1952.01.00.De Roger Mennevée.Les Documents de l'AIII.Article
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Les Documents de l'Agence indépendante d'informations internationales - janvier 1952
La Banque Worms et Cie en 1951
Et les appels aux capitaux de son groupe d'affaires
Ainsi que nous l'avons annoncé dans notre, numéro d'octobre dernier, nous reprendrons incessamment l'étude de l'histoire générale de la Banque Worms et Cie.
Le deuxième volume de cette histoire sera consacré à une période particulièrement intéressante, celle de 1940 à 1944, où nous aurons à suivre, d'une part, l'action purement bancaire de la maison Worms et Cie, et d'autre part, le rôle politique de premier plan de l'équipe synarchique, qui s'était installée chez Worms et Cie avant 1939, et que l'on retrouva, comme par un miracle particulier, au lendemain de la défaite et au moins jusqu'à la libération, aux postes de commande de la France, sous le gouvernement du maréchal Pétain.
Personnellement, nous pensons qu'il y aura là, pas mal de confusions à éviter. Le rôle de la banque Worms et Cie en zone occupée ne nous parait pas avoir été, dans son activité réelle, aussi collaborationniste qu'on le pensait, et nous serions bien surpris que les "antennes" anglaises d'avant-guerre dont nous avons déjà parlé dans nos articles antérieurs, n'aient pas continué à fonctionner plus ou moins sérieusement.
D'autre part - et jusqu'à preuve du contraire, qui ne nous a pas encore été fournie - nous pensons, que M. Hypolite Worms était personnellement avant 1940 ignorant du noyautage synarchique (Le Roy Ladurie - Barnaud et consorts) auquel sa maison avait été soumise et qui avait fait de celle-ci un centre extrêmement actif de recrutement synarchique.
En ce qui concerne les éléments synarchiques Worms et leur rôle à Vichy, nous aurons pour nous guider un document de première main, rédigé là-bas, au jour le jour. Nous voulons parler du journal de M. Pierre Nicolle, ancien secrétaire général du Comité de salut économique, et publié, après la libération en deux forts volumes, sous le titre "Cinquante mois d'armistice Vichy - 2 juillet 1940-26 août 1944 - Journal d'un témoin" (éditions André Bonne - Paris 1947).
Le témoignage de M. Pierre Nicolle est d'autant plus intéressant qu'il appartenait, lui aussi, au haut patronat français, puisque, après les élections de 1936 il entrait dans les conseils de la Confédération générale du patronat français qui succédait, sous une forme élargie - moins réservée aux "deux cents familles" - à l'ancienne Confédération générale de la production française.
Davantage même : M. Nicolle avait approché, dès 1933, les éléments para-synarchiques du mouvement réformiste, dont on devait retrouver certains animateurs également aux postes de commande de Vichy.
Mais, précisément, M. Nicolle était l'homme du patronat anti-synarchique - encore qu'il ne faille pas oublier que la Synarchie n'a été révélée officiellement dans son nom et dans son activité que dans le deuxième semestre de 1941, après le suicide de M. Jean Coutrot, et que la meilleure expression de l'un et de l'autre en avait été donnée antérieurement par M. Georges Valois, dans son journal "Nouvel Âge", par l'expression de "néo-capitalisme"(1).
Précisons encore que, du fait même de l'ignorance générale de la Synarchie, M. Pierre Nicolle n'a pas été sans commettre certaines des confusions dont nous parlons plus haut ; il n'en reste pas moins que son "journal" est, en l'espèce, un document de premier plan et difficilement remplaçable. Ajoutons encore que le livre de M. Pierre Nicolle est le seul qui ait osé, avec nous, publier le rapport Chavin (voir annexe IV du tome 1er)(2).
En attendant, nous avons pensé intéressant, eu égard à l'évolution de la situation et de la conjoncture économique et financière, et devant les importants appels de capitaux effectués en 1951 par les affaires du groupe Worms et Cie, d'étudier l'activité de celui-ci au cours de ladite année 1951.
II est un fait incontestable, en effet, c'est que la banque Worms et Cie a procédé, l'année dernière et exclusivement pour les affaires de son groupe à de très importants appels de capitaux puisqu'ils ont dépassé deux milliards de francs.
Avant de commenter cette situation, donnons, d'abord, le détail de ces opérations. Le voici :
Entreprises Albert Cochery |
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Compagnie franco-malgache d'entreprises |
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Union marocaine d'outremer |
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Société de financement de participations et de gestion (ex-Marret Bonnin Lebel) |
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Union métropolitaine de banque |
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Ateliers Moisant Laurent Savey |
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Société de produits chimiques de terres rares |
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Progil |
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Société nationale du Cameroun |
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Société auxiliaire maritime de Madagascar (ex-Wharf de Tamatave) |
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Compagnie industrielle et minière du Nord et des Alpes |
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Société des peintures Astral-Celluco |
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Établissements Fournier-Ferrier |
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Établissements Japy Frères |
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Soit un total de |
2.190.346.500 F |
Pour être plus exact il nous faudrait ajouter à ces chiffres une fraction importante des émissions publiques - nous ne parlons momentanément que de celles-là - auxquelles la banque Worms a prêté ses guichets du fait qu'elle possédait d'importantes participations dans les sociétés intéressées, parfois des représentants aux conseils d'administration, comme, pour cette même année 1951, les augmentations de capital de la société Antar, Société anonyme d'exploitations pétrolières et la Société générale des cirages français, dont les opérations eurent lieu sous les auspices du Crédit industriel et commercial ; de la Fabrique des produits chimiques de Thann et de Mulhouse à Thann, conduite par la BNCI ; de la maison Bréguet, faites sous les auspices de la Banque de Paris et des Pays-Bas, de la Société Pinguely Ville Gozet, sous la direction du Crédit lyonnais, de la Compagnie générale des Transports en Afrique, et surtout celle de la Société française d'entreprises de dragages et de travaux publics, conduite actuellement par la Banque de l'Indochine, mais société dans laquelle la Banque Worms et Cie possédait, comme nous l'avons montré antérieurement, une participation de contrôle.
Si bien que, tout compte fait, nous estimons rester dans un chiffre raisonnable en fixant à 2 milliards et demi les appels de capitaux faits dans l'épargne publique par les affaires du groupe Worms en 1951.
Ce qui, on l'admettra, n'est pas modeste pour une banque privée.
Car c'est là qu'est peut-être le point le plus important de la question !
Il n'y a aucun rapport, en effet, entre les grandes banques d'affaires françaises constituées sous la forme de sociétés anonymes, c'est-à-dire dans lesquelles ont été, et sont encore investis, des centaines de millions de capitaux effectifs, même compte tenu des répartitions récentes de réserves, avec la maison Worms et Cie nous disons bien "la Maison Worms et Cie" parce que la base même de l'affaire est davantage une affaire d'armement maritime et de fret de toute sorte ayant un département bancaire, qu'une banque proprement dite, affaire privée, pour ne pas dire familiale, et dont le capital actuel n'a été constitué que par des accumulations et des incorporations de bénéfices ou de plus-values, provenant, d'ailleurs, davantage des opérations maritimes de la société que de ses affaires bancaires et surtout à l'occasion de circonstances spéciales, dont la première guerre mondiale est peut être la plus typique.
C'est d'ailleurs la seule banque privée qui pratique de tels appels à l'épargne publique. Le Bulletin des annonces légales obligatoires en est un témoignage irréfutable.
Un autre point particulier de ces opérations, c'est que si les premières s'étendirent à peu près normalement au long de l'année financière, on a constaté, tout au contraire, une recrudescence de ces appels de capitaux au cours du dernier trimestre et même du dernier mois de l'année.
C'est ainsi par exemple que sur l'ensemble des émissions autorisées au Bulletin des annonces légales obligatoires du 24 décembre, dont le montant total est de 1.350 millions en chiffres ronds, les affaires du groupe Worms réclamaient à elles seules un nominal de plus de 600 millions sans compter l'augmentation de capital de la Société française d'entreprises de dragages et de transports publics (377 millions) dont on peut considérer que la moitié relève de la Banque Worms.
Ajoutons-y les 475 millions des Établissements Japy (Balo du 31 décembre) les 50 millions, en chiffres ronds, de la Société auxiliaire de Madagascar (Balo du 10 décembre), la participation Worms dans les 216 millions de l'augmentation de capital de la Société Pinguely Ville Gozet (Balo du 10 décembre), et nous arrivons ainsi à un chiffre approximatif d'un milliard trois cents millions d'appels de capitaux faits ou envisagés par le groupe Worms dans le seul mois de décembre 1951.
On peut se poser, dès lors, la question de savoir les raisons d'une telle nécessité.
II est vraisemblable qu'on aurait pu en connaître quelque chose si Worms et Cie se soumettait aux obligations légales de la loi de Juin 1941 sur la publication des bilans et des situations - mensuels ou trimestriels - des établissements financiers.
Mais, ainsi que nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, la Maison Worms et Cie s'indiffère sensiblement des prescriptions légales et pas seulement en ce qui concerne la publication des bilans(3).
Nous entendons bien qu'en nous objectera que ce sont les circonstances et peut-être davantage la conjoncture, économiques et financières, qui entraînent de tels besoins de capitaux. Nous connaissons, effectivement, les répercussions de la hausse des prix, de l'aggravation des charges fiscales et du taux de l'intérêt, qui entraînent les affaires industrielles et commerciales à rechercher dans des augmentations de capital des consolidations de crédit ou des fonds de roulement que la désaffection du public pour les titres à revenu variable leur impose.
Mais, une fois de plus, ce qui est singulier, c'est cette nécessité massive de capitaux qui s'est manifestée, au cours des derniers mois, pour les affaires du groupe Worms.
Et la question se pose de savoir si, en fin de compte, et à s'en tenir aux précédents, les opérations financières du groupe en 1951 ont pu apporter - ou paraître apporter - les apaisements nécessaires.
Quelques chiffres permettront de préciser la réponse.
Nous avons vu que les Entreprises Albert Cochery avaient procédé au début de l'année à l'émission de 67.500 actions nouvelles.
Parmi les principales souscriptions (167 souscripteurs) on notera celles de la Compagnie générale industrielle pour la France et l'étranger (ex-Compagnie générale du gaz pour la France et l'étranger) 50.578 actions, soit près de 50% de l'émission ; de la Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage (12.977 actions), la banque Worms et Cie n'étant portée que pour 2.003 actions. Si l'on veut noter que l'émission d'obligations de la même société (100 millions) faite en mai suivant, eut lieu sous les auspices de la Société générale, on peut se demander si la Société des entreprises Albert Cochery n'est déjà pas en train de passer sous un contrôle autre que celui de Worms et Cie.
En ce qui concerne l'Union marocaine et d'outremer, notons que cette société marocaine constituée le 6 juillet 1949, avait pour objet l'achat, la vente, l'importation et l'exportation de tous produits et marchandises, l'exploitation de tous fonds de commerce, usines, chantiers, etc., elle était au capital d'origine de 1.500.000 F en 1.500 actions de 1.000 F déjà porté à 51 millions au début de 1950 et dont la succursale marocaine de Worms et Cie dirigeait en mars 1951 une nouvelle augmentation de capital à 76.500.000 F, mais que ses résultats étaient fort loin d'être brillants puisque pour l'exercice 1950 les bénéfices ne s'élevèrent qu'à 1.195.140 F pour un capital de 51 millions et dont l'actif n'était particulièrement représenté que par un portefeuille évalué à plus de 48 millions sans même que les frais de constitution de 2.065.355 F aient pu être amortis. Des annonces faites à l'époque (mars/avril 1951) en France tentèrent d'intéresser les capitalistes français à cette affaire. Les résultats ci-dessus n'étaient pas, on l'avouera, particulièrement encourageants.
Nous n'avons pas eu connaissance des résultats de l'augmentation de capital de 1951 des Ateliers Moisant Laurent et Savey, mais nous savons que dans l'opération antérieure (1947) qui réunissait 261 souscripteurs dont une importante majorité appartenait à la haute noblesse française, opération qui portait sur une augmentation de capital de 40 millions, la banque Worms absorba 8.100 actions en chiffres ronds et la banque Rothschild Frères avec quatre membres de la grande famille israélite plus de 6.500 actions.
Pour Progil, on constatait, dans l'émission antérieure que la banque Worms et Cie avait souscrit près de 1.100 actions M. Hypolite Worms personnellement près de 600 actions tandis que deux filiales de Worms et Cie souscrivaient, la Société privée d'études dont nous parlerons plus loin - 495 actions et la banque Foulonneau et Pitavino 576 actions.
Dans l'augmentation de capital des Peintures Astral Celluco de 1948, sur les 4.460 souscripteurs on trouvait la banque Worms et Cie souscriptrice de 21.688 actions, M. Hypolite Worms souscripteur de 1.577 actions MM. Raymond Meynial et Robert Labbé pour respectivement 235 et 474 actions, et M. Guy Brocard pour 304 actions, et une autre filiale de Worms et Cie, la Société industrielle et minière du Nord et des Alpes pour 44.712 actions.
En ce qui concernait cette dernière société, lors de la dernière augmentation en espèces du capital social la banque Worms et Cie absorba 13.942 actions.
Notons que, par contre, dans l'augmentation de capital de la Société de produits chimiques des terres rares, le plus intéressant des souscripteurs fut la Caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de l'État, qui souscrivit 31.759 actions.
L'émission de la Société nationale du Cameroun faite en juillet 1950, fut singulièrement suggestive, sur les 120.000 actions nouvelles à souscrire, la banque Worms et Cie devait absorber 101.166 actions, et sa filiale la Compagnie de l'Afrique noire à Brazzaville 15.000 actions, ce qui donnait un total de 116.166 actions, et encore ne fallut-il pas moins de 49 autres souscripteurs pour absorber les 3.834 actions restantes. Ce n'était pas là, on l'avouera, un succès particulièrement brillant.
Dans l'augmentation de capital de 1949 des Établissements Japy, qui réunit 8.925 souscripteurs, le groupe Worms n'absorba pas une moins importante fraction des titres émis : la banque Worms et Cie figure pour 78.659 actions, La Préservatrice (assurances) dont on connaît les liens avec Worms et Cie pour 6.245 - la Société de financement de participation et de gestion (ex-département bancaire de Marret Bonnin Lebel et Cie) pour 1.224 actions, la France Estrellas et l'Union métropolitaine et d'outremer (devenue depuis Union métropolitaine de banque) pour 1.500 actions, la Société privée d'études, pour 605 actions, la Société privée d'escompte pour 1.085 actions, la banque Foulonneau et Pitavino pour 320 actions, M. Hypolite Worms pour 433 actions, M. Robert Labbé pour 1.061 actions, M. Desoubry pour 346 actions, etc.. ce qui était d'ailleurs un net progrès sur l'émission de 1946 où la banque Worms et Cie avait dû absorber plus de 230.000 titres.
Il nous reste à aborder maintenant les opérations réalisées par deux banques filiales de Worms et Cie : d'une part, la Société de financement, de participation et de gestion (ex-département bancaire, nous l'avons dit, de la société Marret Bonnin Lebel et Cie), et d'autre part, l'Union métropolitaine de banque, fusion de France-Estrellas avec l'Union métropolitaine et d'outremer.
L'augmentation de capital de la première portait, on l'a vu, sur l'émission de 51.000 actions de 2.750 F. Elle fut réalisée par 1.570 souscripteurs, parmi lesquels nous citerons : la banque Worms et Cie 15.285 actions, M. Worms et divers de ses associés ou directeurs : 840 actions ; la Société privée d'études 662 actions, MM. Foulonneau et Pitavino 748 actions, M. André Fauchier-Magnan, agent de change, parent de Worms 54 7 actions, M. Pierre Philippe à New York : 1.040 actions, la Mutuelle générale française 1.289 actions par sa branche vie et 514 actions par sa branche accidents, etc.
Quant à l'Union métropolitaine de banque l'opération portait sur 200 millions de francs, par l'émission d'actions de 100 francs.
Il y eut 899 souscripteurs dont la banque Worms et Cie pour 1.770.752 actions, la Société de financement, de participation et de gestion pour 154.366 actions, M. Hypolite Worms pour 4.500 actions, M. Robert Labbé pour 750 actions et M. Raymond Meynial pour 303 actions, les 69.329 actions restantes étant réparties entre les 894 autres souscripteurs.
Ajoutons en passant qu'à la fin de 1951 l'Union métropolitaine de banque s'est intéressée à la constitution de la Compagnie des travaux mécaniques au premier conseil de laquelle elle est représentée par M. Henri Denez, son directeur général.
Nous nous sommes un peu étendus sur ces chiffres pour attirer l'attention sur l'importance des capitaux qui paraissent avoir été mis personnellement en œuvre par la banque Worms et Cie puisque, dans une même période, elle souscrit parfois plusieurs centaines de millions de francs de titres qu'elle doit incontestablement libérer, la plupart de ces opérations n'étant pas précisées comme comportant une option de libération par espèces ou par compensation, et aussi celle que doit prendre, de ce fait, le portefeuille de la banque. Une fois de plus, nous sommes amenés à regretter la non publication des situations, au moins trimestrielles, de la banque Worms et Cie, car on y suivrait certainement avec beaucoup d'intérêt l'évolution des postes de participations, et du portefeuille titres, par exemple, et il est vraisemblable qu'on y trouverait des apaisements sur des questions que la trop grande discrétion de la banque n'est pas sans soulever parfois, comme nous le montrerons plus loin.
En dehors de ces opérations financières publiques, la banque Worms et Cie a procédé, en 1951, à un certain nombre d'autres, mais plus fermées, c'est-à-dire n'ayant pas fait appel à l'épargne publique.
Nous en citerons quelques-unes :
C'est, tout d'abord, l'augmentation du capital des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime de 50 millions à 100 millions, par incorporation directe au capital de 50 millions prélevés pour moitié sur la réserve spéciale de réévaluation et, pour l'autre moitié, sur la réserve générale, l'opération se réalisant ensuite par l'élévation de 5.000 à 10.000 F de chacune des dix mille actions composant le capital social.
La Société anonyme des ateliers et chantiers de la Seine-maritime a été constituée en juillet 1945 par la transformation en société particulière du "département" spécial de constructions navales de la maison Worms et Cie, ainsi que l'indiquait d'ailleurs l'article des statuts des ACSM relatif à l'objet de la société et qui était ainsi conçu :
« La Société a pour objet directement ou indirectement en France, dans les colonies, pays de protectorat ou sous mandat français et à l'étranger :
La reprise et l'exploitation de l'entreprise de construction et de réparation de navires que MM. Worms et Cie... possèdent au Trait (Seine-Inférieure), et à cet effet :
L'acquisition par voie d'apport ou autrement, la prise à bail, avec ou sans promesse de vente, du nom commercial des marchés en cours, de la clientèle et l'achalandage des Chantiers du Trait, de leur outillage non immeuble par destination et des objets de nature mobilière servant à l'exploitation, des stocks de matières premières et d'approvisionnement, des éléments immobiliers, constructions, maisons, ouvriers et gros outillage ;
la modernisation et le développement éventuel de ces chantiers du Trait, plus généralement, la construction et la réparation de navires, bateaux, pontons ou gabarres , en tous lieux que la société avisera et par tous moyens qu'elle jugera convenables, etc. »
Le capital était fixé à 10 millions de francs, en 10.000 actions de 1.000 F dont la majeure partie a été souscrite par Worms et Cie. Ce capital avait été porté en août 1949 de dix à cinquante millions par une première incorporation d'une somme de 40 millions prise sur la réserve spéciale de réévaluation et l'élévation du nominal des actions de 1.000 à 5.000 F.
Nous aurons l'occasion de revenir plus longuement sur l'histoire de ce "département" de la maison Worms et Cie, tant sous sa forme primitive, alors qu'il participait avant la guerre de 1939, à la constitution du Consortium national de constructions navales - derrière lequel se profilait l'ombre de la synarchie - que sous sa forme actuelle, et à examiner de près si les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime n'ont pas joué un rôle prépondérant dans la campagne politique et journalistique, menée aux deux époques, en faveur d'importantes subventions étatiques pour la construction navale ?
Par ailleurs, au début de 1951, la banque Worms et Cie a assuré l'augmentation du capital de 10 à 15 millions de sa filiale dite :
Société privée d'études
dont nous avons donné l'histoire antérieure dans notre n° de décembre 1949 et qui, fondée à l'origine sous les auspices des banques Seligman et Cie et Worms et Cie était passée depuis sous le contrôle plus direct de celle-ci.
La récente opération l'a nettement confirmé puisque sur les 5.000 actions nouvelles de 1.000 F à souscrire, la banque Worms et Cie en a souscrit 4.382 ; les autres titres ayant été répartis entre les dix autres souscripteurs suivants :
M. Raymond Bloch 266 ; M. Pierre Rosenstock 150 ; M. Roger Paringaux 83 ; M. Bernard Lacroix 69 ; M. Pierre de Villemejane 21 ; M. André Dalsace 12 ; M. Marcel Reybel 8 ; M. Alfred Reday 5 ; M. Gaston Pélissier 3 et Melle Alice Rousseau 1. Les plus importants de ces souscripteurs sont les administrateurs et les directeurs de la société.
Un peu plus tard, la banque Worms et Cie participa à la transformation en société en commandite par actions de la Société technique d'études industrielles et commerciales, fondée en novembre 1946 sous la forme à responsabilité limitée et dans laquelle on trouvait la famille de l'ancien directeur de Worms et Cie : Gabriel Le Roy Ladurie et M. Jacques Barnaud, ce dernier associé commanditaire pour un million de francs.
Le capital de la société, à l'origine de 40 millions fut, par la suite, porté en février 1949 à 100 millions, puis ramené à 90 millions, les représentants des nouveaux apports financiers étant devenus co-gérants.
De telle sorte que, au mois de mai dernier, la société à responsabilité avait comme associés-gérants : MM. Etienne Caudrelier, René Favre-Gilly, Léon Denivelle, Roger Meynial et Roger Mouton. Parmi les commanditaires, on trouvait encore M. Jacques Barnaud pour un million, M. Gilles Barnaud pour un million ; Mme veuve Le Roy Ladurie pour 300.000 F, M. René Lauret pour 750.000 F et M. Roger Paringaux pour 300.000 F etc. On le voit, les "éléments" Worms et Cie ne manquaient pas dans cette affaire.
La transformation de l'affaire en société en commandite par actions n'a modifié ni l'objet social, qui exclut toutefois les opérations se rattachant à la profession de banquier, ni le capital social de 90 millions, actuellement représenté par 9.000 actions de 10.000 francs devant rester obligatoirement nominatives et dont la cession à des tiers non déjà actionnaires est soumise à diverses restrictions.
Les anciens co-gérants de la société à responsabilité limitée sont devenus ceux de la société en commandite par actions, dont la raison sociale est de ce fait : "Caudrelier-Denivelle-Favre-Gilly-Meynial et Mouton".
Conformément aux prescriptions légales, il a été créé un conseil de surveillance de trois membres au moins pris parmi les associés et qui comprend actuellement, MM. Pierre Bazy, Richard Carlet de la Rozière, Jacques Chastenet, Robert Demenge, Jean Guichard, Paul Grégory, Paul Isnard le France, Oswen de Kérouartz, Henri Lonchambon, Baudoin de Moustier et René Rouille.
La société a une filiale au Maroc sous le titre de "Steic-Maroc" (Société technique d'études industrielles et commerciales) au Maroc.
Au début de 1951, la banque Worms et Cie participait à la constitution de :
l'Union de crédit pour le bâtiment
fondée par un groupe de grandes banques et d'entreprises de travaux, par acte du 13 février, dans le but de procéder à toutes opérations financières et de crédit ainsi que éventuellement toutes opérations commerciales susceptibles de faciliter et de développer la construction immobilière, notamment par l'attribution aux constructeurs de prêts, tant à moyen terme qu'à long terme et, en général, toutes opérations mobilières et immobilières s'y rattachant.
Le capital social était de 200 millions de francs en 20.000 actions de 10.000 F, souscrites en espèces et libérées de moitié. Ces actions sont exclusivement nominatives et leur cession, même entre actionnaires, est soumise à l'agrément du conseil.
La société est administrée par un conseil de 5 à 12 membres, élus pour 6 ans et possesseurs d'au moins 3 actions.
Le premier conseil d'administration, composé des représentants des groupes fondateurs, comprend :
M. André Bahuet, directeur de la Banque de l'union parisienne,
M. Jacques Fouchier, directeur de l'Union des banques pour l'acceptation et les financements extérieurs,
M. Jacques Fougerolles, entrepreneur de travaux publics
et particuliers, administrateur de la Caisse générale de
l'industrie et du bâtiment,
M. Henri de Guichen, directeur à la Banque de Paris et des Pays-Bas,
M. Robert Labbé, associé-gérant de Worms et Cie, M. Raymond Pabanel, entrepreneur,
M. Robert Pradeau, entrepreneur, administrateur du Sous-Comptoir des entrepreneurs,
M. Joseph Rougier, entrepreneur,
M. Paul de Thomasson, directeur de la Banque de l'Indochine,
et la Société mutuelle d'assurances de la chambre syndicale du bâtiment et des travaux publics.
Par ailleurs, on ne s'étonnera pas que, depuis ces années dernières, la banque Worms et Cie ait manifesté au Maroc une activité particulière. Nous aurons à y revenir en détail le moment venu.
Nous pensons cependant intéressant de signaler l'intervention, au tout début de 1951 - plus exactement même à la fin de 1950 - de Worms et Cie dans la création de la :
Société d'études pour l'aménagement du Haut Sébou
constituée à Fès, par acte du 5 décembre 1950, par M. Ernest Fernandez, président de la Chambre française de commerce et d'industrie en cette même ville, pour coordonner et éventuellement les continuer, les études relatives à la construction de barrages, à l'installation d'usines électriques, à l'irrigation, au transfert de l'eau destinée aux usages domestiques, etc. en vue de l'utilisation sous toutes leurs formes, des eaux provenant de l'Oued M'Dez, du Haut Sébou, des sources du Sébou et d'Aïn Timedrine, la passation de toutes conventions avec l'État marocain, les municipalités, les collectivités publiques ou privées, avec l'Énergie électrique du Maroc, en ce qui concerne la part des charges d'investissement correspondant à l'utilisation de l'eau pour la production, par celle-ci, de l'énergie électrique, etc.
Le siège social de la société est à Fès, place Lyautey, dans l'immeuble de la Chambre française de commerce et d'industrie.
Le capital est de 6 millions de francs, en 6.000 actions de 1.000 F à souscrire et à libérer intégralement en espèces, nominatives, leur cession étant soumise aux restrictions prévues par les statuts.
La société est administrée par un conseil de 6 membres, possesseurs de 3 actions et élus pour 6 ans. Le premier conseil est composé de :
MM. Robert Dubost, directeur des Services bancaires de Worms et Cie à Casablanca,
Ernest Fernandez, fondateur,
Alfred Gros, directeur de l'Énergie électrique du Maroc à Casablanca,
Si el Hadj Omar Sebti, industriel à Fès,
François Terrier, administrateur de sociétés à Casablanca et particulièrement de la Francolor,
et M. René Jean Zannetacci-Stephanopoli, directeur de la Banque nationale pour le commerce et l'industrie (Afrique) à Fès.
L'acte constitutif de la société a été publié au Bulletin officiel du Maroc du 19 janvier 1951.
Nous avons signalé précédemment que la trop grande discrétion de la banque Worms et Cie sur ses affaires n'était pas sans poser parfois certaines questions.
Tel il en a été l'an dernier !
En effet, une des affaires dans laquelle la banque Worms et Cie s'était antérieurement intéressée, a rencontré des difficultés financières qui l'ont amenée à déposer son bilan, et à solliciter le bénéfice de la liquidation judiciaire, ce qui lui a été accordé par jugement du tribunal de commerce de la Seine en date du 19 février 1951.
Il s'agit de la Société des machines automatiques Bardet.
Empressons-nous de préciser que l'épargne n'a pas été touchée par cette défaillance, la société ayant été une affaire familiale jusqu'au moment de l'intervention de la banque Worms et Cie, et étant restée, par la suite, une affaire "fermée".
On s'est, en effet, demandé comment Worms et Cie, en particulier, avait pu laisser gérer et administrer cette affaire, soutenue au cours de ces dernières années par de puissants groupes financiers et industriels, de telle sorte qu'elle en fut amenée à déposer son bilan.
La mise à l'écart ultérieure de M. Gérard Bardet exprimerait-elle le fait que c'est celui-ci qui en porte la responsabilité ?
Le caractère "fermé" de l'affaire et la "discrétion" de la banque Worms ne permettent pas d'avoir à cet égard des précisions certaines.
Nous nous bornerons donc à résumer les relations de la société avec la banque Worms et à essayer d'y trouver les éléments d'une conclusion logique.
La Société des machines automatiques Bardet était présidée et animée, au moment de son entrée en relations avec la banque Worms et Cie, par M. Gérard Bardet, fils du fondateur de l'affaire, et c'est certainement par l'intermédiaire de celui-ci que ces relations se sont établies.
Et là encore nous voici ramenés à la question synarchique.
Nous avons dit, dans nos fascicules spéciaux sur cette question, qu'un groupe synarchique s'était instauré à la banque Worms et Cie sous ce qu'on pourrait appeler la "façade" de Jacques Barnaud, mais sous la direction réelle de M. Gabriel Le Roy Ladurie que ses "associés" désignaient sous le qualificatif de "patron".
M. Gérard Bardet, de son côté, appartenait au groupe dit "Coutrot".
Ancien élève de l'École polytechnique de la promotion 1922, il fut le fondateur et le secrétaire du groupe X-Crise, devenu par la suite le Centre polytechnicien d'études économiques, dont Mme Christiane Bardet devint, par la suite, la secrétaire générale.
Il fut, en outre, l'un des signataires du Plan du 9 juillet (1934), puis conseiller du Centre d'études des problèmes humains (1937), du Groupe d'études de l'humanisme économique (1937), de l'Institut de psychologie appliquée (1938), toutes ces organisations fondées par M. Jean Coutrot, et notoirement considérées comme des centres de recrutement synarchique (voir particulièrement le rapport Chavin) reproduit dans notre n° d'août 1947.
Rappelons à ce sujet ce que nous écrivions dans ce même numéro et où nous disions que, depuis un certain temps déjà, l'étude du dossier de la synarchie nous avait amenés à nous demander si, de même que M. du Moulin de la Barthète avait révélé, dans son livre "Au Temps des illusions", que, dans le "groupe synarchique Worms", au-delà de M. Barnaud qui, publiquement, paraissait y jouer le premier rôle, il y avait un "patron" qui s'appelait M. Gabriel Le Roy Ladurie, de même nous nous demandions si dans le groupe synarchique Coutrot, il n'y avait pas aussi, derrière M. Coutrot, un autre "patron" s'appelant M. Gérard Bardet ?
Il n'apparaît pas - au moins publiquement - que M. Gérard Bardet avait eu des relations avec la banque Worms et Cie avant 1939.
Par contre, on l'y trouve en combinaison dès 1940 puisque c'est à cette date qu'il devient administrateur des Établissements Japy Frères que Worms et Cie avaient précisément réorganisés financièrement un peu avant la déclaration de guerre. Sa nomination a été ratifiée par l'assemblée générale du 30 mai 1941, sans qu'aucune explication ait été fournie à cet égard, mais il suffit de lire un peu attentivement le rapport du conseil d'administration soumis à cette même assemblée pour constater que M. Gérard Bardet avait été nommé administrateur en remplacement de M. Pierre Pucheu qui avait été appelé aux fonctions de secrétaire d'État à la Production industrielle, et qui appartenait précisément au "groupe synarchique Worms".
Il y avait là une singulière conjonction des deux groupes Coutrot-Bardet et Barnaud-Le Roy Ladurie.
Ces relations allaient s'affirmer davantage du fait même des hautes fonctions dont allait être, dès lors, investi M. Bardet précisément dans le domaine économique et social où les réformes de structure qu'on y appliquait s'inspiraient étrangement d'une part des conceptions de l'humanisme économique de M. Jean Coutrot, et, d'autre part, de certaines "propositions" du pacte synarchique.
M. Gérard Bardet devenait, en effet, de 1941 à 1944, secrétaire général du Conseil supérieur d'économie industrielle et commerciale, président du Conseil consultatif du centre d'information interprofessionnel, membre de la Commission d'études de l'organisation économique, membre du Comité d'études des petites et moyennes industries, membre du Comité d'organisation de la construction et du commerce des machines pour les industries textiles, graphiques, chimiques, les matières plastiques et l'alimentation, et même, en décembre 1943, au moment de la nomination de M. Bichelonne comme ministre du Travail, vice-président du Conseil supérieur du travail, suppléant, à ce titre, le secrétaire d'État au Travail dans certaines de ses attributions relatives à cet organisme.
D'autre part, M. Pierre Nicolle signale, dans son ouvrage "Cinquante Mois d'Armistice" que l'activité de M. Bardet dans ces fonctions n'était pas sans soulever diverses protestations en raison de certaines initiatives prises par M. Bardet et son ministre (M. Bichelonne) et ajoute même, à propos d'un projet de charte du travail entièrement différent des conclusions auxquelles s'était ralliée la Commission d'études : "le nouveau projet Bardet a été largement diffusé par les soins des membres du groupe synarchique" (tome I p. 325, tome II p. 346-375 et 376).
C'est à partir de cette époque - entrée de M. Gérard Bardet au conseil des Établissements Japy Frères que se sont révélées les relations de celui-ci avec la banque Worms ; elles se continueront même après la libération lorsqu'en mai 1945, la situation financière de la Société des machines automatiques Bardet, et ses nouveaux besoins de capitaux entraîneront une augmentation du capital de 3.900.000 F à 10 millions, par l'émission de 12.200 actions de 500 francs, la banque Worms et Cie souscrira 5.000 titres.
Par ailleurs, en juin 1944, M. Gérard Bardet s'était créé une affaire personnelle : la Société Gérard Bardet et Cie à responsabilité limitée, qui avait pour objet la recherche et la réalisation des mesures à prendre en vue : 1°- de mettre en oeuvre dans les entreprises les techniques, méthodes et moyens susceptibles de parfaire leur équipement et leur organisation, d'améliorer leur exploitation technique, administrative, financière et commerciale, développer leur champ d'action et étendre le marché de leurs produits.
Le capital était de 100.000 F fournis par M. Gérard Bardet (25.000 F) et par deux associés respectivement pour : M. Longy, ingénieur, 25.000 F, et pour M. Gabriel Ramon, ingénieur conseil, 50.000 F.
Au début de 1947, la société dut procéder à une augmentation de capital de 800.000 F sur lesquels Worms et Cie souscrivit 150.000 F.
Le titre devenait en même temps Société française d'équipement et de contrôle et quelques mois après, l'affaire était transformée en société anonyme dont la banque Worms et Cie devenait l'un des administrateurs (juillet 1947).
Mais le succès ne dut pas favoriser l'initiative de M. Gérard Bardet, car un an après la Société française d'équipement et de contrôle était absorbée par la Société des machines automatiques Bardet contre remise de 4.500 actions des MAB, de 500 F de nominal, mais étant considérées comme ayant une valeur financière de 1.000 F (octobre 1948).
Entre-temps, M. Gérard Bardet avait quitté le conseil d'administration des Établissements Japy Frères en 1945, et il y fut remplacé - sans davantage d'explications qu'au moment de sa nomination - par M. René Rouille que nous avons déjà trouvé à la Société technique d'études industrielles et commerciales, par ailleurs directeur général de la Société minière et électrique des Landes contrôlée par Worms et Cie.
Les relations financières entre M. Bardet et la banque Worms et Cie ne cessèrent pas de ce fait, on l'a vu plus haut pour quelques affaires.
Il en a été de même pour les Machines automatiques Bardet.
En effet, la banque Worms et Cie a continué à financer les besoins ultérieurs de capitaux de la société.
En septembre 1947, le capital des Machines automatiques Bardet était augmenté de 35 millions à 37.821.500 F dont 806.500 F émis en numéraire et souscrits à raison de 249 actions nouvelles de 500 F par M. Jean Bardet et 1.384 actions souscrites par M. Maurice Berthomier en raison de ses droits de souscription dans les deux augmentations de capital précédentes et que l'état de guerre ne lui avait pas permis de réaliser. Le complément de l'augmentation en cause, de 2.015.000 francs fut réalisé par l'incorporation d'une même somme prélevée sur la réserve de réévaluation.
L'assemblée de vérification fut tenue le 19 novembre sous la présidence de M. Gérard Bardet avec M. Abbat, représentant Worms et Cie, et M. Vautravers, représentant la Société continentale d'entreprises industrielles, comme scrutateurs.
Elle réunissait 74.648 actions sur les 75.643 composant le capital social, et, après avoir rendu définitive l'augmentation du capital de 35 millions à 37.821.100 francs, elle décidait de porter ce nouveau capital à 56.732.000 F à souscrire en numéraire ou par compensation.
Le rapport du conseil d'administration des MAB présenté à cette assemblée pour motiver ce nouvel appel de capitaux, s'exprimait en ces termes :
« Dans le rapport que nous vous avons soumis le 7 mai 1945, nous vous avions indiqué que le chiffre d'affaires de votre société était en voie de développement et devait notamment atteindre 20 millions au moins en machines à bois ; nous vous proposions pour faire face à l'accroissement de fonds de roulement qu'exigeait cet essor de porter le capital de 3.900.000 F à 10 millions. Au cours de l'assemblée réunie le même jour, vous aviez décidé le principe de cette émission qui a été réalisée depuis.
II apparaît aujourd'hui que nos prévisions ont été amplement dépassées par les faits. C'est ainsi que notre chiffre d'affaires en machines à bois atteint maintenant quelque 10 à 12 millions par mois, et que l'achèvement des études des machines automatiques que nous poursuivons depuis plusieurs années nous conduit d'escompter pour cette branche de notre activité un chiffre sensiblement égal sinon supérieur dès 1948.
Sans doute une partie de l'écart entre les prévisions faites il y a deux ans et les réalités telles que nous les percevons aujourd'hui est due à une baisse de la valeur de la monnaie qui se traduit par ailleurs au bilan par la réévaluation des immobilisations et par l'incorporation au capital social d'une somme de 27.015.000 francs prélevée sur cette réserve de réévaluation.
Il n'en résulte pas moins une activité réelle de la société qui est considérable et qui nous oblige à accentuer notre effort d'équipement.
Bien que nous nous soyons bornés à ce qui était strictement nécessaire pour assurer aux cellules de production les moyens de travailler sans a-coups, et dans les conditions de qualité et de rendement satisfaisantes, les dépenses effectuées dans ce but atteindront près de 85 millions depuis le début de 1945 jusqu'à l'achèvement du plan d'équipement de 1947.
Une partie de ces dépenses, égale à 25 millions, a été couverte par les crédits à moyen terme obtenus d'une part, avec le concours du Crédit national, et d'autre part, avec le concours de la Caisse nationale des marchés de l'État(4) dans le cadre du crédit collectif de rééquipement des constructeurs français de machines-outils.
Il reste à la charge de notre trésorerie une somme d'environ soixante millions. Dans ces conditions, il nous est apparu indispensable d'augmenter à nouveau le capital de notre société, et nous vous proposons de porter ce capital de son chiffre actuel de 37.821.000 F à 56.732.000 F par l'émission de 37.821 actions nouvelles, du nominal de 500 F émises au pair et à libérer soit en espèces, soit par compensation avec des créances certaines liquides et exigibles sur la société. »
Cette opération fut réalisée avec le concours de nouveaux groupes financiers : la banque Rothschild Frères, le groupe électrique suisse Barth dont l'une des filiales françaises, la Société centrale pour l'industrie (précédemment Société centrale pour l'industrie électrique) intervint directement, ainsi que la Société continentale d'entreprises industrielles liée de son côté à la Société industrielle d'énergie électrique.
Les apports financiers respectifs de ces groupes s'élevèrent à :
la Société continentale |
2.856.500 F (5.673 actions) |
la Société centrale pour l'industrie |
1.702.000 F (3.404 actions) |
la Banque Rothschild Frères |
1.135.000 F (2.270 actions) |
auxquels s'ajouta une nouvelle participation de Worms et Cie
s'élevant à |
1.531.000 F (3.062 actions) |
Bien entendu, les représentants de ces nouveaux commanditaires entrèrent alors au conseil d'administration des Machines automatiques Bardet qui comprit :
M. Gérard Bardet, président, et
M. Pierre Abbat, directeur des Chantiers navals du Trait, représentant Worms et Cie,
M. Edmond Barth, représentant la Société centrale pour l'industrie.
M. Jean Vautravers, représentant la Société continentale d'entreprises industrielles,
M. le général Mendras, de la Société centrale,
M. Jean Matter, par ailleurs administrateur de sociétés, où les Rothschild ont des intérêts importants.
M. François Ollive, maître des requêtes au Conseil d'État,
M. Jean Vignal, ingénieur général des Mines, et Robert Vignal.
L'année suivante, la Société des machines automatiques Bardet absorbait, comme nous l'avons dit plus haut, la Société française d'équipement et de contrôle, dont l'objet social était intégré à celui des MAB et le capital des MAB fut porté à 58.982.000 F, les apports SFEC ayant été rémunérés par 4.500 actions de 500 F des MAB.
L'assemblée générale du 4 janvier 1948 des Machines automatiques Bardet qui entérina définitivement cette absorption décida, en outre, que le capital social serait porté de : 58.982.000 F à 147.455.000 F par l'émission de 88.473 actions nouvelles, mais de 1.000 F de nominal, à libérer soit en espèces, soit par compensation.
Sur ces 88.473 actions nouvelles émises en avril 1949, 44.301.867 furent libérées par compensation par des membres de la famille Bardet, dont 27.630 par M. Jean Bardet et 570 par M. Gérard Bardet, et 44.173.133 ont été libérées en espèces, particulièrement par :
Worms et Cie |
10.308 actions, soit 10.308.000 |
la Société continentale d'entreprises industrielles |
32.019 actions, soit 32.019.000 |
la Société centrale pour l'industrie |
2.655 actions, soit 2.655.000 |
la Banque Rothschild Frères |
2.655 actions, soit 2.655.000 |
la Société mobilière et immobilière à Casablanca |
2.625 actions, soit 2.625.000 |
et la Société anonyme Tarex à Genève |
3.750 actions, soit 3.750.000 |
En même temps, le conseil d'administration avait appelé à siéger M. Jean Bardet, fondateur de l'affaire, que son état de santé avait tenu éloigné pendant plusieurs années, et M. Alexis Baldous, autre représentant du groupe de la Société centrale pour l'industrie et vraisemblablement au titre de la société Tarex.
Et l'assemblée de vérification du 11 mai 1949 décida de porter le nouveau capital à 250.673.000 F par incorporation d'une somme de 103.218.000 F prélevée sur la réserve de réévaluation, et réalisée par la création de 103.218 actions nouvelles de 1.000 F remises aux actionnaires, en même temps que le groupement des anciennes actions de 500 F en actions de 1.000 F.
Cette décision était extrêmement importante... et révélatrice de la situation exacte de la société puisqu'elle consistait, en fait, à remettre entre les commanditaires espèces des dernières années, le bénéfice des réévaluations de l'actif constitué antérieurement à leur intervention, ce qui, au fond, était logique, puisque, en réalité, l'affaire n'avait pu subsister que grâce à leur concours.
Mais elle n'améliorait pas la situation financière de la société d'une manière profonde. Ce n'était là qu'un palliatif et il eût été nécessaire qu'une transformation fondamentale de la gestion et de l'administration de la société l'accompagnât.
Ce qui est indiscutable c'est que, moins de deux ans plus tard, et malgré les quarante quatre millions espèces fournis par l'augmentation de capital d'avril 1949, la Société des machines automatiques Bardet était amenée à déposer son bilan et à solliciter le bénéfice de la liquidation judiciaire.
Quelle était alors sa situation ?
Très simple : le passif s'élevait à 1.394.420.329 F (un milliard trois cent quatre vingt quatorze mille francs) avec un actif de même somme, ce qui veut dire clairement que les capitaux intégrés dans l'affaire sont perdus.
Et c'est là l'un des points qui nous intéressent particulièrement en tant que historien de la banque Worms et Cie.
Mais le cas des Machines automatiques Bardet comporte un enseignement très particulier ; c'est la constatation formelle de l'irréalisme des conceptions économiques de ces techniciens-technocrates auxquels appartient M. Gérard Bardet qui prétendent, depuis près d'un quart de siècle, rénover les conceptions économiques et sociales du monde, plier les faits à leurs théories et conduire les destinées des peuples.
Quelles que soient, en effet, les causes de la défaillance de la Société des machines automatiques Bardet, on ne saurait ni l'admettre ni l'excuser.
M. Gérard Bardet se veut un professeur "d'organisation" plus ou moins scientifique du travail, d'"administration" basée sur des techniques modernes et prétendant - voir l'objet social de la Société Gérard Bardet et Cie - apprendre aux autres entreprises "les moyens de parfaire leur équipement et leur organisation d'améliorer leur exploitation technique, administrative, financière et commerciale", et il n'a même pas été capable d'empêcher la défaillance de son affaire familiale.
Nos vieux administrateurs français - qui ont fait la richesse économique de la France - n'avaient pas tant de prétentions. On a pu leur reprocher, nous l'avons fait, et nous n'avons rien à retirer de ce que nous avons écrit, leur politique peu aventureuse, leurs conceptions trop étroites, leur mesquinerie financière, mais au moins cela avait-il comme contrepartie la certitude que leurs affaires passeraient, sans trop de dommages, les périodes critiques.
Tandis que nos modernes techniciens-technocrates, trop imbus de leur infaillibilité, ne peuvent paraître réussir dans leurs nouvelles conceptions que s'ils disposent de concours financiers perpétuels, susceptibles de couvrir leurs erreurs et leurs fautes, pour ne pas dire leur ignorance.
On en trouverait un exemple plus élevé dans le cas de M. Jean Monnet, dictateur occulte actuel de la France, qui, entre les deux guerres n'a pas su, lui non plus, éviter les débâcles des affaires financières dont il était un des animateurs et particulièrement celui du groupe Blair en 1929, de la Monnet-Murmane Ltd en 1936 et dont le plan quinquennal de rééquipement et de modernisation a été loin de donner les résultats que son créateur envisageait, même après les modifications profondes qui lui ont été apportées successivement par la suite.
Ce qui n'empêche pas d'ailleurs les thuriféraires plus ou moins désintéressés de M. Jean Monnet de prétendre que son plan de rééquipement a "enrichi la France", et qu'il faut adopter et mettre en œuvre immédiatement son "plan n°2" qui, lui, "enrichira les Français" - en oubliant tout simplement que la base de ce nouveau plan repose sur une politique de restrictions et de rationnement(5).
De même pour M. Gérard Bardet qui, à la suite de la défaillance des Machines automatiques Bardet, avait été remplacé comme président du conseil d'administration directeur général par M. Mosny, associé du cabinet de jurisconsultes en droit international et d'études financières Streichenberger et Cie, dont le contrôle appartient aux banques Worms et Cie et de Rothschild, ce qui semble indiquer que ces deux banques continuent à s'intéresser à l'affaire.
Presque au lendemain de cette mise à l'écart M. Gérard Bardet constituait, avec huit de ses amis, qualifiés eux aussi de techniciens, une nouvelle société à responsabilité limitée dite "Automatisme et Technique" ayant pour objet "l'étude et la création d'appareils, matériels et dispositifs automatiques" dont il était co-gérant avec M. Antoine Béranger, au capital d'un million de francs sur lequel M. Bardet avait apporté : 310.000 F et M. Béranger 180.000 F. Parmi les autres associés on trouvait M. Jean Paul Dubois, "technicien", à Paris pour 110.000 F et M. Hugues Rigaudy, autre "technicien" pour 190.000 F.
Cela ne présente d'ailleurs du point de vue de cet article que peu d'intérêt puisque la banque Worms et Cie n'a pas participé à cette création.
De cette longue étude - et dans laquelle nous avons dû nous limiter pour n'être pas entraîné trop loin - il ressort diverses constatations et même quelques enseignements.
A ce dernier point de vue, nous avons déjà commenté celui que l'on peut tirer des prétentions technico-technocrates de certains milieux surtout polytechniciens.
Dans un cadre plus modeste - celui de la banque Worms et Cie - nous pouvons en tirer un autre.
Commençons par la constatation : il est incontestable que, depuis la Libération, le département bancaire Worms et Cie a pris une envergure particulièrement considérable qu'il a manifestée tant dans l'extension des branches de l'activité économique, industrielle et commerciale auxquelles il s'est intéressé que dans l'importance financière de ces opérations.
De telle sorte que, à l'heure actuelle, on peut se demander si la banque Worms et Cie n'a pas déjà dépassé les possibilités normales d'une banque privée (nous insistons sur ce caractère) et peut-être de ce point de vue, la défaillance de la Société des machines automatiques Bardet est-elle un avertissement !
Il est non moins incontestable, en effet, que l'actif et le passif de cette société se balançant - au mieux - les actionnaires n'ont rien à attendre ; d'où il ressort que, en principe tout au moins, les 14 millions et demi, mis par Worms et Cie dans ce groupe depuis 1945 sont perdus - sous réserve, bien entendu, de savoir si les opérations effectuées avec ou par l'intermédiaire des Machines automatiques Bardet ont eu des résultats suffisamment avantageux pour compenser cette perte.
N'est-il pas à craindre que d'autres défaillances ne se manifestent dans le groupe Worms ?
Nous le répétons, la "discrétion" de Worms et Cie en ce qui concerne ses affaires et ses bilans ne nous permettent d'avoir des certitudes à cet égard.
Mais des précédents ont montré que nos avertissements n'étaient pas toujours mal fondés.
Ne serait-ce que celui de M. Ivar Kreuger.
M. Ivar Kreuger ne fut pas, en effet, l'escroc, comme l'en accusèrent, au lendemain de sa mort, ses thuriféraires de la veille. Il fut un grand homme d'affaires, un grand financier, mais qui, peut-être par sa jeunesse, crut une fois de plus, "découvrir l'Amérique", c'est-à-dire crut inventer des méthodes d'affaires, des procédés financiers inutilisés à son époque, mais dont il ignorait que l'abandon reposait précisément sur la constatation que ces méthodes et procédés utilisés presque cinquante ans auparavant, s'étaient avérés particulièrement dangereux, parce que, s'ils pouvaient paraître fort avantageux en période de prospérité, il arrivait souvent qu'ils laissassent leurs affaires sans défense devant une crise économique ou financière un peu sérieuse(6).
Et il est incontestable que M. Ivar Kreuger n'eut peut-être pas sombré aussi aisément s'il avait entendu les avertissements que quinze mois avant sa mort nous avions donnés dans ces colonnes.
Nous entendons bien qu'on nous objectera que les circonstances sont assez différentes et que nous avons révélé, nous-mêmes, que des influences occultes n'avaient pas été étrangères à la débâcle et à la mort de M. Kreuger.
Nous ne l'ignorons pas. Nous savons fort bien que la grande réussite de Worms et Cie peut être considérée au moins en partie, comme la manifestation de la sympathie de certaines de ces influences, alors que la fin de M. Kreuger a été la signification d'une puissante opposition.
Mais rien n'indique que, demain, une autre opposition ne sera pas plus forte.
De même, il est incontestable que M. Hypolite Worms a été le véritable animateur du développement de sa maison. Mais M. Worms est déjà d'un certain âge, puisqu'il est né à Paris le 26 mai 1889, et alors, nous revient en mémoire, ce qu'écrivait en 1925, un collaborateur de l'important Bulletin quotidien de la Société d'études et d'informations économiques (de Paris) précisément à l'égard de M. Ivar Kreuger, en tant qu'animateur du grand trust industriel et financier suédois.
Estimant que le rôle primordial de M. Ivar Kreuger, était à la fois "la force et la faiblesse du Trust", cet écrivain ajoutait :
« Ses progrès (au trust suédois) sont dus à l'intelligence d'un homme, sa bonne marche reste subordonnée à son activité. C'est un organisme que son ampleur même rend quelque peu artificiel et qui ne survivrait sans doute pas à la disparition, ou même à une défaillance du puissant esprit que l'a créé.(7) »
Nous ne sommes certes pas aussi pessimistes à l'égard du groupe Worms, mais nous pouvons nous demander tout de même si "l'esprit" de cette inquiétude ne pourrait pas s'y appliquer.
D'autant plus que, à tort ou à raison, nous considérons le fait pour la banque Worms d'être une banque privée - et malgré ses puissantes relations françaises et étrangères - comme une cause éventuelle de difficultés particulières pour trouver rapidement les moyens utiles de surmonter soit une crise économique ou financière grave, soit peut-être la disparition de certains de ses animateurs.
Nous n'ignorons rien de la valeur des associés et des dirigeants de la banque Worms et Cie : mais, une fois encore, l'exemple Kreuger n'est pas encourageant. L'oligarque suédois avait, lui aussi, des collaborateurs de valeur. Sa disparition n'en a pas moins frappé lourdement l'épargne française, puisque, aussi bien, c'est cette question qui nous intéresse au premier chef.
Rappelons-le, en effet, le point de départ de cette longue étude repose sur les importants appels de capitaux que les affaires du groupe Worms ont faits l'année dernière dans l'épargne publique.
Nous nous préoccuperions beaucoup moins de la banque Worms et Cie si elle ne s'occupait que d'affaires privées ou "fermées". Quels qu'en soient les résultats bénéficiaires ou non, peu nous importerait, sous la réserve, bien entendu, que même en restant banque privée, la banque Worms et Cie ou ses animateurs ne veuillent point intervenir dans les affaires publiques, financières, commerciales ou politiques.
Mais, pour le moment, c'est la question "épargne publique" qui domine le débat.
Et nous pensons que le moment est venu où la banque Worms et Cie se doit de comprendre qu'une limite de bon aloi s'impose à son activité.
Nous ne voudrions pas prendre date : nous noterons cependant que nous écrivons ceci en janvier 1952.
Roger Mennevée
P.S. - Comme modifications internes, nous avons trouvé en juin 1951 la nomination, en qualité de fondé de pouvoirs de premier rang de M. André Cherix, et celles comme fondés de pouvoirs de deuxième rang de M. Pierre Dunoyer de Ségonzac et de M. René Rambeau.
Confirmant nos prévisions sur les Machines automatiques Bardet, une assemblée générale extraordinaire est convoquée pour le 9 février pour une réorganisation financière de l'affaire, qui comporte la suppression du capital actuel (les actions seront remplacées par des parts) ce qui marque bien que ce capital est perdu.
Un nouveau capital de 450 millions serait fixé en 45.000 actions nouvelles de 10.000 F de numéraire, dont la souscription au pair serait réservée aux créanciers en compensation de leurs créances.
Une question se pose tout de suite : mais alors avec quel fonds de roulement la société fonctionnera-t-elle ?
De tout cela, il semble bien ressortir que la défaillance des MAB est due à des erreurs de gestion ; le remplacement antérieur de M. Gérard Bardet comme président directeur général paraît le confirmer, et l'annulation des anciennes actions pourrait bien avoir comme cause principale l'intention des nouveaux dirigeants d'empêcher M. Bardet de rentrer un jour dans la société grâce aux actions possédées par sa famille.
R. M.
(1) Voir notre n° d'octobre 1948 "L'Activité synarchique de M. Coutrot" (tome II - un n° 250 F).
(2) II n'est certainement pas sans intérêt de rappeler la rivalité qui opposait dès 1932, certains milieux socialistes à M. Pierre Nicolle et au Comité de salut économique, et particulièrement celle de M. Robert Lacoste, alors rédacteur en chef de La Tribune des fonctionnaires et qui depuis...
(3) Worms et Cie n'est, d'ailleurs pas la seule grande banque qui se refuse à se soumettre à la loi de juin 1941. Alors que les grandes banques protestantes : Heine, Vernes, Hottinguer, Neuflize Schlumberger, etc., n'hésitent pas à publier leurs situations trimestrielles, ni la banque Rothschild Frères, ni la banque Lazard Frères n'ont jamais - et pas plus que Worms et Cie - publié quoi que ce soit au BuIletin des annonces légales obligatoires, comme le prescrit la loi du 14 juin 1941. Aussi constate-t-on devant une telle tolérance, de l'administration fiscale compétente, la diminution de plus en plus grande des banques qui se soumettent aux prescriptions de la loi de juin 1941.
(4) Signalons en passant que la Caisse nationale des marchés de l'État est dirigée par M. Jacques Branger qui appartint lui aussi au "groupe Coutrot" ; signataire du Plan du 9 juillet 1954, il était membre du Comité du centre polytechnicien d'études économiques, conseiller du Groupe d'études de l'humanisme économique et du Centre d'études des problèmes humains, et lorsque, en novembre 1936, MM. Léon Blum et Ch. Spinasse confièrent la réorganisation économique de la France à M. Jean Coutrot sous la façade du Centre national d'organisation scientifique du travail, M. Jacques Branger fut appelé comme l'un des membres du bureau technique permanent de ce centre (voir notre fascicule d'octobre 1948 sur les dessous de cette création).
(5) Par contre dans son éditorial de son n° du 2 août 1951 au soir, l'Information constatait que l'accroissement national dont il était fait état dans le rapport du commissariat au Plan Monnet n'a pas empêché, pendant les quatre dernières années une hausse vertigineuse des prix, portant une profonde dépréciation du franc, et posait à M. Jean Monnet cette question :
Quelle est donc la cause de ce malaise grandissant, qui offre un contraste si flagrant avec l'apparence de prospérité dont s'enorgueillit le commissariat au plan ?
L'Agence économique et financière (de Paris) répondait, dans ses feuilles du lendemain 3 août, à cette question en ces termes :
La cause de ce contraste semble parfaitement claire... elle est double : d'une part, on a dépensé depuis 1946, des centaines de milliards pour des investissements à objectifs éloignés, sans se préoccuper de remédier dans l'immédiat aux pénuries de biens de consommation, génératrice de renchérissements sans précédent ; d'autre part, on a financé ces dépenses astronomiques soit par des ressources directement inflationnistes, soit par des superimpôts qui le sont indirectement, et l'on a ainsi démoli, avec le crédit public, la monnaie. De sorte qu'aux raisons économiques de la hausse, que l'on a négligé de combattre en temps utile, on a ajouté des causes monétaires qui ont précipité la chute de la valeur du franc. Il serait inconcevable que la leçon de cette expérience, plus que décevante, fût perdue."
Et pourtant elle l'a été !
M. Monnet a été l'inspirateur du "pool charbon acier", en s'en dissimulant d'ailleurs, à l'origine, derrière la personnalité de M. Robert Schuman - qui, dans ses conséquences économiques aura des résultats encore plus catastrophiques et dont les répercussions politiques seront encore plus graves, et il a été désigné comme représentant de la France au Conseil des sages.
Bien entendu d'aucuns prétendront encore que nous avons la "maladie" des "Forces secrètes qui mènent le monde" !
(6) Voir dans Les Documents de février 1931, nos commentaires des méthodes de M. Ivar Kreuger.
(7) Bulletin de la Société d'études et d'informations économiques, 19 mai 1925.