1862.02.24.Au directeur des Colonies.Paris.Extrait
Origine : Copie de lettres à la presse du 12 février 1862 au 1er mars 1862
Paris, le 24 février 1862
Monsieur le conseiller d'État, directeur des Colonies
Paris
Lorsque j'ai eu l'honneur de conférer avec vous, Monsieur, du projet de chemin de fer de Karikal, vous avez bien voulu me dire qu'une objection restait à combattre.
La Compagnie, qui offre de se charger de la construction de ce chemin de fer, réclame de l'État la garantie de six pour cent (6%) par an sur les sommes dépensées. Ce taux semblerait trop élevé et on désirerait le réduire à cinq pour cent (5%) l'an.
Je prends la liberté de vous soumettre quelques considérations, qui, je l'espère, auront à vos yeux plus de poids que l'objection alléguée.
Selon le point de jonction qui sera adopté, la dépense totale doit varier de quatre (4) à cinq (5) millions de francs. Or, si le gouvernement français reconnaît utile de doter notre établissement de Karikal d'une voie de communication rapide, qui le relie à l'intérieur de contrées immenses et riches de produits naturels qui nous manquent, ce n'est pas une dépense hypothétique de quarante (40) à cinquante (50) mille francs par an qui arrêtera la réalisation de son idée. C'est là cependant toute la portée de l'objection : un pour cent de différence sur le taux d'intérêt à desservir, peut-être, sur une somme de quatre à cinq millions de francs, soit 40 à 50 mille francs par an.
Mais si cette considération ne pèse, comme je le pense, que médiocrement dans les conseils du gouvernement, elle est au contraire d'un intérêt majeur aux yeux des personnes appelées à faire les fonds de l'entreprise.
La certitude d'un placement de capital à six (6) pour cent l'an, et garanti par l'État, décidera l'apport des sommes nécessaires qui, sans cet avantage, chercheront d'autres emplois.
Il ne faut pas perdre de vue que chez nous, en France, les capitaux sont timides pour les entreprises lointaines et que les Indes orientales ne sont pas chez nous connues, je dirai familière à l'esprit de tous, comme elles le sont en Angleterre. Et cependant le gouvernement anglais a dû, pour attirer les capitaux nécessaires à l'établissement de ses chemins de fer dans l'Inde, garantir aux capitaux un loyer plus élevé que celui qu'ils trouvent en Angleterre.
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A l'appui de mon raisonnement, je prendrai pour point de comparaison, les chemins de fer algériens. Le gouvernement français a garanti un intérêt de cinq pour cent l'an (5%), et cependant le capital n'a pu être complété, et les actions de cette Compagnie sont aujourd'hui cotées à la Bourse à 10 ou 15%, et au-dessous, de leur cours d'émission.
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J'ai la ferme conviction que le chemin de fer de Karikal couvrira, par ses propres ressources, toutes ses dépenses, et assurera à vos actionnaires un bénéfice raisonnable, sans avoir recours à la garantie d'intérêts que les fondateurs doivent cependant, par prudence, solliciter du gouvernement.
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