1882.12.15.Au ministre des Travaux publics.Paris
Origine : Copie de lettres à la presse du 14 décembre 1882 au 13 janvier 1883
15 décembre 1882
Monsieur le Ministre des Travaux publics
Paris
Monsieur le Ministre,
Nous avons l'honneur de nous adresser à vous pour vous prier de vouloir bien prendre en considération les faits suivants que nous vous demandons la permission de vous soumettre.
Nous exploitons entre Bordeaux, Le Havre et Hambourg une ligne de bateaux à vapeur français au nombre de neuf, appartenant au port du Havre et placés sous la direction de notre maison dans cette ville. Créé il y a plus de 25 ans par la maison Mallet du Havre, dont nous étions les commanditaires, avant de lui succéder dans ce port, ce service est un des plus connus et des plus estimés de nos ports, et nos armements sont, permettez-nous de le dire, parmi ceux qui font le plus d'honneur au pavillon national.
A plusieurs reprises des lignes concurrentes ont essayé de s'organiser contre nous, toutes, jusqu'à présent, sous pavillon allemand. Mais, après des tentatives plus ou moins prolongées, elles ont dû renoncer à la lutte qu'elles avaient entreprise.
Aujourd'hui, une nouvelle concurrence, celle-là sous pavillon français, vient de s'organiser contre nous. Nous sommes tout prêts à nous défendre, à nous seuls, contre elle, comme nous l'avons déjà fait contre ses devancières allemandes, mais, et c'est là le seul but de cette lettre, nous croyons devoir porter à votre connaissance que parmi les navires à vapeur, qu'elle a mis en ligne contre les nôtres, il en est un, la "Vendée", sur l'acte de francisation duquel se trouvent inscrites les mentions suivantes :
« Recto. Le directeur des chemins de fer de l'État, agissant pour le compte de l'État, domicilié à Paris, justifie être propriétaire unique du vapeur français, "Vendée", etc.
Verso. En vertu de la loi du 18 mai 1878, l'État, représenté par l'administration des chemins de fer de l'État, devient seul propriétaire du vapeur "Vendée". »
Nous ignorons si dans cette occasion nous nous trouvons avoir en face de nous l'État pour concurrent direct ou s'il ne joue que le rôle d'un armateur ayant affrété un navire pour une navigation quelconque, mais laquelle que ce soit de ces deux affirmations, vous nous excuserez peut-être de vous demander s'il entre dans les attributions de l'État d'armer, avec l'argent des contribuables, dont nous sommes, et non des moins importants, dans cinq villes de France, des navires destinés à faire concurrence à des lignes françaises contribuant depuis de nombreuses années à la prospérité d'au moins deux grands ports et du commerce entier de notre pays.
Vous estimerez, nous en avons la confiance, Monsieur le Ministre, que la réserve dans laquelle l'État doit se maintenir dans ses entreprises particulières ne lui permet pas de donner sa sanction à la situation que nous vous avons fait connaître, et nous avons l'espoir que vous voudrez bien prendre telles mesures qui soient de nature à y porter remède.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de notre parfaite considération.
Worms Josse & Cie
[Note :] La lettre a dû être remise par l'intermédiaire d'un ami.