1965.04.29.D'Audy Gilles.A Guy Brocard.Évaluation de la perte des ACSM
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Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime
Paris, le 29 avril 1965
Note pour M. Guy Brocard
Je vous adresse, ci-joint, un résumé des études effectuées à partir des documents fournis par les ACSM.
Ainsi que je vous l'ai indiqué, les chiffres qui ressortent de cette étude ne sont qu'approximatifs et certains devraient être vérifiés.
A. Gilles
Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime
I.
Le prix de revient Chantiers, prévu pour une commande navire ou une commande reconversion, résulte de l'estimation des deux termes suivants :
A - Matières premières et divers
B - Nombre d'heures productives utilisées x prix de l'heure
Le bilan de la commande dépendra de la différence pouvant exister entre les valeurs réelles des termes A et B et les valeurs estimées au moment de l'établissement du devis.
Les plus grandes chances de différence portent sur le terme B :
- le nombre d'heures réelles utilisées pour l'exécution d'une commande peut être différent du nombre d'heures estimées, soit par suite d'une erreur d'appréciation au moment de l'établissement du devis, soit parce que le rendement de la main-d'œuvre ne sera pas celui qui avait été prévu ;
- d'autre part, le prix moyen réel des heures productives utilisées pour l'exécution de la commande peut être différent du prix adopté pour l'établissement du devis :
- pour obtenir une commande, le prix de l'heure inclus dans le devis peut être nettement différent du prix de l'heure réel prévisionnel,
- le prix de l'heure moyen réel peut être également différent du prix prévu au devis parce que le nombre d'heures productives, sur lesquelles sont répartis les frais généraux, varient au cours de l'exécution de la commande.
Au cours de la présente étude, nous étudierons plus spécialement l'influence du terme B ci-dessus, défini sur le bilan des commandes.
Il convient donc d'estimer :
- le nombre d'heures productives qu'il est raisonnable de compter pouvoir utiliser,
- le prix de revient réel de l'heure productive dans l'hypothèse ci-dessus,
- le prix de l'heure productive qui permet d'obtenir soit des commandes navire, soit des commandes de reconversion.
II.
1° - D'après ce que nous a indiqué M. Gendrot, les commandes de navire, actuellement dites "blanches", sont prises avec un coefficient de frais généraux d'environ 131% ce qui conduit à un prix voisin de 14,60 F pour l'heure productive.
M. Gendrot a précisé que ce prix doit s'entendre avant déduction de l'aide ; le prix de l'heure correspondant au montant du contrat est donc inférieur à 14,60 F.
2° - Les commandes de reconversion exécutées en 1964 auraient utilisé 351.149 heures productives. Sur ce total, 114.762 h, auraient été utilisées pour les toits flottants et 236.587 h pour les autres commandes.
Le bilan des commandes de toits flottants aurait été établi en partant d'un prix comptable de 10,77 F pour l'heure productive ; ce bilan fait apparaître un bénéfice comptable de 1.465.335 F, ce qui fait ressortir un bénéfice comptable de 12,76 F par heure productive.
On peut donc dire que les commandes de toits flottants auraient pu être prises avec un prix de 23,53 F pour l'heure productive.
Le bilan des commandes de reconversion aurait été effectué en prenant 12,81 F comme prix comptable de l'heure productive ; elles ont fait apparaître un bénéfice comptable de 382.902 F, soit 1,62 F par heure productive.
Il semble donc que ces autres commandes de reconversion auraient pu être prises sans bénéfice ni perte comptable sur la base de 14,43 F comme prix de l'heure productive.
3° - Les prix de l'heure suivante apparaîtraient donc comme approximativement compétitifs :
- toits flottants - 23,50 F
- autres commandes de reconversion - 14,40 F
- commandes navires (avant loi d'aide) - 14,50 F
III. Nombre d'heures productives disponibles et utilisables
1° - D'après le tableau fourni par les ACSM (tableau du 6 avril 1963, intitulé "Taux homogène de charges directes"), le nombre d'heures productives utilisées en 1964 a été de 2.872.711 h dont 624.868 de main-d'œuvre sous-traitée à l'extérieur.
Si l'on admet pour chaque ouvrier productif 46 semaines de plein travail, à raison de 46 h 15 par semaine, le nombre d'heures productives effectuées annuellement, par chaque ouvrier productif, serait de 2.127,5.
Sur ces bases, le nombre d'heures productives effectuées en 1964 par le personnel chantiers correspondraient à 2.247.843 / 2.127,5 = 1.056 ouvriers.
En fait, une partie de ces heures productives doivent correspondre à des heures supplémentaires (achèvement du "Jules-Verne" en particulier) et de nombreux ouvriers productifs ont dû dépasser l'horaire hebdomadaire de 46 h 15.
D'ailleurs, le prix moyen de main-d'œuvre directe, d'après le tableau du 6 avril 1964, ressort à 6,45, supérieur au prix normal qui doit être d'environ 6,30.
Sur les 2.872.711 h productives rappelées ci-dessus, 351.149 h ont été consacrées à la reconversion, soit environ 12,2%.
2° - D'après un tableau d'effectifs remis par les ACSM, le nombre d'ouvriers productifs au 1er mars 1965 sera de 870. Le nombre d'heures productives disponibles serait donc de 1.850.925.
La charge prévisionnelle (d'après un tableau ACSM du 22 mars 1965) serait de :
|
1965 |
1966 |
Construction navale |
1.638.000 |
700.000 |
Reconversion |
450.000 |
530.000 |
|
2.088.000 |
1.230.000 |
Cette charge suppose acquises les commandes des chalutiers congélateurs pour la "Havraise de Pêche" et "Guelfi" (d'après le chantier, ces commandes seraient quasi-certaines) ; elles ne tiennent toutefois pas compte du cargo "Transat" dont la commande est actuellement acquise.
D'après le chantier, la répartition des heures productives prévues pour la réalisation du cargo "Transat" (547.000 h) pourrait être la suivante :
- 1965 : 47.000 h
- 1966 : 350.000 h
- 1967 : 150.000 h
Dans cette hypothèse, les charges actuellement prévues pour 1965 et 1966 seraient les suivantes :
|
1965 |
1966 |
Construction navale |
1.685.000 |
1.050.00000 |
Reconversion |
450.000 |
530.000 |
|
2.135.000 |
1.580.000 |
La charge 1965 dépasserait les possibilités du chantier s'il n'était pas fait appel à des heures supplémentaires et à la main-d'œuvre extérieure au chantier.
Si l'on effectuait 5% d'heures supplémentaires (soit 90.000 h au total) et si l'on utilisait 200.000 h de main-d'œuvre extérieure, le total disponible deviendrait 2.140.000 h.
Dans la présente étude, nous tiendrons compte d'un nombre d'heures productives disponibles et utilisées de 2.200.000 h dont 200.000 h de main-d'œuvre extérieure avec un prix moyen d'heures productives de 6,45 F (comme en 1964), ceci pour tenir compte de l'incidence des heures supplémentaires.
Dans une étude ACSM du 15 janvier 1965, intitulée "Nouvelle comptabilité analytique", les prix de revient de l'heure productive pour la construction navale et pour la reconversion sont établis dans les hypothèses suivantes d'utilisation d'heures productives :
- 2.200.000 h (dont 200.000 h de main-d’œuvre extérieure) total correspondant approximativement aux effectifs fin 1964.
- 2.620.000 h moyenne des heures productives utilisées en 1962, 1963 et 1964.
- 3.100.000 h nombre d'heures maximum utilisées (en 1960).
IV.
1° - D'après le tableau ACSM du 6 avril 1965 (intitulé taux homogène de charges indirectes), le prix de revient moyen de l'heure productive aurait été de 14,28 F (sans excédent du prix de la main-d'œuvre extérieure) et de 15,29 (avec excédent).
2° - En admettant que les différents frais généraux en 1965 soient les mêmes qu'en 1964 et que les amortissements soient les mêmes en 1965 qu'en 1964 et que le nombre d'heures productives soit de 2.200.000 (dont 200.000 de main-d'œuvre extérieure), le prix de revient de l'heure productive serait de 16,66 F sans excédent sur le prix de la main-d'œuvre extérieure et 17,07 F avec excédent.
Le tableau, ci-joint, donne le mode d'établissement de ce prix. [Voir PDF page 6.]
3° - Les prix de revient de l'heure productive, étudiés dans le tableau ci-joint, ne tiennent pas compte des économies de frais généraux résultant des licenciements effectués en mars 1965.
D'après les ACSM, le coût total de ces licenciements en indemnités diverses, complément de salaires, etc., serait de l'ordre de 1.500.000 F et aucune économie n'apparaîtrait en 1965.
L'économie réalisée en année pleine serait de l'ordre de 2.000.000 (j'insiste sur le fait que ce chiffre m'a été donné au Trait sans aucune garantie).
Si ce chiffre de 2.000.000 pouvait être admis, l'économie par heure productive serait de l'ordre de 0,90 F, ce qui ramènerait le prix de l'heure productive à 15,76 contre 16,66, sans excédent de main-d'œuvre extérieure, 16,17 contre 17,07 avec excédent de main-d'œuvre extérieure.
V.
Si l'on suppose :
- que les frais généraux des ACSM restent les mêmes qu'en 1964,
- que 2.200.000 h productives sont utilisées annuellement,
- que sur ces 2.200.000 h, 200.000 correspondent à de la main-d'œuvre extérieure,
- que sur ces 2.200.000 h, 450.000 sont utilisées par les commandes reconversion et 1.750.000 par les commandes navires,
- que les 450.000 h de reconversion comprennent 100.000 h de toits flottants et 350.000 h d'autres commandes,
- que les commandes navires sont prises à 14,50 (heure productive avant Loi d'aide),
- que les commandes reconversion sont prises à 14,40 (heure productive) et les commandes de toits flottants à 23,50,
- que les commandes ne font ressortir aucune perte sur les matières premières,
- que les nombres d'heures productives prévues au devis sont strictement respectées,
la perte annuelle ressortirait à :
1.750.000 (17,07 - 14,50) + 350.000 (17,07 - 14,40) - 100.000 (23,50 - 17,07) = 4.497.500 + 934.500 - 643.000 = 4.789.000, soit 5.000.000.
II y a lieu de noter que, d'après la note du 15 janvier des ACSM (nouvelle comptabilité analytique d'exploitation), le prix de revient réel de l'heure productive reconversion est au moins égale à celui de l'heure productive navire (dans l'hypothèse où la reconversion utilisait 450.000 h).
Si l'on admet, en première approximation, que les licenciements effectués en mars 1965 entraînent, en année pleine, une économie de l'ordre de 2.000.000, la perte annuelle serait de l'ordre de 3.000.000.
J'insiste sur le fait que ce chiffre doit s'entendre dans l'hypothèse où le bilan des commandes ne fait ressortir aucune perte provenant d'une erreur d'estimation des matières premières ou d'une erreur d'estimation du nombre d'heures productives ou d'une évaluation volontairement très serrée de ce nombre d'heures productives.
Cette hypothèse peut être optimiste.
VI.
S'il est considéré comme impossible d'annuler cette perte soit par des économies de frais généraux, soit par une augmentation du rendement, il faudra envisager une fermeture plus ou moins complète du chantier, le licenciement portant sur environ 2/3 du personnel (plus de 1.000 personnes).
On ne voit pas, en effet, comment il serait possible, en cas de cessation prochaine de toute activité, de réutiliser rapidement tout le personnel sur des commandes de reconversion.
On doit noter que si la situation actuelle du chantier n'est pas redressée avant l'aboutissement des projets de fusion à quatre, les ACSM apparaîtront automatiquement comme l'un des deux chantiers à fermer et il sera difficile d'éviter que les ACSM ne supportent pas la majeure partie des pertes entraînées par cette fermeture.
Si, au contraire, la situation pouvait être redressée avant la décision ferme de fusion, il ne serait absolument pas évident que les ACSM soient l'un des deux chantiers à fermer.
Si, en définitive, la société résultant de la fusion décidait de fermer les ACSM à la construction navale, cette société devrait supporter les conséquences financières de la fermeture.
VII.
Il est difficile d'évaluer quelles seraient les conséquences financières d'une fermeture prochaine et rapide du chantier à la construction navale.
On peut essayer d'approcher le problème en faisant les hypothèses suivantes (très optimistes) :
- la reconversion continuerait à utiliser un tiers du personnel, soit environ 550 personnes et il y aurait donc à licencier environ 1.050 personnes ;
- la cessation de l'activité construction navale n'aurait pas d'influence sur le rendement du personnel affecté à la reconversion ;
- il serait possible de licencier le personnel productif construction navale au fur et à mesure de sa disponibilité et il serait possible simultanément de réduire les frais généraux, de telle façon que le pourcentage de frais généraux n'augmente pas.
Si l'on décidait maintenant de fermer le chantier à la construction navale, il faudrait repasser à un autre chantier les commandes de navire pour lesquelles le chantier n'a pas encore commencé à travailler (cargo Transat et deux chalutiers).
Dans cette hypothèse, le nombre d'heures productives restant à utiliser sur la construction navale d'ici l'achèvement des navires commencés serait de l'ordre de 900.000 (avec un rendement normal).
Qu'on le veuille ou non, la décision de cessation de l'activité de la construction navale sera connue dès que l'on saura que des commandes déjà prises par les ACSM sont repassées à d'autres chantiers.
On peut donc admettre que, dès ce moment, le rendement du personnel construction navale sera profondément affecté.
On peut faire l'hypothèse que sur les commandes navires restant à exécuter, le rendement baissera en moyenne de moitié : les 900.000 h, restant à exécuter devraient être, dans ce cas, approximativement doublées.
Les conséquences financières de la fermeture s'élèveraient à environ 25 M (10 M d'indemnités et 15 M de pertes de rendement).
J'insiste sur le fait que tout ce qui est indiqué au présent § est extrêmement approximatif.
VIII.
On peut penser qu'avant de décider la fermeture des ACSM à la construction navale, une étude rapide devrait être effectuée sur les moyens de réduire la perte.
D'après les ACSM, il semblerait que de nouvelles mesures de licenciements soient impossibles dans un proche avenir (compte tenu des licenciements déjà effectués).
Des économies importantes pourraient donc être rapidement effectuées sur les frais généraux des chantiers eux-mêmes.
Il serait toutefois possible d'effectuer des économies progressives (non remplacement du personnel quittant le chantier, économie sur les dépenses de frais généraux soldés à l'extérieur du chantier, économie sur les matières premières). Ces différents postes pourraient produire, d'après le directeur du chantier entre 50 et 80 M.
D'autre part, une amélioration du rendement pourrait produire une somme non négligeable : une amélioration de rendement de 1% rapporterait 300.000 F environ (il s'agit, bien entendu, d'une amélioration de rendement par rapport au rendement d'il y a quelques mois et non pas au rendement d'avril 1965).
Le rendement ne pourrait toutefois être amélioré qu'avec la pleine collaboration de l'ensemble du personnel du chantier.
A. Gilles