1916.01.18.De Worms et Cie Port-Saïd
Worms & C°
Branch Houses in Egypt
Suez, Alexandria & Cairo
Port-Saïd, le 18 janvier 1916
MM. Worms & Cie - Paris
Marine nationale
L'amiral Moreau, commandant la 3ème escadre, a fait appeler le signataire de ces lignes le 14 courant, pour lui demander les renseignements que nous pouvions avoir au sujet de l'abandon de la route du canal de Suez par les compagnies hollandaises. Nous lui avons répété tout ce que nous vous écrivions le 11 courant au sujet du "Kangean" et l'amiral a mis ensuite la conversation sur le charbon. Après s'être enquis de la position actuelle de nos stocks, des quantités que nous avons constamment en chalands, du chiffre de nos ventes avant la guerre, au cours de l'an dernier et depuis le commencement de 1916, des cours actuels du fret et du charbon à Cardiff, il nous a dit qu'il serait très heureux de trouver une combinaison lui permettant de s'adresser à nous pour les besoins de son escadre, plutôt qu'à l'amirauté britannique, et au sujet de cette dernière il nous a confirmé que toutes les fournitures qui ont été effectuées jusqu'à ce jour ont été faites sans aucune indication de prix, et la question qui le préoccupait était de savoir sur quelles bases de prix le règlement éventuel avec le gouvernement britannique serait opéré. Bien entendu nous ne pouvions, comme lui, que nous livrer à de vagues conjectures sur ce point, mais nous nous sommes permis de lui dire qu'il était possible que chaque livraison fût facturée à un prix basé sur le cours du fret et du charbon à Cardiff au jour de la livraison, auquel cas il pourrait se faire que les prix que nous avons cotés de temps à autre au consulat de France pussent être comparés avantageusement avec ceux de l'amirauté.
L'amiral nous ayant rappelé le rôle important joué par M. Henri Goudchaux dans les mesures prises pour ravitailler la France en charbon au début de la guerre, nous nous sommes permis de lui dire que M. H. Goudchaux, avec qui nous comprenons que l'amiral Moreau entretient d'excellentes relations personnelles, avait été très ennuyé de voir la Marine nationale interrompre ainsi ses rapports de vieille date avec notre Maison, mais qu'il espérait toujours qu'elle reviendrait à nous un jour ou l'autre. En nous donnant congé, l'amiral Moreau nous a laissé entendre qu'il avait bon espoir d'arriver à une solution de nature à nous satisfaire.
Nous avons des amis dans son entourage immédiat et nous avons appris par son aide de camp qu'en effet il y a depuis quelques jours un échange de vues entre les chefs d'état-major des amirautés française et britannique au sujet de cette question du charbonnage des bâtiments de notre flotte à Port-Saïd, et qu'il se pourrait que la question fût tranchée sous peu. Du côté de notre état-major il y avait quelques objections d'ordre purement administratif (la question des nombreuses paperasses que les règlements exigent pour chaque livraison faisant l'objet d'un marché séparé), mais nous avons fait remarquer à notre interlocuteur qu'il était très simple de se passer des formalités d'usage, et que le règlement de chaque livraison pourrait très bien être arrangé de façon à être effectué à Paris, sur simple présentation du reçu du mécanicien, contresigné par l'officier responsable. Notre ami nous a alors dit qu'il pourrait très bien se faire qu'un arrangement intervienne qui nous donnerait le charbonnage des navires de guerre français à Port-Saïd, mais que chaque commande nous serait alors passée par l'amirauté britannique, qui nous en réglerait elle-même le montant. Nous vous tiendrons au courant, au besoin par télégramme, de tout ce que nous pourrons apprendre de nouveau à ce sujet.
Le lendemain de notre visite à bord de la "Jeanne-d'Arc", le consul de France nous a demandé par téléphone de lui adresser un tableau des fluctuations de prix à la Marine depuis le 1er janvier 1915. Nous vous remettons sous ce pli la copie de la correspondance échangée à ce sujet, avec le consul de France, qui nous informe dans sa réponse qu'il a passé nos renseignements au vice-amiral commandant la 3ème escadre, ainsi qu'aux ministères des Affaires étrangères et de la Marine.
On peut en conclure que le renseignement a été demandé de Paris, où la question du ravitaillement de la Marine nationale en charbon à Port-Saïd serait à l'étude.
Peut-être pouvez-vous obtenir des précisions sur place ?
Veuillez agréer, Messieurs, nos bien sincères salutations.
[Signature illisible]