1923.06.12.De Worms Le Havre.Note.Lancement et essais du cargo "Cérons"
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Note sur les essais et le lancement du "Cérons"
Dimanche 5 juin. Ce lancement s’est effectué devant une nombreuse assistance dans d’excellentes conditions le 3 juin à 3 h 45, heure prévue.
Les remorqueurs, après avoir saisi très habilement les remorques n’ont pas eu de peine, le flot continuant à se faire sentir, à éviter cap à l’aval le navire aussitôt libéré de ses câbles de retenue.
L’évitage terminé et après s’être assuré de l’obéissance de la machine aux ordres de la passerelle, le "Cérons" largue les remorques et sa machine mise en avant défile à bonne allure devant la cale où quelques minutes auparavant il reposait.
A Villequier, changement de pilote et à 18 h, le navire mouille, comme de coutume, non loin de l’entrée du canal de Tancarville pour y attendre une montée d’eau suffisante à la continuation de sa route ; au cours de cette traversée une compensation grossière des compas put être effectuée.
A 23 h 30 le navire appareille pour Le Havre où il s’amarre dans le bassin de la Citadelle par ses propres moyens le 4 juin à 5 heures du matin.
Aucun incident à signaler pendant cette traversée pendant laquelle l’allure a pu être poussée jusqu’à près de 90 tours.
Lundi 4 juin. Matinée exclusivement consacrée à la propreté du navire. L’après midi vers 14 h 50 réunion de la commission de mise en service ; simple formalité d’ailleurs, les membres de cette commission ayant pour la plupart précédemment fait partie de commissions semblables pour des navires du même type - louanges sur toute la ligne.
Spécialement invité à visiter un des navires construits pour notre compte, M. l’ingénieur du GM Genon qui fait partie de la commission, a passé une inspection complète du navire à la suite de laquelle il s’est déclaré fort satisfait de ce qu’il avait vu.
Ayant fait discrètement allusion, pour le cas où la commande d'un pétrolier serait confiée aux Chantiers du Trait, à l'intérêt qu'il y aurait en vue de l’approvisionnement à ce que la commande ne tardât pas trop, M. Genon nous répond que l’absence de crédits lui paraissait rendre fort improbable la passation d'une commande pour cette année ; nous avons de plus crû comprendre que chargé d’enquêter sur la capacité des Chantiers pour ce genre de construction, cet Ingénieur établirait un rapport favorable.
Mardi 5 juin. On procède à la mise à terre du matériel destiné au "Capitaine Edmond Laborie" embarqué au Trait ainsi qu’aux vérifications jugées nécessaires par le fonctionnement de divers organes ; visite d’une tête de bielle, d'un palier, des soupapes des ballasts, examen minutieux du télé-moteur et de la barre, matage d’un rivet à la chaudière bâbord, etc.
Les soutes sont complétées et le "Cérons" prend ses dispositions pour appareiller cette nuit à destination de Boulogne où rejoindront M. Lemagnen, l’expert du Veritas et le personnel du Trait chargé des essais.
Mercredi 6 juin. Appareillage à 5 h 45 le navire sur lest.
Au sortir des jetées continué la compensation des compas ; malheureusement gênée par le manque de soleil, cette opération reste seulement dégrossie mais d’une façon très suffisante pour assurer la sécurité de la navigation ; la compensation initiale est d’ailleurs toujours à reprendre après quelques mois de navigation.
Voyage effectué par brise assez fraiche de la hanche bâbord.
A 19 heures le "Cérons" par ses propres moyens prend son poste à la concession Worms & Cie à Boulogne.
Le fonctionnement des appareils n'a en rien laissé à désirer, seul le rivet ayant précédemment donné lieu à une fuite a recommencé à fuir ; les Chantiers du Trait en ont été immédiatement avisés et pour leur permettre de faire le nécessaire les feux sont mis bas à la chaudière bâbord dès l’arrivée.
Jeudi 7 juin. Dans l’après midi le chargement des ciments est commencé tandis que le personnel procède à quelques serrages de joints et à des visites.
Vendredi 8 juin. Un chaudronnier du Trait est venu resserrer le rivet défectueux et a saisi cette occasion pour procéder au matage de quelques rivets et coutures à cette chaudière.
Le chargement poursuivi sans arrêt est terminé vers 22 heures ; 1 050 tonnes ont été embarquées à destination de La Pallice et Bassens.
Le chef de l’armement de la liaison Mory & Cie a visité le navire piloté par MM. Le Magnen et Vince, il s’est déclaré très satisfait de ce qu’il avait vu.
Samedi 9 juin. Ayant à bord notre ingénieur, les ingénieurs du Trait et le personnel d’essai, le navire appareille à 5 h sans avoir à faire appel au concours de remorqueurs, malgré la présence de la drague et de divers autres bateaux gênant la manœuvre, grâce aux excellentes qualités évolutives des navires de ce type en tout temps et surtout lorsqu’ils sont chargés.
A 6 heures nous sommes hors des jetées.
Le temps est malheureusement défavorable à des mesures précises ; il vente frais à l’OSO et jusqu’à Antifer le navire rencontrera une mer debout, assez creuse par instant pour le faire tanguer d’une façon très appréciable, le navire lourdement chargé roule à peine et se comporte admirablement à la mer. Dans ces conditions il était difficile de faire autre chose qu’un bon essai d’endurance ; toutefois pendant 5 heures la consommation fut mesurée et pendant 3 autres heures la machine poussée à toute allure. Les Chantiers du Trait donneront ultérieurement les résultats des calculs établis sur les observations relevées ; il y a tout lieu de supposer qu’ils confirmeront purement et simplement ceux acquis sur les précédents vapeurs.
Signalons que la qualité du charbon d’essai bien que très bonne n’était pas aussi parfaite que celle du combustible livré lors des essais des premiers navires lancés par Le Trait ; le charbon livré reste un parfait combustible d’essai mais son triage ne fut pas aussi minutieux que par le passé : si donc l’on souhaite voir des navires construits au Trait obtenir aux essais des résultats optima il y aura lieu de recommander particulièrement à notre département charbons le triage du combustible.
Vers 18 h, le "Cérons" accoste au quai d’escale pour mettre à terre le personnel de la commission d’essais ; deux heures plus tard le "Cérons" après avoir procédé au serrage des écrous de la tête de bielle HP continuait sa route sur La Pallice.
Les circonstances de navigation n’ont pas permis d’améliorer la régulation des compas précédemment effectuée qui reste cependant très satisfaisante, les déviations observées étant inférieures à 5°.
En somme résultats extrêmement satisfaisants, nous serions tentés de dire les meilleurs de ceux obtenus sur les vapeurs de ce type ; faisant en effet abstraction de l’incident de chaudière mentionné plus haut - fuite à un rivet - on constate que dans la machine aucun organe n’a donné lieu au moindre tiédissement ce qui prouve un montage initial tout près de la perfection : dans ces conditions nous estimons qu’à très bref délai, le personnel mécanicien de ce navire sera en possession d’une machine donnant entière satisfaction.
Voici close dans d’excellentes conditions la livraison de la série des 4 super-Listrac mis en chantier, navires réalisant parfaitement le programme ayant présidé à leur conception, navires types peut on dire pour la ligne de Dieppe-Grimsby, navires de luxe aussi ; apparaux de levage nombreux et puissants, cales et entreponts spacieux, machine et chaudières puissantes eu égard au tonnage, bonne vitesse, appareils auxiliaires variés etc. Reste à examiner si pareil luxe est compatible avec une exploitation économique et si, tenant compte des résultats de l’expérience, il n’y aurait pas intérêt à établir le programme du rajeunissement de la flotte sur d’autres bases ; cette double question fait présentement l’objet d’une étude spéciale dont il vous sera rendu compte.
Le Havre, 12 juin 1923