1945.03.29.Du journal Servir.Article
Coupure de presse
Servir
29 mars 1945
Disons-le tout haut !
Un historien français, M. E. Beau de Loménie, dans un livre consacré aux dynasties bourgeoises, a démontré que le règne des "deux cents familles" n'était pas un mythe inventé naguère pour les besoins de la propagande électorale du Front populaire. Il a démontré qu'il avait au contraire de lointaines origines dans le coup d'État du 18 Brumaire et qu'effectivement, à travers tout le XIXe siècle et jusqu'à nos jours, à travers tous les changements de régimes, de la Restauration à l'Empire et de l'Empire à la fin de la Troisième République, l'État français a été accaparé par quelques grandes dynasties d'hommes d'affaires se rattachant de près ou de loin au clan politique des Orléanistes. Qu'on songe aux tenants et aboutissants de ces grands noms que furent les de Broglie, les Decazes, les Pasquier !
Plus près de nous, les révélations qui sont faites depuis un an sur l'activité de la Synarchie française, dont l'état-major se recrutait à la Banque Worms, à Paris, sont des plus instructives. Elles dévoilent un complot de grands affairistes qu'on découvre déjà dans les coulisses des principaux événements de l'avant-guerre et qui surgissent tout à coup sur les dépouilles de la France vaincue, au tout premier plan, dans le ministère Pétain, où les Synarques sont aux principaux leviers de commande, avec les Barnaud, Lehideux, Pucheu, Le Roy Ladurie et Terray. Ceci jusqu'en novembre 1942, date à laquelle les synarques s'égrènent, se dispersent, ce qui ne veut d'ailleurs pas dire que le mouvement lui-même ait vécu pour toujours.
Quoi qu'il en soit, du Premier Empire à la Synarchie française, il y a une longue série de faits historiques indéniables pour prouver que les intérêts français ont été accaparés au profit du tout petit nombre contre l'ensemble des populations, contre le peuple français. Et la question est de savoir aujourd'hui si les "deux cents familles" vont une fois de plus reprendre le dessus, ou si c'est le peuple français lui-même qui va devenir maître de la Quatrième République. Dans un problème comme celui des réformes de structure, il ne s'agit pas d'autre chose, en fin de compte. Et il ne faudrait surtout pas croire que la réponse va de soi. En réalité, la force des dynasties bourgeoises dans l'histoire de France n'a pas été seulement leur puissance financière. Elles possédaient, tout autant, les capacités et les compétences. C'est encore ce qui a valu le pouvoir aux Synarques en 1940.
La France nouvelle dispose-t-elle de capacités et de compétences, mais celles-là désintéressées ! Et dans l'affirmative, saura-t-elle les utiliser !