1960.11.08.Du ministère de l'industrie.Flotte pétrolière française
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Ministère de l’industrie
République française
Monsieur R. Lachèvre
Sénateur
Rapporteur du budget de la Marine marchande et du groupe d’études pour le secteur pétrolier
Palais du Luxembourg
Paris
Paris, le 8 novembre 1960
Monsieur le rapporteur,
Par lettre du 1er octobre 1960 vous avez attiré mon attention sur la situation actuelle de la flotte pétrolière française.
Vous précisez qu’un certain nombre de navires citernes représentant environ 500.000 tonnes de port en lourd vont se trouver sans emploi et vous me soumettez une suggestion pour venir en aide à notre armement pétrolier.
En ce qui concerne, la situation de notre flotte pétrolière, les chiffres donnés dans la note que vous m’avez fait parvenir sont conformes à la réalité et à nos prévisions actuelles.
Il est de plus probable que, dans la situation présente du marché des frets, les bâtiments français en surplus, affrêtés à l’étranger, obtiendraient des taux que les armateurs français risquent de ne pas juger suffisants pour assurer la couverture de leurs frais et l’amortissement de leurs unités, ce qui est particulièrement défavorables pour une flotte récente.
Dans ces conditions, des navires risquent d’être désarmés, et il est à craindre que certains d’entre eux soient vendus, ce qui serait contraire aux intérêts du pays, notamment sur le plan de sécurité.
La solution faisant l’objet de la note que vous m’avez remise consisterait à créer une flotte de réserve et les ressources nécessaires à la réalisation de cette opération seraient obtenues par le jeu des prix.
Cette note appelle quelques observations ou précisions.
Tout d’abord, contrairement aux indications qu’elle contient la méthode de calcul des frets paritaires n’a pas été modifiée depuis le 1er novembre 1952.
Il est toujours tenu compte pour :
- les produits blancs (essence, supercarburant, gas-oil, fuel oil domestique) de 50 % de fret spot, dont le taux est constaté par une commission paritaire et de 50 % de fret long terme, élément incorporé dans les taux Afra (Average freight rate assessment) déterminés par les courtiers de Londres.
- les produits noirs : 100 % de fret long terme.
Cependant, les courtiers anglais qui ne prévoyaient qu’un seul taux Afra pour les bâtiments de 10.000 tonnes et plus, ont depuis juillet 1959 fixé deux taux Afra, l’un pour les bâtiments de 13.000 à 24.999 tonnes appelé « General Purpose », l’autre pour les unités de 25.000 tonnes et plus dénommé « Large vessel ».
De juillet 1959 à avril 1960, les courtiers anglais ont continué à calculer un taux spécial Afra pour la France, selon la même formule que celle appliquée jusqu’au 1er juillet 1959.
La formule retenue actuellement pour calculer le taux long terme paritaire consiste à prendre les 6/10 du taux long terme « General Purpose » et les 4/10 de l’élément long terme du taix « Large vessel ».
Ces pourcentages ont été obtenus en comparant les deux taux Afra en vigueur depuis le 1er juillet 1959 avec celui fixé spécialement pour la France du 1er juillet 1959 au 1er avril 1960.
Dans le but d’obtenir des ressources pour la constitution d’une flotte de réserve, il faudrait agir sur le calcul du fret, en abandonnant par exemple le long terme de l’Afra « Large vessel » pour ne retenir que celui de l’Afra « General Purpose » qui est plus élevé.
D’après les taux Afra de juillet dernier, l’application de cette mesure permettrait de dégager une ressource annuelle de l’ordre de 20 millions NF.
Cette façon d’opérer poserait sans doute des problèmes d’ordre juridique difficiles à résoudre.
Cependant, comme il est certainement souhaitable qu’une aide soit apportée à notre armement pétrolier, je ne manquerai pas de poursuivre l’examen de cette suggestion. Je crois devoir, en outre, vous signaler que, tant dans le cadre du commissariat général au plan qu’au niveau de mon département et de celui de la Marine marchande, des études se poursuivent sur divers autres moyens de porter remède à la crise qui menace notre armement, notamment en 1962 et 1963. Il est possible que nous soyions aidés dans ces efforts par un certain redressement du marché mondial, qui semble s’amorcer actuellement. Il est possible que tant sur les trafics français que sur les relations internationales, des affrêtements nouveaux et convenables puissent être réalisés si un effort suffisant de coordination et d’information est réalisé.
Veuillez agréer, monsieur le rapporteur, l’assurance de ma considération distinguée.
Signé : Jean-Marcel Jeanneney