1954.06.08.De Maurice Rengade.Note sur les conventions Worms et Antar

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Note sur les conventions Worms/Antar
concernant les gaz et les liquides produits par la RFPA

I° - En 1950, à une époque concomitante avec la création de la raffinerie de Donges, appartenant à la RFPA, une entente intervenait entre cette société et les trois groupes ayant principalement contribué à cette réalisation, eux-mêmes associés dans RFPA : Pechelbronn (qui devait plus tard devenir Antar), Worms et Serco, pour la répartition de la production de la raffinerie.
Par contrat dit "contrat de reprise", en date du 27 juin 1950 (avec avenant du 27 juin 1950), RFPA s'obligeait à livrer à Worms (Starnaphta) une production déterminée, en principe 10%, de ses produits - tant liquides que gazeux - et Worms s'obligeait à reprendre ou faire reprendre ces produits, le tout à des prix et dans des conditions précisées au contrat.
Le contrat était conclu pour une durée égale à la durée de "celle des deux sociétés RFPA et BW qui viendra la première à expiration".
Par des contrats identiques ou analogues, RFPA cédait 10% de sa production à Serco et 80% à Pechelbronn (Antar).
II° - Ultérieurement, Antar ayant repris les droits de Serco (le 20 mars 1951), les produits de la raffinerie se trouvèrent répartis (indifféremment les liquides et les gazeux) : 90% Antar, 10% Worms.
On constate ensuite Ies étapes successives du regroupement de la distribution des gaz, d'une part, des liquides, d'autre part, chez deux sociétés chacune spécialisée dans les carburants d'une de ces deux catégories.
III° - Par un "protocole" en date du 15 septembre 1951, Antar et Worms (avec le concours de Rhin et Rhône) décident de "prendre ensemble le contrôle... et assurer l'exploitation et le développement au mieux de leurs intérêts sociaux respectifs" d'une société préexistante, Sogal, qui sous la nouvelle dénomination d'Antargaz allait devenir l'organisme unique de distribution des gaz produits par RFPA.
Il résulte de ce protocole que le regroupement des intérêts des parties devait s'effectuer sur deux plans :
1/ Répartition des actions composant le capital de Sogal (Antargaz) savoir : 37,5% à Antar - 15% à Worms - 37,5% à Rhin et Rhône, 10% à M. de Sainte-Fare (RFPA) - répartition des sièges au conseil d'administration et au comité de direction entre Antar-Worms-RFPA.
2/ Cession à Sogal (Antargaz) par Antar et par Worms "de l'exclusivité de leurs droits totaux assortis d'obligations de reprises correspondantes, à la production en gaz liquéfiés de pétrole de la Raffinerie de Donges, du RFPA, tels qu'ils résultent de leurs accords particuliers avec RFPA.
Cette cession était expressément subordonnée à la conclusion d'un contrat d'association en participation entre Sogal (Antargaz) et RFPA, pour la fabrication et la distribution des gaz liquéfiés de pétrole.
Il était prévu que "l'association Rhin et Rhône-Antar" d'une part, Worms d'autre part feraient respectivement "apport" à Sogal de leur organisation actuelle de vente de gaz comportant matériel (bouteilles) et clientèle.
Enfin il était spécifié :
1°/ qu'"en rémunération de leurs apports stipulés à l'article 5 qui précède" (c'est-à-dire de l'apport du droit au gaz liquéfié de pétrole résultant de leur contrat de reprise avec RFPA) Antar et Worms recevraient "ensemble" une redevance proportionnelle égale à 10% des bénéfices annuels de Sogal (Antargaz).
Cette "indemnité" devant être "répartie entre Antar et Worms au prorata de leurs droits dans la production de gaz liquéfiés de RFPA" (donc 90% à Antar, 10% à Worms).
2°/ qu'"en rémunération de leurs apports stipulés à l'article 7 qui précède" (c'est-à-dire de l'apport de leur organisation commerciale) "l'association Rhin et Rhône" et Worms recevraient respectivement une redevance de 15% et de 3% sur les bénéfices annuels de Sogal (Antargaz).
L'ensemble des conventions réglées par le protocole était prévu pour une durée de 30 ans à compter du 1er août 1951, devant ensuite se renouveler par tacite reconduction de dix ans en dix ans.
IV° - Ce protocole a immédiatement été exécuté.
"L'association en participation" entre RFPA et Sogal (Antargaz) fut constatée par un contrat daté du 14/9/1951[1].
L'exposé par lequel débute cet acte rappelle très clairement l'intention commune tant des parties à cette association en participation que de Worms et d'Antar, de substituer Sogal (Antargaz) aux droits de Worms et d'Antar dans le contrat de reprise RFPA.
II y est formellement déclaré que "dans tout ce qui suit Sogal (Antargaz) doit être considéré comme agissant en qualité de substitut d'Antar SAEP et de MM. Worms et Cie".
L'association a pour objet "la fabrication et la mise en vente en gros et en détail des gaz liquéfiés de pétrole par mise en commun de la totalité des moyens de production, stockage, conditionnement et distribution des deux sociétés participantes".
Les résultats, bénéfices ou pertes, sont à partager par moitié.
L'association est créée pour une durée de 30 ans à compter du 1er août 1951. Elle se renouvellera ensuite par tacite reconduction de dix ans en dix ans.
V° - La cession à Antargaz des droits d'Antar et de Worms aux gaz de RFPA fut elle-même constatée par un "contrat" daté du 21 septembre 1951, conclu pour une durée égale à celle prévue par le contrat d'association RFPA-Antagaz (à l'existence de laquelle le contrat est lié), et dont les clauses reproduisent les stipulations du protocole. "Antar et Worms concèdent à Antargaz la jouissance exclusive de leurs droits à la disposition de la totalité de la production de gaz de pétrole liquéfiés tels qu'ils résultent des contacts intervenus le 27 juin 1950 entre RFPA et Antar et Worms et de l'accord conclu le 20 mars 1951 entre Antar et Serco."
"En particulier" (ce qui signifie sans doute, en ce qui concerne Worms particulièrement) "Worms apporte à Antargaz la jouissance de son organisation commerciale de vente de gaz de pétrole tant propres que par l'intermédiaire de ses adhérents charbonniers".
"En rémunération de la cession de leurs droits précités (les droits détachés de leur contrat) avec RFPA) Antar et Worms recevront ensemble une redevance fixée au total à 10% des bénéfices annuels dégagés par la comptabilité d'Antargaz."
"Cette indemnité sera répartie entre Antar et Worms au prorata de leurs droits dans la production de gaz liquéfiés de RFPA."
"En outre en rémunération de l'apport de son organisation commerciale, Worms recevra une redevance annuelle fixée au total à 3% des bénéfices annuels d'Antargaz."
"Dans les droits et obligations apportés par Antar sont compris intégralement ceux dont l'association Rhin et Rhône-Antar possède la jouissance."
VI° - En 1953-1954, deux ans après le regroupement sur la tête d'Antargaz seule de Ia distribution des gaz liquéfiés de pétrole, un regroupement parallèle de la distribution des carburants et comburants liquides sur la tête d'Antar a été à son tour réalité.
A cette époque, Starnaphta (société du groupe Worms au nom de qui avait été passé le contrat du 27 juin 1950) faisait exécuter la reprise des carburants et comburants liquides compris dans ce contrat par une autre société du groupe Worms-Stardis, l'ensemble des opérations étant financé par Worms.
Le regroupement de la reprise des liquides sur la tête d'Antar fut précédé de conversations entre les représentants de RFPA, de Worms et d'Antar, qui durèrent plusieurs mois.
II fut en définitive, convenu de procéder par voie de fusion et d'absorption, par Antar, de la société du groupe Worms, détentrice de ces droits. L'absorption par Antar de Starnaphta apparaissait, pour diverses raisons, impossible ; il fut, en définitive, procédé de la manière suivante :
1/ Subrogation par Starnaphta de Stardis en tous les droits et obligations résultant pour Starnaphta de ses accords avec RFPA et ce à compter rétroactivement du 30 mars 1953 (donc, d'une date postérieure à la dissociation des gaz).
2/ Apport par Stardis à Antar de la totalité de son patrimoine actif et passif : donc, parmi l'actif des droits dans lesquels Starnaphta venait de subroger Stardis. (Ces droits ne sont d'ailleurs pas explicités dans le contrat de fusion où il est écrit simplement que parmi les apports de Stardis à Antar sont compris le bénéfice de tous accords commerciaux, de tous traités et marchés passés avec tous particuliers, sociétés, administrations publiques et privées : donc, et implicitement, du bénéfice de la subrogation consentie par Starnaphta à Stardis).
En conséquence de cette fusion, (réalisée définitivement au début de 1954, mais avec effet rétroactif au 1er avril 1953) la dernière étape du regroupement a été franchie. Le droit de reprise d'Antar sur la production de RFPA en hydrocarbures liquides s'est trouvé porté de 90% à 100% de cette production (comme deux ans auparavant Antargaz avait acquis 100% de la production de RFPA en hydrocarbures gazeux).
Les droits de reprise du groupe Worms ont cessé et ont été remplacés par l'attribution :
chez Antargaz d'indemnités diverses,
chez Antar, d'actions de cette société.
VII° - Au cours des nombreuses conversations et des multiples échanges de vues qui ont eu lieu entre les représentants gu groupe Antar et du groupe Worms, tant pendant les mois qui ont précédé que pendant ceux qui ont suivi la fusion Stardis/Antar, la signification et la portée des conventions qui viennent d'être analysées n'a jamais été remise en cause.
En particulier, il n'a jamais été prétendu ou même envisagé que Ies droits transférés à Antar au moyen de la fusion de Stardis puissent être autres que ceux à la reprise des seuls hydrocarbures liquides. II n'a jamais été revenu sur le régime des gaz tel qu'il avait été organisé en 1951.
Cependant, Worms a récemment reçu d'Antar (sans aucun avertissement préalable) une lettre datée du [3] mai 1954, ainsi conçue :
« Nous vous rappelons que parmi les apports que nous avons reçus de la société Stardis, figure le droit de reprise sur une partie de la production des Raffineries françaises de pétrole de l'Atlantique qui découle des accords intervenus antérieurement entre RFPA, la compagnie pétrolière Starnaphta et vous-mêmes et dont Ie bénéfice avait été transféré par la compagnie pétrolière Starnaphta à la société Stardis.
Par ailleurs, l'exercice de ce droit de reprise avait été concédé par vous à Antargaz (ex-Sogal) en ce qui concerne les gaz liquéfiés de pétrole, par le protocole intervenu entre Antar, Rhin-Rhône et vous-mêmes, le 15 septembre 1951, et par le contrat intervenu entre Antar, Antargaz et vous-mêmes, le 29 septembre 1951.
Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir notifier à Antargaz, pour la bonne règle, que nous sommes devenus titulaires de votre droit de reprise à la suite de son transfert par Starnaphta à Stardis et de l'absorption de Stardis par notre société. »
Les termes de cette lettre ne sont ni directs ni clairs. Mais ils peuvent impliquer qu'Antar prétendrait avoir reçu dans l'apport de Stardis, non seulement le droit de reprise des liquides mais encore celui des gaz.
II est bien évident qu'Antar ne peut tenir pour lettre morte les conventions de septembre 1951, ni faire abstraction des droits d'Antargaz. Cela serait d'ailleurs contredit par les termes de sa lettre.
Mais Antar voudrait-elle prétendre que la "concession" consentie en 1951 à Antargaz du droit à la reprise des gaz serait assimilable à un bail, que la propriété de ses droits serait restée dans le contrat Worms, que le transfert des droits à ce contrat par la fusion Stardis aurait transféré à Antar le droit de percevoir, comme s'il s'agissait de "loyers" d'un immeuble cédé, les redevances stipulées au profit de Worms dans le contrat Antargaz ?
Ou bien Antar voudrait-elle simplement signifier que le jour où la "concession" consentie à Antargaz viendrait, pour une raison quelconque, à prendre fin, les droits à la reprise des gaz, objet de cette concession" devraient alors revenir à Antar et non pas à Worms ?
II écherrait d'appeler Antar à une franche explication.
Mais, dès maintenant, il importe d'examiner ce que pourrait valoir, en droit et en équité, l'hypothétique réclamation d'Antar.
VIII° - 1) II est constant que le propriétaire ou le locataire principal d'une chose qui, après avoir loué ou sous-loué à un tiers tout ou partie de cette chose, cède à une autre personne soit la propriété, soit la jouissance principale de cette même chose, ne peut, sauf stipulation contraire, continuer à percevoir les loyers du bail ou de la sous-location intermédiaire.
Le nouvel acquéreur de la propriété ou de la jouissance principale de la chose la reprend (toujours, sauf clause contraire) grevée du bail intermédiaire, dont les obligations s'imposent à lui, en même temps qu'il se trouve substitué au propriétaire ou locataire principal dans le bénéfice des loyers que continuera à verser le locataire intermédiaire jusqu'à cessation de son propre bail.
2) Par contre, si le propriétaire ou la locataire principal d'une chose a, non point donné en location ou en sous-location, mais cédé partie de ses droits de propriété ou de jouissance à un tiers, moyennant un prix payable soit en une seule fois soit à des échéances successives, puis, ensuite, a cédé à une autre personne ce qui reste de ses droits de propriété ou de jouissance, le dernier acquéreur, à moins d'expresse stipulation contraire, reprend la chose en son dernier état, amputée de Ia partie des droits de propriété ou de jouissance précédemment cédée, et, même si le prix de cette cession intermédiaire n'a pas encore été versé, il ne peut prétendre à toucher ce prix, qui reste appartenir au premier propriétaire ou locataire.
C'est en cette seconde situation juridique (et non en la première ci-dessus décrite) que se trouvent respectivement Worms, Antargaz et Antar.
3) Une première remarque s'impose : le contrat initial, celui du 27 juin 1950, dit "contrat de reprise" n'est pas un bail. Il est de doctrine constante qu'on ne peut donner à bail (c'est-à-dire céder en jouissance seulement) les choses qui se consomment par le premier usage. Or, les hydrocarbures, qu'ils soient liquides ou gazeux, se consomment par le premier usage.
Par le contrat de reprise, RFPA n'ont pas cédé à Worms la "jouissance" de leurs produits de raffinerie ; elles ont cédé à Worms en toute propriété ces produits de raffinage jusqu'à concurrence de 10% de la production totale de RFPA, pendant la durée du contrat, et Worms s'est engagé à prendre et à payer ces 10% pour toute leur quantité et valeur pendant la même durée.
Le contrat de reprise est en réalité une vente ferme d'une quantité variable de produits moyennant un prix payable à terme, au fur et à mesure des livraisons.
Les contrats, par lesquels à la même époque, Antar et Serco ont acquis de RFPA, puis Antar de Serco, la totalité de la production de RFPA ont vraisemblablement la même nature juridique que celui de Worms (nous disons vraisemblablement, car ces contrats ne nous ont point été communiqués.
4) Pas plus que le contrat de reprise RFPA/ Worms n'est un bail, le contrat du 29 septembre 1951 entre Antar, Worms et Antargaz n'est une sous-location. C'est lui aussi une vente.
Par le contrat passé le 29 septembre 1951 (en exécution du protocole antérieur, il faut le souligner) Antar et Worms ont chacun respectivement cédé à Antargaz leurs droits à recevoir les gaz liquéfiés qu'ils avaient antérieurement et d'avance achetés à RFPA.
Ou, plus exactement, Antar et Worms n'ont pas "sous-cédé" les produits gazeux compris dans leur contrat de reprise. Ils se sont "substitué" Antargaz pour toute la durée du contrat (30 ans sauf tacite reconduction) (le mot substitut est en toutes lettres dans le protocole sinon dans le contrat). Entre Antar et Antargaz, est dès lors intervenu un contrat direct de vente ferme de ces produits gazeux pendant la même durée.
Dès lors, pendant la même durée, ces produits gazeux ont cessé et cesseront d'être et d'entrer dans le patrimoine d'Antar ou de Worms. Ils sont cédés directement par RFPA à Antargaz.
Ainsi par un acte qui n'est qu'en apparence un contrat successif, qui est en réalité un contrat instantané, Worms et Antar ont transféré définitivement à Antargaz leur créance en gaz sur RFPA pour toute la quantité de ces gaz produits pendant 30 ans.
RFPA, de son côté, ayant accepté ce transfert, cède directement à Antargaz les gaz ainsi exclus par une véritable novation du contrat de reprise RFPA/Worms et Antar.
5) Au stade des conventions de septembre 1951, il n'y a pas eu non plus location ou cession en jouissance (on ne peut encore une fois céder la jouissance de biens ou d'une créance de biens consomptibles par le premier usage) mais cession en toute propriété et vente ferme.
Les mots "Antar et Worms" concèdent à Antargaz la jouissance exclusive de leurs droits... qui se trouvent dans le contrat du 21 septembre 1951 ne peuvent changer le caractère juridique nécessaire de cet acte. Ou bien le mot "jouissance" - qui ne se trouve d'ailleurs pas dans le protocole - est un simple lapsus. Ou bien il signifie un mode de présentation administrative sans incidence sur la partie juridique de la convention.
6) Peu importe non plus, nous l'avons relevé que les prix de la cession consentie par Antar et Worms à Antargaz consiste en une prestation de sommes d'argent proportionnelles et échelonnées dans le temps ; ces sommes constituent un prix dont la virtualité est instantanément et définitivement acquise aux cédants (à Worms et à Antar) ni plus ni moins que s'il s'agissait d'une somme fixe et payée d'avance.
7) Ce prix, au surplus, fait partie du contrat du 29/9/1951 avec Antargaz et non du contrat du 27/6/1950 avec RFPA. II est engendré par le contrat de 1951 et non par celui de 1950. II n'a donc pas à suivre le sort des contrats de 1950.
8) A compter de l'entrée en vigueur du contrat du 29 septembre 1951 (donc à partir du 1er août 1951) et pour toute la durée de ce contrat, le contingent de gaz initialement cédé à Worms par RFPA s'est trouvé exclu du contrat de reprise du 27 juin 1950.
Lorsqu'en 1953, Worms/Starnaphta a subrogé Stardis dans le bénéfice comme dans les charges du contrat de reprise du 27 juin 1950 avec RFPA, il n'a pu transférer à cette société ce contingent de gaz puisqu'il n'était plus dans ce contrat.
II n'a pu transférer à Stardis que ce qui restait encore dans le contrat de reprise, savoir les carburants et carburants liquides.
9) Et comme aucune convention n'est intervenue d'autre part pour transférer à Stardis le bénéfice du contrat du 21 septembre 1951 avec Antargaz, le droit à percevoir les "redevances" prévues par ce contrat est resté à Worms Starnaphta.
10) Corrélativement, Stardis n'a pu transmettre à Antar que ce que Stardis possédait elle-même, soit les liquides et non les gaz, ni la créance du prix des gaz, que Stardis ne possédait pas.
En droit, Antar ne serait donc pas fondée à se prétendre substituée a Worms dans la créance de ce prix.
IX° - En équité, une telle prétention serait, si l'on peut dire, encore plus insolite.
En réalité, et cela apparaît clairement de la lecture et du rapprochement des conventions, les parties ont voulu par une série d'opérations complexes mais toutes concordantes vers ce même but, parvenir dans l'ordre industriel et commercial et financier à un regroupement des contingents des RFPA primitivement dispersés.
Cette concentration devait s'effectuer et s'est effectivement réalisée sur deux plans parallèles.
Les carburants gazeux - chez Antargaz,
Les carburants liquides - chez Antar.
Aux droits directs de Worms d'une part, à une partie des gaz, d'autre part à une partie des liquides, ont été substitué :
- pour les gaz, une participation dans le capital d'Antar et le droit au paiement de redevances proportionnelles aux bénéfices d'Antargaz, lequel droit à redevances a moralement, et dans l'esprit d'association qui a animé l'ensemble de la combinaison, le caractère de véritables parts bénéficiaires rémunérant un apport en nature (le mot apport est plusieurs fois prononcé dans les conventions).
- Pour les liquides, l'attribution d'actions d'apport représentant un certain pourcentage du capital d'Antar.
Mais les deux associations, les deux chefs de droits associatifs devaient nécessairement, dans l'esprit des conventions, rester parallèles et indépendants. Il serait aussi contraire à l'équité que contraire au droit pour Antar de prétendre, par l'interprétation, inexacte d'ailleurs, d'une incidence des contrats de fusion "liquides", non évoquée d'ailleurs au cours de pourparlers qui ont précédé cette fusion, frustrer Worms, d'une partie de ses droits dans la fusion "gaz".
Alors surtout qu'à Antargaz Worms a apporté, outre son contingent de produits gazeux, l'ensemble de son service commercial pour ce département.
Alors qu'en équité et dans l'esprit de tous, toutes les parties des accords de septembre 1951 (fusion des gaz) sont inséparables les unes des autres et concourent à composer un tout.
X° - II échet cependant de relever que le contingent de gaz exclu du contrat de reprise et transféré à Antargaz par les conventions de septembre 1951 n'est pas nécessairement la totalité du contingent cédé par RFPA à Antar et à Worms, le 27 juin 1950.
Les gaz à fournir à Worms en vertu du contrat de reprise étaient 10% de la production de RFPA pendant toute la durée de celle de ces deux sociétés qui viendrait la première à expiration.
Les gaz cédés à Antargaz en septembre 1951 n'entendent de la production de RFPA pendant trente ans à compter du 1er août 1951 (sauf tacite reconduction ou résiliation anticipée du contrat, notamment dans le cas de l'association en participation Antargaz RFPA viendrait à prendre fin prématurément).
Le jour où le contrat du 21 septembre 1951 viendra à prendre fin, et si à cette époque le contrat de reprise dure toujours, les 10% de la production en gaz de RFPA à compter du même jour, devraient normalement rentrer dans le contrat de reprise dont les droits ont été transférés à Antar en suite de la fusion Stardis et, en conséquence, profiter à Antar.
Si la réclamation d'Antar se borne à vouloir faire reconnaître par Worms cette conséquence juridique des conventions, elle est, tout au moins en droit strict justifiée.
Mais si cette réclamation tendait à prétendre Antar substituée à Worms dans le bénéfice des redevances rémunérant l'apport des gaz à Antargaz, elle serait encore une fois, juridiquement erronée et équitablement exorbitante.
Worms devrait en ce cas, y résister, quitte à ce que soit saisi de la contestation un tribunal d'arbitres amiables compositeurs, ainsi qu'il est prévu aux conventions.

Paris, le 8 juin 1954
Maurice Rengade

 

 

 

[1] Cette date portée sur un exemplaire ronéotypé du contrat est erronée, car le protocole qui, normalement a dû procéder l'association en participation, est daté du 15 septembre 1951, et l'intitulé du contrat d'association relate comme déjà conclu et daté du 15 septembre 1951 le contrat de cession à Sogal des droits d'Antar et de Worms à la reprise des gaz de RFPA. Or l'original de ce contrat porte la date du 29 septembre 1951. Mais cette erreur, cette confusion même des dates est éloquente et marque d'une manière frappante combien, dans l'esprit des parties toutes ces conventions étaient liées, concertées à l'avance, déjà conclues avant même que soient signés les instruments qui devaient les constater.

 
 
 

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