1940.08.06.Des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime.Paris.A Hypolite Worms
Copie de note
Le PDF est consultable à la fin du texte.Direction générale
des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime
Paris, le 6 août 1940
Note pour Monsieur Worms
Comme vous le savez probablement déjà nos installations sont complètement intactes et les quelques pillages que nous avons subis sont insignifiants ; à noter toutefois l'enlèvement de quelques caisses d'archives que nous n'avions pu emporter de la Mailleraye-sur-Seine.
Lorsque Abbat a regagné Le Trait il avait trouvé les Chantiers occupés par un détachement de gardes de la Marine allemande ; ce détachement est entré à Rouen sitôt que nous avons repris notre activité. Par contre le pays héberge actuellement 5 à 600 soldats allemands en cantonnement, et à part quelques légers incidents tout se passe bien.
Les chantiers ont rouvert le jeudi 25 juillet 1940 avec 195 ouvriers, actuellement l'effectif est d'environ 500 ouvriers qui travaillent 39 heures par semaine.
En ce qui concerne les collaborateurs, pour comprimer les frais généraux, nous avons procédé à la mise à la retraite anticipée de quelques contremaîtres et dessinateurs ainsi qu'au déclassement de certains chefs d'équipe.
Les salaires ont été provisoirement réduits d'environ 10 à 15% en harmonie avec des mesures prises à Rouen pour l'ensemble des entreprises ; il est d'ailleurs probable que nous annulerons prochainement cette baisse de salaires qui avait un caractère purement local et qui se trouve en contradiction avec les dernières instructions passées par le gouvernement.
En ce qui concerne le programme de travail, nous essayons d'harmoniser au mieux les instructions qui nous parviennent, d'une part directement des autorités allemandes, d'autre part des autorités françaises.
Du côté allemand, on nous a dit de poursuivre la construction des pétroliers "La-Charente" et "La-Mayenne" et de procéder à la construction de quatre chalands à essence.
Du côté français, nous avons l'ordre de poursuivre la construction des trois pétroliers, "La-Charente", "La-Mayenne" et "La-Baïse", et nous avons confirmation de l'Amirauté pour la construction de deux "Malgache".
Pour ces derniers navires le problème de l'approvisionnement des tôles et profilés semble se heurter actuellement à des difficultés considérables que l'ensemble de notre industrie va s'efforcer de résoudre au mieux.
Comme petits travaux nous nous intéressons également à la remise en état des bacs de la Seine-Maritime pour laquelle nous nous heurtons à la mauvaise volonté - et c'est un terme minimum - de Monsieur Barillon ; nous comptons d'ailleurs mettre Monsieur Barnaud plus en détail au courant des agissements de ce fonctionnaire.
Nous devons également transformer à des fins particulières, pour le compte de l'Amirauté allemande, un certain nombre de chalands fluviaux, ce travail nous ayant été signalé comme urgent par les autorités en question. Nous examinons ce problème en accord avec Monsieur l'ingénieur général Norguet, arrivé à Paris pour traiter au nom du gouvernement français les questions qui intéressent la construction navale, et avec lequel nous entretenons une collaboration extrêmement précieuse.
Somme toute, le volume des commandes que nous avons en carnet devrait nous permettre logiquement d'assurer du travail à un effectif normal pendant les mois à venir, mais nous avons peur d'être obligés de freiner à certains moments par suite du manque de certains approvisionnements, pour lesquels nous rencontrons de toute évidence des difficultés considérables.