1940.08.27.De (Worms et Cie).Paris
Copie de note
NB : A la note sans émetteur ci-après est joint le texte de loi non daté modifiant et complétant la loi du 16 juillet 1940.
Le PDF de ces deux documents est consultable à la fin du texte.
Paris, le 27 août 1940
Le décret du 16 juillet 1940, paru dans le Journal officiel du 20 juillet, institue, pour la durée de la guerre et les 6 mois qui suivent la signature du traité de paix, un régime de réassurance d'État contre les risques maritimes ordinaires des corps de navires battant pavillon français. Il précise, en son article II, que les conditions de fonctionnement administratif et financier du service chargé de cette réassurance seront ultérieurement déterminées par décret contresigné par le ministre de la Marine et par le ministre des Finances.
Cet acte a pour objet de pallier la défaillance, qui peut résulter de la situation actuelle internationale, des réassureurs étrangers, en réalité des réassureurs britanniques à qui les assureurs français repassent la plus grande part des engagements qu'ils prennent à l'égard de leurs assurés. En droit, ces derniers n'ont rien à voir dans ces réassurances, faites en pleine indépendance par les assureurs, qui ne sauraient en aucun cas dégager leur responsabilité.
Il n'en reste pas moins que les armateurs ne peuvent se désintéresser de cette question, car, en fait, ils courent un risque grave au cas où les réassureurs britanniques, se dérobant tous à la fois, les compagnies d'assurance françaises se trouveraient soudainement en face d'obligations qu'elles ne pourraient remplir, surtout si le hasard voulait qu'à un moment particulièrement inopportun, les sinistres se succédassent à une cadence rapide. C'est pourquoi l'armement ne pouvant se désintéresser de cette Caisse d'assurance souligne que tel qu'il est rédigé le décret ne semble pas suffire pour leur donner les apaisements voulus puisqu'il peut mettre les assureurs dans la fausse position suivante.
Il ne semble pas que les compagnies françaises puissent rompre unilatéralement le lien qu'elles ont avec leurs réassureurs sans qu'un texte ne les y oblige.
Il conviendrait donc qu'un décret fût pris, annulant tous les contrats de l'espèce, à compter d'une date à déterminer : c'est cet "acte du Prince" qui défendrait l'assureur français, notamment contre toute demande de primes des réassureurs anglais pour la période au cours de laquelle il aura été fait appel à l'organisme d'État de réassurance, prévu au décret du 16 juillet 1940.
La date à choisir comme limite de validité des contrats en cours au 25 juin 1940, doit être suggérée par les assureurs eux-mêmes. Il semble, a priori, que celle du 1er octobre soit opportune, car les primes étant payées généralement tous les trois mois, une échéance est venue qui n'a pas été honorée et cela suffit commercialement pour qu'une partie des polices puissent être considérées comme résiliées ; elle est, d'autre part, suffisamment éloignée pour ne pas avoir de conséquences rétrospectives.
Mais il est un cas au sujet duquel le décret du 16 juillet est muet : c'est celui d'une assurance directe contractée par des armateurs chez les assureurs britanniques, soit sur la place de Londres, soit à Paris pour les sociétés anglaises qui, autorisées par le ministère des Finances, sont établies sur cette place. Ce ne sont plus les assureurs français qui sont en cause, mais bien directement les armateurs, et comme ces assureurs anglais seront défaillants comme les réassureurs - au demeurant ce sont les mêmes - il paraît essentiel que l'armement français soit dégagé par décret des contrats qu'ils ont signés, comme les assureurs le seront pour leurs réassurances, et qu'il puisse s'adresser directement au nouvel organisme d'État, ou obtenir des assureurs français leur intermédiaire.
[Document joint]
- L'article 1er du décret du 16 juillet 1940 est notifié et complété comme suit : pendant la durée de la guerre et les six mois qui suivront la signature du traité de paix, il est institué un régime de réassurance d'État contre les risques maritimes, ordinaires et de guerre, tant sur corps de navires battant pavillon français ou de navires étrangers affrétés pour compte du gouvernement français que sur cargaisons transportées par des navires français ou pour compte français sur des navires étrangers.
Art. 2 - Les opérations de réassurance prévues à l'art. précédent sont effectuées par l'intermédiaire d'un organisme dénommé "Caisse nationale de réassurance des risques maritimes".
Art. 3 - Les opérations effectuées par cette Caisse comprennent des acceptations en réassurance des risques souscrits par les compagnies visées à l'art. 5 et des cessions que la Caisse peut consentir à des sociétés ou organismes français ou étrangers et portant sur la fraction des risques acceptés par elle dépassant les pleins fixés par son règlement intérieur.
Ces cessions peuvent être réalisées éventuellement par voie d'échange contre des risques étrangers : l'échange doit alors porter sur un volume de primes sensiblement égal de telle manière qu'il n'entraîne pas, en principe, d'exportation de capitaux.
Art. 4 - Les opérations de la caisse peuvent être effectuées dans la monnaie qui a été employée lors des souscriptions originales.
Art. 5 - Ne peuvent être admis à recourir aux services de la caisse, sous la forme de réassurance directe, que les compagnies françaises d'assurance maritime et les compagnies étrangères autorisées à pratiquer en France cette branche d'assurance.
Art. 6 - Sont obligatoirement assurés auprès des compagnies visées à l'art. précédent :
1°- les navires de mer battant pavillon français ou pavillon des colonies et pays de protectorat français et recevant de l'État ; des colonies ou pays de protectorat ou des administrations ou offices publics, sous une forme quelconque, des subventions ou avantages particuliers.
2°- Les navires étrangers affrétés pour compte de l'État français pour autant que l'assurance ne se trouve pas réservée par les clauses particulières de la charte-partie.
3°- Les cargaisons transportées pour le compte des administrations ou offices publics de la métropole, des colonies ou des pays de protectorat, pour autant que des modalités particulières d'assurance ne sont pas inscrites dans les contrats commerciaux y afférents.
Ces dispositions ne sont toutefois applicables que dans la mesure où elles ne contreviennent pas aux prescriptions du décret du 21 novembre 1939, relatif aux risques maritimes de guerre.
Art. 7 - Toutes les souscriptions reçues par les compagnies visées à l'art. 5 rentrant dans le cadre des risques énumérés à l'art. 1er sont obligatoirement réassurées auprès de la caisse. Cette réassurance portera sur la totalité de la souscription excédant le plein conservé obligatoirement sans réassurance par le souscripteur, conformément au tableau de plein visé à l'art. ci-après.
Art. 8 - Le secrétaire d'État à la Marine arrête les conditions particulières qui sont insérées dans les contrats de réassurance. Ces contrats doivent en outre comporter les dispositions suivantes :
1°- Aucune réassurance ne peut porter sur des affaires renouvelées ou déplacées à des conditions inférieures à celles précédemment en vigueur sans autorisation préalable de la caisse.
2°- N'entrent en compte dans les acceptations que les Commissions, courtages et déductions conformes aux tarifs arrêtés par le Secrétaire d'État à la Marine.
3°- Les accords entre assureurs fixant les conditions générales à imposer aux assurés sont obligatoirement soumis à l'homologation du secrétaire d'État à la Marine.
Il en est de même des tableaux de pleins établis par les compagnies réassurées.
4°- Toutes infractions aux engagements souscrits par les compagnies réassurées ou aux dispositions du présent décret peuvent, sans préjudice de l'application des sanctions prévues au décret du 10 juin 1938 et les textes subséquents, donner lieu à l'application par le secrétaire d'État à la Marine, des pénalités inscrites dans les contrats de réassurance.
Art. 9 - Dans l'intérêt supérieur du pays, le secrétaire d'État à la Marine peut, après avis conforme du ministre secrétaire d'État aux Finances, décider de réduire certains taux de prime dont l'incidence pourrait avoir des répercussions graves sur le prix de revient des matières ou produits intéressant particulièrement le commerce extérieur et le ravitaillement du pays.
Dans ce cas, la Caisse notifie sans délai la décision aux assureurs qui ont alors l'option, soit de conserver l'affaire sur leur contrat obligatoire, soit, au contraire, de réassurer intégralement et hors contrat, leur souscription auprès de la caisse ; le taux de commission peut dans ce dernier cas être réduit.
Art. 10 - Le secrétaire d'État à la Marine a la faculté de faire procéder à tout moment, soit par le directeur de la caisse, soit par un fonctionnaire spécialement délégué à cet effet, à la vérification dans les bureaux des compagnies réassurées de leurs écritures. Ces vérifications portent sur la correspondance, la comptabilité et en général toutes les opérations ayant trait aux affaires réassurées y compris les règlements d'avaries et de sinistres.
Art. 11 - Les conditions de fonctionnement administratif et financier de la caisse nationale de réassurance des risques maritimes seront déterminées par décret contresigné par le ministre secrétaire d'État aux Finances et par le secrétaire d'État à la Marine.
La Caisse nationale de réassurance se réserve la faculté de réassurer rétroactivement toutes les affaires dont les risques ont commencé le ou après le 26 juin 1940.