1941.02.03.De l'Agence commerciale de l'Indochine en Algérie.Ravitaillement de l'Afrique du nord en charbons indochinois
Ce document est conservé aux Archives nationales d'Outre-mer sous la cote FM AGEFOM/941.
Le PDF est consultable à la fin du texte.
Éventualité d’un ravitaillement de l’Afrique du Nord en charbons indochinois
La source indochinoise ne serait à utiliser que si les charbons d’Amérique ne pouvaient plus venir, soit pour des raisons politiques ou pour des raisons d’économie de devises. En effet, la houille indochinoise devrait passer par le Cap et ce long périple, qui entraîne des frets élevés et une longue immobilisation de tonnage, condamne du point de vue économique l’importation de cette houille en Afrique du Nord. Il ne saurait y être recouru que si les industries nord-africaines étaient menacées d’arrêt complet.
Dans ce cas, il y aurait lieu de s’adresser au gouvernement anglais qui ne s’oppose pas à l’importation en Afrique du Nord de charbons venant de France, pour lui demander la même tolérance à propos de charbons venant d’une colonie française. Si les navires indispensables étaient obtenus, les difficultés qui tiennent au manque de bateaux pourraient être sans doute résolues par accord avec des compagnies maritimes japonaises.
En supposant toutes les difficultés aplanies, voici quelques chiffres qui montreront l’importance des ressources à attendre de l’Indochine :
Exportation de houille indochinoise
|
1937 |
1938 |
1939 |
Houille maigre |
1.532.774 |
1.573.000 |
1.780.000 |
Dont sur la France |
250.000 |
200.000 |
170.000 |
Dont sur la Chine |
260.000 |
440.000 |
507.000 |
Dont sur Hong-Kong |
112.000 |
134.000 |
190.000 |
Dont sur le Japon |
800.000 |
675.000 |
675.000 |
Houille agglomérés |
14.000 |
8.000 |
9.000 |
Les mines de charbon en Indochine sont pour la presque totalité exploitées par deux grandes sociétés : la Société française des charbonnages du Tonkin et la Société des charbonnages du Dong-Trieu.
Voici quelques renseignements sur les charbons produits par ces sociétés :
1°/ Société française des charbonnages du Tonkin :
Le charbon produit par cette société, connu sous le nom de charbon de Hongay (principal siège de l’exploitation) est un anthracite qui contient un fort pourcentage de carbone fixe et un faible pourcentage de matières volatiles. La température de fusion des cendres est supérieure à la température des foyers des chaudières. Les cendres ne laissent pas de scories et n’encrassent pas les grilles.
Sa faible teneur en soufre, de même que sa forte teneur en carbone fixe le recommandent spécialement pour la métallurgie. Il ne ronge pas les grilles, tuyaux, tubes et surfaces de chauffe. Il brûle en entier et sans fumée, et peut être facilement comparé au meilleur anthracite du Pays de Galles. Son pouvoir calorifique très élevé est souvent utilisé pour augmenter le rendement des charbons avec lesquels il est mélangé. Il convient aussi bien pour les chaudières que pour le chauffage domestique : il est utilisé au mieux dans toutes les chaufferies disposant de tirage forcé.
Analyse
Les caractéristiques du charbon de Hongay, telles qu’elles résultent de centaines d’essais faits journellement et qu’elles sont reconnues par le Service des mines du Gouvernement général de l’Indochine, sont les suivantes :
Analyse sur charbon sec
Matière volatiles |
6 à 11 % |
Cendres |
3 à 10 % |
Carbone fixe |
80 à 90 % |
Soufre |
Moins de 0,5 % |
Pouvoir calorifique |
7.350 à 8.200 calories |
Calibrages
Le charbon de Hongay est divisé en plusieurs calibrages Standard :
Criblé |
Supérieur à 50 m/m |
Noix |
30/50 m/m |
Noisettes (grosses) |
15/28 m/m |
Noisettes (petites) |
10/18 m/m |
Grains |
6/12 m/m |
Menu ordinaire |
0/30 m/m |
Menu fin |
0/10 m/m |
Tout venant : mélange moitié noix supérieure à 30 m/m et moitié menu ordinaire.
En outre de ces calibrages standard, les mines peuvent fournir tout autre calibrage demandé, qui sera spécialement criblé et préparé suivant le désir du client. En d’autres termes, la société est organisée pour fournir n’importe quel mélange de charbon comprenant une proportion quelconque des divers calibrages.
Utilisation du charbon de Hongay
Criblés et noix : Ces charbons, qui sont extrêmement propres (3 à 5 % de cendres) et d’un pouvoir calorifique très élevé, conviennent tout spécialement pour le chauffage domestique, ainsi qu’aux chaudières. Ce sont les meilleurs combustibles pour les installations de chauffage central, car ils dégagent une chaleur considérable et brûlent lentement et régulièrement.
Ils s’adaptent très bien aux chaudières à tirage forcé. Pour les chaudières à tirage normal, on obtient de meilleurs résultats en mélangeant du criblé de Hongay avec du charbon gras, afin d’améliorer le pourcentage nécessaire de matières volatiles. La plus grande partie de la production des criblés est absorbée par le chauffage domestique. Dans ce dernier cas, la noix est préférable, car elle n’a pas besoin d’être concassée avant usage.
Noisettes et grains : Les différentes sortes de noisettes de Hongay sont lavées afin d’être livrées particulièrement propres. Leur pourcentage de cendres n’atteint pas 7 %.
Elles conviennent tout spécialement à l’alimentation des gazogènes : les grosses noisettes sont également utilisées par les navires et les chaudières fixes. Elles n’ont pas besoin de grilles spéciales. Il est seulement nécessaire de créer un tirage forcé qu’il faut augmenter quand on utilise de petites noisettes.
Les mines de Hongay ont trouvé dernièrement un débouché considérable pour ces produits dans l’industrie électrochimique. Ils conviennent parfaitement à la fabrication du carbure de calcium et produits dérivés.
Menus : Le menu ordinaire et le menu fin de Hongay sont principalement utilisés pour les centrales électriques équipées avec des grilles automatiques.
Ils sont également très demandés pour les cimenteries, les raffineries d’étain et constituent un excellent charbon de réduction des minerais.
Ils sont largement employés pour la préparation des agglomérés par mélange, dans de certaines proportions, avec des charbons plus gras et des brais.
Tout-venant : Cette catégorie, quand elle est mise à bord des navires, ne vient pas directement des mines. Elle est reconstituée par mélange de criblé et de menu ordinaire en parties égales. Dans tous les cas, c’est le meilleur combustible existant pour les navires quand il est mélangé en bonne proportion avec du tout-venant gras (2/3 de tout-venant Hongay et 1/3 de tout-venant gras, par exemple). Le mélange a un pouvoir calorifique plus élevé que le charbon gras. Il n’encrasse pas les grilles et peut servir pour toutes les chaudières avec ou sans ventilation. Il est de plus en plus demandé dans la marine marchande.
Agglomérés : Une grande partie du menu produit par la société est transformé en briquettes ou boulets aux usines de Hongay et Campha-port, où l’on fabrique les différents types suivants :
1°) Briquettes de guerre (spécialement utilisées par la marine de guerre) :
Matières volatiles |
17 à 19 % |
Cendres |
6 à 7 % |
Carbone fixe |
74 à 77 % |
Soufre |
0,75 % |
Pouvoir calorifique |
8.100 calories |
2°) Briquettes marine
Matières volatiles |
16 à 18 % |
Cendres |
7 à 8 % |
Carbone fixe |
74 à 77 % |
Soufre |
Moins de 1 % |
Pouvoir calorifique |
7.700 à 7.800 calories |
Les briquettes de Hongay sont bien connues dans tout l’Extrême-Orient. Elles sont le principal combustible des importantes lignes de navigation françaises en Indochine, des chemins de fer indochinois et de l’escadre française de l’Extrême-Orient. Leur poids est de 6 kgs et elles sont très faciles à manier. De plus, elles peuvent être fabriquées à la marque particulière du client.
3°) Boulets gras : Ils ont la même composition et rendent les mêmes services que les briquettes marine. SI on les compare aux briquettes, ils prennent, à poids égal, plus de place dans les soutes, mais ont, par contre, l’avantage d’éliminer la perte par la casse dans le chargement de la chaudière. Le feu est aussi plus facile à tenir vu leur petite dimension uniforme.
4°) Boulets maigres : Leur pourcentage en matières volatiles est, en moyenne, de 14 %. Ils brûlent lentement et sans fumée et constituent un excellent combustible pour les foyers domestiques à grilles ouvertes.
Coke : Le coke de Hongay est le produit de la distillation d’un mélange de charbon de Hongay avec du menu gras. Il est utilisé dans toutes les fonderies du Tonkin. Son analyse est en moyenne la suivante :
Matières volatiles |
1,2 à 2,5 % |
Humidité |
1 à 1,5 % |
Cendres |
10 à 13 % |
Pouvoir calorifique |
7.150 à 7.200 calories |
2°) Société des charbonnages du Dong-Trieu
Analyse de l’anthracite Dong-Trieu
Densité |
1,65 |
Matières volatiles |
4 % |
Cendres |
3 % |
Carbone fixe |
88-90 % |
Soufre |
Traces |
Pouvoir calorifique |
8.000 à 8.200 |
Mode d’emploi dans les différents appareils
Le meilleur rendement du Dong-Trieu est fonction du calibrage. Voici celui que nous préconisons :
Petits poêles |
Grains 15/25 |
Poêles et chaudières (jusqu’à 6 radiat.) |
Noisette 20/30 |
Chaudières (jusqu’à 15 radiat.) |
Noix 30/50 |
Chaudières (de 12 à 40 radiat.) |
Gailletin 50/90 |
Grosses chaudières (plus de 40 radiat.) |
Gailletin 90/120 |
L’Agence commerciale de l’Indochine en Algérie avait remis des échantillons de charbon tonkinois à une société algéroise la Société continentale de combustibles qui en a fait faire des essais par son agent à Sétif et son représentant à Oran.
L’agent de Sétif a conclu que :
L’anthracite d’Indochine est nettement supérieur à l’anthracite marocain qui dégage une odeur de soufre très désagréable.
Le représentant d’Oran dit :
L’anthracite du Tonkin a très bel aspect et son rendement est très satisfaisant bien que moins facilement inflammable que l’anthracite anglais.
Possibilités d’un accord de troc avec les États-Unis
Il est une solution diplomatique et commerciale qui serait susceptible de lever la mauvaise volonté anglaise et de supprimer en partie les difficultés de transport : Par suite d’un accord récent entre les États-Unis et l’Angleterre, celle-ci a retiré des mers d’Extrême-Orient toute sa flotte tant de guerre que de commerce pour laisser aux États-Unis le soin et le bénéfice de la surveillance maritime et du trafic commercial. La flotte américaine qui ne marche pas toute au mazout aura à se ravitailler en charbon, les ports donnant abri à cette flotte auront aussi besoin de houille, ne serait-ce que pour assurer la marche des industries d’entretien et de réparation de navires. Or, les charbons indochinois, en raison des circonstances se trouvent être à peu près les seuls disponibles en Extrême-Orient, compte tenu bien entendu du tonnage à exporter au Japon en vertu de l’accord commercial nippo-indochinois en cours. Dans ces conditions, ne pourrait-il être proposé aux États-Unis de leur livrer en Extrême-Orient du charbon qu’ils compenseraient par des livraisons de charbons américains dans les ports de l’Afrique du Nord ? L’accord présenterait des avantages maritimes pour les deux parties et les États-Unis ne manqueraient pas d’arguments pour faire entendre raison aux Anglais. Du côté japonais, rien ne s’opposerait à un tel accord, aussi longtemps du moins que la guerre n’existerait pas officiellement entre l’Amérique et les trois pays de l’Axe.
Je crois savoir qu’une entente, au moins tacite, du même ordre existait avant l’armistice entre la France et l’Angleterre : Depuis novembre 1939, les charbons indochinois ne franchissaient plus le canal ; ils étaient utilisés pour les besoins des flottes alliées en Extrême-Orient et dans l’Océan indien, les anthracites anglais compensaient en France l’absence des anthracites tonkinois.
Au surplus, le ministère compétent en France n’a pas dû se désintéresser de la question, une production de 1.800.000 tonnes de charbon n’étant pas négligeable et le cas échéant la proposition ci-dessus pourrait lui être soumise pour en connaître les possibilités de réalisation.
Alger, le 3 février 1941
Le directeur
André Gauthier