1916.01.24.De Worms et Cie Port-Saïd
Worms & C°
Branch Houses in Egypt
Suez, Alexandria & Cairo
Port-Saïd, le 24 janvier 1916
MM. Worms & Cie - Paris
Marine française
Faisant suite à notre lettre spéciale du 18 courant, nous avons aujourd'hui à vous informer que depuis notre entretien avec l'amiral Moreau nous avons eu la visite de M. Chateauminois, sous-agent principal du transit mobilisé sur place en qualité de lieutenant de vaisseau faisant fonctions de préfet maritime à Port-Saïd. Cet officier nous a demandé si nous serions en principe disposés à entreprendre la manutention du charbon que la Marine française pourrait recevoir à Port-Saïd par ses propres vapeurs charbonniers. L'amiral Moreau aurait en effet pensé à utiliser plusieurs charbonniers de la flotte en ce moment inactifs pour aller charger à Cardiff pour compte de la Marine et constituer ici un stock qui serait constamment renouvelé, mais, autant que nous le sachions, ce projet n'a pas encore été sérieusement mis à l'étude, et nous sommes enclins à croire qu'il lui sera difficile d'obtenir les quatre navires au moins qui lui seraient nécessaires pour faire le va-et-vient entre Cardiff et Port-Saïd et assurer ainsi les besoins de son escadre, qui sont environ de 8.000 tonnes par mois. Nous avons répondu à M. Chateauminois qu'en principe notre Maison n'aimait pas à se livrer pour compte de tiers à des opérations de "stevedoring", dont le but ne pouvait être que [détrimental] à nos intérêts en tant que négociants en charbons, mais comme notre interlocuteur, qui en prenant la parole, s'était tout d'abord excusé d'avoir à nous soumettre une proposition de nature à nous déplaire, ajoutait qu'il espérait néanmoins que notre Maison ne refuserait pas son concours à la Marine, le cas échéant, nous nous sommes déclarés disposés à étudier la question, et il doit revenir nous voir prochainement. Entre-temps nous ne lui avons pas caché que les circonstances actuelles peuvent rendre notre concours très précaire, que nous avons un mal terrible à recevoir nos propres cargaisons sans encourir de surestaries, que notre parc à charbons est archi-plein, et que de plus il peut se faire que d'un jour l'autre les autorités nous réquisitionnent une partie de nos chalands, etc., etc., bref nous entrevoyions de grosses difficultés, et de toutes façons nous ne saurions rien lui répondre de définitif sans vous avoir consultés. M. Chateauminois nous a alors dit qu'au besoin, la Marine pourrait sans doute nous donner l'usage de quelques-unes de ses allèges et même nous procurer un terrain extra - celui de la Vulcaan par exemple - pour y déposer son charbon, mais nous sommes d'avis que tout ceci ne ferait que compliquer inutilement les choses.
Comme nous le disions plus haut, la question qu'on nous pose ne paraît pas encore avoir été étudiée par l'état-major de l'amiral Moreau, mais il est possible qu'elle le soit au retour de ce dernier, surtout si elle lui est présentée par M. Chateauminois sous un jour favorable, ce à quoi il s'emploiera probablement de son mieux. Nous désirerions donc savoir de vous si nous pouvons accepter, dans le cas où l'amiral nous demanderait d'entreprendre la manutention du charbon de la Marine nationale à Port-Saïd, comme le fait la P. S. & S. C. C° pour l'amirauté britannique, et le prix par tonne que nous aurions à demander. La P. S. & S. C. C° a bien voulu nous laisser lire le contrat qu'elle a passé avec l'amirauté britannique, et les conditions principales sont les suivantes :
1. Discharging: 7d par tonne, que le navire charbonnier paie ou non les frais de déchargement 5/6d par tonne, pour réception en chalands, surveillance, mise à terre et re-livraison
En tout, 6/1d par tonne.
2. Déchargement des charbonniers à raison de 600 tonnes par jour. (Nous pourrions sans doute obtenir 400 tonnes.)
3. Les entrepreneurs assument entière responsabilité pour toutes avaries pouvant survenir au charbon qu'ils ont en charge depuis la réception jusqu'à la livraison, sauf toutefois en cas d'avaries occasionnées par le feu, ou à la suite d'émeutes, etc.
4. Les entrepreneurs s'engagent à pouvoir prendre charge d'un stock jusqu'à concurrence de 30.000 tonnes.
5. Une tolérance pour déficit normal au cours des manutentions pourra être admise jusqu'à concurrence de 2% du poids reconnu à la réception des cargaisons.
Comme les quantités manutentionnées comptent au 'Pool' le prix de 6/1 consenti par la P. S. & S. C. C° ne devient rémunérateur que s'il s'agit de très fortes quantités régulières comme c'est le cas avec l'amirauté britannique, mais peut-être conviendrait-il, le cas échéant, de coter le même prix à la Marine française. Bien entendu, nous aurions à insister pour l'insertion d'une clause en tous points semblable à la clause 5, et à veiller à ce que la quantité maximum dont nous aurions à prendre charge soit limitée à un chiffre raisonnable. Si au reçu de ces lignes vous nous télégraphiez "Marine acceptez manutentions" nous comprendrons que vous êtes d'accord aussi bien sur l'opportunité d'accepter la manutention que sur le chiffre à coter. Dans le cas où ce dernier vous semblerait insuffisant vous voudrez bien ajouter "Cotez -".
Veuillez agréer, Messieurs, nos bien sincères salutations.
[Signature illisible]