1945.01.12.De Bernard Verdier - Établissements Puzenat.Témoignage
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Témoignage de Monsieur Verdier
Au mois de juin 1940, les scellés ont été placés par les autorités allemandes sur les ateliers de fabrication de guerre, la direction ayant pu obtenir la libération de ces usines en a profité pour disperser les machines spécialisées dans la fabrication de ce matériel, ce qui lui a permis de refuser, pour cause d'impossibilité, de reprendre ces fabrications quand la demande lui en a été adressée par les Allemands. Ceux-ci ont alors déclaré prise de guerre tous les stocks qui pouvaient servir à des fabrications d'armements.
Les fourgons montés pour l'État français furent amputés de leurs roues et lorsque, plus tard, les autorités allemandes réclamèrent à la société Puzenat leur achèvement, celle-ci répondit que pour des raisons techniques diverses, elle ne pouvait le faire.
En 1941, les usines furent classées "betriebe", comme toutes les usines de machines agricoles.
La société Puzenat fut interrogée par les Allemands pour d'éventuelles commandes de pièces de fourgons. La société fit une réponse qui lui servit de prétexte pour obtenir une diminution des prélèvements ouvriers au titre de la relève. Celle-ci donna lieu à trois prélèvements - dont le dernier, en janvier 1943, eut lieu dans des conditions dramatiques.
En quatre ans, les services allemands ont passé pour 4.900.000 F de commandes diverses pour l'ensemble des fabrications habituelles de la société Puzenat, ce qui est infime par rapport au chiffre annuel d'affaires de cinquante millions.
Le ministère de l'Agriculture allemand, à la suite de pressions diverses, imposa ensuite une commande de 1.225 râteaux pour la maison Fahr. Une seconde commande fut passée par la suite, mais demeura inexécutée.
Enfin, en novembre 1942, commande fut passée de 5.600 trieurs de pommes de terre, dont la livraison fut freinée d'une manière constante, puisque 2.200 n'étaient pas encore livrés à la libération.
Le total des commandes allemandes en quatre ans atteint treize millions de francs, sur un chiffre d'affaire total de deux cent vingt sept millions de francs, soit 5,08% (cinq zéro huit pour cent).
En février 1943, les Allemands interpellèrent la société Puzenat pour des fabrications d'essieux ; il y fut répondu par des exigences de prix telles que les Allemands s'abstinrent de toute commande.
Aucune commande allemande n'a été passée pour des roues de fourgon, et cela est d'ailleurs compréhensible puisque, lorsqu'il s'agissait de fabriquer des fourgons, avant guerre, pour la France, la société Puzenat était obligée de s'adresser, pour les roues, à des sous-traitants.
Ses instructions formelles de se dérober aux commandes allemandes - même si cela devait entraîner un déficit d'exploitation - avaient été données à Monsieur Verdier par la Maison Worms.
La politique suivie a donc été de protéger le personnel et le matériel, tout en se dérobant à des prestations en faveur de l'Allemagne, quel que soit le risque financier qui pouvait en découler pour la société et ses actionnaires.
Le résultat a été que, malgré la hausse des prix, l'activité de la société Puzenat a été inférieure en tonnage et à peu près égale en sommes, à ce qu'elle était avant guerre.
Enfin, il importe de souligner que, dès la libération, la société Puzenat a pu accepter des commandes d'armements, pour compte de la France, ce qui prouve que le refus, par elle opposé aux Allemands, était le résultat - non point d'une difficulté technique, mais d'une politique systématique.
12/1/45