1918.07.11.De Worms et Cie Marseille
Worms & Cie
28, rue Grignan
Marseille, 11 juillet 1918
Cher M. Worms,
Comme je vous l'ai dit ce matin au téléphone, M. Prouvost m'a prié de revoir M. Savon au sujet de ses terrains, et je sors de chez lui.
Vous savez que j'avais pris comme base l'échange mètre pour mètre des terrains en bordure de l'étang, et de 2 mètres de terrain de bordure pour 3 mètres de terrain en arrière.
M. Savon qui avait, en principe, accepté l'éventualité d'un échange, avait renvoyé à plus tard - pour y réfléchir - la question de proportion.
Ma visite d'aujourd'hui avait donc pour but de lui demander s'il avait décidé quelque chose, car sachant qu'il allait s'absenter très prochainement pour prendre ses vacances, je désirais connaître ses idées.
Il m'a reçu très aimablement, mais il m'a dit que ses terrains, en pente douce, lui paraissaient mieux situés que ceux de la Gafette, beaucoup plus abrupts, et qu'il n'avait aucun désir de changer sa situation.
Néanmoins, pour ne pas se montrer intransigeant à des conversations avec notre groupe par mon intermédiaire, il examinerait les propositions écrites qui lui seraient faites et qu'il soumettrait ensuite a son conseil ; mais qu'il ne fallait pas compter avoir de réponse avant qu'il ait pris largement le temps de la réflexion.
Il a ajouté qu'avant toute chose, il tenait à déclarer qu'il ne pouvait être question que d'échanger mètre pour mètre. Encore, se réserverait-il de faire examiner si les terrains de la Gafette ne nécessiteraient pas des terrassements qui pourraient alors ramener leur valeur d'échange à une valeur inférieure à celle de ses propres terrains du Labillon.
J'ai répondu à M. Savon que ses prétentions équivaudraient à un refus de sa part de continuer les pourparlers.
Il m'a alors réitéré que son plus grand désir serait évidemment de ne rien changer à sa situation. Il compare son achat de terrains à l'achat de valeurs à lots dont il aurait choisi les numéros, et qu'il aurait scrupule à échanger, pensant que peut-être ces numéros ont des chances de sortir.
Il prétend que leurs projets d'utilisation de leur concession de la Gafette ne leur rend pas nécessaire la possession de terrains en arrière.
Je lui ai bien fait ressortir que ses terrains du Labillon qui, eux, se trouvent à l'arrière de notre concession à nous, me paraissent encore plus mal placés, et leur revente qu'il escompte à gros prix pourrait être concurrencée par la revente de mes propres terrains de Pouane, puisque du moment que les terrains ne sont pas en bordure de l'eau et que les industries sont obligées de recevoir leurs marchandises par wagon, 1 kilomètre de plus ou de moins ne compte plus.
Sans vouloir faire le compte de M. Savon, j'ai ajouté que je ne pouvais cependant pas admettre qu'il puisse sérieusement soutenir que les terrains Kuhlmann de la Gafette n'aient pas une valeur supérieure aux siens.
Ne pensez-vous pas, lui ai-je dit, que vous pourriez offrir au gouvernement suisse une installation de premier ordre si, à l'arrière de votre concession, vous lui offriez les silos qu'il exige pour emmagasiner ses grains ?
Il m'a répondu : toute notre concession de la Gafette a déjà son utilisation prévue, et c'est sur une nouvelle concession sur le Labillon, après vos 700 mètres, là où se trouvent les terrains des Grands Travaux à côté des miens, que nous envisagerions les manutentions du gouvernement suisse.
J'ai dit à M. Savon que j'avais trop de déférence pour lui dire que son attitude équivalait à un refus d'entente de sa part, que je transmettrai notre conversation à mes amis, mais que puisqu'il part demain pour Paris et que delà il doit aller à Vichy, je n'aurais probablement plus le plaisir de le voir avant son retour des vacances.
Il m'a répondu que de Paris il reviendrait passer quelques jours à Marseille, et qu'il pensait au contraire que nous aurions l'occasion de nous rencontrer à nouveau.
J'ai l'impression qu'il veut faire attendre pour tâcher de tirer le meilleur parti possible de la situation, mais il n'est peut-être pas irréductible.
Croyez, Cher M. Worms, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs et les plus dévoués.
[Signature illisible]