1931.04.25.De Georges Benoit-Lévy - visite du Trait

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L'Hygiène sociale – revue bimensuelle – n° du 26 avril 1931
Les Cahiers de la santé publique : hygiène, hygiène publique – 25 avril 1931

Les grandes œuvres

Le village-jardin du Trait[1]
1°- Les chantiers. Les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime ont été fondés en 1917 par la Maison
Worms et Cie, au Trait, à peu près à mi-chemin entre Rouen et Le Havre. Ils ne couvrent pas moins de 25 hectares. Ils possèdent huit cales de construction sur lesquelles peuvent être construits tous navires jusque 180 mètres de longueur ; de vastes ateliers (200 M. de long sur 40 M. de large) sont spécialement affectés à la construction des chaudières et des machines marines. Les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime ont, en outre, les moyens de terminer entièrement sur cale les navires qu'ils construisent, même les paquebots.
Ce sont véritablement les établissements industriels qui conviennent à une cité-jardin. Les immenses halls des ateliers sont clairs, bien ventilés, avec des échappées soit sur la Seine, soit sur les coteaux verdoyants du Trait et sur ses cottages fleuris. Tous les bâtiments sont sans étage et s'étalent à l'aise, offrant aux ouvriers le maximum de sécurité et de facilités en même temps que le travail
est susceptible de s'y accomplir dans les meilleures conditions de rendement. Une magnifique avenue, bien ombragée, conduit des ateliers au village-jardin.

2°- Le village-jardin
A. L'habitation. Au moment où les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime se sont installés, le Trait était un village de 300 habitants.
Un village-jardin édifié de toutes pièces compte actuellement plus de 2.000 habitants se répartissant dans 500 logements de 2 à 4 pièces, accompagnés, chacun, d'un jardin d'une contenance moyenne de 500 mq. Un concours de jardins, doté d'une dizaine de milliers de francs de prix, récompense chaque année, les efforts des meilleurs jardiniers.
L'eau potable est partout fournie en abondance. L'électricité est distribuée à domicile par une filiale de la Société immobilière du Trait, qui est chargée, en ce qui la concerne, de la gérance et de l'entretien des immeubles. Des jardins publics ont été créés de façon à ménager de larges espaces d'air à l'intérieur de la cité.
Celle-ci s'étend, au total, sur près de 150 hectares. Les maisons y sont donc très espacées et elle donne véritablement l'impression d'une "cité-jardin".
B. Les Œuvres sociales
a) Protection de la famille.
- Les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime accordent à leurs ouvriers des sursalaires familiaux importants :
Par l'intermédiaire de la Société de secours mutuels "La Fraternelle", de multiples avantages sont réservés aux familles au moment de la naissance d'un enfant.
Une "Association de familles nombreuses" secourt les familles qui se trouvent momentanément dans le besoin.
b) Action mutualiste et protection de la santé de Vouvier.
- Deux sociétés de secours mutuels fonctionnent au Trait : une pour les adultes "La Fraternelle", l'autre pour les enfants "la Mutualité enfantine".
Il existe au Trait une infirmerie dotée de tous les instruments modernes et un centre d'examen médical pour le dépistage de la tuberculose, qui fonctionne en accord avec les autorités départementales.
c) Enseignement et éducation.
Les enfants de 13 à 18 ans qui travaillent aux chantiers sont tous liés à l'établissement par un contrat d'apprentissage qui est sanctionné par des primes appréciables dont nous retiendrons
celle de 1.500 francs au moment du mariage et de la fondation du foyer.
Des cours professionnels sont organisés pour les apprentis d'octobre à avril, cinq jours par semaine, de 17 h. 30 à 19 heures. Des prix sont distribués chaque année aux meilleurs élèves. Les cours sont sanctionnés, en principe, par la présentation des apprentis au certificat d'aptitude professionnelle. Les dessinateurs de l'Établissement sont recrutés également parmi les premiers élèves des cours
professionnels.
Il existe au Trait une école ménagère où les jeunes filles reçoivent, cinq jours par semaine, pendant deux années, de 13 à 15 ans, un enseignement complet portant sur la coupe, la couture, le raccommodage, la mode, le blanchissage, le repassage, la cuisine. Les fillettes au-dessous de 13 ans sont également initiées, le jeudi, à l'École ménagère, aux premiers éléments des travaux féminins.
A côté des écoles publiques, il a été créé une école libre comportant trois classes : une pour les garçons, une pour les filles et une pour les enfants des deux sexes au-dessous de 6 ans.
Il existe également au Trait une Société d'encouragement scolaire "Le Blé qui lève", qui prend l'initiative de toutes les fêtes enfantines comme celle de l'arbre de Noël, qui récompense, par des livrets de caisse d'épargne, les lauréats du certificat d'études primaires et qui, surtout, par des bourses, permet aux jeunes gens de condition modeste, ayant obtenu de bons résultats scolaires, de poursuivre leurs études dans les écoles primaires supérieures, les lycées ou les Écoles techniques.
d) Coopératives.
En vue de pourvoir à l'approvisionnement de la Cité, deux sociétés ont été créées au Trait : La société coopérative d'alimentation "L'Avenir du Trait", qui s'occupe plus particulièrement de tout ce qui touche à l'épicerie et aux boissons, et la Société d'"Achats en commun", qui vend les produits suivants : lait, beurre, œufs, légumes, boucherie, et a créé un rayon de confections. 
Une camionnette assure le ravitaillement de ces sociétés aux grands marchés de la région.
Une ferme modèle fournit une partie du lait nécessaire à la population.
e) Sports.
Les apprentis des chantiers sont astreints, pendant la période d'été, à un entraînement raisonné
de culture physique sous la direction d'un moniteur qualifié.
Un Cercle nautique a pour objet la pratique des sports nautiques et du tennis.
f) Œuvres diverses.
Il existe encore au Trait les sociétés suivantes : une harmonie, un Cercle symphonique,
une société de mandolinistes, un cercle artistique, un cercle lyrique, un radio-club, ainsi que deux sociétés : "Le Bouchon du Trait" et "Le Trait d'Union", qui constituent les clubs du personnel de maîtrise et du personnel ouvrier des chantiers.
Une bibliothèque aménagée scientifiquement d'après les dernières données de la bibliotechnie, est mise à la disposition des habitants.
Un grand hôtel a été installé pour les personnes de passage et les célibataires.

3° La visite du village-jardin se termine par celle de la salle de cinéma qui, à la différence des salles de
spectacle les mieux achalandées, est bien ventilée et bien éclairée. Lorsque l'obscurité est faite, nous voyons projeter le film du lancement du Charles-Schiaffino, construit au Trait, ce qui nous cause un double plaisir : celui d'assister à cette cérémonie toujours émouvante et celui de voir
inscrit sur les flancs du nouveau vaisseau le nom de notre excellent et éminent correspondant d'Alger.
M. Vasseur, directeur de l'Office social du département de la Seine-Inférieure, collaborateur de l'ancien préfet, Charles Lallemand, nous fait ensuite un exposé de l'œuvre sociale accomplie par le département. Œuvre remarquable dont le conférencier fut l'artisan modeste, éminent et inlassable. On ne peut résumer un tel exposé, qui était déjà très condensé, mais nous nous efforcerons
d'en obtenir le texte intégral pour nos amis qui le désireraient.
Parmi ceux qui applaudirent le plus, nous pouvons bien nommer notre correspondant, M. le Docteur Bertrand, directeur à l'Institut d'hygiène sociale de l'Aube, qui poursuit une œuvre analogue, sous sa seule responsabilité.

4° Impressions.
Ce que cette description ne peut donner, c'est l'aspect incomparable que présente ce
village-jardin, une véritable ville poussée de toutes pièces dans un des paysages les plus séduisants, en ayant non seulement respecté les agréments des sites, mais en ayant développé encore ses avantages naturels par les hectares de vergers et de potagers parmi lesquels sont implantées
maisons et maisonnettes.
Il faut avoir vu ces jardins publics qui sont de véritables petits parcs, la pépinière avec ses serres de plantes rares et ordinaires, les haies verdoyantes remplaçant les murs, les édifices publics : coopératives, écoles, etc., décorés avec un goût exquis, pour saisir la valeur de ce qui a été accompli dans ce petit paradis terrestre qui eût pu aussi bien être un enfer industriel et pour en féliciter
les inspirateurs et réalisateurs, M. Majoux et M. Nitot, ancien et nouveau directeurs, qui continuent à joindre leurs efforts pour atteindre, suivant un plan dont rien n'a été omis, l'objectif qu'ils se sont proposés. Il convient de rendre hommage également à M. Dupuich qui dirige avec tant de discernement, les œuvres sociales du Trait.

Georges Benoit-Lévy

 

[1] Extrait du beau rapport de notre Collaborateur Georges Benoit-Lévy, l'actif et dévoué Directeur de l'Association des Cités-Jardins de France.

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