1932.06.24.Au ministre de la Marine marchande.Paris

Copie de note

Le PDF est consultable à la fin du texte. 

24 juin 1932

Service : Flotte de Commerce et matériel naval
Bureau : Réglementation et affaires économiques

Monsieur le ministre la de Marine marchande
24, rue du Boccador - Paris 8e

Monsieur le ministre,
Relations maritimes entre la France et la Lettonie - Nous avons l'honneur d'accuser réception de votre dépêche du 16 courant, nous remettant le double du rapport adressé par M. O. Depret-Bixid, attaché commercial près des légations de France en Estonie, Lettonie, et Lituanie, à Monsieur le ministre du Commerce.
Nous vous remercions de cette communication dont nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt.
Ce n'est pas la première fois que nous parvient l'écho du regret tout naturel que ressentent nos représentants à l'étranger, en constatant la carence du pavillon français dans la région de leur résidence : des Pays baltes, en particulier, nous avons déjà reçu maints rapports nous signalant l'insuffisance de liens maritimes avec la France mais nous ne pouvons que confirmer l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés, depuis quelques années d'améliorer cet état de choses, que nous sommes évidemment Ies premiers à déplorer puisque de tout temps, seuls dans l'armement français, nous n'avons cessé de nous intéresser au trafic en question.
En fait, depuis aussitôt après l'armistice, nous avons saisi, peut-être trop prématurément, toutes les occasions qui se sont présentées pour faire revivre un service direct unissant la France et les Pays baltes, y compris la Russie, service que nous avions exploité il y a fort longtemps mais qui, devant l'insuffisance du tonnage à transporter, avait été transformé, depuis de nombreuses années, en un service par transbordement à Hambourg et dont le secteur oriental appartenait au pavillon étranger.
Nous avions réussi toutefois à conserver à peu près le contrôle de ce trafic en faisant bénéficier ces marchandises de l'usage de connaissements directs.
Dès le mois d'août 1919, nous procédions à la création d'une ligne sur la Pologne et la Prusse orientale, avec Dantzig comme escale régulière et Kœnigsberg comme escale éventuelle.
Par contre, ce n'est qu'en 1922 que les circonstances économiques et politiques nous permirent de tenter la création d'une autre ligne sur les Pays baltes, c'est-à-dire plus particulièrement sur Reval et Riga.
Plus tard, avec votre bienveillant concours et avec celui du ministre des Affaires étrangères, était créé un troisième lien sur Leningrad.
Mais, devant la carence presque totale du fret pour tous ces pays, à l'aller et aussi au retour, à l'exception de la sortie de Dantzig, nous avons dû lier ces trois services qui devaient être indépendants, de façon à rendre l'exploitation des navires plus souple et, par conséquent, moins lourde.
C'est ainsi que de 1922 à 1927, en dehors de Dantzig et de Kœnigsberg que nous avons desservis, le premier très substantiellement, le second, très suffisamment, nous avons réussi à toucher à peu près régulièrement Reval et aussi, quoique d'une façon moins fréquente, Riga : déjà, à cette époque, une publicité opiniâtre et coûteuse ne donnait, en ce qui concerne ce port, que des résultats très médiocres.
A partir de 1927, si nos Services ont pu être maintenus nombreux sur Dantzig, plus rares mais suffisants sur Kœnigsberg et Reval, malgré des conditions économiques devenant très défavorables et une concurrence très âpre, ils ont été de plus en plus espacés en ce qui concerne Riga et nous devons reconnaître que des mois se sont écoulés parfois sans qu'aucun de nos navires puisse se montrer dans ce port.
Malheureusement, la politique que le gouvernement français semble avoir été obligé de pratiquer pour défendre les intérêts de nos producteurs et industriels, contre une concurrence dangereuse, a singulièrement aggravé les difficultés que nous rencontrions, de telle sorte que ce n'est plus la question du lien maritime avec Riga qui se trouve en cause mais bien celle de tout le trafic français en Baltique.
Comme nous avons eu plusieurs fois l'occasion de le dire à vos services, cette politique des contingentements étendue aux bois de Baltique a porté un coup très dur à nos lignes de cette région.
Plusieurs de nos vapeurs, - nous en avions eu jusqu'à 7 en ligne - ont été désarmés, ce qui rend bien plus difficile encore des escales dans les ports de Reval et de Riga.
Nous ne pouvions, en effet, aller visiter ces ports, où on ne trouve, accidentellement d'ailleurs, que des appoints, qu'en profitant de ceux de nos navires qui, étant allés charger à Dantzig et/ou à Kœnigsberg, avaient un vide correspondant à une offre émanant des ports baltes.
Nous avions trouvé un palliatif en demandant de nous autoriser à prendre, hors contingent, et en qualité d'importateurs de charbon, quelques chargements de houille polonaise qui, à défaut de mieux, auraient pu nous aider à maintenir en ligne quelques vapeurs, au moins pendant un certain temps. Vous savez que, malgré votre précieux appui, dont nous vous sommes vivement reconnaissants, cette autorisation nous ayant été refusée, nous avons été obligés de désarmer quatre vapeurs.
Et c'est ainsi que nous en arrivons à cette situation paradoxale que, si, comme importateurs de charbon, nous avions l'occasion de pouvoir faire venir une cargaison imprévue, nous serions obligés, pour en effectuer le transport, d'affréter un navire car, en tant qu'armateurs, nous ne pourrions consentir des frais de réarmement pour un seul voyage. Or, comme le pavillon français ne se trouve pas sur le marché dans cette région, c'est un bateau étranger que nous serions obligés de louer.
N'y a-t-il pas là une situation vraiment illogique et grave et dont les inconvénients dépassent de beaucoup ceux qui ont pu motiver l'intervention de M. Depret-Dizio, à propos du lien maritime qui devrait unir la France et Riga ?
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l'assurance de notre haute considération.


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