un tableau des différentes familles Worms établies à Sarrelouis aux environs de 1808, on trouve que Madame Worms-Baruch, née Nina Worms, aux environs de 1768 à Sarrelouis, était fille de Hayem Worms, commerçant, né lui-même à Sarrelouis aux environs de 1722, ce qui coïncide avec la filiation de M. Olry Hayem Worms (alias Worms de Romilly) connue plus haut ; lequel Hayem Worms serait mort à Sarrelouis le 26 décembre 1812 après au moins deux mariages, le premier avec Melle Cathiche Abraham, et le second avec Melle Éva (alias Agathe) Schwab.
Ce Hayem Worms serait donc à la fois le père de M. Worms de Romilly et de M. Lyon Worms. II serait de son côté fils d'un Olry Worms et de Melle Gothon N, ce dernier Olry Worms étant l'Olry Worms, boucher à Sarrelouis, dont parlait l'ordonnance de l'intendant de Metz en date du 9 juin 1737.
Bien entendu cet exposé n'est qu'un résumé des recherches que nous avons dû faire puisque, comme nous l'avons signalé en annexe à l'introduction, nous avons consulté en outre les archives d'état civil de Nancy, Rouen, Pau, Lunéville, Paris, Bordeaux, Seine et Seine et Oise, etc.
II. Monsieur Lucien Worms
M. Lucien Worms, fils de M. Hypolite Worms (1er du nom) était décédé au Vésinet le 22 juillet 1914 (voir extrait de son acte de décès clans notre n° de mai), laissant comme héritiers :
1°) Sa veuve, née Virginie Adèle Houcke,
2°) un fils, M. Hypolite Worms (2ème du nom),
3°) trois filles : Melle Suzanne Renée Marguerite Worms, mariée à M. Paul René Leroy, Melle Marie Virginie Lucienne Worms, mariée à M. Marcel Razsovich, et Melle Marie Lucy Worms, mariée à M. Hervé Henry André Errington-Josse.
Or, au moment de la liquidation des intérêts de feu M. Lucien Worms dans la maison Worms et Cie, on peut constater que Melle Marie Lucy Worms ne recevait qu'une part de 59.800 francs au lieu des 177.000 F accordés aux trois autres enfants de M. Lucien Worms et que cette différence s'étendait de même sur la portion de la nue propriété de la part laissée en usufruit à Mme Lucien Worms, Mme Errington-Josse ne bénéficiant que d'un montant de 32.500 F contre 96.000 F à chacun de ses frère et soeurs.
Les actes d'état civil donnent la clef de cette anomalie.
Ils précisent, en effet, que si Melle Marie Lucy Worms était la fille aînée de M. Lucien Worms, elle était née avant le mariage de son père dont elle était enfant naturelle ainsi qu'en témoigne l'extrait de naissance suivant :
« Paris (8ème arrondissement)
Acte de naissance du 15 janvier 1872
Worms Marie Lucie, née 8, rue de Vienne, fille de Lucien Worms, négociant, né à Paris le 3 mars 1839, domicilié 5, rue Scribe et de Marie Malvina Sans, 27 ans, née à Foix (Ariège), artiste dramatique, domiciliée à Paris 8, rue de Vienne. »[1]
Mademoiselle Marie Lucy Worms épousa, à une date que nous ignorons, M. Hervé Henry André Errington-Josse, neveu et filleul, de M. Hervé Henry André Josse, associé de M. Hyppolite Worms (1er du nom) dans la société Hyp. Worms et Cie, de 1874, origine de la maison actuelle.
Devenue veuve pendant la première guerre mondiale, Madame Marie Lucie Worms décédait à son tour, le 6 mars 1919 à Neuilly-sur-Seine comme le confirme l'extrait suivant :
« Neuilly-sur-Seine, 6 mars 1919
Worms Marie Lucie, décédée 18, rue Saint-Pierre à Neuilly, demeurant 2, Villa Niel, rentière, née à Paris, le 15 janvier 1872, fille de Lucien et de Marie Sans décédée, veuve de Hervé Henry André Errington-Josse. »
Ses intérêts dans la maison Worms et Cie furent rachetés par acte du 24 décembre 1920 par M. Hypolite Worms (2ème du nom).
Le 10 octobre 1878, M. Lucien Worms épousa, en Angleterre, Mademoiselle Virginie Adèle Houcke, née le 23 novembre 1854 à Paris, fille de M. Jean Léonard Houcke, écuyer, et de Mme Adèle René, son épouse, domiciliés alors 30, rue de Ménilmontant à Paris.
Le père de Mademoiselle Houcke était considéré comme une importante personnalité du monde des spectacles hippiques ; sous le nom de Léonard, il avait été, précédemment, directeur des deux Cirques de Paris, avant les Franconi.
Voici l'extrait d'acte de mariage de M. Lucien Worms avec MeIle Houcke :
« Certificat d'acte de mariage célébré au bureau de l'état civil dans le district de Marylebone, dans le comté de Middles, n°148, le dix octobre mil huit cent soixante dix huit. M. Lucien Worms, âgé de trente-neuf ans, célibataire, marchand de charbons, demeurant n°11, Charlotte Street, fils de feu Hippolyte Worms, négociant en charbons, et Virginie Adèle Houcke, âgée de vingt-trois ans, célibataire, demeurant Grosvenor, Hôtel Buckingham Palace Road, fille de feu Jean Léonard-Houcke, négociant, ont été unis en mariage au bureau de l'état-civil par licence devant moi Franck Stockes, greffier de l'état-civil. Mme Houcke, mère de l'épouse assistait au mariage. »
L'acte de mariage a été transcrit sur les registres d'état-civil du 3ème arrondissement de Paris le 23 juin 1880 sur la requête de M. Lucien Worms, marchand de charbons, demeurant à Paris, 36, avenue Friedland, et de Mademoiselle Virginie Adèle Houcke, sans profession, même adresse, rentrés en France le 15 avril 1880.
La famille Houcke a continué à appartenir aux meilleurs milieux des spectacles hippiques. Un de ses frères était, en 1888, directeur de l'Hippodrome de Paris.
M. Hugues Le Roux a donné, dans son livre "Les Jeux du Cirque et la Vie Foraine" (Paris 1889 in 4°) (p. 19) un intéressant dessin portrait en couleurs de ce dernier, et s'est exprimé à son égard en ces termes (p. 148) :
« Un type ce Houcke, un vrai fils de la balle. Il a eu de par le monde cinq ou six frères directeurs de manèges. Son père, sous le nom de Léonard a été jadis directeur des Deux Cirques, avant les Franconi. Lui-même a tenu la chambrière de M. Loyal (le fouet du présentateur) en Russie, en Allemagne, en Scandinavie. C'est vous dire si l'hérédité n'est pas un vain mot, qu'il doit posséder dans un haut degré le génie professionnel. »
De son côté, M. A. Dalsème, dans son petit ouvrage : "Le Cirque à pied et à cheval" (Paris 1838 in 16) porte sur M. Houcke une appréciation non moins flatteuse.
Parlant de l'Hippodrome, il écrivait (p. 253) :
« L'Hippodrome de la rue de l'Aima jouit à l'égard du décor d'un incontestable privilège. Ce n'est plus ici la bonbonnière musquée des Bouffes-Oller. C'est le stade ample, grandiose, avec son ellipse à perte de vue, ses tribunes où un peuple tient assis. Pour fanfare, cent exécutants sous les ordres de l'ex-chef de musique militaire Gustave Wittmann. La sellerie : un labyrinthe, l'armurerie : un musée, les costumes : le carnaval de Nice passé au crible de Delphine Baron. Ce foisonnement d'êtres et de choses conduit par M. Houcke : un guide sûr, fils de Léonard, l'ancien régisseur des Cirques Dejean, au temps où Baucher en était l'écuyer-dresseur. L'Hippodrome entretien deux cents chevaux. Lorsqu'il va hiverner à Londres, il emmène quatre cent cinquante personnes... »
Et la tradition paraît se continuer puisque nous avons trouvé dans le quotidien parisien Combat du 11 mars 1948, un curieux article de M. Serge, intitulé "Les Confidences de Gilbert Houcke, premier dompteur du Monde", d'un Gilbert Houcke, "né sur un cheval", fils d'un Jean Houcke, "un maître cavalier", et qui, avant de devenir à 29 ans dompteur de tigres au Bellevue's Circus de Manchester, avait été écuyer, "dresseur" de chevaux, conducteur de "chars romains", autrement dit n'avait jamais quitté le Cirque.
Madame Lucien Worms (née Virginie Adèle Houcke), devenue veuve le 22 juillet 1914, est décédée à Paris, 6, rue Piccini, le 21 juin 1932. Ses droits de commandite furent, comme nous l'avons dit dans un chapitre précédent, partagés par tiers entre ses trois enfants ou leurs héritiers.
R. Mennevée
[1] Melle Marie Malvina Sans qui était née à Foix le 6 septembre 1841, épousa à Paris (3ème) le 26 juillet 1883, M. Paul Rémy Buisson, propriétaire à Paris.