1948.07.24.De Hypolite Worms.Témoignage sur la période 1908-1945
Copie de note
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24 juillet 1948
Conversation avec Monsieur Worms
1908 : Angleterre - 18 ans - 213 millions de tonnes exportées. 2 ans 1/2 à Cardiff, très actif.
Pas de salaires. Travaux les plus modestes. 10 Livres par mois.
1911 : Port-Saïd - 10 mois. Employé. Tous métiers.
1913 : Le Havre - employé.
Fin 1912 : Paris - associé.
1914 : H. Goudchaux part à Bordeaux.
Fin 1915 : Maladie de M. Goudchaux.
Le Trait
De Monzie pousse plusieurs groupes à faire des bateaux. Construction du Trait très coûteuse. Début 1916-17.
Jusque-là, chantiers toujours dans ports malsains socialement (Le Havre, Marseille, etc.). La grève chez nos mécaniciens, et c'est la catastrophe pour toute la construction. Vie des ouvriers, dans les villes, mauvaise, tentations, fréquentations, etc. D'où idée d'un chantier à la campagne. Cité ouvrière. Mais les femmes s'y ennuient, et les hommes. Départs. Certaine instabilité, il faut des maisons pour les retenir.
Avant que Le Trait soit achevé, besoin de bateaux très diminué. Trop de bateaux à cause de la crise anglaise de 21-23. Nécessité de rechercher des commandes. Construction pour la Marine militaire. Grand succès. Exceptionnelle réussite dans la rapidité d'admission à construire des sous-marins.
Chantiers qui seront les plus modernes après leur destruction en 1944.
Port-Saïd
1 - La Maison y fut, et y est plus importante que les maisons anglaises. Agent de l'Amirauté américaine jusqu'en 1904. Interpellation aux Communes. Fourniture alors supprimée. Restée agent de la Marine française.
Avant 1914, 50% du trafic total du Canal. Maison la plus importante encore aujourd'hui. A perdu une partie de la clientèle anglaise. Mais en a gagné une autre (Hollande - Japon).
3 - Grandes jalousies de 1939 à 1945. M. Grédy obligé de partir. Sous-directeur anglais nommé directeur. En lutte contre ceux qui voulaient démolir la Maison. Refus du gouvernement anglais de mettre la Maison sur la liste noire. Les Anglais font travailler la Maison à plein, alors que les gaullistes l'ont mise sous séquestre à Alger, et voulaient l'étendre à toute la France au fur et à mesure de la libération.
3 - Rôle de Lord Leathers, ministre des Transports de guerre, intime de Churchill. Anecdote de 1946 : « Je vous ai sauvé, en refusant de vous mettre sur la liste ». Vieil ami. Travail en commun en 1940.
En 1943, arrêt à Alger. Invité à dîner par de Gaulle (Pleven, Massigli, Palewsky, René Mayer). On ne parle que de la Maison et des rapports avec Vichy, des trahisons, etc.
La Maison de 1914 à 1918
1 - Charbons -
Worms, l'un des plus gros importateurs de charbons anglais. Le plus gros pendant la guerre. Notamment pour série de grands services publics (compagnies gazières) et pour les industries du littoral.
Grandes difficultés : acheter le charbon (licences d'importation) et trouver les bateaux. Marché encombré. Affrètement très difficile de bateaux étrangers.
2 - Port-Saïd -
Canal de Suez très important. A l'époque, très nombreux bateaux à vapeur. Quantités immenses à fournir. Presque impossible de trouver des bateaux pour apporter le charbon à Port-Saïd. Jamais le dépôt de la Maison ne fut à sec de 1914 à 1918. Jamais un seul bateau en panne ou perdant du temps. Charbon anglais et américain.
3 - Services maritimes -
Seulement des caboteurs. A la disposition du gouvernement pour transporter du ravitaillement et des matières premières pour les armées, y compris des matières premières pour les routes (ciments, pierres, etc.).
Charbon anglais et charbon continental
- Avant 1914, aucun charbon étranger continental ne venant par mer (le charbon allemand et belge venait par terre, par l'Est). Worms toujours importateur et jamais courtier.
- La guerre et le rôle de la Maison dans le charbon des réparations.
- Pour la Pologne. Faire du change avec son charbon. Charbon bon marché. Le gouvernement polonais subventionne l'exportation houillère pour avoir des devises. H.W. n'y croyait pas, raisons de bon sens - 1/ trop grand frais de transport depuis la Silésie.- 2/ Croyance au relèvement charbonnier de l'Angleterre et à la faillite du gouvernement polonais dans sa politique charbonnière. Donc, ne pas créer un courant de charbon destiné à ne pas durer.
Mais le gouvernement polonais a persisté. L'Angleterre ne s'est pas relevée. D'où la nouvelle politique charbonnière de la Maison.
Havraise péninsulaire
Vieille affaire pillée par des escrocs, administrée par des incapables. Quasi-faillite. Ligne parallèle à celle des Messageries maritimes. Demandent à H.W. d'intervenir pour que la H.P. ne tombe pas dans des mains inamicales. 1932.
Au lieu d'attendre faillite comme d'autres, affaire prise en mains avant, avec les inconvénients, chacun voulant se faire payer. Tout le passif payé. Avance de dizaines de millions.
Cargos mixtes. Pool à 3 (Messageries maritimes et Norvège, intérêts antérieurs à la colonisation française, même autorisée à faire du cabotage). H.P. plus importante que les Messageries et la Norvège pour le tonnage marchandises.
La Maison a environ 60% des actions. Autour d'elle, tous les intérêts de Madagascar : Comptoir d'escompte, Crédit foncier de Madagascar, etc.
Exemple d'une unité autonome, liée à la Maison. En tenir compte pour l'exposé. La Maison a partagé avec des groupes intéressés à la question. A souligner sur le plan des méthodes.
La SFTP
1938, à la veille de Munich, gouvernement affolé par le manque de bateaux pétroliers en cas de guerre. Nombreuses propositions inacceptables (achat de bateaux impossible à cause du prix en hausse et du secret ; bateaux étrangers indisponibles, etc.). H.W, consulté par de Monzie. On lui demande de prendre l'affaire en mains.
Pour acheter des bateaux, fallait de l'argent. Idée d'une société d'économie mixte, l'État garantissant une émission d'obligations pour 50% du capital, et le groupe privé apportant la seconde moitié (capitaux français et étrangers). État non majoritaire 30% - 4 administrateurs sur 12. La Maison, 20%, principal actionnaire privé.
Affaire menée dans le secret le plus absolu, lettre Daladier, réclame gérance.
Rôle de Nelson. Norvège. 110.000 tonnes achetées en une journée. 7 bateaux de 15.000 tonnes, plus 1 de 10.000 (au lieu des 70.000 tonnes imposées comme tonnage minimum). Achat tellement bien conduit qu'il reste 35 millions en caisse à l'achèvement.
Tour de force des mécaniciens. Stupéfaction. Colère des concurrents. Boycott de la SFTP. On préfère s'adresser à des transporteurs étrangers. De son côté, la SFTP contrainte de travailler pour l'étranger (Italie-Allemagne, etc.).
La mission à Londres
1 - Avant la guerre, mission à Londres, en cas de conflit. Mission des transports maritimes, dirigée par l'agent à Londres de la Compagnie générale transatlantique. Au cours d'un voyage à Londres H.W. remarque des insuffisances. Avertit de Monzie, Rio, etc.
2 - Accords Chamberlain-Daladier sur la mise en commun des ressources pour la poursuite de la guerre. De Monzie fait venir H.W. pour le nommer chef de mission. Refus. 3 conversations. Jean Monnet indique alors qu'il s'agit des Comités exécutifs créés pour l'application des accords Chamberlain-Daladier (partage des tonnages). Accord, départ à Londres avec R.M. et R.L. (demander le rapport).
3 - Installation dans le bâtiment du ministère anglais (d'où les campagnes après l'armistice : "Vendus aux Anglais"). H.W. obtient ce que personne n'a obtenu en 14-18 : participe à tous les accords sur la flotte comme représentant de la France. Partage des bateaux (anglais, neutres) sur un pied d'égalité en fonction des besoins respectifs (A. = 7, F = 2 1/2). France première servie, car plus grand déficit. En mai 1940, la France obtient 7 millions de tonnes, besoins couverts à 100%.
4 - Lors de l'armistice, la France n'a plus besoin de bateaux, mais a pris des engagements pour la durée de la guerre. L'Angleterre les fait saisir. H.W. négocie après l'armistice les "Accords Worms". Transfère à l'Angleterre les engagements de la France, à charge par l'Angleterre de les exécuter jusqu'au bout (payer et assurer les navires étrangers, afin que la France ne subisse pas de réclamation, ni ne verse de dommages et intérêts). L'Angleterre devant rembourser les cargaisons et payer le prix d'achat au gouvernement français. Date : 4 juillet 1940. Le lendemain, accord Monick ouvrant un compte spécial, retrouvé en 1945. En signant ces accords, grave risque. H.W. demande à Auphan à être relevé du secret professionnel à cause campagne de presse. Lettre de Darlan à La Laurencie couvrant H.W. (voir la lettre).
La Maison sous l'occupation
Contrôle allemand pendant 4 ans. Mesure exceptionnelle : comme à la Banque de France, le commissaire est allemand et non français. Même les banques juives ont eu un commissaire français.
Raison de cette mesure : la Maison est soupçonnée d'être liée à l'Angleterre. Elle a donc eu un traitement de défaveur. C'est sur l'insistance du ministère des Finances qu'elle a été pourvue d'un commissaire adjoint français.
Pendant cette période la Maison s'est maintenue largement, et elle s'est considérablement développée après 1944.