1918.11.30.De M. Asselin, huissier.A Worms - ACSM.Sommation - Marcel Duchereau

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[Papier spécial – copies d'exploits et significations de pièces – pour les huissiers]

Sommation

L’an mil neuf cent dix huit, le trente novembre,
à la requête de M. Marcel Duchereau, ingénieur-constructeur, demeurant à Paris, 16, avenue d’Orléans,
élisant domicile en sa demeure,
j’ai, Émile Asselin, huissier près le tribunal civil de la Seine, séant à Paris, y demeurant, rue Brézin, n° 23, soussigné,
dit et déclaré à la société Worms et Cie, dont le siège est à Paris, 45, boulevard Haussmann, où étant et parlant à une femme à son service,
Que par exploit de Me Terrier, huissier à Duclair, (Seine-Inférieure), mon requérant a reçu sommation de la société Worms et Cie « d’avoir à apporter toute l’activité nécessaire dans l’achèvement des travaux qui lui ont été confiés, par ladite société, en employant à ces fins la main-d'œuvre en rapport avec l’importance des travaux à exécuter » ;
Que si lesdits travaux n’ont pas été exécutés et ne sont pas conduits avec toute l’activité nécessaire, la responsabilité n’en incombe nullement à mon requérant :

I - Qu’en effet, et en premier lieu, avant de passer les marchés relatifs à ces travaux, mon requérant au cours d’une visite qu’il fit en mars 1918, au Trait (Seine-Inférieure) sur les lieux où devaient être effectuées les constructions à lui proposées déclara à M. Lanave, directeur des travaux, et à M. Achard, de la société Worms et Cie, qu’il n’accepterait d’entreprendre lesdites constructions que si la main-d’œuvre secondaire, c’est-à-dire cent manœuvres au moins, lui était fournie, car il ne disposait que de quarante compagnons,
- que M. Achard lui promit de faire mettre à sa disposition cent Russes à raison de 9 F 10 par jour, et de lui louer un baraquement en bois pour loger le personnel,
- que lesdits manœuvres russes n’ont jamais été fournis par la société Worms,
- que le 25 juillet 1918, c'est-à-dire quatre mois après la signature des marchés mon requérant obtint - par sa propre initiative - le concours de vingt-cinq manœuvres russes en consentant à payer un salaire plus élevé que celui susdit,
- que la société Worms voulut toutefois que ces Russes reçoivent une fiche d’affectation à son service et ne soient pas inscrits comme affectés à l’entreprise de mon requérant, qu’elle put ainsi par la suite les enlever peu à peu des chantiers de mon requérant et les employer à d’autres travaux, provoquant ainsi elle-même à nouveau les retards dans l’exécution des constructions que M. Duchereau exécutait,
- que la société Worms est en train d’installer au Trait un camp pour recevoir cinq cents prisonniers de guerre, qu’elle se propose d’affecter aux travaux confiés à ses entrepreneurs ou exécutés par elle-même,
- que mon requérant n’a pas encore été avisé de l’affectation à son entreprise de cette nouvelle main-d’œuvre promise,
- que non seulement la société Worms n’a pas fourni à mon requérante la main-d’œuvre secondaire sans laquelle celui-ci avait déclaré ne pouvoir accepter les entreprises qui devaient lui être confiées mais que, par surcroît, elle a, par elle-même ou par ses autres sous-traitants, désorganisé les équipes existantes de mon requérant en débauchant certains de ses ouvriers par l’offre de salaires plus rémunérateurs,
- qu’ainsi le nommé Pommies, ancien chef de service de mon requérant, est passé à une autre entreprise de la société Worms, avec la plus grande partie de l’équipe qu’il avait sous ses ordres,
- qu’enfin, un baraquement avait été mis à la disposition de M. Duchereau par la société Worms pour loger son personnel, comme il avait été convenu, que les travaux d’aménagement de ce baraquement étaient sur le point d’être terminés lorsque la société Worms décida d’établir pour ses ouvriers une cantine dans le dit baraquement,
- que mon requérant fut, par suite, obligé d’acquérir un terrain et de faire édifier, sur ce terrain, les logements ouvriers nécessaires, étant ainsi forcé, de par le fait de la société Worms, d’employer une partie de son personnel à cette installation au lieu de l’utiliser normalement aux travaux de son entreprise.

II - Qu’en second lieu, mon requérant n’a consenti à accepter les délais d’exécution prévus aux marchés que si les matières premières nécessaires aux constructions à entreprendre lui parvenaient en temps utile et en quantité suffisante pour alimenter ses équipes,
- que le premier bateau de client n’a été déchargé seulement le 25 juin 1918, alors que le premier marché a été signé trois mois avant,
- qu’en outre lorsque les marchés ont été signés les certificats de classement en première catégorie permettaient de compter sur un transfert rapide des matières mais que, depuis juin 1918, le transport des ciments et bois est devenu des plus difficultueux car seules les marchandises classées dans le groupe I peuvent être expédiées utilement,
- que, lorsqu’il a accepté d’entreprendre des travaux pour la société Worms, mon requérant était en droit de penser que les certificats de classement en 1ère catégorie continueraient à permettre d’effectuer des transports rapides et qu’il pourrait ainsi notamment transporter au Trait des bois lui appartenant qui se trouvaient à Ouzouer (Loire),
- que la société Worms n’est pas parvenue à faire comprendre dans les marchandises du groupe I les matières nécessaires aux travaux de mon requérant,
- que M. Duchereau de son côté s’est constamment efforcé de faire effectuer les transports nécessaires, que ses démarches bien que multipliées n’ont pas abouties et que malgré ses incessants efforts il n’a pu arriver à vaincre les difficultés que les grands événements militaires qui se sont succédé depuis la passation de ses marchés ont provoquées et sans cesse accrues.

III - Qu’en troisième lieu les travaux de l’atelier de montage ont été arrêtés par la société Worms sous le prétexte que les fondations qui avaient été approuvées et reçues lors de leur exécution par le directeur des travaux de ladite société ne satisfaisaient pas le nouveau directeur des travaux récemment nommé par cette société qui se prétendait responsable avec M. Duchereau des travaux effectués, mais qu'aux termes de l’article I des trois marchés intervenus entre la société Worms et mon requérant, l'entrepreneur prend la responsabilité entière de la préparation de l’exécution du projet par conséquent il assume seul comme architecte et entrepreneur la responsabilité décennale prévue par le code civil,
- qu’ainsi le nouveau directeur des travaux au Trait n’est pas fondé à invoquer la charge d’une responsabilité qu’il n’a pas pour justifier l’interdiction qu’il a faite à mon requérant de continuer les travaux de l’atelier de montage,
- qu’au surplus les fondations dudit atelier ont été faites suivant les règles de l’art et de façon à satisfaire aux exigences voulues et aux prix convenus,
- que mon requérant tout en conservant la responsabilité de ses travaux a même offert à la société Worms de faire procéder à une expertise par un idoine en travaux de ciment et de béton armés,
- qu’aucune réponse ne lui ayant été faite à ce sujet il est en droit de considérer que la société Worms trouve cette expertise superflue et qu’elle s’en tient aux clauses de responsabilité prévues et insérées dans ses marchés,
- que s’il en est ainsi l’interdiction de continuer les travaux de l’atelier de montage semble devoir être considérée comme ayant pris fin.

Qu’en conséquence, la non exécution des marchés avec toute l’activité nécessaire était due soit aux cas de force majeure susvisés soit aux autres causes indépendantes de la volonté de mon requérant susdites et que les délais d’exécution n’auraient pu valablement courir à son encontre que si les travaux avaient pu se poursuivre suivant les prévisions sur lesquelles il s’était basé pour accepter son marché.

Pourquoi j’ai, huissier susdit et soussigné, invité la société Worms à donner à mon requérant toutes facilités pour lui permettre d’apporter toute l’activité nécessaire dans l’achèvement des travaux qui lui ont été confiés, ainsi qu’elle lui en a fait sommation par exploit susvisé et en conséquence j’ai invité ladite société :
1° - à fournir à mon requérant aux conditions de salaires convenues la main-d’œuvre secondaire nécessaire aux travaux qu’il doit exécuter pour elle à compléter et à faire maintenir dans leur effectif normal les équipes de compagnons à interdire notamment à ses directeurs et à ses autres sous-traitants toute distraction de main-d'œuvre appartenant à mon requérant,
2° - à donner au requérant son concours pour le transport rapide des matières nécessaires aux entreprises en cours et notamment du bois jusqu’au jour où ladite marchandise pourra être transportée dans les conditions existantes au moment de la passation des marchés,
3° - à l’autoriser à continuer les travaux de l’atelier de montage,
4° - à verser à mon requérant un acompte de deux cent mille francs sur les travaux terminés.

Et je lui ai, domicile et parlant comme dessus laissé copie.
Coût : treize francs 30 cent.
Employé pour la copie quatre feuilles de papier de la dimension du timbre à un franc soit quatre francs.
Signé : Asselin
Sous enveloppe fermée ne portant d’autre indication, d’un côté, que les noms et demeure de la partie, et de d’autre, que le cachet de mon étude apposé sur la fermeture du pli conformément à la loi.

Signé : Asselin

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