1940.11.13.Du journal La France au Travail.Article
NB : Cet article provient d'un recueil de coupures de presse datées du 17 octobre 1940 au 21 décembre 1941, qui est classé au 17 octobre 1940.
La France au Travail
13 novembre 1940
P. Pineau chez Worms
Les informations publiées par notre confrère "Paris-Soir" au sujet de la Banque Worms et des différentes affaires où elle est intéressée, ainsi que des personnalités qu'elle s'est attachées par l'un de ses conseils d'administration jettent un jour inquiétant sur la politique du pétrole telle qu'elle a été pratiquée en France depuis 1920. Nous relevons, en effet, parmi les noms cités celui de M. Pineau, ancien directeur de l'Office national des combustibles liquides au ministère du Commerce, puis au ministère des Travaux publics, aujourd'hui directeur des carburants au ministère de la Production industrielle et du Travail. M. Pineau a été le maître, avec M. Ernest Mercier, de la politique des carburants en France depuis 20 ans. Il faudra un jour étudier dans le détail cette politique et connaître les raisons qui lui ont donné son orientation. L'inamovibilité de M. Pineau facilitera cette enquête. Cette politique était difficile et exigeait de celui qui la menait, entre autres qualités, le plus entier, le plus absolu désintéressement. La personnalité de M. Pineau était à ce sujet assez discutée parmi les pétroliers. Mais aucun fait permettant de mettre en doute ce désintéressement, c'est d'une oreille distraite que nous écoutions de pareilles allégations. Sa présence aux côtés de M. Worms au conseil d'administration de la Société des transports pétroliers ne peut pas être constatée sans regret. Il n'avait sa place dans aucun conseil d'administration, sauf ceux où il doit siéger comme commissaire du gouvernement. Son entrée dans les affaires du Consortium Worms liait fatalement ses intérêts personnels à ceux du consortium. Par conséquent aux intérêts personnels de tous ceux qui avaient partie liée avec ce consortium. Parmi les sociétés qui dépendaient du groupe se trouve Huilcombusol, qui comptait au nombre de ses administrateurs MM. Worms, Goudchaux et trois personnalités de la [Steaua] française. Or, la Steaua française, qui depuis a pris la dénomination d'Omnium français du pétrole est un importateur et, comme tel, soumis aux lois dont M. Pineau avait la charge d'assurer l'observation. La Steaua française, de plus, a pour président de son conseil M. Ernest Mercier, qui siège à la Lyonnaise des Eaux, aux côtés de M. Barnaud, chef de cabinet du ministre de la Production industrielle et du Travail. Il semble donc que M. Pineau n'a plus la liberté nécessaire pour remplir la fonction publique qu'il a acceptée. Il apparaît aussi que le ministre, qui tolère de pareilles situations parmi ses collaborateurs immédiats, compromet son autorité. L'imitation de M. de Monzie n'est pas un idéal. Rien n'a encore été tenté pour en finir avec les collusions scandaleuses auxquelles prête l'organisation du pétrole telle qu'elle subsiste encore. Depuis des années on y vit dans l'illégalité la plus flagrante. Il est évident que M. Pineau n'est pas qualifié pour y mettre fin. Mais puisque, paraît-il, quelque chose est changé en France et que les murs publiques vont s'assainir, nous espérons que certain dossier et certaine plainte, qui ont été remis au ministre de la Production il y a quelques semaines, ne vont pas y dormir comme chez M. de Monzie et qu'elles aboutiront ou à la confusion de leur auteur ou à une enquête.