1936.01.30.De Pierre Abbat - Journal de la marine marchande.Le pétrolier Shéhérazade.Article
Le PDF est consultable à la fin du texte.
Le pétrolier à moteurs "Shéhérazade"
construit par les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (Worms & Cie, Le Trait)
pour la Compagnie auxiliaire de navigation
[Photo et légende : Photo aérienne Moreau. Vue d'ensemble des Chantiers du Trait, prise quelques instants avant le lancement du "Shéhérazade" – voir PDF.]
Extrait du "Journal de la marine marchande" du jeudi 30 janvier 1936 :
"Shéhérazade", le pétrolier français le plus grand et le plus rapide actuellement en service par Pierre Abbat, ingénieur du génie maritime CR, sous-directeur des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (Worms & Cie), Le Trait.
La Compagnie auxiliaire de navigation vient d’enrichir sa flotte déjà nombreuse d’un pétrolier de 18.800 tonnes de port en lourd dont la construction a été effectuée parles Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime, Worms & Cie, Le Trait.
Ce navire, dont l’achèvement est une nouvelle étape dans la vie d’une flotte en constant perfectionnement, est évidemment de tous ceux qui portent fièrement le pavillon blanc et rouge le plus grand, le plus rapide, le mieux aménagé, le plus moderne, en un mot celui qui reflète le mieux la puissance et la personnalité de la Compagnie à laquelle il appartient.
En outre, le record qu’il établit ainsi dans sa propre famille est un record français, puisque, dans notre flotte pétrolière, aucune unité à flot ne peut à ce jour être comparée à "Shéhérazade".
Nous pourrions ajouter qu’en feuilletant la liste des navires à citernes en service dans le monde entier, nous en rencontrerions bien peu, une dizaine tout au plus, qui l’égalent ou le dépassent en tonnage et encore ces derniers devraient-ils, pour la plupart, s’incliner en ce qui concerne les autres qualités.
Déposé en juillet 1934 sur sa grande cale, le germe n°81 des Chantiers du Trait, tôle par tôle et rivet par rivet grandit et prospéra assez pour que ses formes, d’abord devinées, puis affirmées, arrivent rapidement à dominer la plaine normande, jusqu'à ce que, devenu trop grand pour son propre nid, il dépassât en hauteur tous les bâtiments dont l’activité lui avait donné naissance.
"Shéhérazade" allait naître et le 12 octobre 1935, légère malgré son poids qui, ber compris, approchait de 9 000 t, elle glissait sur sa cale, provoquant dans l’onde un doux frémissement, qui en porta la nouvelle le long de toutes les rives de la Seine-Maritime. Ceux qui furent bien étonnés, ce furent les vieux Dieux familiers de ces rives hospitalières qui regardaient passer le géant que la Seine, fière et charmée, malgré son trouble, accueillait dans ses flancs avec un sourire ensoleillé.
Quatre puissants remorqueurs des Abeilles s’en saisissent, l’emmènent au Havre où, pour quelques semaines, le grand port allait lui donner abri pour les dernières mises au point.
Enfin, mise en goût par une sortie préliminaire qui lui avait permis de tâter la mesure de sa force, "Shéhérazade" partait le 9 décembre pour ses essais officiels. Elle emmenait notamment à son bord M. Pilliard, président, et M. Yves Desprez, vice-président du conseil d’administration de la Compagnie auxiliaire de navigation, à la sollicitude paternelle desquels elle avait dû de naître.
[Photo et légende : Lancement du "Shéhérazade" – voir PDF]
La Manche était déchaînée par la tempête et il fallut chercher un abri relatif à l’ouest de l’Île de Wight pour permettre de mesurer les vitesses.
Le 11 décembre, après un peu plus de deux jours à la mer, ayant satisfait à toutes les conditions d’essais et ayant notamment, pendant 12 heures, maintenu, malgré les mauvaises conditions atmosphériques, la vitesse de 14 nœuds, "Shéhérazade" rentrait au port, puis le 15 décembre le navire quittait Le Havre pour son premier voyage commercial à destination de la côte syrienne. Il en est revenu le 6 janvier, ayant couvert 6.400 milles environ, effectuant le parcours d’aller à la vitesse moyenne de 13 n 5, celui du retour, malgré le très gros temps, à 12 n 5 et battant le record de rapidité de rotation sur ce parcours (23 jours entre deux départs consécutifs du Havre).
Si "Shéhérazade" doit son nom, d’une part, aux traditions de la Compagnie auxiliaire de navigation qui, progressant dans l’alphabet comme dans l’armement, arrivait après "Omphale", "Ophélie", "Pallas", "Rhéa", "Roxane", à la lettre S, il n’est pas inutile de souligner d’autre part que parmi tous les noms commençant par S qui eussent pu légitimement compléter cette liste, celui de Shéhérazade est particulièrement choisi puisque, attribué à un navire qui a été spécialement étudié et construit pour effectuer un trafic régulier entre Tripoli et Le Havre, il évoque la magie de ces choses d’Orient qui charmèrent notre enfance et fait ainsi participer à leur poésie le transport des pétroles de l’Irak, qui est la forme matérielle importante de nos relations avec le proche Orient.
Et sans aller jusqu’à le qualifier de brûle-parfums, car quelques esprits chagrins en pourraient prendre ombrage, nous pouvons bien, laissant notre imagination vagabonder, voir chevaucher dans son sillage et s’évanouir dans l’échappement de ses moteurs tout un monde légendaire que le progrès met en fuite.
Et maintenant, entre le Ciel et la mer, au hasard des courtes escales, "Shéhérazade" va pouvoir grossir et renouveler la série sans fin des prodigieuses histoires de Sindbad le Marin.
[Photo et légende : Vue de l’angle cloison transversale — cloison longitudinale dans une citerne centrale. Chambre des pompes principales et pompe de 500 t. Bd – voir PDF.]
Description générale et caractéristiques
La forme générale de "Shéhérazade" qui est visible sur les plans et sur les photographies qui illustrent cet article est celle du type à trois superstructures (gaillard, château et dunette).
L’étrave présente un guibre accentué et les formes AV ont un dévers bien marqué ; l’arrière est de la forme dite de croiseur.
Il n’y a pas de pavois le long des coffres AV et AR, mais seulement des chandeliers et des rambardes garde-corps.
Des passavants surélevés et solidement reliés au pont principal font communiquer d’une part avec la teugue, d’autre part avec la dunette le château qui est situé sensiblement plus près de l’AV que de l’AR.
Dans l’ensemble, il offre, harmonieusement façonnée dans des lignes élégantes, la silhouette classique des grands pétroliers à moteurs que sa cheminée bien proportionnée souligne à l’AR sans l’écraser.
Les caractéristiques principales du navire sont les suivantes :
Longueur hors tout |
174 m 900 |
Longueur entre perpendiculaires |
166 m 200 |
Longueur au fort hors membrures |
21 m 800 |
Creux sur quille au livet du pont supérieur |
12 m |
Tirant d’eau maximum au franc bord d’été centre du disque |
9 m 425 |
Port en lourd correspondant |
18 800 tonnes |
Le navire a été construit sous la surveillance spéciale du Bureau Veritas et a reçu de ce registre de classification la plus haute cote. Il a deux hélices actionnées chacune par un moteur Diesel à 4 temps, construit par MM. Schneider & Cie (licence B. & W.) dans leurs ateliers du Creusot.
La charpente métallique
Le navire est du type à trois compartiments, c’est-à-dire qu’il est pourvu de deux cloisons longitudinales continues avec lesquelles les cloisons transversales délimitent dans chaque tranche transversale trois citernes, une centrale et deux latérales plus petites et symétriquement placées.
[Plan et légende : Pétrolier à moteurs "Shéhérazade construit par les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (Worms et Cie), Le Trait, pour la Compagnie auxiliaire de navigation – plan d'ensemble – voir PDF.]
[Photo et légende : Façades des chaudières auxiliaires – voir PDF.]
Le système de construction adopté est le système Isherwood bracketless, dont on peut voir quelques détails caractéristiques sur les vues reproduites et dont, sans nous y appesantir, car ils sont trop connus, nous rappellerons d’un mot les principes essentiels : continuité des éléments longitudinaux, absence de goussets d’attache de ces derniers aux cloisons, compensation et répartition sensiblement uniforme par un appoint transversal constitué entre deux cloisons transversales par trois hautes varangues évidées au passage des longitudinaux continus et dont les échantillons et la position sont réglés de façon appropriée. De plus, les cloisons sont convenablement raidies et armaturées.
Les plans d’échantillonnage ont été établis par Sir Joseph Isherwood Ltd en accord avec les règlements du Bureau Veritas ; Sir Joseph avait bien voulu se faire représenter aux essais de "Shéhérazade" par son fils et collaborateur, M. William Isherwood.
Le navire comprend 18 cloisons transversales étanches qui limitent, de l’AV à l’AR, le peak AV, les cales à eau, les soutes à Diesel oil, le cofferdam AV, les 9 tranches transversales de chacune trois citernes, avec entre les citernes 5 et 6 la chambre des pompes principales, puis le cofferdam AR, les soutes AR, le compartiment des moteurs et le peak AR.
Les précautions voulues ont été prises pour assurer aussi loin que possible sur l’AR dans le compartiment des machines la continuité longitudinale de la construction, les cloisons longitudinales notamment sont prolongées dans les soutes à combustible AR.
L’appareil moteur principal
L'installation propulsive se compose de deux moteurs Diesel à 4 temps simple effet, injection mécanique, du type B. & W., à longue course construits par MM. Schneider & Cie, au Creusot.
Chaque moteur comprend 6 cylindres qui ont 680 mm d'alésage et 1 800 mm de course.
Ces moteurs sont suralimentés suivant le système B. & W., la soufflante placée sur le moteur est commandée par celui-ci à l’aide d’une chaîne.
Le graissage des moteurs et la réfrigération des pistons sont pris sur le même circuit alimenté par 2 pompes commandées électriquement, dont chacune est capable d assurer le service des deux moteurs simultanément.
Le refroidissement des chemises et des culasses des cylindres se fait à l’eau de mer. Il est assuré par deux pompes centrifuges commandées électriquement dont chacune est capable, comme les précédentes, de desservir les deux moteurs principaux.
Chaque moteur est muni d’une pompe à combustible avec filtre pour chaque cylindre, les pompes sont réglées, d’une part par la poignée de manœuvre et d’autre part, depuis le régulateur à maximum, à l’aide de tirants.
Les buses d’injection des soupapes à combustible sont refroidies par une circulation de gas-oil, cette circulation étant assurée par 2 pompes commandées électriquement dont une seule peut assurer le service simultané des 2 moteurs.
L’échappement de chaque moteur se fait dans deux silencieux en tôle soudée, le premier disposé le long du moteur et raccordé avec les coudes d’échappement de chaque cylindre, le deuxième disposé dans la cheminée.
Les moteurs sont établis pour l’utilisation de combustibles inférieurs, du genre du bunker fuel oil C.
Les essais, tant en usine qu’à la mer, à l’allure correspondant à l’utilisation normale des moteurs, ont été effectués avec un mélange composé de 1/3 de gas-oil et de 2/3 de bunker fuel oil C.
[Photo et légende : Un des deux moteurs Diesel de "Shéhérazade", type B. & W., 668 T.F. 180 de 7.500 C.V.E. dans les Ateliers du Creusot de MM. Schneider et Cie – voir PDF.]
Alimentés dans ces conditions, les moteurs développent à 106 tours/minute environ une puissance totale capable de maintenir en service, le navire chargé, une vitesse de route de 13 nœuds. Alimentés au gas-oil seul, les moteurs développent une puissance totale maximum capable d’imprimer au navire chargé une vitesse de 14 nœuds.
Lors des essais à la mer, malgré les circonstances atmosphériques défavorables, cette vitesse de 14 nœuds a été maintenue pendant 12 heures, le nombre de tours moyen s’élevant à 115 et la puissance maxima développée pour l’ensemble des deux moteurs s’élevant à environ 7.500 CV effectifs.
Les moteurs auxiliaires
Le navire est pourvu de deux moteurs Diesel auxiliaires à 3 cylindres, à injection mécanique, à 2 temps, avec ventilateurs attelés, alésage 220 mm., course 370 mm., développant une puissance de 150 CV à 320 tours/minute, ces moteurs devant pouvoir, comme les moteurs principaux, utiliser des combustibles inférieurs.
Chacun de ces groupes entraîne un compresseur à 2 étages à 25 atm., d’une capacité de 2 m3, 5 par minute et une dynamo de 100 kw 110 volts courant continu.
Chaque moteur auxiliaire est pourvu d’une pompe à combustible pour chaque cylindre, commandée par 1 arbre à came, d une soufflante volumétrique de balayage commandée par chaîne à partir de l’arbre manivelle, d’une pompe rotative d’eau de réfrigération, d’une pompe à engrenage pour l’huile de graissage sous pression, chacune de ces pompes étant actionnée par le bout d’arbre manivelle. Les moteurs auxiliaires ont été faits dans les ateliers B. & W.
Les auxiliaires de l’appareil moteur
[Photo et légende : Le tableau principal (vue postérieure), montrant les câbles Pyrotenax et leurs connections, construits par la Société alsacienne de constructions mécaniques.
[Photo et légende : Le tableau principal, vue antérieure (Ets Siemens-France, constructeurs) – voir PDF]
Nous récapitulons ci-dessous ceux des auxiliaires dont nous avons déjà évoqué les fonctions en décrivant l'appareil moteur, puisque ce dernier, en dehors de la soufflante de suralimentation et de la pompe à combustible, a ses auxiliaires indépendants :
— Deux pompes centrifuges à eau de réfrigération.
Chaque pompe a un débit de 300 t. à l’heure, suffisant pour pouvoir dans tous les cas fournir l’eau de refroidissement nécessaire aux deux moteurs principaux, au réfrigérant d’huile, à un groupe électrogène Diesel auxiliaire, au condenseur auxiliaire et à l’installation frigorifique.
— Deux pompes à huile de graissage du type Scam-Imo aspirant au réservoir d’huile et refoulant aux moteurs en passant par le réfrigérant à huile. Chaque pompe est capable d’assurer le fonctionnement simultané des 2 moteurs.
— Deux pompes de circulation de gas-oil pour la réfrigération des buses d’injection des soupapes à combustible. Ces 2^ pompes sont du type Scam-Imo. Sur le circuit de chacune d’elles, se trouve un réfrigérant. La réfrigération des buses d’injection fait maintenant normalement partie des installations accessoires des moteurs B. & W. à injection mécanique.
En dehors de ces auxiliaires dont dépend strictement le fonctionnement de l’appareil moteur, on trouve dans le compartiment machines les auxiliaires suivants :
—- Une pompe électrique de transfert d’un débit de 20 tonnes à l’heure pour un produit d’une viscosité égale à 20° Engler.
— Trois séparateurs centrifuges :
1 du type Titan NS. 66 ;
2 du type Titan 1800,
dont deux sont destinés à l’huile combustible, un à l’huile de graissage.
— Une moto-pompe électrique à eau de mer fournie par la Société S.M.I.M. d’un débit horaire de 80 tonnes sous une hauteur manométrique de refoulement de 80 mètres et capable de refouler 40 tonnes à l’heure sous une hauteur manométrique de refoulement de 120 mètres.
— Une pompe combinée de cale et sanitaire à 2 pistons plongeurs commandée par un moteur électrique commun.
[Plan et légende : Pétrolier à moteurs "Shéhérazade construit par les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (Worms et Cie), Le Trait, pour la Compagnie auxiliaire de navigation – coupe au maître – voir PDF.]
Tous les auxiliaires ci-dessus sont électriques. Il y a, en plus, une pompe de transfert à vapeur de 20 t pour l’huile combustible.
Le combustible (Diesel-oil) peut être logé à l’AV dans des soutes transversales d’un volume total de 1.000 mètres cubes environ, à l’AR dans des soutes et double-fonds d’un volume total de 900 mètres cubes environ. L’approvisionnement total de 1.700 tonnes correspond à un rayon d’action de 18.000 milles à 12 n 5. Un collecteur de transfert permet de faire les transvasements nécessaires entre les compartiments de l’AV et ceux de l’AR. Il y a en outre une soute à gas-oil (75 t), une soute à fuel-oil (165 t) et des caisses de consommation journalière.
L’air comprimé
L'air comprimé à 25 atmosphères produit par les compresseurs des groupes auxiliaires dont la fonction essentielle est de servir au démarrage des moteurs principaux est emmagasiné à cet effet dans deux réservoirs, l’un de 20 mètres cubes à Bd, l’autre de 25 mètres cubes à Td. Le volume de ce dernier a été accru de façon à pouvoir être utilisé pour faire éventuellement marcher à l'air comprimé les cabestans et les divers auxiliaires de pont à vapeur qui sont décrits plus loin.
Dans ces conditions d'utilisation, le premier réservoir fournit seul l'air de lancement à tous les moteurs principaux et auxiliaires, le deuxième réservoir, le plus grand, alimente au moyen d’un détendeur, un petit réservoir relai pouvant distribuer l’air à 10 kg aux appareils dont il doit assurer le fonctionnement éventuel.
Les chaudières auxiliaires et les installations à vapeur
Le navire est muni de deux chaudières auxiliaires du type cylindrique, à retour de flamme, qui ont été construites dans les ateliers de chaudronnerie des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime et qui ont les caractéristiques suivantes :
Diamètre 4 m 30
Longueur 3m 650
Timbre 12 k 500
Surface de chauffe totale environ 230m2
Nombre de foyers par chaudière 3
Une particularité de la construction de ces chaudières est que les foyers sont soudés par soudure électrique à une pince venue de forge avec la boîte à feu.
Les chaudières sont équipées pour recevoir les gaz d’échappement des moteurs, chaque moteur pouvant échapper à la chaudière située du même bord, ou bien directement à la cheminée. Elles sont en outre équipées pour pouvoir, lorsqu’on a besoin d’une grande production de vapeur, être chauffées au moyen de brûleurs à mazout et elles ont été normalement établies pour cette condition de fonctionnement.
Ces chaudières sont en outre munies d’un surchauffeur indépendant sécheur de vapeur placé entre moteur et chaudière sur le circuit des gaz d échappement et capable de produire une élévation de température de 35°.
Les devantures de foyers et l’ensemble des installations pour la chauffe des chaudières, tant aux brûleurs qu’aux gaz d’échappement sont de la marque Wallsend Howden.
En service à la mer, les chaudières étant chauffées exclusivement aux gaz d’échappement, la quantité de vapeur produite est suffisante pour assurer les services normaux. Elle est utilisée dans une turbine à vapeur entraînant une dynamo qui alimente tous les auxiliaires électriques en service à ce moment : appareil à gouverner, pompe à eau et pompe à huile des moteurs, pompe de circulation de gas-oil aux buses des soupapes à combustible, séparateurs centrifuges d'huile de graissage et d'huile combustible, frigorigènes, pompe de transfert, pompe de cale et sanitaire, la T.S.F., le groupe de condensation (pompe alimentaire et pompe d extraction du condenseur électrique, éjecteur à vapeur), l'éclairage complet du navire et, en outre, le chauffage des locaux par les radiateurs à vapeur.
Lorsque les chaudières sont chauffées au moyen de brûleurs, elles sont capables de produire une quantité de vapeur beaucoup plus considérable et appropriée à leur surface de chauffe, en vue d'alimenter les auxiliaires et les services vapeur : pompes à vapeur de chargement et de déchargement, guindeau, cabestans, treuils, réchauffage des soutes, extinction et lessivage à la vapeur des réservoirs, etc.
Pour ces conditions de fonctionnement, les servitudes de la chaudière, pompe alimentaire, groupe de chauffe au mazout (réchauffage et alimentation), cheval de circulation, sont à vapeur. Le condenseur qui a été déterminé pour cet usage est alors utilisé en condenseur atmosphérique, mais à la mer, lorsque les chaudières chauffées aux gaz d échappement alimentent la turbine à vapeur, ce condenseur devient un condenseur à vide.
Les installations relatives au chargement liquide
La cargaison liquide, qui se compose de produits bruts de l'Irak, est emmagasinée dans les citernes qui, comme nous l’avons vu, sont réparties en 9 tranches transversales.
La capacité totale est d environ 24.500 mètres cubes, soit 14.500 dans les neuf citernes centrales et 10.000 dans les 16 citernes latérales des tranches 1 à 8, les latérales de la tranche 9 n'étant pas utilisées dans les conditions normales de chargement.
Les citernes centrales ont un volume individuel très voisin de 1.600 mètres cubes, celui de la 9e étant un peu plus élevé.
L’ensemble des deux citernes latérales symétriques dans une tranche a un volume d’environ 1.250 mètres cubes.
Ces volumes permettent l’utilisation de la totalité du port en lourd pour un chargement homogène de densité 0,76.
Le tuyautage de chargement et de déchargement dans les fonds des citernes, constitué par des éléments en fonte de 250 mm de diamètre intérieur et 17 mm d’épaisseur, comprend essentiellement deux collecteurs symétriques courant en abord dans les citernes latérales d’une extrémité à l’autre et réunis par trois traverses transversales, l’une dans la partie AR de la citerne I, l'autre dans la partie AV de la citerne 8, la troisième dans la chambre des pompes principales.
[Photo et légende : Remorquage du pétrolier "Shéhérazade à sa descente en Seine du Trait au Havre par quatre puissants remorqueurs de la compagnie "Les Abeilles" – voir PDF.]
Sur ce collecteur qui constitue ainsi un double anneau sont branchés, à raison d’un par citerne latérale et de deux par externe centrale (1 de chaque bord) des tronçons d'aspiration de 250 mm de diamètre intérieur.
Les deux pompes principales situées dans la chambre des pompes milieu, qui sont des pompes à vapeur d'un débit horaire de 500 t d’eau, peuvent ainsi, en disposant convenablement les vannes, aspirer chacune dans l’un quelconque des compartiments.
La disposition du tuyautage permet, pendant que le navire est en train de recevoir sa cargaison par les canalisations normales dans une partie de ses réservoirs, de vider l’eau de lestage des autres réservoirs au moyen d’une des pompes.
Les refoulements munis de traverses convenables aboutissent sur le pont, en AV de la chambre des pompes, à deux tuyautages transversaux de 300 mm disposés pour assurer le déchargement et le chargement de chaque côté du navire par deux flexibles, les pompes principales travaillant ensemble ou séparément.
De plus, pour le chargement et le déchargement de la cargaison par l’AR du navire, il y a un tuyautage en fonte de 250 mm intérieur branché sur le tuyautage de fond dans le tank n° 1 et qui, en contournant à bâbord le roof du pont-dunette, va jusqu’à l’extrémité AR.
Dans chaque citerne latérale et à bâbord seulement dans chaque citerne centrale, le branchement de l’aspiration comprend un piquage de 80 mm intérieur muni d’une vanne et constituant pipe d'assèchement.
La chambre des pompes AV contient une pompe de cale à vapeur de 100 tonnes/heure qui aspire au cofferdam AV, à la mer, à la cale à eau, aux réservoirs n° 9 latéraux qui, ainsi que nous l'avons dit, ne sont pas utilisés pour la cargaison, mais peuvent servir à transporter de l’eau de réserve.
Cette pompe peut en cas de secours, au moyen d’un branchement amovible, être reliée au collecteur général du fond des réservoirs dans lequel elle aspire alors.
II y a, en outre, dans la chambre des pompes AV une pompe de transfert à vapeur de 100 tonnes/heure pour le transfert du combustible de l’AV à l’AR.
Toutes les vannes situées sur les collecteurs de chargement et de déchargement sont évidemment manœuvrées du pont.
Pour le dégagement des gaz, chaque citerne est reliée par un branchement individuel à un collecteur de dégazage. Ce collecteur de dégagement de 150 mm est prolongé le long de chaque mât jusqu'à une distance de 25 m de la flottaison en charge.
De plus, pour permettre le dégagement des gaz pendant le chargement, problème qui s’est posé avec les produits bruts de l'Irak, ce collecteur est prolongé jusqu’à une tubulure située à l'extrême AR et sur laquelle on peut brancher un éjecteur à vapeur.
Les citernes ne sont pas munies de dispositif pour le réchauffage de la cargaison.
En vue de les protéger contre la corrosion particulièrement active qu’exercent les bruts de l’Irak, d’une part les fonds des citernes ont été cimentés, d’autre part les renforts horizontaux et différents éléments de la charpente ont reçu, à titre d’essai, application de divers produits.
[Photos et légendes : Un coin du hall dans le roof des passagers (lambrissages et portes en contreplaqués d’art "Océana", parquet en "Sylviso" de la société Le Revêtement). Un aspect du salon montrant le panneau décoratif "Shéhérazade" (Arbey, décorateur). Parquet en Sylviso (Sté Le Revêtement) – voir PDF.]
Les auxiliaires et accessoires de coque
Le guindeau à vapeur du type Emerson Walker (cylindres horizontaux 12” X 14”) a été usiné et construit dans les ateliers de mécanique des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime, il est capable d’un effort tangentiel au barbotin de 25 t à la vitesse de 0 m 225 par seconde (pression 9 k cm2).
Chacune des deux lignes de mouillage comprend 10 maillons 300 m de chaîne en fer fin de l’Adour, du calibre de 70 mm, qui ont été fournies par la Maison Veille, du Havre, et une ancre Byers, d’un poids de 4.900 kg (le navire possède deux ancres de rechange identiques à celles en place).
Deux cabestans à vapeur sont disposés à l’AR sur le pont-dunette. Leur moteur et tout le mécanisme d’entraînement sont installés à l’abri dans le local de l’appareil à gouverner. Ces cabestans sont spécialement établis pour la manœuvre des aussières de l’AR. Ils sont capables d’un effort tangentiel à la cloche de 18.000 kg à la vitesse de 0 m 10 à la seconde et de 1.800 k à la vitesse de 1 m à la seconde, l’effort statique s’élevant à 35.000 k.
Deux treuils à vapeur type Clarke Champan de 8” X 12” fournis par la Maison Béliard & Crighton sont disposés, l’un à l’AV au pied du mât AV, l’autre à l’AR, sur l’AV et au point le plus élevé de la dunette. Ils sont destinés au service des mâts de charge. Celui de l’AR, convenablement disposé, doit permettre l’utilisation, pour la manœuvre des tuyaux flexibles de chargement à Tripoli, de deux mâtereaux situés par le travers du roof de la chambre des pompes milieu et portant chacun un mât de charge de 5 tonnes.
Les autres mâts de charge de 7 et 8 t destinés respectivement à desservir le panneau AV et le compartiment des machines sont portés par les mâts, ceux-ci sont d’ailleurs télescopiques, les bas mâts étant en tôle d’acier et les mâts de flèche en pitchpin.
Enfin, deux petites cornes de charge de 2 t 500 situées sur l’AR de la dunette sont destinées à la manipulation des ailes d’hélice et à la manutention des vivres à embarquer dans les chambres froides.
L’appareil à gouverner est du type hydro-électrique à 2 moteurs et 4 presses. Il est placé dans l’entrepont de dunette sur le pont supérieur et entraîne directement la mèche du gouvernail.
Le gouvernail, du type à simple tôle, a été recouvert d’un soufflage en bois donnant à sa surface un profil continu.
La drôme des embarcations comprend deux embarcations de sauvetage en acier type Mechans de 7 m 93 de long, disposées au-dessus de la dunette, une à bâbord, l’autre à tribord, pouvant contenir chacune 40 personnes, une vedette de 7 mètres à moteur de 15 CV pour le service du bord disposée dans le château sur le pont des embarcations à bâbord et pouvant contenir 25 personnes, tandis qu’à tribord se trouve un youyou de 5 m 50.
Il y a, en outre, à tribord, sur la dunette un radeau de sauvetage pouvant être utilisé pour 40 personnes.
Le mât AV porte un sifflet à air comprimé, la cheminée porte un sifflet trompe à vapeur.
[Photos et légendes : Chambre de l’armateur (meubles Arbey, parquets en Sylviso). Salle de bains de l’armateur (Appareils sanitaires Anconetti) – voir PDF.]
Les installations radioélectriques, le radiogoniomètre, l’appareil Auto-alarme ont été fournis et installés par la Compagnie Radio Maritime.
L'installation frigorifique comprend deux machines identiques d’une puissance unitaire de 3.000 frigories heure. Ces appareils frigorigènes, entraînés par des moteurs électriques, sont situés dans le compartiment des machines à Td sur la plateforme de l’entrepont inférieur.
La circulation de saumure pour chaque frigorigène est assurée par une pompe centrifuge à faible vitesse entraînée par courroie à partir du moteur du frigorigène.
Ces appareils desservent une chambre à viande d’un volume de 10 m3, 3 dans laquelle on peut établir en 15 h et maintenir une température de — 10° C. pour une température extérieure de 45° et une température d’eau de mer de circulation de 33°, et une chambre à légumes d’un volume de 11 m3 3 dans laquelle, dans les mêmes conditions de fonctionnement, on peut établir une température de + 4° C. Ces chambres froides sont situées à l’AR dans l’entrepont inférieur.
Les installations électriques
L'importance des installations électriques est rendue assez considérable par suite du nombre de sources génératrices dont est équipé le navire.
De ces diverses sources d’énergie qui toutes fournissent du courant continu à 110 volts, nous avons déjà rencontré les plus importantes, nous les récapitulons ici.
- Deux dynamos de 100 kw chacune entraînées par un moteur Diesel auxiliaire B. & W.
- Une dynamo de 108/135 kw à double commande.
- Une dynamo auxiliaire de 25 kw munie d’une machine à vapeur monocylindrique qui, à la mer, ne sera pratiquement pas utilisée et au port servira éventuellement à l’éclairage et au fonctionnement de l'installation frigorifique.
La dynamo à double commande peut être entraînée de deux manières différentes :
1° à partir de la ligne d'arbre Bd, le couple nécessaire à entrainement étant fourni au moyen d’une transmission par chaîne Renold à une pompe à huile volumétrique du type Scamimo, laquelle, fonctionnant en génératrice, refoule de l’huile sous pression dans une pompe de même nature qui, fonctionnant en réceptrice, est accouplée directement à la dynamo de 108/135 kw qu'elle entraîne.
2° par l'intermédiaire d’un réducteur de vitesse à engrenage à l'aide d'une turbine à vapeur type B.B.C. alimentée par de la vapeur saturée à la pression de 7 kg effectifs.
La pompe Scamimo génératrice, c’est-à-dire celle qui reçoit son mouvement de la ligne d’arbre bâbord, est située à l’AR sur le parquet des machines. Tout le reste de l’installation, pompe Imo réceptrice, dynamo, turbine, est situé sur la plateforme de l'entrepont des machines à bâbord ainsi que le réfrigérant d'huile et les installations accessoires.
En tout temps, si l'on dispose de vapeur aux chaudières, on opère comme si le reste de l’installation n’existait pas et on se trouve en présence d’un groupe électrogène constitué par une turbo-dynamo.
A la mer, lorsque les moteurs fonctionnent et que les gaz d'échappement permettent d'obtenir de la vapeur aux chaudières, la turbo-dynamo se comporte de la même façon et assure, nous l'avons vu, tous les services normaux.
Si la quantité de vapeur disponible pour l’alimentation de la turbine vient à s’abaisser, soit parce qu’on utilise à un autre usage la vapeur produite, soit parce que pour une raison ou pour une autre la production est devenue insuffisante, la puissance fournie par la turbine ne permet pas d’assurer l’entraînement de la dynamo en lui faisant fournir la puissance voulue ; alors la ligne d’arbre fournit au moyen de l’attelage entraînant le groupe Scam-Imo l'appoint de puissance nécessaire, ce prélèvement se faisant en quelque sorte automatiquement par suite de la mise en pression de l'huile et du couple qui en résulte du fait du ralentissement de la turbine.
On peut par conséquent demander à l’attelage, c’est-à-dire au moteur lui-même, sans que cela nécessite la mise en action d une nouvelle source d’énergie, la fraction nécessaire de puissance jusque, si besoin est, en cas d’absence complète de vapeur, à la puissance totale électrique, débitée par la dynamo.
La nécessité d’établir la dynamo pour qu’elle puisse donner sa puissance à un nombre de tours qui se trouve être fonction de celui des moteurs, et cela quel que soit ce dernier, dans ses limites de variation possible, a conduit à établir cette dynamo de façon que sa puissance nominale soit de 108 kw. Toutefois elle peut supporter une marche de durée illimitée en surcharge et débiter dans ces conditions 135 kw.
En outre, pour compenser les variations de vitesse de la génératrice, celle-ci est munie d’un régulateur automatique de tension capable de maintenir constante, à 3 0/0 près, la tension aux bornes de la machine.
Les différentes génératrices alimentent deux tableaux principaux, l’un dit Diesel, l’autre dit vapeur, dans les conditions suivantes :
Le tableau principal Diesel reçoit le courant des deux groupes électrogènes Diesel de 100 kw et de la dynamo à double commande.
Le tableau vapeur reçoit celui du groupe monocylindrique à vapeur de 25 kw et celui d’une ligne dérivée du tableau Diesel.
La dynamo à double commande et la dynamo à vapeur de 25 kw ne doivent pas pouvoir être mises en parallèle ni entre elles ni avec les dynamos Diesel.
L’ensemble de panneaux nécessaires pour la réalisation de ces conditions et pour la distribution aux différents circuits constitue un tableau d’importance assez considérable qui est situé à l’AV du compartiment des moteurs, sur la plateforme de l’entrepont inférieur. Il a été fourni par la maison Siemens France.
Cette société a également fourni des tableaux dits répartiteurs, directement alimentés, qui distribuent le courant, l’un aux deux vireurs, le second aux séparateurs centrifuges, le troisième aux machines frigorifiques.
Les tableaux tertiaires, en nombre assez important, disposés aux différents points de l’installation dans des armoires étanches et munis de coupe-circuits infraudables ont été fournis par la Société A.E.G.
Les conducteurs constituant les différents circuits et canalisations électriques et fournis par la Société alsacienne de constructions mécaniques, sont des conducteurs Pyrotenax, sauf dans les emménagements où ce sont de simples câbles sous caoutchouc vulcanisé sous gaine de plomb non armée.
Ces conducteurs Pyrotenax se composent essentiellement d’une âme en cuivre rouge isolée à l’aide de magnésie pulvérulente comprimée dans un tube de cuivre rouge constituant l’enveloppe extérieure. Cette enveloppe est mise à la masse.
Les câbles Pyrotenax présentent l’avantage incontestable d’être incombustibles ; ils ont de plus un isolement parfait à condition que la magnésie pulvérulente ne recèle aucune humidité. Ce dernier produit étant extrêmement hygrométrique, le problème essentiel qu’on avait à résoudre pour l’emploi du câble Pyrotenax était la protection des conducteurs aux extrémités sectionnées pour les soustraire à l’influence de l’air humide. Ce problème a été résolu de façon entièrement satisfaisante par la Société alsacienne de constructions mécaniques qui a mis au point différents types d’embouts, les uns ordinaires, les autres renforcés, qui permettent de résoudre les différents cas qui se présentent dans la pratique.
II semble qu’en raison des avantages qu’ils présentent, l’usage de ces câbles, dont pour la première fois on vient de faire sur Shéhérazade un emploi généralisé, soit appelé à se répandre.
Leur aspect et même la mise en œuvre changent un peu les notions habituelles sur les canalisations électriques puisqu’ils se présentent en fait comme de véritables tuyautages.
La protection contre l’incendie
Nous venons de voir que l’une des raisons qui ont fait choisir les câbles Pyrotenax était le souci de diminuer les causes d’incendie.
Néanmoins, "Shéhérazade" est muni de tous les moyens de protection contre l’incendie dont la nécessité sur un transport pétrolier est évidente.
Pour la protection de la cargaison liquide, un tuyautage d’extinction à la vapeur constitué par deux collecteurs part directement des chaudières, le premier desservant le groupe des réservoirs AR, l’autre celui des réservoirs AV. Sur chacune des chaudières il y a une soupape de sectionnement pour chacun des collecteurs d’extinction.
Pour chaque tranche transversale de réservoirs il y a un branchement qui permet d’admettre la vapeur dans le réservoir (cette installation sert également pour le lessivage). Ce branchement descend verticalement du collecteur et sur le pont se divise en trois branches, l’une pour chacun des réservoirs de la tranche.
Les soupapes de sectionnement des collecteurs d’extinction sont placées dans un poste d’incendie spécial situé au centre sur le fronteau AV de la dunette.
En cas d’incendie l’ouverture de ces seules soupapes permet d’envoyer la vapeur aux réservoirs, aucun autre sectionnement n’existant sur les branchements aux réservoirs.
Il y a en outre deux postes d’extinction d’incendie au moyen d’appareils à mousse. L’un, situé sur l’AV du pont de la dunette à Bd, comporte deux extincteurs "Idéal Mousse" de 200 litres à bascule qui alimentent une tubulure reliée d’une part à la machinerie par un tuyautage fixe et d’autre part à un dévidoir abrité portant une manche flexible de 60 m munie de lance permettant d’atteindre sans manœuvre préalable les 3/4 du coffret AR et toute la dunette. Le tuyautage fixe aboutissant à la machinerie se divise en deux parties, une pour la chaufferie, une pour les compartiments des moteurs. Elles sont prolongées chacune par une manche flexible munie d’une lance.
L’autre poste situé sur la passerelle dans un abri à Td comprend également deux extincteurs "Idéal Mousse" de 200 litres à bascule qui sont disposés comme ceux de l’AR et sont munis d’un manche en caoutchouc de 45 m avec raccord et lance permettant d’atteindre tout le coffre AV jusqu’au gaillard.
Le matériel nécessaire à ces installations a été fourni par la société Le Matériel d’incendie, à Boulogne-sur-Seine, ainsi qu’une vingtaine d’extincteurs de 10 litres répartis aux différents endroits d’emménagements et quatre extincteurs portatifs Lux L.M.T. à acide carbonique de 7 K. qui permettent éventuellement de fournir l’appoint nécessaire.
[Photos et légendes : Chambre et bureau du capitaine (meubles Arbey, parquets en Sylviso) – voir PDF.]
Les emménagements
Sur un navire pétrolier qui est essentiellement un vaste récipient à huile de pétrole et dont les installations doivent en conséquence être avant tout déterminées par la double condition de loger la cargaison et de la transporter, il semble que les emménagements doivent jouer un rôle secondaire et peut-être est-on surpris d’en voir faire ici une mention spéciale.
Cependant les équipages, dont l’importance n’augmente pas avec le tonnage, ont sur ces grands navires à assurer un service d’autant plus dur que les séjours dans les ports sont extrêmement réduits. Il est donc légitime de prévoir des installations confortables et même un certain luxe.
De plus, les pétroliers récents comportent, en outre, des appartements classiques réservés à l’armateur, plusieurs chambres de passagers.
C’est le cas pour Shéhérazade et c’est pourquoi, par des soins combinés du constructeur et de l’armateur, nous y trouvons des éléments de décoration dont se contenteraient bien des paquebots.
Les appartements du capitaine, chambre et bureau, la chambre de l’armateur et le salon-salle à manger, ont été exécutés par les Meubles Arbey, 80, Faubourg St-Antoine, Paris, suivant les directives données par M. Pilliard, président de la Compagnie auxiliaire de navigation qui a tenu à apporter à cette réalisation son attention personnelle.
Cet ensemble moderne, aux lignes sobres, présente des aspects variés suivants la destination des locaux.
Chez le capitaine, lambris en merisier et meubles en noyer de fil donnent avec le maroquin havane des sièges l’austérité de ton qui convient au commandement.
Chez l’armateur le lambrissage en érable, le mobilier en sapelli réalisent sans recherche une élégance de bon aloi.
Le salon-salle à manger occupe un espace de 5 mètres sur 9 environ qui peut être à volonté divisé en deux parties par une baie à porte coulissante.
La partie la plus petite qui constitue la salle à manger permet de répartir autour d’une table à l’italienne jusqu’à 12 convives.
La plus grande partie constitue plus proprement un salon sur la paroi AR duquel un grand panneau décoratif dû au maître Pierre Matossy, Grand Prix de Rome, évoque Shéhérazade tenant sous le charme le Roi Schariar.
L’ensemble traité de façon homogène, lambrissage en frêne de fil, mobilier en teak du Laos moiré, sièges en maroquin vert, respire une atmosphère confortable et tout à fait "chez soi" de bonne maison.
Dans tous les autres locaux, la décoration, lambrissage et ébénisterie, a été exécutée par les Ateliers & Chantiers de la Seine-Maritime. Les tapisseries (rideaux de hublots et couverture des sièges) ont été exécutées par la société Aux Mérinos du Havre.
[Photos et légendes : L’ensemble du salon et de la salle à manger (Arbey décorateur. Parquet en Sylviso exécuté par la société Le Revêtement). Salle à manger (Meubles Arbey, parquets en Sylviso) – voir PDF.]
Dans le château, on trouve, à côté des locaux déjà décrits, des cabines pour deux et pour un passager, la chambre et le bureau du capitaine, les chambres des 1er, 2e, 3e lieutenants.
Les revêtements de pont dans cette partie (halls, logements du capitaine, de l'armateur et des passagers, salon) ont été exécutés en carreaux de bois Sylviso par la société Le Revêtement, 14, rue Torcy, Paris, qui est concessionnaire du procédé. Ce parquet, déjà connu dans la décoration terrestre et dont "Shéhérazade" est la première application navale, se présente sous la forme d un carreau de 15 X 15 composé de lamelles de bois de 0 mm d'épaisseur environ, fixées à l’aide de bitume natif sur un support en ciment multicellulaire, et se pose comme un carrelage de cuisine au mortier de ciment sur une forme de sable qu’on établit à l'épaisseur et au niveau désirés. La surface planée et encaustiquée prend l'aspect de beaux parquets de luxe, on peut en varier l'effet par le choix de l’essence et la disposition des carreaux et il offre, en raison de la faible surface individuelle des carreaux, l'avantage de se mouler facilement sur le pont en suivant le bouge et la tonture et de ne pas créer de lignes de rupture et de dislocation ; sa constitution le rend de plus insonore et mauvais conducteur de la chaleur.
Dans le grand hall qui donne accès aux différents locaux, le lambrissage mural et les portes ont été effectués avec des contre-plaques d'art "Oceana", panneaux profilés tout à fait nouveaux, d'un effet décoratif très heureux bien que d’un prix de revient peu élevé, fabriqués par la Compagnie nantaise des bois déroulés et contreplaqués "Océan".
Dans le roof dunette on trouve le carré des officiers qui s’agrémente d un coin de repos appelé salon de thé, un petit carré pour l'usage du capitaine à la mer, les appartements du chef mécanicien, les chambres des 2e, 3e, 4e mécaniciens, les carrés du personnel de pont et de machine et, dans l’entrepont, les logements des mécaniciens assistants et du personnel machine et cuisine tandis que l'équipage de pont est logé sous la teugue.
Dans les locaux de la dunette les revêtements de pont sont en mosaïque, dans les coursives de l’entrepont dunette et dans les locaux de la teugue ils sont en granito. Partout où il y a des bordés de pont en bois ils sont fixés au moyen de tiges filetées préalablement soudées au pont métallique par soudure électrique.
Les Anciens Ets Anconetti, Paris, ont fourni des lavabos en fonte émaillée et différents accessoires. II y a une cuisine principale comprenant les appareils de cuisine et de boulangerie chauffés au combustible liquide qui ont été fournis par la Maison Béliard & Crighton, une cuisine annexe comprenant un fourneau électrique fourni par la Maison Lidon.
Dans l'office du salon et dans celui du carré se trouvent des armoires frigorifiques. Le chauffage de tous les locaux est assuré au moyen de radiateurs à vapeur.
La ventilation naturelle est partout assurée aussi largement que possible ; de plus une ventilation artificielle au moyen de deux ventilateurs de 13.000 m3/h fournis par les Établissements Gindre & Duchavany à Lyon permet l’aération des entreponts de la machinerie et de l’entrepont de la dunette.
P. Abbat